European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2010:T171507.20100701 | ||||||||
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Date de la décision : | 01 Juillet 2010 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1715/07 | ||||||||
Numéro de la demande : | 99112156.7 | ||||||||
Classe de la CIB : | C08F 4/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Polymérisation en émulsion en présence d'un radical libre stable | ||||||||
Nom du demandeur : | ARKEMA FRANCE | ||||||||
Nom de l'opposant : | BASF SE | ||||||||
Chambre : | 3.3.03 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Recevabilité des requêtes déposées tardivement: non (requête principale et requêtes subsidiaires 1 à 5); oui (requête subsidiaire 6) Nouveauté: oui (requête subsidiaire 6 modifiée); produit-par-procédé effectivement caractérisé par le procédé de fabrication Activité inventive: oui (requête subsidiaire 6 modifiée); produit en soi concevable mais pour lequel il n'existait pas de procédé de fabrication connu |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet nº 99112156.7 déposée le 24 juin 1999, pour laquelle ont été revendiquées les priorités du 10 juillet 1998 (FR 9808916) et du 30 mars 1999 (FR 9903941), a donné lieu le 8 décembre 2004 (Bulletin 2004/50) à la délivrance du brevet européen nº 0970973 au nom d'Atofina, maintenant Arkema France, sur la base de 37 revendications.
II. Dans la présente décision, toute référence à des passages du brevet délivré est indiquée en souligné et placée entre crochets, par exemple [revendication 1]. Les références données en souligné et en italique concernent des passages de la demande telle que déposée, par exemple revendication 1.
III. Dans cette décision, "CBE" se rapporte au texte révisé de la CBE 2000; toute référence à la version précédente est indiquée par "CBE 1973".
IV. Les [revendications indépendantes 1 et 29] s'énonçaient comme suit:
"1. Procédé de polymérisation en émulsion d'au moins un monomère polymérisable par voie radicalaire en présence d'un radical libre stable et d'un agent émulsifiant, l'émulsion comprenant une phase aqueuse liquide continue comprenant au moins 50 % en poids d'eau et une phase organique liquide comprenant plus de 50 % en poids de monomère(s) à polymériser.
29. Particule de polymère obtenue suivant le procédé de l'une des revendications 1 à 28 comprenant des unités polymérisées d'au moins deux monomères différents dont au moins un est un acrylate ou méthacrylate."
Les [revendications 2 à 28] étaient des revendications dépendantes de la [revendication 1] et les [revendications 30-34] des revendications dépendantes de la [revendication 29], portant sur des modes de réalisation préférés.
Les [revendications 35 et 36] concernaient un ensemble de particules selon l'une des [revendications 29 à 34] et étaient caractérisées par des dimensions spécifiques du diamètre moyen desdites particules.
La [revendication 37] portait sur un latex comprenant un ensemble de particules de l'une des [revendications 35 ou 36].
V. Une opposition a été formée à l'encontre du brevet précité dans son intégralité par BASF AG, maintenant BASF SE, le 2 septembre 2005, au titre des motifs énoncés à l'Art. 100(a) CBE (manque de nouveauté et manque d'activité inventive).
L'opposition était supportée, entre autres, par les documents suivants cités au titre de la nouveauté:
D1a: Macromolecules 1993, 26, 2987-2988
D2: WO 94/11412 A
D5: Macromolecules 1998, 31, 4041-4044
D6: WO 99/00427 A
D6c: US-A-5 322 912
D6e: WO 96/24620 A
D6g: DE 197 04 714 A1
D7: WO 99/00426 A
L'opposante a cité les documents D1a, D2, D5, D6c, D6e et D6g en tant qu'art antérieur au titre de l'Art. 54 (2) CBE et les documents D6 et D7 au titre de l'Art. 54 (3)-(4) CBE 1973. L'activité inventive a été mise en cause en considérant D6c comme art antérieur le plus proche.
VI. Le 16 avril 2007 la titulaire a déposé à titre principal un jeu de revendications modifié comprenant 35 revendications. Les revendications indépendantes 1 et 28 s'énonçaient comme suit:
"1. Procédé de polymérisation en émulsion d'au moins un monomère polymérisable par voie radicalaire en présence d'un radical libre stable et d'un agent émulsifiant, l'émulsion comprenant une phase aqueuse liquide continue comprenant au moins 50 % en poids d'eau et une phase organique liquide comprenant plus de 50 % en poids de monomère(s) à polymériser, le radical libre stable comprenant l'enchaînement de formule
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle le radical monovalent RL présente une masse molaire supérieure à 15.
28. Particule de polymère obtenue suivant le procédé de l'une des revendications 1 à 27 comprenant des unités polymérisées d'au moins deux monomères différents dont au moins un est un acrylate ou méthacrylate, le polymère étant un polymère à blocs."
Les revendications 2 à 27, 29 à 32 et 33 à 35 correspondaient aux [revendications 3 à 28, 30, 31 et 33 à 37], respectivement.
VII. Dans sa décision annoncée oralement le 20 juin 2007 et signifiée le 6 août 2007 la division d'opposition a considéré que le brevet pouvait être maintenu sous forme modifiée sur la base de la requête principale déposée le 16 avril 2007.
VIII. Le 10 octobre 2007, l'opposante a formé un recours à l'encontre de cette décision. La taxe de recours a été acquittée le même jour.
IX. Dans le mémoire de recours reçu le 14 novembre 2007, la requérante a requis la révocation du brevet dans son intégralité au titre des motifs selon l'Art. 100 (a) CBE (nouveauté et activité inventive) et selon l'Art. 100 (b) CBE. La requérante a également soulevé un manque de clarté des revendications (Art. 84 CBE).
La requérante a cité au titre de la nouveauté les documents D6-D7 (tous deux en combinaison avec par exemple D6e) et D6g. Elle a basé son objection de manque d'activité inventive sur le document D6c comme art antérieur le plus proche. L'objet revendiqué a été considéré comme étant évident aussi bien par rapport à D6c seul, qu'au vu de la combinaison des enseignements de D6c et de l'un des documents D1a, D2, D5 ou D6.
X. Constatant l'absence de réponse de la titulaire, maintenant intimée, au mémoire de recours dans le délai imparti, à savoir quatre mois à compter de la notification de l'OEB datée du 23 novembre 2007, la chambre a demandé au greffier de s'assurer de la bonne réception de ladite notification. Lors d'une conversation téléphonique effectuée le 25 février 2010, l'intimée a confirmé avoir effectivement reçu la notification en question et a indiqué qu'une réponse serait fournie la semaine suivante.
XI. Dans sa réponse du 3 mars 2010 l'intimée a requis le rejet du recours.
L'intimée a fait remarquer que le motif selon l'Art. 100 (b) CBE ne faisait pas partie de la décision faisant l'objet du recours et a refusé son introduction à ce stade de la procédure en se basant sur les décisions G 10/91 (JO OEB 1993, 420) et G 1/95 (JO OEB 1996, 615).
L'intimée a par ailleurs soutenu que l'objection de la requérante au titre de l'Art. 84 CBE ne constituait pas un motif d'opposition.
Concernant la nouveauté, l'intimée a estimé que les documents D6, D6g et D7 ne divulguaient pas directement et sans ambiguïté les objets revendiqués, en particulier la combinaison d'un radical libre stable défini dans la revendication 1 avec la condition d'une phase aqueuse continue comprenant au moins 50 % en poids d'eau.
Enfin, l'intimée a considéré que partant de D6c comme art antérieur le plus proche, il n'aurait pas été évident de fournir des polymères présentant une faible polydispersité en utilisant un procédé tel que revendiqué, notamment caractérisé comme étant un procédé de polymérisation en émulsion par voie radicalaire et employant des radicaux nitroxydes bien spécifiques. L'objet revendiqué impliquait donc une activité inventive.
XII. Dans sa notification en date du 25 mars 2010 annexée à la citation à la procédure orale fixée au 1**(er) juillet 2010, la chambre a informé les parties de son opinion provisoire qui mentionnait, inter alia, les points suivants:
a) Le motif selon l'Art. 100 (b) CBE ne peut pas être admis dans la procédure;
b) L'objection au titre de l'Art. 84 CBE soulevée par la requérante à l'encontre de la revendication 1 n'est pas admissible à ce stade de la procédure;
c) Il n'est en l'état pas clair quelles sont les revendications mises en cause par la requérante, en particulier si les objections de manque de nouveauté soulevées concernent seulement la revendication indépendante de procédé 1 ou également la revendication indépendante de produit-par-procédé 28;
d) Compte tenu du libellé de la revendication 1, le substituant RL des radicaux libres peut être un groupe méthyle. En conséquence, les exemples 1 à 4 de D6 anticipent au moins l'objet des revendications 1, 13, 19, 24 et 26. De plus, l'objet des revendications 1 à 3 et 13 est anticipé par la combinaison des enseignements généraux divulgués dans la description de D6 et/ou D7 et n'est donc pas nouveau.
e) Lors de la procédure orale la question de l'activité inventive sera examinée, le cas échéant, selon l'approche "problème-solution".
