European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2012:T022010.20121120 | ||||||||
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Date de la décision : | 20 Novembre 2012 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0220/10 | ||||||||
Numéro de la demande : | 03292933.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 8/34 A61K 8/46 A61K 8/86 A61K 8/87 A61Q 5/10 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques | ||||||||
Nom du demandeur : | L'Oréal | ||||||||
Nom de l'opposant : | KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH | ||||||||
Chambre : | 3.3.10 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Requêtes principale et subsidiaires 1 et 2: recevabilité (oui); modifications pas admissibles - non conformes aux exigences de clarté Requêtes subsidiaires 3, 4, 8 et 9: activité inventive (non) - pas d'essais comparatifs pertinents - alternatives évidentes Requêtes subsidiaires 5, 6 et 7 : recevabilité (non) - tardives - pas clairement admissibles |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant (opposant) a introduit un recours contre la décision de la division d'opposition rejetant son opposition à l'encontre du brevet européen 1 454 616 dont la revendication s'énonce comme suit:
"1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques, en particulier des fibres kératiniques humaines, telles que les cheveux, caractérisée en ce qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture,
a) au moins un colorant d'oxydation,
b) au moins un alcool gras,
c) au moins un polymère associatif choisi parmi les polymères associatifs anioniques, cationiques et amphotères, et
d) au moins un alkyl sulfate en C14-C30."
II. Une opposition avait été formée en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité pour manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100 (a) CBE), se basant notamment sur les documents
(1) WO-A-94/01076 et
(6) US-A-2001/0023514.
III. Selon la division d'opposition, l'objet de revendication 1 du brevet tel que délivré était nouveau par rapport au document (1), car, d'une part, ce document ne divulguait pas d'alkyl sulfate en C14-C30 et, d'autre part, il n'y avait pas de preuve que le polymère "Celquat L200" était un polymère associatif.
En ce qui concerne l'activité inventive, le document (6) représentait l'état de la technique le plus proche car il traitait de l'amélioration de la viscosité d'une composition de teinture d'oxydation. Il n'y avait dans l'état de la technique cité aucune incitation à sélectionner un polymère associatif ionique et un tensioactif supplémentaire, spécialement un alkyl sulfate. D'autre part, les effets sur la stabilité ou la miscibilité résultant d'un ajout ou d'une suppression d'un ingrédient dans une composition n'étaient pas prévisibles. L'objet des revendications du brevet délivré impliquait donc une activité inventive.
IV. Dans son mémoire de recours daté du 30 mars 2010, le requérant a contesté les conclusions de la division d'opposition et a de plus invoqué un manque de nouveauté et d'activité inventive en s'appuyant sur de nouveaux documents, en particulier le document
(11) US-A-4 362 528
V. Avec sa lettre de réponse au mémoire de recours datée du 20 octobre 2010, l'intimé (propriétaire du brevet) a déposé une nouvelle requête principale, ainsi que les requêtes subsidiaires 1 à 4. Avec une lettre datée du 15 février 2011, il a déposé les résultats de nouveaux essais comparatifs.
VI. Pendant la procédure orale tenue devant la Chambre le 20 novembre 2012, l'intimé a défendu son brevet sous la forme de sa requête principale, de ses requêtes subsidiaires 1 à 4 déposées le 20 octobre 2010, ainsi que sur la base des requêtes subsidiaires 5 à 9 déposées pendant ladite procédure orale. Il a demandé un renvoi de l'affaire devant la première instance si la Chambre devait considérer pertinents les nouveaux documents déposés avec le mémoire de recours afin de bénéficier du double degré de juridiction.
