T 0153/85 (Autre jeu de revendications) of 11.12.1986

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1986:T015385.19861211
Date de la décision : 11 Décembre 1986
Numéro de l'affaire : T 0153/85
Numéro de la demande : 81107193.5
Classe de la CIB : C08G 75/23
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : AMOCO Corporation
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : 1. Si un requérant désire que la question de l'admissibilité d'autres jeux de revendications soit examinée durant la procédure de recours, il doit normalement produire ces autres jeux de revendications avec le mémoire exposant les motifs du recours ou le plus tôt possible après.
2. Lorsqu'elle statue sur un recours durant une procédure orale, une chambre de recours peut refuser de prendre en compte d'autres jeux de revendications qui ont été produits tardivement, par exemple pendant la procédure orale, si ces autres revendications ne sont pas clairement admissibles.
3. Pour l'appréciation de la nouveauté, l'exposé d'un document antérieur doit être considéré isolément. C'est seulement le contenu effectif d'un document (tel qu'un homme du métier le comprend) qui peut par lui-même faire obstacle à la nouveauté
4. Une antériorité peut, lorsqu'on l'interprète correctement (c'est-à-dire lorsque l'on détermine sa signification pour l'homme du métier), intégrer dans son exposé tout ou partie d'une seconde antériorité, si elle fait explicitement référence à cette seconde antériorité.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 108
European Patent Convention 1973 Art 110
European Patent Convention 1973 Art 111
Mot-clé : Autre jeu de revendications produit pour la première fois à titre de requête prinicpale lors de la procédure orale
Détournement de procédure
Requête principale rejetée, car présentée tardivement et n'étant pas clairement admissible
Nouveauté
Interprétation d'une antériorité unique à la lumière d'un document auquel elle fait référence
Confirmation du principe selon lequel une antériorité doit être isolément.
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0047/86
T 0053/87
T 0322/87
T 0051/88
T 0055/88
T 0483/88
T 0516/88
T 0630/88
T 0038/89
T 0160/89
T 0331/89
T 0334/89
T 0543/89
T 0632/89
T 0770/89
T 0051/90
T 0251/90
T 0614/90
T 0626/90
T 0693/90
T 0755/90
T 0025/91
T 0033/91
T 0048/91
T 0369/91
T 0452/91
T 0506/91
T 0942/91
T 0951/91
T 0955/91
T 0146/92
T 0148/92
T 0234/92
T 0304/92
T 0422/92
T 0631/92
T 0772/92
T 0831/92
T 0026/93
T 0092/93
T 0206/93
T 0371/93
T 0655/93
T 0708/93
T 0825/93
T 0866/93
T 1045/93
T 0442/94
T 0541/94
T 0575/94
T 0617/94
T 0680/94
T 0681/94
T 0794/94
T 0888/94
T 0900/94
T 0007/95
T 0177/95
T 0231/95
T 0267/95
T 0312/95
T 0399/95
T 0446/95
T 0463/95
T 0468/95
T 0483/95
T 0490/95
T 0516/95
T 0568/95
T 0610/95
T 0660/95
T 0845/95
T 0937/95
T 0995/95
T 0036/96
T 0074/96
T 0098/96
T 0191/96
T 0210/96
T 0295/96
T 0463/96
T 0489/96
T 0570/96
T 0645/96
T 1032/96
T 0202/97
T 0685/97
T 0815/97
T 1015/97
T 1071/97
T 1126/97
T 1153/97
T 1185/97
T 0047/98
T 0279/98
T 0345/98
T 0438/98
T 0456/98
T 0543/98
T 0670/98
T 0725/98
T 0791/98
T 0840/98
T 0929/98
T 0937/98
T 1105/98
T 1114/98
T 1153/98
T 0024/99
T 0118/99
T 0265/99
T 0482/99
T 0634/99
T 0690/99
T 0813/99
T 0842/99
T 0068/00
T 0139/00
T 0408/00
T 0771/00
T 1020/00
T 1042/00
T 0002/01
T 0035/01
T 0589/01
T 0051/02
T 0077/02
T 0121/02
T 0504/02
T 0611/02
T 0684/02
T 1213/02
T 0006/03
T 0025/03
T 0227/03
T 0235/03
T 0455/03
T 0491/03
T 0610/03
T 0651/03
T 0668/03
T 0780/03
T 0818/03
T 0869/03
T 0278/04
T 0448/04
T 0500/04
T 0555/04
T 0769/04
T 0792/04
T 1018/04
T 0081/05
T 0087/05
T 0101/05
T 0148/05
T 0173/05
T 0214/05
T 0221/05
T 0382/05
T 0424/05
T 0487/05
T 0596/05
T 0708/05
T 0736/05
T 1385/05
T 1443/05
T 0008/06
T 0020/06
T 0074/06
T 0180/06
T 0236/06
T 0563/06
T 0641/06
T 1351/06
T 1536/06
T 0066/07
T 0411/07
T 0519/07
T 0574/07
T 0824/07
T 0875/07
T 1397/07
T 1685/07
T 1715/07
T 0334/08
T 0337/08
T 0592/08
T 0615/08
T 1239/08
T 2290/08
T 0070/09
T 0176/09
T 0305/09
T 0867/09
T 0868/09
T 2043/09
T 2112/09
T 0220/10
T 0456/10
T 1014/10
T 2420/10
T 0078/11
T 0214/11
T 0966/11
T 1572/11
T 1576/11
T 2644/11
T 0138/12
T 0438/12
T 0493/12
T 1674/12
T 0664/13
T 1376/13
T 0038/15
T 2570/16
T 2671/19
T 0506/20