La chambre a en particulier signifié aux parties que toute information et requête supplémentaire en réponse à la notification de la chambre, y compris de nouveaux jeux de revendications, devraient être présentées au plus tard un mois avant la procédure orale.
XIII. En réponse à la notification de la chambre, la requérante a indiqué dans sa lettre du 16 avril 2010 que le recours avait été déposé à l'encontre de l'intégralité du brevet tel que modifié lors de la procédure d'opposition et concernait de la sorte la revendication indépendante 28 de produit de la décision contestée.
XIV. L'intimée a déposé avec sa lettre du 7 juin 2010 une nouvelle requête principale (34 revendications) ainsi que les requêtes subsidiaires 1 à 3.
L'intimée a expliqué que la requête principale correspondait à la combinaison des revendications 1 et 2 du brevet modifié conformément à la décision contestée, les autres revendications étant simplement renumérotées en conséquence.
L'intimée a soutenu que les objets revendiqués en particulier dans les revendications indépendantes 1 et 27 de cette requête principale ne découlaient pas directement et sans ambiguïté de D6 et/ou D7 et étaient donc nouveaux.
Il a également été précisé au paragraphe IV de cette lettre que la requête subsidiaire 3 se différenciait de la requête principale en ce que le radical RL était limité conformément à la revendication 5 du brevet délivré.
XV. Dans sa lettre du 18 juin 2010, l'intimée a cité pour la première fois le nouveau document
D15: Emulsion Polymerization, A Mechanistic Approach, R. G. Gilbert, 1995, pages 12-18.
L'intimée a par ailleurs déposé trois nouvelles requêtes subsidiaires numérotées 4, 5 et 6 et a demandé à ce que les requêtes subsidiaires soient considérées dans l'ordre suivant:
- requête principale déposée le 7 juin 2010, correspondant à la requête principale du 16 avril 2007 dans laquelle les revendications 1 et 2 ont été combinées et les revendications 3 à 35 renumérotées en conséquence. Cette requête revient donc à limiter la requête principale du 16 avril 2007 de sorte à ce que les radicaux RL présentent une masse molaire supérieure à 30.
- requête subsidiaire 1, correspondant à la requête subsidiaire 4 déposée le 18 juin 2010; La revendication 1 de cette requête se différenciait de la revendication 1 de la requête principale en ce que les radicaux RL étaient limités à ceux ayant une masse molaire comprise entre 40 et 450.
- requête subsidiaire 2: requête subsidiaire 5 déposée le 18 juin 2010; La revendication 1 de cette requête se différenciait de la revendication 1 de la requête principale en que les radicaux RL étaient compris dans une quantité spécifique conformément à la revendication 7 du brevet en litige.
- requête subsidiaire 3: requête subsidiaire 1 déposée le 7 juin 2010; La revendication 1 de cette requête se différenciait de la revendication 1 de la requête principale en ce qu'elle contenait un disclaimer portant sur trois radicaux libres stables spécifiquement divulgués dans D6 et D7.
- requête subsidiaire 4: requête subsidiaire 2 déposée le 7 juin 2010; La revendication 1 de cette requête se différenciait de la revendication 1 de la requête principale en ce que la quantité de radicaux libres stables était limitée selon la requête subsidiaire 2 et en ce qu'elle contenait le même disclaimer que la requête subsidiaire 3.
- requête subsidiaire 5: requête subsidiaire 6 déposée le 18 juin 2010; La revendication 1 de cette requête se différenciait de la revendication 1 de la requête principale en ce que les radicaux libres étaient d'une part limités à deux composés nitroxydes cités à la [page 4, lignes 17-18] ou correspondaient d'autre part aux composés de la [revendication 5].
- requête subsidiaire 6: requête subsidiaire 3 déposée le 7 juin 2010; La revendication 1 de cette requête s'énonçait comme suit:
"1. Procédé de polymérisation en émulsion d'au moins un monomère polymérisable par voie radicalaire en présence d'un radical libre stable et d'un agent émulsifiant, l'émulsion comprenant une phase aqueuse liquide continue comprenant au moins 50 % en poids d'eau et une phase organique liquide comprenant plus de 50 % en poids de monomère(s) à polymériser, le radical libre stable comprenant l'enchaînement de formule
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle le radical monovalent RL présente la formule R**(11)
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R**(11) et R**(12), pouvant être identiques ou différents, peuvent être choisis parmi les radicaux alkyle, cycloalkyle, alkoxyle, aryloxyle, aryle, aralkyloxyle, perfluoroalkyle, aralkyle, halogène."(sic).
XVI. La procédure orale devant la chambre eut lieu le 1er juillet 2010 en présence des deux parties.
Les parties indiquèrent leurs requêtes initiales, à savoir:
Requérante
Annulation de la décision de la division d'opposition et révocation du brevet dans son intégralité au titre des motifs selon l'Art. 100 (a) CBE (nouveauté et activité inventive).
La requérante a retiré ses objections émises par écrit au titre de l'Art. 100 (b) CBE et de l'Art. 84 CBE.
Intimée
Maintien du brevet sous forme modifiée conformément à la requête principale déposée le 7 juin 2010, ou le cas échéant selon l'une des requêtes subsidiaires 1 à 6 telles qu'identifiées dans la lettre du 18 juin 2010 (cf. point XV ci-dessus).
XVII. Lors de la procédure orale, les débats ont porté sur les points suivants:
Recevabilité des requêtes de l'intimée (titulaire)
XVIII. La requérante a constaté que l'intimée avait déposé ses requêtes le 7 et le 18 juin 2010, soit moins d'un mois avant la tenue de la procédure orale et n'avait de la sorte pas respecté les consignes relatives au dépôt de nouvelles requêtes données aux parties dans la notification de la chambre. Ces requêtes ont donc été déposées trop tard et devraient être considérées comme irrecevables.
La requérante a également fait remarquer que ce dépôt tardif n'était pas une exception dans la présente procédure: l'intimée avait déjà eu besoin de plus de deux ans avant de répondre au mémoire de recours. Cette lenteur dans les réponses était d'autant moins compréhensible que certaines des dernières requêtes déposées étaient identiques à des requêtes déjà déposées pendant la procédure d'opposition. Une telle pratique ne devrait pas être tolérée.
XIX. Comme explication pour ces retards, l'intimée a invoqué une surcharge de travail et des problèmes d'organisation interne liés au transfert d'un portefeuille de brevets entre mandataires (Mme. Lhoste à l'origine; Mme. Albani actuellement). Elle a également fait remarquer que la requérante n'avait pas fourni dans son mémoire de recours de nouveaux arguments ou de nouveaux documents en comparaison à la phase d'opposition. Une réponse de l'intimée n'était donc pas indispensable. Enfin, l'intimée a considéré que ces requêtes avaient été déposées bien avant la procédure orale de sorte que la requérante avait eu la possibilité d'en prendre connaissance en temps utile.
XX. Le Président de la chambre a indiqué aux parties que la recevabilité des requêtes déposées tardivement relevait du pouvoir d'appréciation de la chambre. Après délibération le Président de la chambre a annoncé que la requête principale et les requêtes subsidiaires 1 à 5 étaient irrecevables. La requête subsidiaire 6 a par contre été considérée recevable.
Modification de la requête subsidiaire 6
XXI. Afin de répondre à des critiques d'ordre formel, l'intimée a déposé une version modifiée de la requête subsidiaire 6 et a ensuite retiré la requête subsidiaire 6 précédemment en instance. Cette requête sera identifiée ci-après par "requête subsidiaire 6 modifiée".
Les revendications indépendantes 1 et 25 de la requête subsidiaire 6 modifiée s'énonçaient comme suit:
"1. Procédé de polymérisation en émulsion d'au moins un monomère polymérisable par voie radicalaire en présence d'un radical libre stable et d'un agent émulsifiant, l'émulsion comprenant une phase aqueuse liquide continue comprenant au moins 50 % en poids d'eau et une phase organique liquide comprenant plus de 50 % en poids de monomère(s) à polymériser, le radical libre stable comprenant l'enchaînement de formule
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R**(11) et R**(12), pouvant être identiques ou différents, peuvent être choisis parmi les radicaux alkyle, cycloalkyle, alkoxyle, aryloxyle, aryle, aralkyloxyle, perfluoroalkyle, aralkyle, halogène.
25. Particule de polymère obtenue suivant le procédé de l'une des revendications 1 à 24 comprenant des unités polymérisées d'au moins deux monomères différents dont au moins un est un acrylate ou méthacrylate, le polymère étant un polymère à blocs."
Les revendications 2 à 24 et 26 à 32 correspondaient aux [revendications 6 à 28, 30 à 31 et 33 à 37], respectivement, renumérotées en conséquence.
Nouveauté de la revendication 25
XXII. La requérante a expliqué que la revendication 25 était de type produit-par-procédé et que son objet portait sur le produit en tant que tel. Cet objet était cependant anticipé par les documents de l'art antérieur D6 (page 19, lignes 20 à 22; exemple 1 et Tableau 1), D7 (page 26, lignes 24 à 43; exemples 11 et 12) et D6g (page 4, lignes 38 à 54; page 5, lignes 14 à 30).