La revendication 1 de la requête principale diffère de la revendication 1 du brevet tel que délivré en ce que la composante (c) de la composition est définie plus en avant, à savoir "lesdits polymères associatifs comportant au moins une chaîne grasse, lesdits polymères associatifs cationiques à chaîne grasse étant choisis parmi les dérivés de cellulose quaternisée, les polyacrylates à groupements latéraux aminés non cycliques, les polyuréthanes cationiques, les polyvinyllactames cationiques et les terpolymères acryliques constitués de:
- de 5 à 80% en poids, préférentiellement de 15 à 70% en poids et plus préférentiellement de 40 à 70% en poids, d'un monomère acrylate (a), choisi parmi un acrylate d'alkyle en C1-C6 et un méthacrylate d'alkyle en C1-C6;
- de 5 à 80% en poids, préférentiellement de 10 à 70% en poids et plus préférentiellement de 20 à 60% en poids, d'un monomère (b), choisi parmi un composé vinylique hétérocyclique contenant au moins un atome d'azote ou de soufre, un (méth)acrylamide, un (méth)acrylate de mono- ou di-(C1-C4)alkylamino(C1-C4)alkyle et un mono ou di-(C1-C4)alkylamino(C1-C4)alkyl (méth)acrylamide;
- de 0,1 à 30% en poids, préférentiellement de 0,1 à 10% en poids d'un monomère (c), choisi parmi (i)un uréthane produit par réaction entre un isocyanate insaturé monoéthylénique et un tensioactif non ionique à terminaison C1-C4 alkoxy; (ii) un copolymère à blocs de 1,2-butylène oxyde et de 1,2-éthylène oxyde; (iii) un monomère tensioactif insaturé éthylénique copolymérisable obtenu par condensation d'un tensioactif non-ionique avec un acide carboxylique insaturé alpha,beta-éthylénique ou son anhydride; (iv) un monomère tensioactif choisi parmi les produits de réaction de type urée d'un monoisocyanate insaturé monoéthylénique avec un tensioactif non-ionique présentant une fonction amine; (v) un éther de (méth)allyle de formule CH2=CR1CH2OAmBnApR2 dans lequel R1 désigne un atome d'hydrogène ou un groupe méthyle, A désigne un groupement propylèneoxy ou butylèneoxy, B désigne l'éthylèneoxy, n est égal à zéro ou désigne un nombre entier inférieur ou égal à 200 et préférentiellement inférieur à 100, m et p désignent zéro ou un nombre entier inférieur à n et R2 est un groupe hydrophobe d'au moins 8 atomes de carbone et préférentiellement en C8-C30; et (vi) un monomère non-ionique de type uréthane produit par réaction d'un tensioactif non ionique monohydrique avec un isocyanate insaturé monoéthylénique;
les pourcentages en poids de monomères étant basés sur le poids total des monomères constituant le terpolymère."
La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de celle de la requête principale en ce que la composante c) ne peut pas être un polymère associatif amphotère.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffère de celle de la requête principale en ce que la composante c) ne peut pas être, ni un polymère associatif amphotère, ni un polymère associatif anionique.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 diffère de la revendication 1 du brevet tel que délivré ce que en ce que la composante c) est un polymère associatif ledit polymère associatif étant un polymère cationique comportant au moins une chaîne grasse et choisi parmi:
(i) les celluloses quaternisées modifiées par des groupements comportant au moins une chaîne grasse,
(ii) les hydroxyéthylcelluloses quaternisées modifiées par des groupements comportant au moins une chaîne grasse,
(iii) les polyuréthanes cationiques
(iv) les polyvinyllactames cationiques,
(v) le terpolymère acrylique constitué d'acrylates, d'amino(méth)acrylates et d'itaconate d'alkyle en C10-C30 polyoxyéthyléné à 20 moles d'oxyde d'éthylène.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 en ce que le polymère associatif est uniquement choisi parmi les (ii) les hydroxyéthylcelluloses quaternisées modifiées par des groupements comportant au moins une chaîne grasse.
Les revendications 1 des requêtes subsidiaires 5 à 9 diffèrent respectivement de celles des requêtes principale et subsidiaires 1 à 4 en ce que la chaîne grasse comporte de 8 à 30 atomes de carbone.
