Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours est dirigé contre la décision par laquelle la division d'examen de l'OEB a rejeté le 18 mai 1992 la demande de brevet européen n 87 303 463.1 (publiée sous le n EP-A - 0 246 749).
II. La décision attaquée a été rendue sur la base d'un jeu de revendications modifiées valant pour tous les Etats contractants désignés à l'exception de AT et ES, et de deux jeux de revendications, valant l'un pour AT, l'autre pour ES ; tous ces jeux de revendications avaient été produits le 2 décembre 1991.
La demande a été rejetée au motif que dans les jeux de revendications susmentionnés, les revendications 1 n'étaient pas rédigées conformément aux prescriptions de l'article 84 CBE, et que leur objet n'impliquait pas d'activité inventive par rapport au contenu des documents suivants :
D3 : US-A-3 952 001,
D7 : GB-A-2 120 665, et
D8 : US-A-4 492 597.
La division d'examen, invoquant l'article 84 CBE, a objecté que la classe de composés revendiquée était définie en termes vagues, tels que "substitué". A son avis, s'agissant de produits revendiqués uniquement pour leur activité biologique, ce terme de "substitué" ne pouvait s'entendre dans son sens ordinaire. Le sens particulier donné à ce terme dans la description variant à chaque fois, il devait être considéré que les revendications manquaient de clarté. La division d'examen a estimé en outre que la portée donnée aux revendications ne pouvait être considérée comme une généralisation raisonnable des exemples cités dans la description. Par ailleurs, elle a jugé que les antériorités susmentionnées auraient pu véritablement donner l'idée à l'homme du métier de préparer les composés selon la présente demande afin de résoudre le problème technique posé, celui de l'obtention de nouveaux triazoles ayant une activité herbicide. La division d'examen avançait deux raisons : d'une part l'homme du métier, en combinant les documents en question, aurait pu en déduire que l'élément structurel essentiel des composés revendiqués, qui conférait un effet herbicide à tous les composés chimiques le comportant (le "biophore"), était l'anneau triazole portant des substituants dans les positions 1 et 3 et, le cas échéant, en position 5 ; d'autre part, les deux modifications de structure nécessaires pour pouvoir obtenir certains composés revendiqués à partir des composés décrits dans les documents D7 et D8 consistaient simplement à effectuer un remplacement bioisostérique classique et à introduire des substituants classiques dans l'anneau phényle, situé en position 5 de l'anneau triazole.
III. Dans une notification établie en application de l'article 110(2) CBE, la Chambre de recours a déclaré qu'il lui paraissait douteux que les pièces de la demande contiennent suffisamment d'éléments pour pouvoir convaincre le lecteur que tous les composés revendiqués étaient susceptibles d'avoir l'activité herbicide alléguée par le demandeur. Durant la procédure de recours, elle a en outre informé le requérant qu'elle pourrait être disposée à reconnaître l'existence d'une activité inventive si l'objet de la demande en cause était limité aux composés chimiques qui avaient vraisemblablement une action herbicide, à en juger par l'ensemble des preuves qui avaient été fournies, et elle a précisé dans quelle mesure il était possible d'admettre l'existence d'une activité herbicide. Dans une notification ultérieure, la Chambre a renvoyé le requérant au document:
D9: C. Temple, "Triazoles 1,2,4" (Vol. 37 de la série "The Chemistry of Heterocyclic Compounds), 1981, pages 261, 262, 286, 287, en liaison avec les pages 411, 412 et 413.
Elle lui a également signalé que l'on pouvait fort bien considérer que certains composés revendiqués dans la demande étaient le produit de synthèses classiques. Si donc l'on pouvait estimer que le problème résolu grâce à la demande de brevet en cause ne pouvait être que celui de l'obtention de nouveaux composés chimiques, les composés revendiqués, proposés comme solution de ce problème, pouvaient alors être considérés comme évidents.
IV. En réponse aux observations de la Chambre, le requérant a, le 5 novembre 1994, déposé cinq nouveaux jeux de revendications modifiées valant pour les Etats contractants désignés, à l'exception de ES et AT (jeux de revendications A à E). Lors de la procédure orale tenue le 12 septembre 1995, il a apporté de nouvelles modifications à la revendication 1 du jeu de revendications A afin de répondre à certaines des objections que la Chambre avait soulevées au titre des articles 84 et 123(2) CBE.