La requérante a attiré l'attention de la chambre sur le fait que toutes les chaînes polymériques obtenues par les procédés de polymérisation en émulsion selon le brevet en litige n'étaient pas forcément caractérisées par le radical libre stable utilisé et ne présentaient en particulier pas toutes un radical en bout de chaîne, comme indiqué d'ailleurs clairement à la page 3, lignes 23 à 31 de D6. Vu les concentrations de radicaux libres stables employés dans D6, D7 et D6g, il était d'ailleurs évident qu'une quantité non négligeable de polymères ne comprenant pas ces radicaux en bout de chaîne était produite dans les documents de l'art antérieur cités.
La requérante a par ailleurs indiqué que le terme "particule" utilisé dans le libellé de la revendication 25 ne limitait en rien la taille desdites particules. L'objet revendiqué couvrait ainsi des particules de taille si petite qu'elles ne comprenaient pas de polymère contenant un radical libre stable en bout de chaîne.
Enfin, la requérante a estimé que la nouveauté ne pouvait pas être reconnue du seul fait de la présence d'un radical différent en bout de chaîne polymérique, le reste de la molécule étant par ailleurs identique.
XXIII. L'intimée a fait valoir que l'objet de la revendication 25 n'était pas le polymère en tant que tel mais une particule de polymère obtenue par un procédé de polymérisation en émulsion. De telles particules contenaient non seulement plusieurs chaînes polymériques ainsi produites mais aussi des restes du processus de polymérisation, en particulier des résidus des radicaux libres stables utilisés. L'utilisation de radicaux libres stables différents conduisait donc à des particules différentes, chacune de ces particules étant de fait caractérisée par les radicaux libres stables utilisés et définis dans la revendication 25. Etant donné qu'aucun des documents D6, D7 ou D6g ne divulguaient les radicaux libres phosphoryles revendiqués, l'objet revendiqué était donc nouveau.
XXIV. Après délibération la chambre a décidé que l'objet de la requête subsidiaire 6 modifiée était nouveau.
Activité inventive des revendications de procédé au vu de D6c
XXV. La requérante a émis une première objection de manque d'activité inventive envers la revendication 1 partant de D6c comme art antérieur le plus proche.
La requérante a tout d'abord considéré que le brevet en litige, bien que portant d'après le libellé de la revendication 1 sur des procédés de polymérisation en émulsion, couvrait en fait également des procédés de polymérisation en suspension. En effet, d'après la requérante, la seule différence entre des procédés en émulsion et en suspension résiderait dans le choix de l'amorceur de polymérisation employé: alors qu'il doit être hydrosoluble pour les procédés en émulsion, il doit être organosoluble pour les procédés en suspension, comme le confirme le document D15 (Tableau 1.2; bas de la page 12; haut de la page 13). Le brevet en litige enseigne toutefois au paragraphe [0018] que tout type d'amorceur peut être employé, en particulier le peroxyde de dibenzoyle ([page 5, ligne 30]) qui est connu comme étant soluble dans la phase organique et qui est d'ailleurs employé par exemple dans les procédés en suspension des exemples I et X de D6c.
La requérante a de plus considéré que le composé "Alkanol" utilisé dans les exemples I et X de D6c était un "agent émulsifiant" au sens de la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 modifiée. En effet, D6c indique à la colonne 15, ligne 37 que ce produit est du "naphthalene sulfonate" et correspond donc à un agent émulsifiant selon l'invention de type sulfonate d'aryle, comme indiqué au paragraphe [0032].
Sur la base de ces interprétations, la requérante a donc considéré que l'objet de la revendication 1 se différenciait des procédés divulgués dans les exemples I et X de D6c uniquement par l'utilisation de radicaux libres stables différents de type phosphoryle.
En l'absence d'effet technique particulier lié à cette caractéristique distinctive et considérant que D6c visait également, comme le brevet en litige, à fournir des polymères présentant une faible polydispersité la requérante a ainsi identifié le problème à résoudre comme étant celui de fournir une simple alternative aux procédés de polymérisation de D6c.
La requérante a estimé qu'il était évident de résoudre ce problème en utilisant dans les procédés "en suspension" des exemples I et X de D6c, qui sont couverts par les procédés "en émulsion" de la revendication 1, n'importe quels radicaux libres stables connus, en particulier ceux correspondant au radical "beta-P" décrits dans D6c.
Suivant une seconde ligne d'argumentation, la requérante a également fait remarquer que D6c enseignait que les procédés décrits dans ce document pouvaient être effectués en émulsion et ce, en employant n'importe quels radicaux libres connus, en particulier des dérivés du TEMPO (D6c: col. 9, lignes 13 à 25; col. 10, lignes 65 à 67). Il était donc évident de résoudre le problème identifié préalablement en utilisant dans les procédés en émulsion selon D6c des radicaux libres stables de type phosphoryles dérivés du TEMPO connus de D6e, où ils sont également employés dans des procédés de polymérisation en suspension, en masse, ou en solution par voie radicalaire.
XXVI. Cette argumentation a cependant été contestée par l'intimée qui a tout d'abord fait remarquer qu'il était important de bien différencier les procédés de polymérisation en émulsion d'une part et en suspension d'autre part car ces deux type de procédé sont basés sur des mécanismes de réaction très différents et obéissent à des lois cinétiques spécifiques. D'un point de vue pratique, ces deux types de procédé nécessitent en outre de mettre en oeuvre des tensioactifs particuliers pour chacun de ces procédés. D'après l'intimée, il serait ainsi clair pour l'homme du métier, à qui est adressé le brevet en litige, que la revendication 1 porte uniquement sur des procédés de polymérisation en émulsion et non en suspension. Etant donné que la revendication 12 de la requête subsidiaire 6 modifiée limite les procédés de la revendication 1 aux miniémulsions, il serait de plus clair que dans le cadre du brevet en litige les procédés en miniémulsion sont un cas particulier des procédés en émulsion. Ces procédés de polymérisation en miniémulsion sont donc effectivement couverts par la revendication 1 et étant donné que ces procédés peuvent être mis en oeuvre avec des amorceurs hydrosolubles ou organosolubles, il était légitime de décrire ces deux types d'amorceurs au paragraphe [0018]. Cette interprétation est d'ailleurs confirmée par le contenu du paragraphe [0019]. L'intimée a ainsi contesté la validité des interprétations faites par la requérante concernant la portée de la revendication 1.
L'intimée a de plus expliqué que pour remplir la fonction d'agent émulsifiant dans un procédé de polymérisation en émulsion tel que revendiqué, un composé chimique devait présenter une structure bien particulière, par exemple une longue chaîne hydrophobe et une tête hydrophile. Le produit "Alkanol" utilisé dans les exemples I et X de D6c tel qu'identifié par la requérante ne présente cependant pas une telle structure et ne pourrait pas de ce fait remplir le rôle d'agent émulsifiant au sens du brevet en litige. L'intimée a de plus considéré que cette conclusion n'était pas en contradiction avec le paragraphe [0032] cité par la requérante. Enfin, l'intimée a estimé qu'il ne serait pas possible d'effectuer une polymérisation en suspension en présence d'un agent émulsifiant. L'Alkanol de D6c était de fait utilisé afin d'éviter que les gouttelettes de monomère à polymériser en suspension ne fusionnent entre elles mais qu'il ne permettrait pas la formation de micelles indispensables afin d'assurer que les monomères migrent dans la phase aqueuse et que la réaction de polymérisation ait lieu.
L'intimée a également relevé que le seul passage de D6c concernant une polymérisation en émulsion était d'ordre très général (col. 10, lignes 65 à 68) et que seuls les exemples I et X divulguaient spécifiquement une phase aqueuse comprenant au moins 50 % en poids d'eau et une phase organique comprenant plus de 50 % en poids de monomère(s) à polymériser.
Ainsi, l'intimée a-t-elle conclu que l'objet revendiqué se différenciait des exemples I et X de D6c non seulement par l'emploi de radicaux libres stables de type phosphoryle, comme opposé par la requérante, mais aussi en ce que le procédé de polymérisation était spécifiquement effectué en émulsion et en employant une phase aqueuse et une phase organique telles que définies dans la revendication 1. L'intimée a alors argumenté que cette combinaison particulière et spécifique de caractéristiques permettait de résoudre le problème technique posé, à savoir fournir un procédé de polymérisation contrôlée rapide, le polymère obtenu présentant une faible polydispersité. L'amélioration de la cinétique de polymérisation revendiquée était de fait démontrée par la comparaison des données du Tableau III de D6c et des [Tableaux I-II]. Ces résultats montreraient que pour un taux de conversion donné, par exemple 76 %, le temps de réaction des procédés du brevet sont de 3 à 16 heures, contre 45 heures dans D6c, la polydispersité restant dans les deux cas à des valeurs relativement faibles. L'intimée a également fait référence à D1a pour confirmer que des procédés en suspension similaires à ceux de D6c nécessitaient, pour un taux de conversion donné, par exemple 76 %, des temps de réaction bien supérieurs en comparaison aux procédés du brevet en litige. Ces données permettaient ainsi de définir le problème résolu comme étant celui de fournir un procédé présentant un temps de polymérisation plus court, susceptible d'application à l'échelle industrielle.
