T 0867/09 (Procédé d'hydrofluoration/SOLVAY) of 6.10.2011

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2011:T086709.20111006
Date de la décision : 06 Octobre 2011
Numéro de l'affaire : T 0867/09
Numéro de la demande : 99905981.9
Classe de la CIB : C07C 17/20
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé d'hydrofluoration d'hydrocarbures chlores
Nom du demandeur : SOLVAY (Société Anonyme)
Nom de l'opposant : Honeywell International Inc.
Chambre : 3.3.10
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 113(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Mot-clé : Requête tardive (non admise)
Révocation du brevet en l'absence d'une requête admise dans la procédure
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0095/83
T 0153/85
T 1126/97
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (opposant) a introduit un recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition selon laquelle le brevet européen nº 1 056 698 pouvait être maintenu sur la base du jeu de 19 revendications selon la requête auxiliaire déposée le 29 avril 2005. La revendication 1 de cette requête s'énonçait comme suit :

"1. Procédé d'hydrofluoration d'un hydrocarbure chloré par réaction avec du fluorure d'hydrogène dans un milieu réactionnel liquide comprenant un catalyseur d'hydrofluoration, caractérisé par une alimentation continue de chlorure d'hydrogène dans le milieu réactionnel."

II. Une opposition avait été formée par le requérant en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité pour insuffisance de divulgation de l'invention et pour absence de nouveauté et d’activité inventive (Article 100(a) et (b) CBE), se fondant, entre autres, sur le document

(1) US-A-5 574 192.

III. Selon la division d'opposition les revendications de la requête auxiliaire alors pendante satisfaisaient aux conditions de l'Article 123(2) et (3) de la CBE, l'invention était suffisamment divulguée dans le brevet pour qu'un homme du métier pût l'exécuter et l'objet revendiqué était nouveau et inventif. Les exemples du brevet, notamment l'exemple 3, étaient suffisamment détaillés à l'égard de l'appareillage, des réactifs, de la température, du temps de réaction pour permettre à l'homme du métier d'exécuter l'invention. Le document (1) ne divulguait pas de façon directe et sans équivoque la formation continue de chlorure d'hydrogène et ne s'opposait donc pas à la nouveauté du procédé revendiqué. Aucun document ne suggérait l'objet revendiqué comme étant une solution au problème de fournir un procédé d'hydrofluoration d'hydrocarbure chloré avec une vitesse de conversion et une sélectivité en produits entièrement fluorés améliorées par rapport à celles obtenues avec le procédé décrit dans le document (1) qui représentait l'art antérieur le plus proche de l'invention.

IV. Une procédure orale s'est tenue le 6 octobre 2011 devant la Chambre au cours de laquelle l'intimé a défendu son brevet sur la base d'une nouvelle et unique requête déposée au cours de l'audience, et se substituant à toute requête précédente, à savoir au jeu de revendications maintenu par la division d'opposition. La revendication 1 de cette requête s'énonce comme suit :

"1. Procédé d'hydrofluoration d'un hydrocarbure chloré par réaction avec du fluorure d'hydrogène dans un milieu réactionnel liquide comprenant un catalyseur d'hydrofluoration, caractérisé par une alimentation continue de chlorure d'hydrogène dans le milieu réactionnel, par addition de chlorure d'hydrogène, au sein du milieu réactionnel durant toute la durée de la réaction, soit sous forme gazeuse, soit sous forme liquide, soit sous la forme de tout composé autre que les réactifs qui peut générer du chlorure d'hydrogène dans les conditions opératoires sélectionnées."

V. Le requérant a contesté la recevabilité de cette requête au motif qu'elle était tardive et non clairement admissible. Le dépôt tardif de cette nouvelle requête ne pouvait pas être justifié par le fait d'une nouvelle interprétation de la revendication 1, constituant un nouvel argument comme le prétendait l'intimé, car avec une lettre déposée le septembre 2008 le requérant avait déjà soutenu que l'objet revendiqué ne devait pas être interprété de façon restrictive à la lumière de caractéristiques présentes dans la description et pas dans les revendications. Les modifications entreprises dans cette requête introduisaient un manque de clarté. La nouvelle revendication 1 comprenait maintenant la caractéristique requérant "un composé autre que les réactifs" alors qu'il y avait eu pendant la procédure d'opposition devant la division d'opposition une divergence de vue sur l'interprétation de la définition d'un réactif, en particulier sur la question de savoir si un catalyseur était un réactif ou non. De plus, ce composé était défini en fonction des conditions opératoires du procédé, alors que ces dernières n'étaient pas précisées dans la revendication. D'autre part, il n'y avait aucune divulgation dans le brevet litigieux d'un mode de réalisation concernant l'alimentation continue de chlorure d'hydrogène dans le milieu réactionnel sous la forme de tout composé autre que les réactifs qui peut générer du chlorure d'hydrogène dans le milieu réactionnel dans les conditions opératoires sélectionnées, ce qui posait le problème de la suffisance de divulgation de l'invention.