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 81 107 193.5, déposée le 11 septembre 1981, qui revendiquait la priorité d'une demande antérieure déposée aux Etats-Unis le 12 septembre 1980, et qui a été publiée sous le numéro 47999, a été rejetée le 22 janvier 1985 par décision de la Division d'examen.

II. La demande a été rejetée au motif que l'objet de la revendication 1 n'était pas nouveau par rapport au contenu du document EP-A1-8894 (document (1)).

La demande en question comportait cinq revendications, dont la première s'énonce comme suit :

"Polymère thermoplastique amorphe comportant des unités de formule :

(FORMULA)

et

(i)

(FORMULA)

(II)

dans laquelle les groupes R sont, indépendamment les uns des autres, un atome d'hydrogène, un groupe alcoyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone ou un groupe cycloalcoyle ayant de 4 à 8 atomes de carbone, les indices a sont, indépendamment les uns des autres, des entiers de 0 à 4 et les indices n, indépendamment les uns des autres, des entiers de 1 à 3 ; lesdites unités (i) et (II) étant reliées les unes aux autres par une liaison oxygène, le rapport entre les unités (i) et (II) étant compris entre 55:44 et 95:5".

III. Dans la décision, il a été affirmé que le document (1) divulgue des polyaryléthersulfones qui se prêtent à une sulfonation ultérieure et qui comprennent des unités récurrentes A et B répondant aux formules suivantes :

(a)

(FORMULA)

(b)

(FORMULA)

Une simple conversion des rapports molaires (a):(b) en rapports (i):(II), dans lesquels (i) et (II) sont les unités récurrentes des polymères selon la demande, montre que le document (1) décrit non seulement un polymère ayant les unités récurrentes les plus simples des polymères revendiqués, mais aussi cinq rapports molaires spécifiques répartis sur toute la plage revendiquée.

Les auteurs de la décision prétendaient en outre que, bien que n'ayant pas mentionné les propriétés thermoplastiques et amorphes des polymères, le document (1) se référait à un procédé de préparation décrit dans le document CA-A-847963 (document (7)), qui était le même que celui décrit dans la demande. Ils en concluaient donc que les produits connus décrits dans le document (1) devaient être de nature pratiquement identique à celle des polymères revendiqués, c'est-à-dire que les propriétés thermoplastiques et amorphes ne pouvaient être considérées comme constituant une caractéristique distinctive.

Les auteurs de la décision affirmaient en conclusion que, après examen de l'ensemble du contenu technique de la demande, il ne leur semblait pas qu'une quelconque modification des revendications puisse rendre brevetable l'objet de cette demande.

IV. Le 22 mars 1985, la requérante a formé un recours à l'encontre de la décision de rejet de la demande, et acquitté la taxe de recours.

Dans l'acte de recours, elle demandait que la décision rendue par la première instance soit annulée en totalité, et qu'un brevet soit délivré sur la base des revendications telles qu'elles figuraient alors dans le dossier ; elle sollicitait la tenue d'une procédure orale pour le cas où elle ne pourrait obtenir satisfaction.