L'intimée a alors expliqué que D6c ne divulguait pas de procédés de polymérisation en émulsion de façon détaillée, en particulier des procédés utilisant des phases aqueuses et organiques telles que définies dans la revendication 1. De plus, D6c ne divulguait pas les radicaux libres stables phosphoryles de la revendication 1 mais seulement des dérivés du TEMPO comprenant tous un groupe méthyle en béta du nitroxyde. D6c ne pouvait donc pas amener l'homme du métier à résoudre le problème identifié ci-dessus selon la revendication 1.
La combinaison de D6c avec D6e envisagée par la requérante n'était pas non plus pertinente étant donné que D6e ne divulguait pas de polymérisation en émulsion et ne permettait donc pas non plus d'aboutir à la solution proposée par la revendication 1.
L'intimée a conclu que, partant de D6c, l'homme du métier n'aurait eu aucune incitation pour résoudre le problème identifié ci-dessus en modifiant les procédés de D6c de façon à obtenir un procédé selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 modifiée.
Activité inventive des revendications de procédé au vu de D6e
XXVII. La requérante a également émis une objection de manque d'activité inventive envers la revendication 1 partant de D6e comme art antérieur le plus proche.
Partant de D6e, le problème à résoudre aurait été de fournir un autre procédé de polymérisation par voie radicalaire utilisant les mêmes radicaux libres stables de type phosphoryle.
La requérante a alors noté que D6e décrivait explicitement des procédés de polymérisation en masse, en solution et en suspension (page 5, lignes 33 à 35).
Sur la base de ses connaissances générales, l'homme du métier savait qu'un autre type de procédé très couramment employé est la polymérisation en émulsion: celle-ci représentait donc la solution alternative la plus évidente aux procédés décrits dans D6e. L'homme du métier savait également que la seule différence notable entre des procédés en émulsion et en suspension résidait dans la nature de l'amorceur (cf. D15: organosoluble pour la suspension; hydrosoluble pour l'émulsion). Il aurait donc été évident de résoudre le problème ci-dessus en adaptant les procédés de D6e à des procédés en émulsion c'est-à-dire selon les termes de la revendication 1.
XXVIII. L'intimée a contesté cette objection en argumentant que les procédés en émulsion et en suspension étaient par nature complètement différents. Il était en particulier faux de considérer que la seule différence résidait dans le choix de l'amorceur. A partir du moment où le type de procédé était modifié, toute la réaction était différente et l'ensemble du système réactionnel devrait être adapté en conséquence, ce qui n'était pas une démarche évidente, comme expliqué dans D15.
Activité inventive des revendications de produit-par-procédé
XXIX. La requérante a émis d'autres objections de manque d'activité inventive envers la revendication 25 partant de D6e ou de D6g comme art antérieur le plus proche.
Selon la requérante ces deux documents divulguent des procédés permettant de préparer des polymères à blocs ayant une structure très similaire à ceux de la revendication 25 (cf. D6e: page 2, lignes 8 à 22; D6g: page 5, lignes 20 à 32). L'objet de la revendication 25 ne se différenciait de tels polymères blocs au plus que par la nature du radical présent en bout de chaîne. L'intimée n'a toutefois pas démontré que cette caractéristique était reliée à un quelconque avantage. L'objet de la revendication 25 représenterait donc une modification minimale des produits connus de l'art antérieur qui ne serait liée à aucun effet technique surprenant ou avantageux: il ne saurait donc pas pouvoir lui être reconnu d'activité inventive.
XXX. L'intimée a opposé quant à elle que D6e ne divulguait pas de particules selon la revendication 25 étant donné que D6e ne traitait pas de procédés de polymérisation en émulsion mais seulement en masse, en solution ou en suspension. L'intimée a également considéré que D6e ne divulguait pas spécifiquement, en particulier dans les exemples, de polymères à blocs dont au moins un monomère est un (méth)acrylate tels que définis dans la revendication 25.
D6g, quant à lui, ne comprenait aucune information précise, en particulier aucun exemple, qui aurait permis à l'homme du métier d'obtenir les polymères blocs identifiés à la page 5, lignes 20 à 32.
L'intimée en a alors conclu qu'aucun de ces documents n'aurait pu mener à la solution proposée par la revendication 25 et que l'objet de cette revendication était donc inventif.
XXXI. Lors de ces débats, le Président de la chambre a fait référence au chapitre I.D.8.18 du livre La Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 5ème Edition, 2006, et en particulier au passage traitant de la décision T 595/90 (JO 1994, 695), qui portait sur l'activité inventive d'un produit en soi concevable mais pour lequel il n'existait pas de procédé de fabrication connu. En suivant les conclusions de cette décision, le caractère inventif des revendications de produit-par-procédé du brevet en litige pourrait ainsi directement découler de celui des revendications de procédés.
Requête particulière de la requérante
XXXII. Au cours des débats, la requérante a estimé que les arguments présentés par l'intimée revenaient à considérer que les procédés de polymérisation revendiqués couvraient des procédés de polymérisation en émulsion mais excluaient des procédés de polymérisation en suspension et en miniémulsion. Cette interprétation a cependant été contestée par l'intimée en ce qui concerne la miniémulsion. La requérante a néanmoins requis que son interprétation de la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 modifiée soit reprise dans le procès-verbal de la procédure orale, ce qui a été fait.
Requêtes finales
XXXIII. La requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée (titulaire) a demandé à titre principal le maintien du brevet sous forme modifiée conformément à la requête principale déposée le 7 juin 2010, dans l'alternative sur la base requête subsidiaire 1 (requête subsidiaire 4 déposée le 18 juin 2010), de la requête subsidiaire 2 (requête subsidiaire 5 déposée le 18 juin 2010), de la requête subsidiaire 3 (requête subsidiaire 1 déposée le 7 juin 2010), de la requête subsidiaire 4 (requête subsidiaire 2 déposée le 7 juin 2010), de la requête subsidiaire 5 (requête subsidiaire 6 déposée le 18 juin 2010), ou de la requête subsidiaire 6 modifiée, soumise lors de la procédure orale du 1er juillet 2010.
XXXIV. La chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Recevabilité des requêtes de l'intimée (titulaire)
2.1 La requérante a opposé que toutes les requêtes de l'intimée ayant été déposées après l'expiration du délai mentionné dans la notification de la chambre, ces requêtes étaient de fait irrecevables.
2.2 L'objection soulevée par la requérante est donc liée à la recevabilité du dépôt de revendications modifiées lors de la procédure de recours. Or, le traitement de la modification des moyens invoqués par une partie fait l'objet de l'Art. 13 du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR) de l'OEB. L'Art. 13 (1) RPCR établit ainsi que l'admission et l´examen de toute modification présentée par une partie après que celle-ci a déposé son mémoire exposant les motifs du recours ou sa réponse sont laissés à l'appréciation de la chambre. La chambre exerce alors son pouvoir d'appréciation en tenant compte, entre autres, de la complexité du nouvel objet, de l'état de la procédure et du principe de l'économie de la procédure. De plus, l'Art. 13 (3) RPCR spécifie que les modifications demandées après que la date de la procédure orale a été fixée ne seront pas admises si elles soulèvent des questions que la chambre ou l'autre/les autres parties ne peuvent raisonnablement traiter sans que la procédure orale soit renvoyée.
Lorsqu'une chambre de recours exerce son pouvoir d'appréciation pour savoir si elle doit admettre des requêtes déposées tardivement par la titulaire, ici l'intimée, il est de jurisprudence constante que la chambre doit évaluer s'il existe ou non une justification adéquate pour leur production tardive et si les revendications modifiées figurant dans ces requêtes sont clairement admissibles ou non (T 153/85, JO OEB 1988, 1). Il convient également de considérer si les requêtes modifiées présentées tardivement ont été déposées pour tenter de répondre sérieusement aux objections soulevées (T 95/83, JO OEB 1985, 75: dernière phrase du point 8 des motifs). Ces critères sont donc évalués ci-après.
2.3 Dépôt tardif
Dans le cas présent, il est établi que la requête principale et les requêtes subsidiaires 1 à 6 de l'intimée ont toutes été déposées moins d'un mois avant la date prévue pour la procédure orale, c'est-à-dire après le dépôt de sa réponse au mémoire de recours. L'admission de chacune de ces requêtes dans la procédure relève donc du pouvoir d'appréciation de la chambre conformément à l'Art. 13 (1) RCPB.
La chambre remarque en premier lieu que depuis le début de la procédure de recours l'intimée a constamment tardé à fournir ses réponses. Après avoir dûment reçu le mémoire de recours de la requérante, l'intimée a décidé de ne pas répondre dans le délai de 4 mois à compter de la notification de ce mémoire, qui lui avait été imparti par l'OEB pour une réponse éventuelle (cf. notification de l'OEB datée du 23 novembre 2007). Ce n'est qu'après avoir été à nouveau contacté par les services du greffe de l'OEB que l'intimée a présenté sa réponse au mémoire de recours, soit après une période de plus de deux ans après réception dudit mémoire. La requérante n'a alors pas jugé utile de déposer de requête(s) modifiée(s).