VII. Selon le requérant, la requête principale et les requêtes subsidiaires 1 à 9 ne devaient pas être admises dans la procédure puisque déposées tardivement. De plus, les modifications entreprises dans ces requêtes provenaient de la description. En outre, la caractéristique "chaîne grasse" était ambiguë. Il n'était par exemple pas clair si une chaîne de quatre atomes de carbone pouvait déjà être qualifiée de grasse. L'objet des revendications manquait de nouveauté par rapport aux exemples 1, 2 et 3 du document (11) puisque les polymères cationiques commercialisés sous les noms JR 125, JR 400 et JR 30 étaient des hydroxyéthylcelluloses quaternisées comportant des chaînes grasses de cinq atomes de carbone. Ce document représentait aussi l'état de la technique le plus proche de l'invention puisqu'il divulguait toutes les caractéristiques de la revendication 1. Les essais comparatifs de l'intimé déposés le 9 septembre 2009 ne mettaient pas en oeuvre de composition selon le document (6) considéré représenter l'état de la technique le plus proche de l'invention et ceux déposés le 15 février 2011 n'établissaient pas une comparaison avec les compositions structurellement les plus proches, en particulier en raison de différences de quantité de tensioactifs anioniques et d'alcools gras. Le problème technique résolu par l'invention n'était donc que la mise à disposition de compositions alternatives. Le document (6) enseignait déjà que des alkyl sulfate en C12-C20 étaient des tensioactifs anioniques alternatifs ou pouvaient être utilisés en vue d'améliorer la consistance de la composition. Le remplacement du tensioactif anionique présent dans l'exemple du document (6) par un alkyl sulfate en C14-C30 n'impliquait donc pas d'activité inventive. L'objet de la revendication 1 de toutes les requêtes manquait donc d'activité inventive.
VIII. Selon l'intimé, les nouvelles requêtes ont été déposées en réponse aux nouveaux moyens de preuve soumis avec le mémoire de recours ou, en ce qui concerne les requêtes subsidiaires 5 à 9, suite à une objection de manque de clarté soulevée pour la première fois par le requérant lors de la procédure orale devant la chambre. Aucun manque de clarté ne pouvait résulter d'un amendement visant à spécifier qu'un polymère possédait une chaîne grasse de 8 à 30 atomes de carbone. Toutes les requêtes devaient donc être admises dans la procédure. L'objet des revendications était nouveau car les polymères cationiques divulgués dans les exemples du document (11) n'étaient pas des polymères associatifs tels que définis dans la revendication 1, puisque dépourvus de chaîne grasse. En effet, les polymères cationiques JR 125, JR 30 M et JR 400 divulgués dans le document (11) n'étaient pas des polymères associatifs, mais substantifs et reconnus comme tels dans le brevet au paragraphe [0111] et à la page 22, lignes 12 à 17. Ces polymères commerciaux étaient des ammoniums quaternaires d'hydroxyéthylcellulose ayant réagi avec un époxyde substitué par un groupement triméthylammonium, et donc sans chaîne grasse. La caractéristique "chaîne grasse" était claire en soi et signifiait que la chaîne présentait au moins huit atomes de carbone, une chaîne de cinq atomes de carbone était clairement exclue par cette définition. L'objet des revendications était donc nouveau par rapport au document (11). En ce qui concerne l'activité inventive, le document (6) représentait l'art antérieur le plus proche. Le problème technique à résoudre vis-à-vis du document (6) était celui de la mise à disposition de compositions de teinture d'oxydation présentant une amélioration de la stabilité lors de la conservation et une amélioration de la consistance se traduisant au niveau de la texture et de la facilité à étaler. Les essais comparatifs déposés le 9 septembre 2009 et ceux déposés le 15 février 2011 montraient l'effet sur la viscosité dû à la présence d'alkyle sulfate en C14-C30. Dans les essais du 15 février 2011, une composition A selon le document (6) et une composition B selon l'invention comprenant le cetostéarylsulfate de sodium avaient été comparées. Cette comparaison était pertinente, la quantité de tensioactifs étant constante et la seule différence entre les deux compositions étant la présence du cetostéarylsulfate de sodium en lieu et place d'une partie de l'alcool gras polyglycérolé. Le problème de l'amélioration était donc résolu. Cependant, même si les compositions n'étaient que des alternatives, aucun document n'orientait l'homme du métier vers la solution d'ajouter un sulfate d'alkyle en C14-C30 aux compositions connues de l'art antérieur. L'objet des revendications impliquait donc une activité inventive.