VI. Selon l'intimé, les modifications de la revendication 1 étaient supportées par le passage de la page 1 à la page 2 de la demande telle que déposée et avaient comme objectif une clarification de l'objet revendiqué. La requête devait être admise dans la procédure car elle représentait une réponse à une interprétation des revendications au cours de la procédure orale devant la Chambre tendant à donner aux revendications un sens plus large que dans la décision contestée. Même si le requérant avait déjà évoqué cette interprétation devant la division d'opposition, il ne l'avait, jusque là, pas reprise dans son mémoire de recours, indiquant ainsi son accord tacite avec l'interprétation restrictive faite dans la décision contestée.

L'objet de la revendication modifiée était parfaitement clair. Le terme "réactifs" incluait tout composé participant à la réaction et donc également le catalyseur. Le chlore présent dans le procédé décrit dans le document (1) n'était pas un "composé" au sens de la revendication 1, puisqu'il ne permettait pas une alimentation continu en chlorure d'hydrogène pendant toute la durée de la réaction, dans les conditions de réaction de fluoration du document (1). Aucun mode de réalisation impliquant une alimentation continue en chlorure d'hydrogène sous la forme d'un composé autre que les réactifs n'était décrit dans le brevet litigieux. L'homme du métier n'avait cependant aucune difficulté à mettre en oeuvre un tel procédé, par exemple en utilisant des sels de chlorure. La nouvelle requête n'engendrait donc pas de problèmes de clarté et de suffisance de description et devait donc être admise dans la procédure de recours.

VII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimé a demandé que le brevet soit maintenu sur le fondement de sa requête déposée pendant la procédure orale devant la Chambre.

VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Recevabilité de la requête déposée lors de la procédure orale devant la Chambre

Cette requête a été soumise pendant la procédure orale devant la Chambre. Elle est donc tardive. Le requérant a émis des objections quant à la recevabilité de la requête tardive du fait qu'elle ne remplirait pas les exigences de clarté (Article 84 CBE) et de suffisance d'exposé de l'invention (Article 100(b) CBE).

L'admission d'une nouvelle requête à un stade avancé de la procédure de recours est laissée à la discrétion de la Chambre de Recours. En ce qui concerne l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, les critères établis par la jurisprudence constante des Chambres de Recours requièrent que telle requête tardive soit clairement admissible, c'est-à-dire que la modification apportée à la requête soit appropriée pour réfuter une objection existante sans pour autant en créer de nouvelles (voir décisions T 95/83, JO OEB 1985, 75; T 153/85, JO OEB 1988, 1; T 1126/97, non publiée au JO OEB, point 3.1 de l'exposé des motifs).

3. L'intimé a fait valoir que le dépôt de cette nouvelle requête suite à la discussion de la nouveauté au cours de la procédure orale devant la Chambre a été causé par un nouvel argument entendu pour la première fois lors de la procédure orale, à savoir que la caractéristique de la revendication 1 concernant l'alimentation continue de chlorure d'hydrogène du procédé revendiqué ne devait pas être interprétée comme restreinte aux modes de réalisations indiqués au paragraphe [0006] de la description du brevet litigieux. La modification de la revendication était donc une réponse directe à ce nouvel argument puisqu'elle avait comme objectif de restreindre le procédé revendiqué de manière non équivoque aux modes de réalisation particuliers indiqués dans le paragraphe [0006] du brevet litigieux par l'incorporation dans la revendication 1 des caractéristiques décrites dans cette partie de la description.