L'intimée s'est comportée de manière similaire en ce qui concerne la notification établie par la chambre conformément à l'Art. 15 (1) RPCR et comprenant l'opinion préliminaire de la chambre sur certaines questions de procédure et de fond concernant le brevet en litige. Dans cette notification, la chambre avait notamment expliqué en détails les raisons pour lesquelles elle considérait que la seule requête de l'intimée alors en instance ne satisfaisait pas aux exigences de la CBE. La chambre avait par ailleurs indiqué clairement dans sa notification que les requêtes déposées pendant la procédure d'opposition ne faisaient en l'état pas partie de la procédure de recours et avait explicitement invité les parties au présent recours à présenter toute réponse jugée nécessaire, y compris de nouveaux jeux de revendications, au plus tard un mois avant la procédure orale. L'intimée n'a cependant pas jugé utile de respecter ces consignes: elle n'a pas répondu à cette notification et n'a en particulier pas contesté les objections identifiées par la chambre dans le délai qui lui avait été imparti.
Il ressort donc de cet état des faits que l'intimée aurait effectivement eu l'occasion de présenter ses requêtes modifiées bien plus avant dans la présente procédure de recours qu'elle ne l'a fait. Elle en a cependant décidé autrement. Ceci est d'autant moins acceptable que certaines des requêtes déposées tardivement, en particulier les requêtes subsidiaires 3, 4 et 6, correspondent toutes les trois à des requêtes déjà présentées le 11 octobre 2007 au cours de la procédure d'opposition.
L'intimée n'a de plus fourni aucune explication valable pour expliquer ces retards répétés. La surcharge de travail ou le transfert d'un portefeuille de brevets entre mandataires invoqués par l'intimée lors de la procédure orale sont des problèmes d'organisation interne qui sont du seul ressort de l'intimée mais ne constituent pas des raisons suffisantes pour expliquer de tels retards, ni leur répétition de manière systématique. La chambre considère qu'il n'y avait en l'occurrence aucune raison valable qui aurait empêché l'intimée de présenter des requêtes modifiées en respectant les délais qui lui avaient été impartis.
2.4 Requêtes clairement admissibles - Réponse sérieuse aux objections
2.4.1 Requête principale et requêtes subsidiaires 1 à 5
Outre leur dépôt tardif, il existe également d'autres raisons relevant de l'admissibilité quant au fond qui ont amené la chambre à ne pas admettre la requête principale et les requêtes subsidiaires 1 à 5 à ce stade avancé de la procédure. Ces raisons sont les suivantes:
- La chambre considère que la revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire 1 ne répondent pas à priori aux objections de manque de nouveauté identifiées dans la notification de la chambre. L'intimée n'a pas donné d'explication à cet égard avant la date de la procédure orale. Ces requêtes ne sont donc pas clairement admissibles au sens de la décision T 153/85.
- Il n'est à priori pas évident en quoi les particules selon la revendication indépendante de produit 25 de la requête subsidiaire 2 sont nouvelles par rapport à des particules obtenues par les procédés décrits par combinaison des enseignements généraux divulgués dans la description de D6 ou D7. L'intimée n'a également fourni aucune explication permettant de justifier la brevetabilité de l'ensemble de ces revendications en réponse aux objections de la requérante ou de la chambre.
- La revendication 1 des requêtes subsidiaires 3 et 4 contiennent toutes deux un disclaimer portant sur trois produits divulgués dans D6 et D7. Cette modification entraîne de nouvelles questions de droit touchant à la validité d'un tel disclaimer (cf. par exemple: étendue de l'objet exclu par le disclaimer en comparaison du contenu de l'art antérieur effectivement destructeur de nouveauté; admissibilité du disclaimer pour certaines des revendications dépendantes) qui auraient eu à être abordées pour la première fois à un stade très avancé de la procédure.
- Enfin, la revendication 1 de la requête subsidiaire 5 définit le radical libre stable comme étant choisi, entre autres, parmi deux composés tirés de la description du brevet ([page 4, lignes 3 et 4]). Cette partie des revendications ne faisait l'objet d'aucune requête auparavant en instance et représente une modification du brevet quant au fond qui aurait risqué de surprendre la requérante et qui aurait pu nécessiter une recherche supplémentaire.
Pour ces raisons la chambre a donc décidé, en faisant usage de son pouvoir d'appréciation, de rejeter comme irrecevable la requête principale ainsi que les requêtes subsidiaires 1 à 5.
2.4.2 Requête subsidiaire 6
Cette requête porte sur l'utilisation dans les procédés de l'invention de radicaux libres stables spécifiques de type phosphoryle tels que définis dans la [revendication 5]. De tels composés sont également mis en oeuvre dans tous les exemples du brevet illustrant l'invention. Il ressort donc du brevet dans son intégralité que ces radicaux libres stables correspondent à l'une des formes de réalisation préférées de l'invention. Les revendications de la requête subsidiaire 6 faisant partie du brevet tel que délivré, il ne peut être considéré que la requérante ait pu être surprise par les modifications effectuées par l'intimée. Cet argument est d'ailleurs confirmé par le fait que la requérante avait cité le document D6e, qui traite de procédé de polymérisation par voie radicalaire mettant en oeuvre de tels radicaux libres stables de type phosphoryle, tant dans son mémoire d'opposition que dans son mémoire de recours: elle était donc effectivement consciente très tôt dans la procédure de l'importance que pourraient revêtir ces radicaux libres stables particuliers.
Par ailleurs, l'objet de cette requête ne semble pas donner lieu à des objections majeures d'ordre formel (Art. 84 CBE; Art. 123 CBE) et semblent à priori tenter de répondre sérieusement aux objections soulevées par la requérante et/ou identifiées dans la notification de la chambre.
Enfin, bien que déposée tardivement et qu'ayant déjà été déposée pendant la phase d'opposition, cette requête a néanmoins été déposée plus de trois semaines avant la procédure orale. La chambre considère donc que la requérante a eu suffisamment de temps pour étudier cette requête et préparer ses objections à son encontre.
Sur la base de ces considérations, la chambre a fait usage de son pouvoir d'appréciation et décidé d'admettre la requête subsidiaire 6 dans la procédure.
2.5 Modification de la requête subsidiaire 6
Il est apparu pendant la procédure orale devant la chambre que le libellé de la requête subsidiaire 6 comprenait des erreurs typographiques et ne correspondait pas à l'intention de l'intimée exprimée au paragraphe IV de sa lettre du 7 juin 2010 et selon laquelle pour la requête subsidiaire en question le radical RL "est un groupement comportant un atome de phosphore, tel que défini dans la revendication 5 du brevet délivré". L'intimée a corrigé ces erreurs pendant la procédure orale et modifié la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 alors en instance afin de la rendre conforme à la revendication 5 du brevet délivré. La requérante n'a présenté aucune objection à cet égard. La chambre est également satisfaite que cette modification est recevable. La requête subsidiaire 6 ainsi modifiée fait l'objet de la suite de cette décision.
Requête subsidiaire 6 modifiée
3. Modifications
La requérante n'a pas soulevé d'objection au titre de l'Art. 123 CBE et/ou de l'Art. 84 CBE à l'encontre de ces modifications. La chambre est également satisfaite que les exigences des Art. 123 (2) et (3) CBE sont satisfaites et que les revendications de la requête subsidiaire 6 modifiée répondent à la condition de clarté posée par l'Art. 84 CBE.
4. Nouveauté
4.1 La requérante a soulevé des objections de nouveauté à l'encontre de la revendication indépendante de produit 25 eu égard aux documents D6, D7 et D6g. Au cours des débats, il s'est cependant avéré que les parties au recours interprétaient différemment le libellé de la revendication 1 à laquelle il est fait référence dans le libellé de la revendication 25. La question a en particulier été posée de savoir si l'expression "polymérisation en émulsion" englobait ou non les "polymérisations en suspension" et/ou en "miniémulsion". Il est donc nécessaire d'identifier l'objet des revendications afin de pouvoir en évaluer la nouveauté.