Le 28 mai 1985, elle a déposé un mémoire exposant les motifs du recours, avec une requête visant à faire prendre en compte deux nouveaux jeux de revendications. Le premier jeu de revendications concernait un "polymère thermoplastique amorphe" et correspondait aux revendications visées dans la décision de la première instance, à ceci près que dans la revendication 1 les cinq rapports molaires spécifiques divulgués dans le document (1) étaient expressément exclus et faisaient donc l'objet d'un disclaimer. Le second jeu de revendications, produit à titre subsidiaire, était constitué par des revendications qui correspondaient elles aussi à celles visées dans la décision, à ceci près que chacune avait trait à l'"utilisation" "pour la production d'objets moulés" du polymère qui avait été défini.

Le mémoire exposant les motifs du recours développait des arguments tendant à faire reconnaître la nouveauté et le caractère inventif de chaque jeu de revendications.

Une convocation en date du 14 octobre 1986 a annoncé la tenue d'une procédure orale pour le 11 décembre 1986.

Un autre jeu de cinq revendications (le troisième) a été déposé par lettre datée du 24 novembre 1986, reçue à l'OEB le 26 novembre 1986. Ce troisième jeu de revendications concernait aussi l'utilisation "pour la production d'objets moulés" des polymères qui avaient été définis, et comportait d'autres limitations. A la demande de la requérante, la Chambre a examiné pendant la procédure orale l'admissibilité de ce troisième jeu de revendications au regard de l'article 123 de la CBE. Au cours de cette même procédure orale, la requérante a proposé à titre de requête principale un autre jeu de revendications (le quatrième), comportant deux revendications, le troisième jeu de revendications étant produit à titre subsidiaire. Ce troisième jeu a été modifié et réduit à trois revendications à la suite des observations formulées par la Chambre en vertu de l'article 123 de la CBE.

(i) Dans la requête principale, la revendication 1 s'énonce comme suit :

"Polymère thermoplastique amorphe, stable à l'état fondu et vis-à-vis de l'oxydation, ayant une viscosité réduite de l'ordre de 0,4 à 2,5, contenant des unités de formule :

(i)

(FORMULA)

et

(II)

(FORMULA)

lesdites unités (i) et (II) étant reliées entre elles par une liaison oxygène, et le rapport entre les unités (i) et (II) étant compris entre 55:45 et 95:5, et stabilisé par réaction avec un halogénure aromatique activé ou un halogénure aliphatique".

La revendication 2 dépend de la revendication 1 et exige un rapport molaire (i):(II) compris entre 70:30 et 85:15.

(ii) Dans la requête subsidiaire, la revendication 1 s'énonce comme suit :

"Utilisation pour la production d'objets moules par pompression d'un polymère thermoplastique amorphe contenant des unités de formule :

(i)

(FORMULA)

et

(II)

(FORMULA)

lesdites unités (i) et (II) étant reliées entre elles par une liaison oxygène, et le rapport entre les unités (i) et (II) étant compris entre 55:45 et 95:5."

La revendication 2 prévoit la même plage préférée pour le rapport molaire (i):(II) que la revendication 2 de la requête principale, et la revendication 3 concerne l'utilisation d'un polymère spécifique.

V. Les arguments développés dans le mémoire exposant les motifs du recours et pendant la procédure orale peuvent pour l'essentiel être résumés comme suit :

i) L'objet des revendications proposées dans la requête principale doit être considéré comme nouveau, étant donné que le document (1) ne mentionne ni la stabilité à l'état fondu et vis-à-vis de l'oxydation, ni le caractère amorphe, ni la viscosité réduite des polymères connus ; il n'indique pas non plus que les polymères sont stabilisés par réaction avec un halogénure aromatique activé ou un halogénure aliphatique.

Il convient également d'admettre l'existence d'une activité inventive, étant donné que l'on ne peut déduire de l'antériorité en question les propriétés inattendues et intéressantes des polymères.

ii) Telle que l'exposent les revendications soumises dans la requête subsidiaire, l'utilisation des polymères pour la production d'objets moulés par compression est nouvelle, étant donné que les polymères décrits dans le document (1) ne sont que des produits de départ pour la préparation de polymères sulfonés. Il convient là encore d'admettre l'existence d'une activité inventive, puisque les polymères revendiqués sont supérieurs à plusieurs égards aux polymères de structure similaire.