Le requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée et la délivrance d'un brevet sur la base soit de la revendication 1 présentée au cours de la procédure orale et des revendications 2 à 7 datées du 27 octobre 1994, soit de l'un des jeux de revendications "B" à "E", datés du 27 octobre 1994, correspondant respectivement aux requêtes subsidiaires 1 à 4. Il a également demandé que les deux questions de droit qu'il avait posées l'une dans sa "requête nº 1", l'autre dans sa "requête nº 2" lors de la procédure orale soient soumises telles quelles à la Grande Chambre de recours. Le texte modifié de la revendication 1 selon le jeu de revendications A présenté lors de la procédure orale est le suivant :
1. Les sulfonamides de triazole de formule
(FORMULE)
et leurs sels, formule dans laquelle :
R1 représente l'hydrogène, un groupe alkyle comportant 1 à 6 atomes de carbone, un groupe phényle ou bien un groupe pyrimidine-2-yl substitué ou non substitué;
R2 représente l'hydrogène, un groupe alkyle comportant 1 à 6 atomes de carbone, un groupe phényle, amino, alkylamino comportant 1 à 4 atomes de carbone, ou un groupe 2,5-diméthylpyrrol-1-yl ; et
R3 représente un groupe phényle pouvant éventuellement être substitué; étant stipulé que :
a) R1 et R2 ne représentent pas l'hydrogène tous les deux en même temps ;
b) lorsque R1 représente l'hydrogène et que, simultanément, R3 représente un groupe phényle ou 4-méthylphényle, R2 ne peut pas représenter un groupe phényle ;
c) lorsque R1 représente l'hydrogène, R2 ne peut pas être un groupe amino.
Les revendications 1 selon les jeux de revendications B à E donnent une définition plus restrictive des substituants R1 et R2 mais, dans toutes ces revendications, R3 représente toujours un groupe phényle pouvant le cas échéant être substitué.
Les deux questions de droit soulevées par le requérant sont les suivantes:
"Requête n 1: lorsque la solution la plus proche de l'état de la technique est considérée comme non évidente au sens de l'article 56, peut-on néanmoins considérer qu'une solution qui s'éloigne davantage de cet état de la technique est évidente au sens de ce même article ?"
"Requête n 2: Si la Chambre a invoqué sans preuve les connaissances générales de l'homme du métier, doit-elle citer des documents à l'appui de ses allégations pour que son argumentation soit valable?"
V. Dans le mémoire exposant les motifs de son recours, dans les moyens qu'il a produits ultérieurement par écrit ainsi que lors de la procédure orale, le requérant a répondu aux objections soulevées au titre de l'article 84 CBE, en faisant valoir que les expressions utilisées dans la revendication 1 avaient certes une large portée, mais qu'elles étaient parfaitement claires ; il n'y avait donc aucune raison de penser qu'elles pouvaient avoir un sens particulier dans ce cas précis. En ce qui concerne l'objection soulevée au titre de l'article 56, il a prétendu que l'homme du métier n'aurait pu déduire des documents D3, D7 et D8 que des composés répondant à la formule I reproduite plus haut étaient susceptibles d'avoir une quelconque activité herbicide, notamment parce qu'il n'était guère possible à l'homme du métier, en faisant appel à ses connaissances générales, de prévoir l'impact que des modifications de structure mêmes minimes pouvaient avoir sur cette activité biologique. Il a ajouté que la division d'examen, en déclarant dans la décision attaquée qu'un homme du métier pouvait s'attendre à ce que tous les composés triazoles comportant un substituant en positions 1 et 3 ainsi que, éventuellement, en position 5 aient une activité herbicide, s'était contentée d'affirmer des faits sans les prouver.