4.2 Objet revendiqué
4.2.1 L'objet de la revendication 1 est un procédé de polymérisation en émulsion par voie radicalaire. Le document D15 est un ouvrage traitant spécifiquement des procédés de polymérisation en émulsion et est considéré représenter les connaissances générales de l'homme du métier travaillant dans ce domaine. Le paragraphe 1.2.4 de ce document décrit de manière succincte différents types de polymérisation hétérogène et traite séparément les polymérisations en émulsion, en miniémulsion et en suspension. Il enseigne en particulier qu'une des différences entre ces procédés est liée au type d'amorceur de polymérisation utilisé, celui-ci étant hydrosoluble dans le cas de l'émulsion et de la miniémulsion, mais organosoluble dans le cas d'une suspension. Il ressort également de l'enseignement des pages 12 à 14 de D15 que la polymérisation en miniémulsion peut être considérée comme un cas particulier de la polymérisation en émulsion. Ceci est également le cas dans le brevet en dispute étant donné que la [revendication 16] (revendication 12 de la requête subsidiaire 6 modifiée), qui porte sur des miniémulsions, dépend de la [revendication 1], dirigée sur des émulsions. Le fait que le paragraphe [0018] cite des amorceurs organosolubles n'est pas en contradiction avec cette interprétation et ne permet pas de conclure, comme l'a fait la requérante, que les procédés en émulsion revendiqués englobent également des procédés en suspension. En effet, il est explicitement indiqué au paragraphe suivant [0019] que l'amorceur est de préférence hydrosoluble, cette condition étant toutefois plus importante lorsque l'émulsion n'est pas une miniémulsion. Le brevet en dispute enseigne donc implicitement qu'il est envisageable d'utiliser des amorceurs organosolubles tels que décrits au paragraphe [0018] dans des procédés de polymérisation en miniémulsion.
La chambre considère donc que la revendication 1
- couvre des procédés de polymérisation en émulsion, qui comprennent entre autres des procédés en miniémulsion comme cas particulier, mais
- ne couvre pas de procédé de polymérisation en suspension.
4.2.2 La revendication indépendante 25, qui a été opposée par la requérante pour manque de nouveauté, est du type produit-par-procédé. Sa portée en est cependant l'objet en tant que tel, c'est-à-dire une particule de polymère pouvant être obtenue suivant le procédé de la revendication 1, ces particules étant de plus caractérisées en ce que le polymère doit être un polymère à blocs à base d'au moins un monomère (méth)acrylate tel que défini dans la revendication 25.
Afin d'établir la nouveauté il convient donc d'évaluer si les documents de l'art antérieur divulguent de telles particules. Il devra en particulier être déterminé si les particules revendiquées sont intrinsèquement différentes de celles divulguées par l'art antérieur.
A cette fin, il est à noter en premier lieu que l'objet de la revendication 25 n'est pas le polymère en tant que tel mais bien une particule, telle que celles pouvant être obtenues par un procédé de polymérisation en émulsion.
En ce qui concerne les procédés en émulsion du type de ceux de D6, D7 et D6g, il a été convenu par les parties lors de la procédure orale qu'au moins une partie des polymères obtenus par ces procédés comprendra, du fait des mécanismes réactionnels mis en jeu, un radical libre stable en bout de chaîne (cf. D6c: col. 8, lignes 1 à 53; D15). Toutefois, il a également été établi pendant la procédure orale que, comme décrit dans D6 (page 3, lignes 23 à 36), tous les polymères préparés par un procédé selon la revendication 1 ne portent cependant pas obligatoirement un tel radical terminal, du fait de réarrangements. Cependant, comme expliqué et illustré schématiquement dans D15, chacune des particules obtenues par un procédé de polymérisation en émulsion comprend un amalgame d'une pluralité de chaînes polymériques. Il est donc crédible que, comme argumenté par l'intimée, chacune des particules synthétisée contiendra obligatoirement au moins une chaîne de polymère comprenant un radical libre stable en bout de chaîne. Il est de plus à noter que ces particules sont toutes susceptibles de comporter en leur sein des traces du milieu réactionnel dans lequel elles ont été préparées, et peuvent ainsi également comporter des résidus des radicaux libres stables mis en oeuvre. L'argument de la requérante selon lequel les procédés de polymérisation en émulsion revendiqués ainsi que ceux divulgués dans D6 mèneront tous deux obligatoirement à des particules de taille si petite qu'elles ne contiennent pas de tels polymères n'est pas étayé par des preuves et est rejeté par la chambre. Pour que l'objet de la revendication 25 ait été anticipé par un document de l'art antérieur, il aurait fallu que la requérante démontre que les procédés de polymérisation en émulsion de l'art antérieur et ceux selon la revendication 1 conduisent à la préparation de particules ne comprenant aucune trace, sous quelque forme que ce soit, des radicaux libres stables utilisés dans leur préparation. En l'absence de tels éléments, la chambre est ainsi convaincue que les particules définies dans la revendication 25 sont effectivement caractérisées par leur procédé de préparation, en particulier par la nature des radicaux libres stables employés. Ainsi, afin d'établir la nouveauté des particules, il suffira d'établir ci-après si oui ou non les procédés de polymérisation en émulsion de l'art antérieur ont été effectués en mettant en oeuvre des radicaux libres stables de type phosphoryle tels que définis dans la revendication 1.
4.3 Nouveauté par rapport à D6
D6 divulgue un procédé de polymérisation en émulsion aqueuse d'au moins un monomère polymérisable par voie radicalaire en présence d'un radical libre stable et d'un agent dispersant (revendications 1-4). Etant donné que D6 concerne des procédés de polymérisation en émulsion il est considéré que tous les composés identifiés dans D6 comme des "dispersants" ou des "émulsifiants" (voir par exemple page 17, lignes 19-21 et 33-45) et qui, selon la page 2, lignes 7-8 et 22-29 de D6 servent à créer une émulsion, sont des "agent(s) émulsifiant(s)" au sens du brevet en litige (cf. revendication 1). Il ressort également de la description et en particulier de la page 2, lignes 16-22 et des exemples de D6 que les procédés de polymérisation en émulsion aqueuse divulgués dans ce document sont effectués en utilisant principalement de l'eau en tant que phase aqueuse et principalement les monomères à polymériser en tant que phase organique. Ainsi l'enseignement général implicitement divulgué par la description de D6 est que l'émulsion comprend d'une part une phase aqueuse liquide comprenant au moins 50 % en poids d'eau et d'autre part une phase organique liquide comprenant plus de 50 % en poids de monomère(s) à polymériser. L'exemple 1 divulgue en particulier la préparation de polymères à blocs comprenant des monomères acrylates par polymérisation en émulsion aqueuse en utilisant des radicaux libres stables dérivés du TEMPO, c'est-à-dire des radicaux qui ne contiennent pas de phosphore selon la revendication 1 (cf. D6: page 24, lignes 7 à 12). Il ressort donc de cette analyse que, excepté la nature des radicaux libres stables, l'objet des revendications indépendantes 1 et 25 est divulgué par l'ensemble des enseignements généraux divulgués dans la description de D6.
D6, cependant, ne divulgue pas explicitement de radicaux libres stables comprenant du phosphore tels que ceux définis dans la revendication 1. Il est vrai que D6 enseigne à la page 5, lignes 25 à 30 que les radicaux libres stables à employer peuvent être choisis parmi ceux de différents documents de l'art antérieur, en particulier D6e, et que ce document divulgue notamment des radicaux libres stables tels que ceux définis dans la revendication 1. Toutefois ces radicaux libres stables de type phosphoryle ne représentent qu'une alternative parmi beaucoup d'autres (cf. D6e: revendication 6 en dépendance de la 3; revendications 10 et 11; liste page 3, lignes 30 à 36). L'enseignement de D6e n'est donc pas limité à de tels radicaux libres stables. Ainsi, la chambre considère que même une éventuelle combinaison de D6 et D6e ne suffirait pas à divulguer de manière directe et non équivoque l'utilisation de radicaux libres stables tels que définis dans la revendication 1 dans des procédés de polymérisation en émulsion.
Compte tenu des conclusions du paragraphe 4.2.2, D6 ne décrivant pas spécifiquement l'emploi dans des procédés de polymérisation en émulsion par voie radicalaires des radicaux libres stables spécifiquement définis dans la revendication 1, l'objet des revendications indépendantes 1 et 25, et par la même de l'ensemble de la requête subsidiaire 6 modifiée, est nouveau par rapport à D6.
4.4 Nouveauté par rapport à D7
Le contenu de D7 est très semblable à celui de D6 et les mêmes considérations que pour D6 s'appliquent donc eu égard à ce document (cf. D7: exemple 2; page 2, paragraphes 1 et 3; page 9, lignes 20 à 30; page 20, lignes 18 à 20 et 35 à 45).
L'objet des revendications de la requête subsidiaire 6 modifiée est donc nouveau vis-à-vis de D7.
4.5 Nouveauté par rapport à D6g
D6g décrit la préparation de polymères à blocs, y compris à partir de monomères (méth)acrylate, par un procédé de polymérisation radicalaire tels que ceux en émulsion (sélection parmi les différents procédés proposés à la page 4, lignes 56-58; revendications 2 à 4; page 5, lignes 14 à 47) et mettant en oeuvre des radicaux libres stables. D6g, cependant, ne divulgue pas l'utilisation de radicaux libres stables comprenant du phosphore tels que ceux définis dans la revendication 1 (cf. D6g: page 4, lignes 45 à 54).
Compte tenu des conclusions du paragraphe 4.2.2, l'objet de la requête subsidiaire 6 modifiée, est donc nouveau par rapport à D6g.
4.6 Autres documents de l'art antérieur
Bien qu'aucune objection de nouveauté n'ait été soulevée à partir des documents D6c et D6e, ces documents ont tous deux été considérés comme art antérieur le plus proche par la requérante lors de l'évaluation de l'activité inventive. Leur contenu est donc analysé ci-dessous.