IX. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimé a requis l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur le fondement de sa requête principale ou subsidiairement sur la base d'une de ses requêtes subsidiaires 1 à 9.
X. La Chambre a annoncé sa décision à l'issue de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Recevabilité des requêtes
Le requérant a contesté la recevabilité de toutes les requêtes parce qu'elles étaient tardives et qu'elles incorporaient des caractéristiques tirées de la description du brevet litigieux.
2.1 Requête principale et requêtes subsidiaires 1 à 4
Le dépôt de ces requêtes, soumises le 20 octobre 2010, donc dans le délai imparti pour répondre au mémoire de recours du 30 mars 2010, a été provoqué par le dépôt tardif de nouveaux documents dans le mémoire de recours du requérant à l'encontre de la nouveauté de la revendication 1 du brevet tel que délivré.
Par conséquent, la Chambre ne voit aucune raison de s'opposer à la recevabilité de ces requêtes.
2.2 Requêtes subsidiaires 5 à 9
Ces requêtes ont été déposées pendant la procédure orale devant la Chambre en réponse à une objection de manque de clarté de la caractéristique "chaîne grasse" soulevée lors de ladite procédure orale. Il est incontestable qu'elles sont tardives. L'admission de nouvelles requêtes à un stade avancé de la procédure de recours est laissée à la discrétion de la chambre de recours. En ce qui concerne l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, les critères établis par la jurisprudence constante des chambres de recours imposent que telles requêtes tardives soient clairement admissibles, c'est-à-dire que les modifications apportées à ces requêtes soient appropriées pour pallier à l'objection existante sans pour autant en créer de nouvelles (voir décisions T 153/85, JO OEB 1988, 1; T 1126/97, non publiée au JO OEB, point 3.1 de l'exposé des motifs).
2.2.1 Requêtes subsidiaires 5 à 7
Dans ces requêtes subsidiaires, le polymère associatif peut, autre autres, être choisi parmi des terpolymères acryliques constitués d'un monomère acrylate (a), d'un monomère (b) et d'un monomère (c). Ces caractéristiques structurales définissant le polymère associatif proviennent de la description du brevet litigieux. Durant la procédure orale, la revendication 1 de ces requêtes subsidiaires a été modifiée en ce que la chaîne grasse du polymère associatif comporte de 8 à 30 atomes de carbone, cette caractéristique étant également tirée de la description du brevet litigieux.
Or, il apparaît de prime abord que les monomères (a) et (b) constituant le polymère associatif et certains monomères (c), tel le copolymère à blocs de 1,2-butylène oxyde et de 1,2-éthylène oxyde (ii), ne peuvent pas comporter de chaîne grasse ayant de 8 à 30 atomes de carbone.
Ainsi, les modifications apportées à la revendication 1, semblent introduire a priori une incohérence dans la revendication en raison de la combinaison de caractéristiques prises de différentes parties de la description. Il en résulte que les requêtes subsidiaires 5 à 7 ne peuvent pas être considérées comme étant clairement admissibles.
L'intimé a argumenté que les polymères associatifs étaient définis dans la revendication 1 comme appartenant à une classe de polymère, donc de façon générale et ainsi il n'y avait pas de contradiction entre la définition du polymère et la présence d'une chaîne grasse de 8 à 30 atomes de carbone. Cependant cet argument doit être écarté car l'incohérence dans la revendication ne concerne pas les polymères associatifs définis par leur appartenance à une classe de polymères, mais concerne les terpolymères constitués par des monomères particuliers et bien définis.