Bien qu'ayant souligné que tous les composés qu'il revendiquait à présent avaient l'action herbicide en question, le requérant a tenu aussi à préciser que même si ce n'était pas le cas, l'article 56 CBE, qui n'avait trait qu'au caractère évident des inventions par rapport à l'état de la technique, ne pouvait être invoqué pour exiger que l'objet des revendications de la demande en cause soit limité à des composés ayant une activité quelconque ou même une quelconque propriété techniquement utile ; en effet, la réponse à la question de savoir si des propriétés techniquement utiles avaient pu ou non être obtenues ne dépendait nullement de l'état de la technique, si bien que l'on ne pouvait dans ces conditions soulever valablement une objection au titre de l'article 56 CBE. Faisant référence à la décision T 181/82, il a en outre fait remarquer à la Chambre que si, comme elle était manifestement disposée à le faire, elle admettait l'existence d'une activité inventive dans le cas des composés revendiqués les plus proches de par leur structure de ceux divulgués dans les antériorités citées, elle devait en bonne logique considérer que tous les composés structurellement plus éloignés des composés connus impliquaient eux aussi une activité inventive.
Le requérant a complété cette première partie de son argumentation en faisant valoir que vu le grand nombre d'exemples et d'informations qu'il avait fournis dans sa demande de brevet au sujet de l'activité des composés, il était raisonnable de penser que tous les composés couverts par les revendications actuelles auraient eux aussi l'activité en question. Il a en outre expliqué que le nombre illimité de substitutions possibles qui avait été revendiqué pour l'anneau phényle R3 se justifiait dans la mesure où il était connu que des substituants tels que les groupes amides pouvaient être éliminés après application d'un herbicide sur le sol ; il était donc tout à fait possible que la partie active des composants revendiqués ne contienne pas ledit substituant R3. En tout état de cause, selon le requérant, la Chambre n'avait pu se fonder que sur ses propres connaissances générales lorsqu'elle avait mis en doute l'activité herbicide en question; ses affirmations n'étaient étayées par aucune preuve. Il a rappelé à ce propos qu'il avait été déclaré dans les décisions T 21/83 et T 157/87 que lorsque l'on invoquait les connaissances générales de l'homme du métier pour contester la brevetabilité de l'objet d'une demande, il convenait de citer un ou plusieurs documents précis. Enfin, il a admis que les composés revendiqués étaient obtenus par des méthodes de synthèse classiques, mais a déclaré que ce n'était pas là le point important parce que la question cruciale pour pouvoir juger de l'existence d'une activité inventive au sens de l'article 56 était non pas de savoir si un homme du métier aurait pu préparer les composés revendiqués, mais si, étant donné l'état de la technique, il les aurait effectivement préparés. Selon lui, l'état de la technique ne pouvait en l'occurrence donner l'idée à l'homme du métier de préparer des composés identiques à ceux couverts par le texte actuel des revendications, et ne divulguait aucun autre composé parmi la multitude de nouveaux composés que les méthodes classiques de synthèse permettaient également d'obtenir - mais ceci uniquement en théorie.
VI. A l'issue de la procédure orale, la Chambre a annoncé qu'elle avait décidé de rejeter le recours ainsi que la requête du requérant visant à soumettre deux questions de droit à la Grande Chambre de recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Requête principale
2.1 La Chambre est convaincue que la revendication 1 du jeu de revendications A produit lors de la procédure orale répond aux conditions exigées à l'article 123(2) CBE, et que l'objet revendiqué est nouveau. Comme dans la présente espèce il s'agit essentiellement de savoir si les dispositions des articles 84 (clarté et fondement des revendications) et 56 CBE (activité inventive) ont bien été respectées, et que c'est en raison du non- respect de l'article 56 que le recours sera rejeté, pour les motifs exposés ci-après, la Chambre n'a pas à expliquer pour quels motifs elle se déclare convaincue que l'objet de la dite revendication est nouveau et satisfait à l'article 123(2) CBE.
2.2 La première question à trancher est de savoir si, dans leur version actuelle, les revendications peuvent appeler des objections au titre de l'article 84 CBE, comme l'a estimé la division d'examen, qui a objecté premièrement que les revendications n'étaient pas claires et deuxièmement qu'elles ne se fondaient pas sur la description.
2.2.1 En ce qui concerne la première de ces deux objections, la division d'examen a estimé par ex. que le terme "substitué" ne pouvait être pris dans son sens ordinaire parce que la revendication avait trait à des composés chimiques ayant une activité biologique. Or, l'actuelle revendication indépendante couvre certains composés chimiques en tant que tels, et non pas uniquement les composés ayant une activité biologique particulière. L'activité biologique de ces composés n'est donc pas une caractéristique technique essentielle de l'objet revendiqué, et n'entre donc pas dans la définition de cet objet ; il n'y a par conséquent aucune raison de considérer que le terme "substitué" ne revêt pas son sens ordinaire, à savoir "substitué par absolument n'importe quoi" (cf. point 6 de la décision attaquée). C'est d'ailleurs manifestement la signification que le requérant entendait donner à ce mot. Aussi la Chambre estime-t-elle que la revendication 1 répond à l'exigence de clarté au sens de l'article 84 CBE.