La Chambre constate néanmoins que ce point litigieux avait déjà été soulevé devant la division d'opposition et que le requérant avait indiqué alors que la revendication ne devait pas être interprétée de manière restrictive par des caractéristiques présentes dans la description du brevet litigieux (voir lettre daté du 17 septembre 2008, première page, deuxième paragraphe du point "novelty"). La division d'opposition a suivi cette approche dans la décision contestée (voir paragraphe 3.16 des motifs).

Le dépôt de la nouvelle requête n'a donc pas été causé par une ligne d'argumentation soulevée pour la première fois lors de la procédure orale devant la Chambre.

4. La revendication 1 de la nouvelle requête résulte de l'introduction de caractéristiques prises dans la description du brevet et a pour effet de restreindre l'alimentation continue en chlorure d'hydrogène dans le milieu réactionnel à trois alternatives, à savoir soit sous forme gazeuse, soit sous forme liquide, soit sous la forme de tout composé autre que les réactifs qui peut générer du chlorure d'hydrogène dans le milieu réactionnel dans les conditions opératoires sélectionnées.

Selon le requérant, l'alternative se rapportant à l'addition du chlorure d'hydrogène sous la forme de tout composé autre que les réactifs qui peut générer du chlorure d'hydrogène dans le milieu réactionnel dans les conditions opératoires sélectionnées n'est pas exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (Article 100(b) CBE) et engendre un manque de clarté de la revendication 1 (Article 84 CBE).

5. Le composé devant être mis en oeuvre dans ce mode de réalisation est défini fonctionnellement, à savoir en fonction de sa capacité de générer de façon continu du chlorure d'hydrogène dans les conditions opératoires sélectionnées. Cependant le brevet litigieux ne décrit aucun mode de réalisation selon cette alternative et ne suggère pas non plus de conditions opératoires susceptibles de permettre une génération continue du chlorure d'hydrogène par un composé autre qu'un réactif du procédé. En outre, le brevet litigieux ne mentionne aucun composé susceptible de remplir cette fonction. La Chambre note dans ce contexte qu'il n'a pas été possible par exemple d'établir clairement si le chlore dans les conditions expérimentales du procédé d'hydrofluoration divulgué dans le document (1) remplit cette fonction ou non, alors que ce point est en dispute, notamment dans le cadre de l'examen de nouveauté.

En outre, la revendication modifiée requiert que le composé générant le chlorure d'hydrogène ne soit pas un réactif. Or, pendant la procédure d'opposition, la question de savoir si un catalyseur, ou sa forme désactivée, était un réactif ou non avait été soulevée par le requérant (voir la lettre daté du 17 septembre 2008; paragraphe entre les pages 1 et 2 et le suivant). Par conséquent, la revendication 1 modifiée par l'introduction de la caractéristique "tout composé autre que les réactifs" pose le problème de clarté (Article 84 CBE).

6. L'intimé a soutenu que l'homme du métier savait que les sels de chlorure étaient par exemple des composés pouvant générer du chlorure d'hydrogène et donc que le problème d'insuffisance de divulgation ne se posait pas.

Cet argument doit cependant être rejeté puisque l'intimé n'a pas été en mesure d'établir si les sels de chlorure généraient du chlorure d'hydrogène dans les conditions opérationnelles d'une réaction d'hydrofluoration d'un hydrocarbure chloré.

7. La Chambre arrive par conséquent à la conclusion que la requête déposée lors de la procédure orale devant la Chambre n'est pas clairement admissible puisque qu'elle pose des problèmes de clarté et de suffisance de divulgation de l'invention.

Par conséquent tenant compte de l'état très avancé de la procédure de recours et du fait que le dépôt de cette requête n'a été causé par aucun nouveau fait ou nouvel argument, la Chambre, pour des raisons d'économie de procédure décide de ne pas admettre cette requête tardive dans la procédure de recours (Article 13(1) RPCR).

8. Aux termes de l'article 113 (2) CBE, les instances de l'OEB n'examinent et ne prennent de décision sur un brevet européen que dans le texte proposé ou accepté par le propriétaire du brevet. Dans le cas d'espèce, l'intimé, propriétaire du brevet litigieux, n'a proposé ou accepté aucun autre texte que celui du brevet dans la version soumise comme seule requête lors de la procédure orale devant la Chambre. Cette requête n'étant cependant pas admise dans la procédure, le brevet litigieux doit être révoqué puisqu'il n'existe pas de texte au sens de l'Article 113(2) CBE sur la base duquel un brevet pourrait être maintenu.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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