VI. La requérante demande l'annulation de la décision de la Division d'examen et la délivrance d'un brevet sur la base du jeu de revendications proposé dans la requête principale ou, à défaut, sur la base du jeu de revendications proposé dans la requête présentée à titre subsidiaire.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE ; il est donc recevable.

2. La première question à trancher au sujet des jeux de revendications proposés dans la requête principale et dans la requête subsidiaire est celle de savoir si ces revendications peuvent être prises en considération dans la présente procédure de recours.

2.1. Recevabilité de la requête principale

Comme il a été rappelé ci-dessus au point IV, la revendication 1 proposée dans la requête principale a été déposée pour la première fois lors de la procédure orale du 11 décembre 1986, c'est-à-dire plus de dix-huit mois après le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours. Son objet diffère à plusieurs égards de celui de la revendication 1 du premier jeu de revendications qui avait été déposé en même temps que le mémoire exposant les motifs du recours. L'appréciation de la recevabilité de la requête principale soulève une question de principe.

Dans le cas d'une procédure de recours, la règle normale est la suivante : si un requérant souhaite que la chambre de recours qui doit statuer sur le recours examine la question de l'admissibilité (au regard de l'article 123 de la CBE et également d'autres dispositions) d'autres jeux de revendications dont l'objet diffère de celui des revendications qui ont été examinées en première instance, il doit produire ces autres jeux avec le mémoire exposant les motifs du recours ou le plus tôt possible après.

Lorsqu'elle statue sur un recours durant une procédure orale, une chambre est en droit de refuser de prendre en compte d'autres jeux de revendications qui ont été déposés très tardivement, par exemple pendant la procédure orale, si ces autres revendications ne sont pas clairement admissibles.

Cette règle habituellement appliquée a sa justification, qui est la suivante :

a) La procédure d'examen d'un recours par une chambre de recours est régie par les articles 108, 110 et 111 de la CBE. L'article 108 de la CBE prévoit en particulier qu'"un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la signification de la décision" faisant l'objet du recours. La question de la teneur essentielle que devrait avoir ce mémoire exposant les motifs du recours a été récemment discutée dans les décisions des chambres de recours (voir en particulier les décisions J 22/86 "Désaccord/MEDICAL BIOLOGICAL" du 7 février 1987, à paraître prochainement, et T 220/83 "Mémoire exposant les motifs du recours/HÜLS, JO OEB 8/1986, p. 249).

Il ressort clairement de ces décisions que le requérant doit exposer dans son mémoire les raisons pour lesquelles il considère qu'il devrait être fait droit à son recours.

Le stade suivant est celui de l'examen du recours, régi par l'article 110 de la CBE. A ce stade, comme le précise l'article 110(1) et (2) de la CBE, c'est sur la base du mémoire exposant les motifs du recours que la chambre peut inviter un requérant à présenter ses observations dans un certain délai. Si le requérant présente de telles observations dans le délai qui lui a été imparti, il a parfois intérêt, lorsqu'il répond à la notification de la chambre, à soumettre un autre jeu de revendications qu'il demande à celle-ci d'examiner.

Dans le cas où une procédure orale doit avoir lieu, elle se tient lorsque l'examen effectué conformément à l'article 110(2) de la CBE est pratiquement terminé.

Dans la procédure de recours régie par les articles 108, 110 et 111 de la CBE, la procédure orale doit dans toute la mesure du possible être brève et centrée sur l'essentiel, et la chambre doit, à l'issue de cette procédure, être en état de statuer sur le recours. Les autres jeux de revendications que le requérant demande à la chambre de prendre en considération doivent être soumis à celle-ci au stade de l'examen du recours, qui est effectué pour l'essentiel par le rapporteur. Le dépôt d'autres jeux de revendications à un stade ultérieur, par exemple au cours de la procédure orale, lorsque cet examen est pratiquement achevé, est contraire à la procédure prescrite. C'est bien au stade de cet examen qu'il convient de se pencher sur les autres jeux de revendications, car il faut en général du temps pour les étudier. Soumettre d'autres jeux de revendications lors d'une procédure orale risquerait de désorganiser celle-ci, ce qu'il convient bien entendu d'éviter.

b) Les principes qui viennent d'être énoncés ont été exposés avec clarté et concision dans les "Instructions à l'usage des parties aux procédures de recours et de leurs mandataires", émanant de l'OEB, qui ont été publiées à deux reprises dans le Journal officiel (JO OEB 6/1981, p. 176 et JO OEB 8/1984, p. 376). Au point 2.2. "Demande de modifications", il est stipulé que "Si, au cours d'une procédure de recours, on désire présenter des modifications de la description, des revendications ou des dessins d'une demande de brevet, on est tenu de le faire dans les plus brefs délais". Il est également stipulé que "la chambre ... peut ne pas tenir compte des modifications qui ... n'ont pas été présentées en temps voulu avant la date fixée pour les débats oraux".