Par conséquent, les requêtes 5 à 7 ne sont pas admises dans la procédure.
2.2.2 Requêtes subsidiaires 8 et 9
La revendication 1 de ces requêtes est fondée sur la revendication 12 du brevet tel que délivré avec comme seule modification la limitation de la chaîne grasse du polymère associatif à de 8 à 30 atomes de carbone. Cette modification n'engendre aucun manque de clarté, puisque la revendication 12 telle que délivrée prévoit déjà que le polymère associatif comporte au moins une chaîne grasse et que ce polymère associatif est défini par son appartenance à une classe de polymère, à savoir un terpolymère acrylique constitué d'acrylates, d'amino(méth)acrylates et d'itaconate d'alkyle en C10-C30 polyoxyéthyléné à 20 moles d'oxyde d'éthylène.
En outre le dépôt de ces requêtes a été occasionné par une objection de manque de clarté soulevée lors de la procédure orale devant la chambre.
La Chambre décide donc d'admettre les requêtes subsidiaires 8 et 9 dans la procédure de recours.
3. Requête principale et requêtes subsidiaires 1 et 2: Clarté
Les revendications 1 de ces requêtes ont été modifiées par l'incorporation de la caractéristique technique de la page 4, ligne 23 à 25 de la demande telle que déposée, selon laquelle le polymère associatif comporte au moins une chaîne grasse.
Le requérant a objecté que la revendication 1, modifiée en ce que le polymère associatif comporte au moins une "chaîne grasse", manquait de clarté.
Dans la présente espèce, pour qu'il soit satisfait à l'exigence de clarté énoncée à l'article 84 CBE, le polymère associatif doit être défini dans la revendication de sorte qu'il puisse être établi sans ambiguïté si un polymère associatif est conforme ou non à la revendication. Selon le requérant, une chaîne ayant quatre atomes de carbone serait déjà qualifiée de grasse, alors que pour l'intimé, il faudrait au moins huit atomes de carbone pour une telle qualification, admettant toutefois qu'un doute pourrait éventuellement exister pour une chaîne de sept atomes de carbone.
La qualification de "grasse" pour une chaîne hydrocarbonée a pour objectif de définir le nombre d'atomes de carbone de ladite chaîne. L'intimé n'a cependant pas montré qu'il existait une définition non équivoque du terme "chaîne grasse" en tant que tel, et encore moins qu'une telle définition serait généralement acceptée dans le domaine technique considéré, puisque de l'aveu même de l'intimé une incertitude pourrait par exemple survenir pour une chaîne de sept atomes de carbone puisqu'il n'est pas clair qu'une telle chaîne peut être qualifiée de chaîne grasse. Cette incertitude montre que l'expression "chaîne grasse" n'a pas de signification généralement admise en ce qui concerne le nombre d'atomes de carbone. Cette caractéristique ne permet donc pas de définir clairement l'objet de la revendication 1 (voir aussi décision T 337/95, JO OEB 1996, 628).
Ainsi, la revendication 1 des requêtes principale et subsidiaires 1 et 2 ne satisfait pas à l'exigence de clarté imposé par l'Article 84 CBE.
4. Requête subsidiaire 3
La revendication 1 de cette requête est identique à la revendication 12 du brevet tel que délivré.
4.1 Nouveauté
Pendant la procédure orale devant la Chambre, le requérant a fondé son objection de manque de nouveauté uniquement sur le document (11), plus précisément, sur les exemples 1 à 3 du document en prétendant, sans en amener la preuve, que les polymères cationiques commerciaux JR 125, JR 400 et JR 30M seraient des hydroxyéthylcelluloses quaternisées comportant des chaînes de cinq atomes de carbone, donc grasses.