4.6.1 Document D6c
D6c divulgue un procédé de polymérisation par voie radicalaire employant des radicaux libres stables de type nitroxyde mais ne comprenant pas de phosphore (D6c: revendications 1, 9, 10; col. 9, lignes 13 à 25). Les procédés sont choisis parmi les polymérisations en masse, en suspension, en solution ou en émulsion (D6c: col. 10, lignes 65 à 68). Les exemples I et X divulguent la polymérisation en suspension de monomère styrène en utilisant le TEMPO (radical nitroxyde correspondant au 2,2,6,6-tetramethyl-1-piperidinyloxy: cf. D6c: col. 9, lignes 16 et 17) comme radicaux libres stables et en présence du produit "Alkanol" qui est décrit à la col. 15, lignes 36-37 de D6c comme étant du sulfonate de naphthalène, c'est-à-dire un composé de la famille des sulfonates d'aryle. Cependant, étant donné que D6c ne divulgue pas de radicaux libres stables de type phosphonyle tels que définis dans la revendication 1, l'objet des revendications de la requête subsidiaire 6 modifiée est nouveau (cf. paragraphe 4.2.2).
Durant la procédure orale, la question de savoir si le composé "Alkanol" est ou non un agent émulsifiant au sens du brevet mis en cause a été longuement débattue. D6c ne donne aucune information à cet égard. Il est vrai, comme l'a fait remarqué la requérante, que d'après le brevet en dispute l'agent émulsifiant peut être choisi parmi les sulfonates d'aryle (cf. paragraphe [0032]), qui est une famille de composés chimique à laquelle appartient l'Alkanol. Cependant, la chambre est d'avis que ce paragraphe [0032] n'enseigne pas que tous les sulfonates d'aryle sont des agents émulsifiants mais que certains sulfonates d'aryle, comme le dodecylbenzene sulfonate de sodium exemplifié à la [page 7, ligne 13], peuvent être des agents émulsifiants. Il est à noter que, comme l'a expliqué l'intimée pendant la procédure orale, tous les composés exemplifiés au paragraphe [0032] ont une structure chimique particulière et contiennent une longue chaîne hydrophobe et un groupe terminal hydrophile. D'après l'intimée, c'est précisément cette structure particulière qui permet l'obtention des micelles nécessaires à lancer la réaction de polymérisation. Il est donc plausible que l'Alkanol, qui ne présente pas cette structure particulière, ne permette pas d'obtenir lesdites micelles. Enfin, la chambre a également considéré qu'il serait surprenant que les exemples I et X de D6c, qui se rapportent explicitement à des procédés de polymérisation en "suspension" (cf. première ligne du paragraphe descriptif de chacun de ces exemples), mettent en oeuvre un agent "émulsifiant", normalement utilisé pour des procédés en "émulsion". La chambre a également retenu l'argument de l'intimée selon lequel l'une des caractéristiques essentielles des procédés en émulsion et en suspension, outre la nature hydrophile ou hydrophobe de l'amorceur, réside dans le choix d'un tensioactif approprié pour stabiliser le milieu réactionnel, c'est-à-dire l'émulsion ou la suspension, et qu'il était crédible que ces systèmes étant par nature différents, requerraient des agents de stabilisation différents. La chambre en a donc conclu que l'Alkanol des exemples I et X de D6c n'était pas un "agent émulsifiant" au sens de la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 modifiée.
4.6.2 Document D6e
D6e divulgue un procédé de polymérisation par voie radicalaire employant des radicaux libres stables identiques à ceux présentement revendiqués (D6e: revendications 1-22). Toutefois, D6e ne divulgue pas de procédé de polymérisation en émulsion (cf. page 4, lignes 21-26; page 5, lignes 33-37; exemples), ni à fortiori de procédé employant un agent émulsifiant. L'exemple de la page 14 décrit une polymérisation en masse. De plus, si le document D6e divulgue bien des copolymères blocs de manière générale (page 2, lignes 8 à 18), il ne divulgue pas spécifiquement de particules de polymères à blocs dérivés de (méth)acrylate tels que définis dans la revendication 25 (cf. copolymères décrits dans D6e: page 4, lignes 4-20; page 6, lignes 5-11; exemple).
4.7 En conclusion, la chambre considère que l'objet des revendications 1 à 32 de la requête subsidiaire 6 modifiée satisfait aux conditions de nouveauté posées par l'Art. 54 CBE.
5. Activité inventive
La question de l'activité inventive est examinée selon l'approche "problème-solution". Les documents D6 et D7 sont des documents de l'art antérieur cités au titre de l'Art. 54 (3) CBE et de l'Art. 54 (4) CBE 1973. Ils n'ont pas été cités dans la présente procédure de recours dans le cadre de l'activité inventive de la requête subsidiaire 6 modifiée.
5.1 Revendications 1 à 24 de procédé
5.1.1 Art antérieur le plus proche
La requérante a considéré deux documents différents comme art antérieur le plus proche, à savoir D6c et D6e.
L'état de la technique le plus proche à prendre en considération est normalement un document qui divulgue un objet conçu dans le même but ou visant à atteindre les mêmes objectifs que l'invention revendiquée et présentant pour l'essentiel des caractéristiques techniques semblables, à savoir qui appelle peu de modifications structurelles; Le fait que le problème technique à résoudre soit identique est également un critère pertinent (cf. La Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, 5ème édition, 2006, I.D.3.1).
Dans le cas présent les deux documents D6c et D6e visent, comme le brevet mis en cause, à fournir des procédés de polymérisation par voie radicalaire qui procurent un bon contrôle de la polymérisation et mènent à des polymères présentant une faible polydispersité (cf. paragraphe [0001]; D6c: col. 1, lignes 6 à 16; D6e: page 1, lignes 10 à 19). Comme expliqué au paragraphe 4.6 ci-dessus, l'objet revendiqué se distingue de ces documents
- d'une part pour D6e par le type de procédé mis en jeu, D6e ne divulguant pas de procédé de polymérisation en émulsion;
- d'autre part pour D6c par le choix d'un procédé en émulsion parmi différentes alternatives, en combinaison avec l'utilisation dans ces procédés particuliers de radicaux libres stables spécifiques comprenant du phosphore et qui ne sont pas divulgués dans D6c.
La chambre considère ainsi que D6c et D6e sont similairement proches du brevet mis en cause et peuvent tous deux représenter un point de départ prometteur afin de résoudre le problème posé.
5.1.2 Définition du problème prétendument résolu vis-à-vis de l'art antérieur le plus proche
L'intimée considère que le brevet s'attache à fournir des procédés de polymérisation plus rapides que ceux de l'art antérieur (cf. [page 2, ligne 7]) et qui soient susceptibles d'être utilisés à échelle industrielle (argument présenté lors de la procédure orale devant la chambre).
La chambre note que ce problème peut être retenu car il est effectivement mentionné dans le brevet mis en cause et peut se déduire des passages correspondants de la demande telle que déposée ainsi que des exemples illustrant l'invention pour lesquels les durées nécessaires afin d'obtenir différents taux de conversion étaient reportées (cf. [Tableaux 1 à 3]).
5.1.3 Solution
La solution proposée par le brevet est constituée par l'objet de la revendication indépendante 1 et est caractérisée par l'utilisation de radicaux libres stables spécifiques de type phosphoryle dans un procédé de polymérisation en émulsion.
5.1.4 Evaluation du succès de la solution
a) D6c comme art antérieur le plus proche
La chambre partage l'avis de l'intimée selon lequel une comparaison de la rapidité des processus de polymérisation n'a de sens que pour un taux de conversion des monomères à polymériser donné.
Or, les [exemples 2, 4 et 6] montrent que les procédés revendiqués permettent d'obtenir un taux de conversion des monomères à polymériser de l'ordre de 76 % en 16 heures, 3 heures, et entre 7 et 9 heures, respectivement.
Les seules valeurs correspondantes divulguées dans D6c concernent des procédés de polymérisation en masse divulgués dans l'exemple II de D6c, pour lesquels un taux de conversion de 76 % est obtenu en 45 heures.