Ces dispositions visent spécifiquement la présentation de modifications, mais elles sont évidemment applicables à la présentation d'autres jeux de revendications par le biais de requêtes formulées à titre subsidiaire. Une requête présentée à titre subsidiaire est une demande de modifications qui ne joue que s'il n'est pas fait droit à la requête principale.

c) Dans la décision T 95/83, "Dépôt tardif d'une modification/AISIN", publiée au JO OEB 3/1985, p. 75, la chambre de recours a précisé que "c'est uniquement dans des circonstances très exceptionnelles, justifiant sans ambiguïté et la modification et son dépôt tardif, que la chambre de recours examinera éventuellement le bien-fondé d'une modification qui n'a pas été présentée en temps utile, c'est-à-dire avant l'ouverture de la procédure orale". Bien que cette décision s'inscrive dans un contexte bien particulier, la constatation ci-dessus vise manifestement à éviter le détournement de la procédure orale, comme il a été dit plus haut.

d) Le pouvoir d'appréciation qui permet à une chambre de recours, durant une procédure de recours, de ne pas prendre en compte ces demandes de modification présentées tardivement découle de l'obligation qui est faite aux chambres de statuer sur les recours conformément aux dispositions de l'article 111(1) de la CBE.

La seconde phrase de l'article 111(1) de la CBE prévoit expressément que, lorsqu'elle statue sur le recours, la chambre de recours "peut ... exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée ...". Il est clair que la division d'examen et la division d'opposition ont toutes deux un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles examinent des demandes de modification au cours des procédures qui sont portées devant elles, et qu'elles l'exercent en fonction du contexte particulier de ces procédures. De même une chambre de recours exerce son pouvoir d'appréciation en fonction du contexte particulier de la procédure de recours concernée, de la manière qui vient d'être évoquée.

e) Normalement, quelles que soient les circonstances, un requérant a largement le temps et l'occasion, en première instance ou durant la procédure de recours, d'étudier et de présenter tous les jeux de revendications qu'il souhaite, bien avant la procédure orale. Par conséquent, plus la date à laquelle il présente d'autres jeux de revendications est proche de la date de la procédure orale, plus le risque est grand que ces jeux de revendications ne soient pas pris en considération. Toutefois, dans un cas donné, une chambre peut en principe, eu égard aux circonstances particulières, décider à titre exceptionnel de prendre en compte des revendications déposées tardivement, à condition que la chambre et que toutes les parties à la procédure de recours aient largement la possibilité d'étudier comme il convient l'admissibilité de ces revendications.

2.2. Dans le cas présent, compte tenu de ce qui vient d'être exposé, la Chambre rejette la requête principale de la requérante, du fait qu'elle a été déposée au cours de la procédure orale, sans que ce dépôt tardif se justifie, et aussi (pour des raisons propres à ce cas particulier), parce qu'elle considère, comme il sera exposé ci-dessous, que les revendications produites ne satisfont pas d'emblée aux conditions requises par l'article 52(1) de la CBE.

2.3. Recevabilité de la requête présentée à titre subsidiaire

Comme il est indiqué ci-dessus au paragraphe IV, ce jeu de revendications a en fait été déposé environ deux semaines avant la procédure orale et vu les circonstances particulières, la Chambre a décidé au cours de la procédure orale de prendre en compte la requête présentée à titre subsidiaire.

3. Admissibilité des modifications contenues dans les requêtes principale et subsidiaire

... (Les deux jeux de revendications qui font l'objet, l'un de la requête présentée à titre principal, l'autre de la requête présentée à titre subsidiaire, n'appellent aucune objection au titre de l'article 123 de la CBE).

4. Brevetabilité de l'objet de la requête principale

4.1. (...)

(La Chambre montre que le document (1) détruit la nouveauté de l'ensemble de la plage comprise entre 95:5 et 55:45 qui est revendiquée dans la demande).