Cependant, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours de l'OEB, chaque partie à la procédure supporte la charge de la preuve des faits qu'elle allègue, en l'espèce le requérant qui prétend, sans en apporter la moindre preuve que les polymères cationiques JR 125, JR 400 et JR 30M possèdent des chaînes grasses (voir décision T 270/90, JO OEB 1993, 725, point 2.1 des motifs; T 355/97, point 2.5 des motifs, non publiée au JO OEB).
En absence d'éléments prouvant la structure des polymères cationiques entrant dans la composition du document (11) l'objet de la revendication 1 est considéré nouveau par rapport à ce document.
4.2 Activité inventive
4.2.1 Art antérieur le plus proche de l'invention
En accord avec l'intimé et la division d'opposition, la Chambre considère que le document (6) représente l'art antérieur le plus proche de l'invention. Ce document divulgue une composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant, dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un colorant d'oxydation, au moins un polymère épaississant comportant au moins une chaîne grasse et au moins un alcool gras mono- ou poly- glycérolé (voir revendication 1). Le polymère épaississant peut être par exemple un polymère cationique d'alkylhydroxyéthyl-celluloses quaternisées à chaînes grasses en C8-C30, comme le QUATRISOFT LM 200 (voir page 5, paragraphe [0104]). En outre, selon le document (6) les compositions de teinture peuvent inclure des tensioactifs anioniques tels les alkyl sulfates ayant entre 12 et 20 atomes de carbone (voir page 16, paragraphes [0320] et [0321]). Dans le mode de réalisation divulgué à la page 19, paragraphe [0373], la composition de teinture comprend des colorants d'oxydation (entre autres le 1,4-diaminobenzène), des alcools gras polyglycérolés (un mélange d'alcools linéaires en C18-C24 polyglycérolés à 6 moles de glycérol, l'alcool cétéarylyique polyglycérolés à 2 moles de glycérol et l'alcool cétéarylyique polyglycérolés à 6 moles de glycérol), un polymère cationique d'alkylhydroxyéthyl-celluloses quaternisées à chaînes grasses en C8-C30 (le polymère Quadrisoft LM 2000) et l'acide oléique qui est un tensioactif anionique.
Ce mode de réalisation constitue l'état de la technique le plus proche de l'invention et donc le point de départ dans l'évaluation de l'activité inventive.
Le requérant a considéré que le document (11) était plus proche de l'invention que le document (6), puisque divulguant toutes les caractéristiques de la revendication 1. Cependant, cet argument doit être écarté parce qu'il n'a pas été montré que ce document (11) divulguait un polymère associatif conforme au brevet litigieux (voir point 4.1 ci-dessus).
4.2.2 Problème technique à résoudre
L'intimé a soumis que le problème technique à résoudre par rapport au document (6) était la mise à disposition de compositions de teinture d'oxydation présentant une amélioration de la stabilité lors de la conservation et de la consistance, notamment traduite au niveau de la texture et de la facilité à étaler.
4.2.3 Solution
La solution proposée par le brevet en litige est la composition selon revendication 1 caractérisée par le choix d'un tensioactif anionique spécifique, à savoir un alkylsulfate en C14-C30.
4.2.4 Succès
L'intimé s'est référé aux résultats des essais comparatifs déposés le 9 septembre 2009 et ceux déposés le 15 février 2011 pour démontrer la supériorité des compositions revendiquées par rapport au compositions de l'état de la technique quant aux propriétés rhéologiques.
Rapport d'essais du 9 septembre 2009
Dans ces essais comparatifs, la composition supposée refléter le document (6) contient comme alcool gras l'alcool stéarylique et ses dérivés polyoxyéthylénés (2 OE et 21 OE).
La composition dite comparative ne représente cependant pas une composition selon le document (6) puisqu'elle ne contient pas d'alcool gras mono- ou poly-glycérolé, à savoir une composante obligatoire des compositions du document (6).