Il est vrai que les valeurs de polydispersité divulguées dans D6c sont apparemment supérieures à celles divulguées pour les procédés selon le brevet mis en cause. Ces dernières sont toutefois relativement faibles et ont été considérées comme acceptables par les auteurs du brevet. De plus, en l'absence de données techniques concernant la méthode de détermination des poids moléculaires, et donc de la polydispersité, utilisée dans D6c, la question se pose de savoir si les valeurs de polydispersité divulguées dans D6c sont directement comparables à celles du brevet en litige et mesurées conformément aux indications données au paragraphe [0074]. La chambre constate cependant qu'elle ne dispose d'aucune donnée allant à l'encontre de la présomption établie par le brevet, selon laquelle le problème identifié ci-dessus est effectivement résolu et en conclut que l'intimée a rendu plausible que les procédés revendiqués étaient effectivement plus rapides que ceux de l'art antérieur D6c.
b) D6e comme art antérieur le plus proche
Les exemples 3 à 9 de D6e illustrent des procédés de polymérisation par voie radicalaire en masse du styrène qui mettent en oeuvre des radicaux libres stables de type phosphoryle selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 modifiée. Ces radicaux sont appelés "beta-P" dans D6e et sont identiques à ceux utilisés dans les exemples du brevet (comparer D6e: page 12, lignes 1 à 10 et [page 11, lignes 5 à 20]). La durée de polymérisation pour un taux de conversion de l'ordre de 78,5 % indiquée pour l'exemple 4 de D6e est de 7 heures et est donc du même ordre de grandeur que celle des exemples du brevet mis en cause. Ainsi, la chambre considère que par rapport à D6e, le problème identifié par l'intimée n'est pas résolu. Ce problème doit donc être redéfini de manière moins ambitieuse comme étant celui de fournir une simple alternative aux procédés divulgués dans D6e.
5.1.5 Problème objectif effectivement résolu
Le problème objectif effectivement résolu est donc de fournir des procédés de polymérisation par voie radicalaire plus rapide que ceux de D6c ou en alternative à ceux de D6e.
5.1.6 Évaluation de l'évidence de la solution au vu de l'enseignement de l'art antérieur
a) D6c comme art antérieur le plus proche
Aucun des documents de l'art antérieur cités dans la procédure ne divulgue de polymérisation en émulsion par voie radicalaire mettant en oeuvre des radicaux libres stables comprenant du phosphore. Ainsi, l'homme du métier partant de D6c comme art antérieur le plus proche n'aurait-il eu aucune motivation de modifier les procédés enseignés par D6c de façon à arriver à l'objet de la revendication 1. Comme expliqué au paragraphe 4.2.1 précédent, la chambre considère que la revendication 1 ne couvre pas des procédés en suspension. L'argumentation de la requérante basée sur l'interprétation selon laquelle les exemples I et X de D6c sont en fait des procédés "en émulsion" n'a donc pas convaincu la chambre. De plus, même si D6c enseigne que des procédés en émulsion peuvent être utilisé, la chambre considère au vu des arguments présentés par les parties, que modifier un procédé en suspension afin d'aboutir à un procédé de polymérisation en émulsion n'est pas une démarche aussi simple que cela n'a été présenté par la requérante. D'une part, étant donné que les mécanismes de réaction mis en jeu sont différents, l'homme du métier sait que changer de type de procédé revient à complètement modifier les conditions de réaction. Contrairement aux procédés en suspension ou en masse, une polymérisation en émulsion nécessite en particulier la mise en oeuvre d'un milieu réactionnel bien spécifique dans lequel les monomères de la phase organique peuvent effectivement migrer dans la phase aqueuse où ils vont être polymérisés. Une polymérisation en émulsion nécessite donc la mise en place d'un système complexe qu'il n'est à priori pas facile de concevoir et de contrôler, comme indiqué au paragraphe 1.3.2 de D15. A cet égard, il est rappelé qu'il a été établi précédemment que l'Alkanol utilisé dans les exemples I et X de D6c n'est pas un "agent émulsifiant" au sens de la revendication 1. Ainsi, l'argument de la requérante selon lequel il suffirait de changer la nature de l'amorceur (hydrosoluble au lieu d'organosoluble) utilisé dans ces exemples afin d'arriver à un procédé tel que revendiqué a-t-il été rejeté par la chambre. Pour ces mêmes raisons, la chambre n'a pas été convaincue par l'argument de la requérante selon lequel un procédé en émulsion représenterait la solution alternative la plus évidente aux procédés enseignés dans les exemples I et X de D6c.
Par ailleurs, la chambre a constaté qu'aucun des documents de l'art antérieur cité dans la procédure ne contient d'indice quant à une éventuelle amélioration de la cinétique des procédés en émulsion mettant en oeuvre les radicaux libres stables définis dans la revendication 1 en comparaison de ceux connus de l'art antérieur et par exemple dérivés du TEMPO (cf. par exemple D6c). L'homme du métier n'aurait donc également eu aucune raison d'arriver à la combinaison de caractéristiques présentement revendiquée dans le but de résoudre le problème identifié ci-dessus. A cet égard la combinaison des enseignements de D6c et D6e proposée par la requérante, c'est-à-dire la mise en oeuvre des radicaux libres stables "beta-P" selon D6e en particulier dans les procédés enseignés dans D6c, apparaît avoir été dérivée à posteriori, c'est-à-dire en connaissance de la présente invention ("hindsight") mais n'était pas évidente à la date de priorité du brevet mis en cause au vu des seuls enseignements de ces deux documents. Partant de D6c, l'homme du métier aurait eu besoin pour cela tout d'abord de décider de choisir d'effectuer une polymérisation en émulsion, puis d'utiliser dans ces procédés particuliers les radicaux libres stables préférés divulgués dans D6e, quand bien même D6e ne divulgue pas de procédé de polymérisation en émulsion. La chambre est d'avis que cette combinaison n'était pas évidente.
b) D6e comme art antérieur le plus proche
Bien que D6e enseigne de façon très générale à la page 5, lignes 33 à 37 les différents types de procédé couverts par l'invention, D6e ne mentionne pas les procédés de polymérisation en émulsion comme une alternative envisagée. D'après la chambre, ce simple constat indique à lui seul que cette alternative n'était pas évidente aux yeux des auteurs de D6e. Cet avis est de plus confirmé par la conclusion tirée au paragraphe précédent selon laquelle la modification d'un procédé de polymérisation en suspension ou en masse tels qu'enseignés par D6e en un procédé en émulsion ne représente pas une alternative évidente au vu des enseignements de l'art antérieur.
c) La chambre a ainsi décidé que l'objet de la revendication indépendante 1 représentait une modification non évidente des procédés connus de D6c et/ou de D6e et impliquait dès lors une activité inventive.
5.2 Revendications 25 à 29 de produit-par-procédé
La requérante a émis une objection de manque d'activité inventive à l'encontre de la revendication 25 en considérant que son objet ne représenterait qu'une modification minimale des produits connus de l'art antérieur D6e ou D6g et que cette modification ne serait liée à aucun effet technique surprenant ou avantageux.
a) Selon la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, un produit que l'on pourrait envisager d'utiliser en tant que tel, avec toutes les caractéristiques l'identifiant et toutes ses propriétés utilisables, et qui présenterait ainsi un caractère évident, peut néanmoins perdre ce caractère évident et être revendiqué en tant que tel s'il n'existe dans l'état de la technique aucun moyen connu ni aucun procédé applicable (par analogie) pour son obtention, et si les procédés revendiqués permettant sa préparation sont donc les premiers à parvenir à ce résultat (cf. La Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, 5ème édition, 2006, I.D.8.18; voir notamment le passage concernant la décision T 595/90). Ainsi, il peut être reconnu une activité inventive à un produit en soi concevable mais pour lequel il n'existait pas de procédé de fabrication connu.
b) La chambre est d'avis que la conclusion tirée dans la décision T 595/90 peut être suivie dans le cadre du présent recours. En effet, la chambre partage l'avis de la requérante selon lequel les particules revendiquées ne se distinguent de celles obtenues par les procédés de préparation en émulsion décrits dans D6g que par la présence de radicaux libres stables utilisés, par exemple en tant que groupe terminal des chaînes polymériques préparées ou au moins à l'état de résidus au sein de la particule. Cependant, il a été établi précédemment qu'il n'existait à la date de priorité du brevet en litige aucun procédé permettant d'obtenir de telles particules et que les procédés selon la revendication 1 sont les premiers à permettre la préparation desdites particules. Ainsi, le caractère inventif des revendications de produit-par-procédé du brevet en litige découle-t-il directement de celui des revendications des procédés servant à leur préparation.
c) Le même raisonnement s'applique vis-à-vis de D6e. Il a été de plus démontré auparavant dans cette décision que ce document de l'art antérieur ne divulguait par ailleurs ni de procédés de polymérisation en émulsion, ni de particules de polymères à blocs comprenant des unités polymérisées dérivées de monomère(s) acrylate tels que revendiqués. Ce document ne peut donc pas rendre évident l'objet des revendications 25 à 29 qui porte précisément sur des particules obtenues par de tels procédés car l'homme du métier n'aurait eu aucune incitation qui l'aurait amené de manière évidente à la solution proposée par les revendications de produit 25 à 29.
d) L'objet des revendications 25 à 29 est donc inventif.
5.3 Les revendications 30 à 32 portent sur des ensembles de particules selon l'une des revendications 25 à 29. L'activité inventive de l'objet de ces revendications découle donc directement de celle des revendications 25 à 29.
5.4 En conséquence, la chambre est satisfaite que l'ensemble des revendications 1 à 32 de la requête subsidiaire 6 modifiée satisfait aux conditions posées par l'Art. 56 CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant l'instance du premier degré avec pour mission de maintenir le brevet sur la base de la requête subsidiaire numéro 6 modifiée (revendications 1 à 32) soumise lors de la procédure orale après adaptation de la description.