4.2. Le document (1) ne mentionne pas certaines caractéristiques exposées dans la revendication 1, c'est-à-dire i) la stabilité à l'état fondu et vis-à-vis de l'oxydation, ii) le caractère amorphe ou iii) la viscosité réduite ; il ne spécifie pas non plus que iv) les polymères sont stabilisés après polycondensation par réaction avec un halogénure aromatique activé ou un halogénure aliphatique. Ce n'est que lorsque la revendication 1 faisant l'objet de la requête principale a été soumise au cours de la procédure orale que toutes ces caractéristiques ont été intégrées pour la première fois dans une revendication. Il est donc essentiel de déterminer si ces caractéristiques témoignent de différences réelles entre les polymères connus et les polymères revendiqués, ce qui conférerait de la nouveauté aux polymères revendiqués.

Il est spécifié dans le document (1) qu'"il est commode de préparer des copolymères ayant les unités récurrentes (a) et (b) par condensation d'un dihydroxyphénol approprié (par exemple l'hydroquinone), de la 4,4'-dihydroxydiphénylsulfone et de la 4,4'-dichlorodiphénylsulfone, et d'un carbonate ou bicarbonate de métal alcalin en présence d'un solvant de type sulfone ou sulfoxyde, en utilisant la méthode de préparation des polyéthers de polyarylène décrite dans le document CA-A-847963 (document (7)) (cf. page 3, lignes 15 à 22 du document (1)).

Pour l'appréciation de la nouveauté, l'exposé d'un document antérieur particulier doit toujours être considéré isolément ; en d'autres termes, c'est seulement le contenu effectif d'un document (tel qu'un homme du métier le comprend) qui peut par lui-même faire obstacle à la nouveauté. Il n'est pas admis de "combiner" entre eux différents éléments provenant de l'état de la technique. Toutefois, dans un cas comme celui-ci, où une antériorité (le "document primaire") fait expressément référence à une seconde antériorité, il se peut que du fait de l'existence de cette référence expresse, l'on soit amené à considérer, lorsque l'on interprète le document primaire (c'est-à-dire lorsqu'on détermine sa signification pour l'homme du métier), que l'exposé du document primaire englobe tout ou partie de l'exposé du second document. Dans le cas présent, si l'on interprète correctement le document (1) (le document primaire), le procédé de préparation décrit dans le document (7) a été intégré dans l'exposé du document (1) du fait que celui-ci y fait référence.

En outre, ce procédé de préparation est exactement celui qui convient pour préparer les copolymères selon la revendication 1 de la demande (description, page 5, ligne 5 à page 9, ligne 9). Le fait que les procédés soient identiques dans la demande et dans les documents (1) et (7) est manifestement d'une très grande importance pour l'appréciation de la portée exacte de la divulgation du document (1) pour ce qui est des caractéristiques susmentionnées exposées dans la revendication (1) de la présente demande qui ne sont pas spécifiquement mentionnées dans le document (1).

4.3. En ce qui concerne les caractéristiques i) et ii), le document (1) ne mentionne pas la stabilité à l'état fondu et vis-à-vis de l'oxydation ni le caractère amorphe des polyaryléthersulfones. Toutefois le document (7) mentionne aussi bien la stabilité vis-à-vis de l'oxydation que la stabilité chimique dans le cas spécifique des polymères selon l'exemple 13. Bien qu'il soit objectivement impossible d'en faire une affirmation à caractère général, il ne peut être contesté, jusqu'à preuve de contraire, que des procédés de caractéristiques identiques appliqués à des produits de départ identiques doivent conduire à des produits finals identiques, ce qui revient à dire que les polymères préparés selon le procédé exposé dans le document (1) doivent nécessairement avoir les propriétés susmentionnées, requises dans la revendication 1 de la présente demande. L'indication de ces propriétés doit donc être considérée comme l'indication d'une suite de caractéristiques à valeur purement descriptive, qui ne peuvent conférer de la nouveauté à l'objet de la revendication 1.

4.4. En ce qui concerne la caractéristique iii), à savoir la viscosité réduite, même si le choix du solvant utilisé pour la mesure de la viscosité réduite n'influe pratiquement pas sur les limites de la plage de viscosité réduite, il va de soi que ce solvant aurait dû être indiqué dans la revendication 1, comme dans la description (page 5, lignes 1 à 4).