En conséquence, ces essais comparatifs qui ne mettent pas en oeuvre une composition reflétant l'état de la technique le plus proche de l'invention ne peuvent de toute évidence démontrer une amélioration des propriétés des compositions revendiquées par rapport à celles selon l'état de la technique le plus proche de l'invention.
Rapport d'essai du 15 février 2011
Ces essais mettent en oeuvre une composition A reflétant le document (6) comprenant 4% d'alcool oléique polyglycérolé à 2 moles de glycérol et 3,35% d'alcool oléique polyglycérolé à 4 moles de glycérol, donc 7,35% d'alcool gras polyglycérolé. La composition contient également 2,6% de tensioactif anionique (acide oléique).
La composition B selon l'invention diffère de la composition A par le remplacement d'une partie de l'alcool oléique polyglycérolé présent dans la composition A par une quantité équivalente de cetostéarylsulfate de sodium. La composition B de l'invention comprend donc 3% d'alcool oléique polyglycérolé à 2 moles de glycérol et 2,51% d'alcool oléique polyglycérolé à 4 moles de glycérol, donc 5,51% d'alcool gras polyglycérolé et, 2,6% d'acide oléique ainsi que 1,84% de cetostéarylsulfate de sodium, donc 4,44% de tensioactif anionique.
La Chambre constate donc que la comparaison met en oeuvre des compositions qui comprennent des quantités différentes d'alcools gras polyglycérolés et de tensioactifs anioniques, alors que la solution au problème technique proposée par le brevet litigieux réside uniquement dans le choix d'un tensioactif spécifique (voir point 4.2.3 dessus).
Or, lorsqu'on procède à des essais comparatifs pour fonder une activité inventive sur un effet se produisant dans le domaine revendiqué, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche doit être de nature à montrer de manière convaincante que cet effet trouve sa cause dans la caractéristique distinctive de l'invention. Cependant, dans les circonstances de l'espèce, le choix des compositions comparées dans ces essais ne peut guère démontrer que la solution proposée par le brevet pour résoudre le problème technique, à savoir le choix d'un un alkylsulfate en C14-C30 comme tensioactif anionique, soit à l'origine de l'amélioration alléguée relative aux propriétés de rhéologie. En effet, il ne peut pas être établi si un quelconque effet sur la viscosité est dû simplement à la présence de la caractéristique distinctive caractérisant la composition revendiquée, à savoir le choix d'un tensioactif anionique particulier, ou si il est dû aux autres différences, notamment la quantité d'alcools gras polyglycérolés et la quantité de tensioactifs anioniques, ces deux caractéristiques ne distinguant pas les compositions revendiquées de celles du document (6).
Il s'en suit que la Chambre ne peut ignorer le fait que l'amélioration alléguée ne résulte pas nécessairement du choix d'un alkylsulfate en C14-C30 comme tensioactif anionique, mais puisse aussi trouver sa cause dans la présence d'une quantité moindre en alcools gras polyglycérolés ou d'une quantité supérieure en tensioactifs anioniques dans la composition.
L'intimé a prétendu que la comparaison était pertinente puisqu'effectuée à quantité équivalente de tensioactifs.
Cependant, la Chambre constate que les alcools gras polyglycérolés ne sont pas divulgués comme tensioactifs dans le document (6) puisque ce document prévoit la présence optionnelle d'au moins un tensioactif dans la composition comprenant déjà des alcools gras polyglycérolés (voir paragraphe [0317] et revendication 1). La présence d'alkyl sulfates ainsi que d'acide oléique dans les compositions du document (6) est par contre divulguée à titre de tensioactifs (voir paragraphe [0321] et [0322]). La comparaison proposée dans les essais comparatifs n'est donc pas effectuée à quantité équivalente de tensioactifs et par conséquent cet argument de l'intimé doit être rejeté.
La Chambre arrive donc à la conclusion que les essais présentés par l'intimé au soutien de l'amélioration ne sont pas pertinents pour démontrer qu'au regard de l'enseignement de l'art antérieur le plus proche, le choix d'un alkyl sulfate en C14-C30 soit la cause de l'amélioration soutenue par l'intimé. En conséquence, les essais comparatifs de l'intimé ne permettent pas de conclure que le problème technique tel que défini par l'intimé (point 4.2.2 ci-dessus) ait effectivement été résolu par les compositions revendiquées.
Dans ces circonstances il convient de reformuler le problème technique à résoudre par l'invention de façon moins ambitieuse, à savoir, celui de proposer une alternative aux compositions de teinture d'oxydation de l'état de la technique.
4.2.5 Par conséquent, la question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème de la mise à disposition de compositions alternatives découlait de façon évidente de l'état de la technique disponible, en d'autres termes s'il était évident pour l'homme du métier d'incorporer un alkyl sulfate en C14-C30 dans une composition selon le document (6).
Le document (6) enseigne que les alkyl sulfates en C12-C20 sont des tensioactifs anioniques alternatifs à l'acide oléique et peuvent être présents dans les compositions de teinture (voir paragraphes [0317], [0321] et [0322]). Le remplacement de l'acide oléique, qui est le tensioactif anionique présent dans le mode de réalisation du paragraphe [0373] du document (6), par un autre tensioactif anionique, en particulier un alkyl sulfate en C14-C30, est par tant évident dans le but de mettre à disposition une composition alternative.
L'intimé a argumenté que face aux multiples possibilités s'offrant à lui, l'homme du métier n'aurait pas choisi sélectivement les alkyl sulfates en C14-C30. Cependant, le choix d'un tensioactif particulier à l'intérieur de l'enseignement général du document (6), ce tensioactif étant de surcroît explicitement décrit dans ce document, ne peut pas être considéré comme un choix motivé puisque n'engendrant aucun effet (voir le point 4.2.4), mais simplement un choix arbitraire au sein de possibilités envisagées par le document (6). Ce choix arbitraire ne dépasse pas les compétences normales de l'homme du métier et ne peut donc conférer une activité inventive aux compositions revendiquées. Ainsi, la solution revendiquée est rendue évidente par l'enseignement du document (6).
4.2.6 En conséquence, l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 n'implique pas d'activité inventive.
5. Requêtes subsidiaires 4, 8 et 9
Dans ces requêtes le polymère associatif a été limité aux hydroxyéthylcelluloses quaternisées modifiées par des groupements comportant au moins une chaîne grasse et/ou la chaîne grasse du polymère a été limitée à de 8 à 30 atomes de carbone.
Cependant le polymère Quatrisoft LM 200 présent dans la composition mise en oeuvre dans le mode de réalisation de l'état de la technique le plus proche de l'invention, à savoir au paragraphe [0373] du document (6), est un polymère cationique d'alkylhydroxyéthyl-celluloses quaternisées à chaînes grasses en C8-C30 (voir document (6), page 5, paragraphe [0104]). Cette restriction du polymère associatif ne distingue donc pas les compositions revendiquées de celles selon l'état de la technique le plus proche de l'invention.
Les limitations effectuées dans ces requêtes subsidiaires ne peuvent, par conséquent, pas contribuer à conférer une activité inventive (cf. point 4.2 dessus). Ainsi, la conclusion du point 4.2.6 dessus demeure, à savoir que l'objet de la revendication 1 de ces requêtes est dépourvu d'activité inventive.
6. Renvoi de l'affaire
L'intimé a demandé un renvoi de l'affaire à la première instance si la Chambre devait considérer pertinents les nouveaux documents déposés avec le mémoire de recours du requérant afin de bénéficier du double degré de juridiction.
Cependant, la Chambre est arrivée à la conclusion que les compositions revendiquées manquaient d'activité inventive à la lumière du seul document (6). Ce document était cité dans le mémoire d'opposition et a été considéré dans la décision contestée pour l'évaluation de l'activité inventive.
Dans ces conditions, la question d'un renvoi de l'affaire à la première instance ne se pose pas.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.