... (Suit une discussion relative à la nouveauté de la caractéristique iii), document (7), qui far rapportau est intégré dans le document (1), du fait que le document (1) fait référence au document (7)).

... La plage de viscosité réduite mentionnée dans la revendication 1 correspond uniquement à des valeurs qui sont usuelles dans l'état de la technique et qui sont exposées explicitement dans le document (1) ; il n'y a donc pas de sélection d'une plage restreinte à partir de l'exposé de ce document, et la plage revendiquée ne peut en tant que telle être considérée comme une caractéristique originale par rapport au document (1), conférant de la nouveauté à la revendication 1.

4.5. En ce qui concerne la caractéristique iv), il a été indiqué ci-dessus dans le paragraphe 4.2 que la méthode de préparation des polyéthers de polyarylène décrite dans le document (7) est intégrée dans le document (1) du fait que celui-ci y fait référence à propos de la préparation de copolymères ayant les unités récurrentes A et B. Le contrôle du poids moléculaire du polymère fact partie de la méthode de préparation décrite dans le document (7). L'une des deux méthodes spécifiques décrites pour contrôler le poids moléculaire comprend "l'arrêt de la croissance de la chaîne du polymère par addition d'un agent de terminaison de chaîne monofonctionnel, tel qu'un halogénure d'alcoyle ou un autre coréactif approprié" (page 11, lignes 6 à 13). La mise en oeuvre de cette méthode est explicitement illustrée dans les exemples 3, 11 et 14, où est utilisé du chlorure de méthyle. L'autre méthode spécifique de contrôle du poids moléculaire décrite dans le document (7) est jugée préférable pour des raisons tenant à la facilité de purification du polymère, mais l'utilisation d'un agent de terminaison de chaîne est recommandée comme "favorisant la stabilité du polymère" (page 11, lignes 14 à 20).

Il y a donc sans aucun doute divulgation expresse dans le document (7) de l'utilisation d'un agent de terminaison de chaîne tel qu'un halogénure d'alcoyle, cette utilisation faisant partie de la méthode de préparation décrite dans ledit document. En outre, ainsi qu'il a été signalé plus haut, cette méthode de préparation a été intégrée dans l'exposé du document (1), du fait que celui-ci y fait référence. Il s'ensuit donc que le document (1) a déjà divulgué la stabilisation de la réaction avec un halogénure d'alcoyle ou un autre réactif approprié.

Par conséquent, cette caractéristique énoncée dans la revendication 1 a déjà été divulguée dans le document (1), si on interprète correctement celui-ci.

4.6. En conclusion, la Chambre est d'avis que l'exposé du document (1), interprété compte tenu de cette référence explicite au document (7), fait obstacle à la nouveauté de l'objet des revendications 1 et 2, et que ces revendications ne répondent pas par conséquent aux conditions requises aux articles 52(1) et 54(1) de la CBE.

4.7. Bien que dans la présente espèce la Chambre ait exposé longuement les motifs pour lesquels elle rejette la requête principale qu'elle juge irrecevable pour des raisons de procédure, étant donné son dépôt tardif, et qu'elle considère également comme inadmissible quant au fond, en raison du manque de nouveauté de l'objet de la demande, elle pourra à l'avenir rejeter une requête comme irrecevable, par simple application des principes exposés ci-dessus au point 2.

5. Brevetabilité de l'objet de la requête présentée à titre subsidiaire

En ce qui concerne l'objet de la requête présentée à titre subsidiaire, la nouveauté de l'objet de la revendication 1 peut être reconnue.

Dans le document (1), les polymères qui ont été préparés sont en outre soumis à une sulfonation contrôlée destinée à leur conférer des propriétés hydrophiles correspondant à une capacité d'absorption d'eau à température ambiante de l'ordre de 2 % en poids (page 2, lignes 22 à 26).

Etant donné que dans sa décision la Division d'examen qui a rejeté la demande pour manque de nouveauté n'a pas développé d'argumentation ni tiré de conclusions en ce qui concerne la question de l'activité inventive, l'affaire doit être renvoyée devant la Division d'examen pour poursuite de la procédure.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision de la Division d'examen est annulée.

2. La requête principale est rejetée.

3. L'affaire est renvoyée à la Division d'examen pour poursuite de l'examen quant au fond, sur la base des revendications 1, 2 et 3 de la requête présentée à titre subsidiaire au cours de la procédure orale.

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