2.2.2 La deuxième objection soulevée par la division d'examen visait la revendication 1 selon la requête principale, qui selon la division d'examen, constituait une généralisation excessive des exemples donnés dans la description. La Chambre estime quant à elle qu'il ne découle pas de l'article 84 CBE et notamment de la disposition selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description qu'une revendication appelle des objections dès lors qu'elle a "une portée trop vaste" (d'après la règle 27(1) e) CBE, la description ne doit pas obligatoirement comporter des exemples). L'expression "se fonder sur la description" signifie au contraire que les caractéristiques techniques présentées dans la description comme étant des caractéristiques essentielles de l'invention décrite doivent être les mêmes que celles qui servent à définir l'invention dans les revendications (cf. décisions T 133/85, JO OEB 1988, 441, point 2 des motifs, et T 409/91, JO OEB 1994, 653, point 3.2 des motifs), car sinon, les revendications ne seraient pas de véritables définitions, mais de simples descriptions. Comme l'a souligné en outre la décision T 409/91 (points 3.3 et 3.4 des motifs), une revendication couvrant un objet qui n'a pas été exposé dans la description conformément aux prescriptions de l'article 83 CBE ne peut pas non plus être fondée sur la description au sens de l'article 84 CBE. Dans la présente affaire, il ressort des considérations développées au point 5 de la décision attaquée que la division d'examen ne doutait pas de la possibilité de préparer les composés revendiqués. Qui plus est, la division d'examen n'a pas constaté que les caractéristiques techniques présentées dans la description comme étant des caractéristiques essentielles de l'invention revendiquée n'étaient pas reprises dans la définition donnée de l'invention dans la revendication 1 actuelle ; la Chambre ne considère pas elle non plus que ce soit le cas. La division d'examen a fait valoir au contraire qu'un homme du métier n'aurait pu déduire des pièces de la demande que tous les composés revendiqués auraient ou pourraient probablement avoir l'activité herbicide alléguée par le demandeur, caractéristique qui n'entrait pas dans la définition de l'objet qu'entendait faire protéger la revendication 1 de la demande de brevet, ainsi qu'il a été expliqué plus haut. Les faits de la cause en l'occurrence ne sont donc pas les mêmes que dans l'affaire T 409/91, et c'est pourquoi la Chambre estime qu'il ne peut être objecté dans la présente affaire que la revendication ne se fonde pas sur la description.
2.2.3 Contrairement à ce que prétend le requérant, cela ne signifie pas pour autant que la brevetabilité des composés revendiqués doit être appréciée sans tenir compte des propriétés de l'objet revendiqué (ni de l'effet technique qu'il produit). La Chambre estime que la question de la brevetabilité ne se ramène pas à la question de savoir si l'article 84 CBE est respecté, elle est également étroitement liée à la question de l'existence d'une activité inventive au sens de l'article 56 CBE, et c'est cette question que la Chambre va examiner à présent.
2.3 Point n'est nécessaire sans doute de rappeler que la question de l'existence d'une activité inventive ne saurait être appréciée que sur la base de l'état de la technique pertinent (cf. article 56 CBE). Il ressort toutefois de l'article 54(2) CBE que l'état de la technique ne se limite pas à ce qui été divulgué par écrit dans des documents précis, mais qu'il comprend tout ce qui a été rendu accessible au public sous toute autre forme ("par tout autre moyen"). Le fait qu'il n'ait pas été cité de document précis ne signifie donc pas qu'il n'existe pas d'état de la technique, l'état de la technique pouvant tenir à de simples connaissances générales dans le domaine concerné, connaissances qui, elles aussi, peuvent ou non être consignées par écrit, par ex. dans des manuels ou autres ouvrages, ou faire simplement partie du "bagage intellectuel" non écrit de l'"homme du métier". Bien entendu si l'étendue des connaissances générales de l'homme du métier se voit contestée, il convient, comme pour n'importe quel autre fait en litige, d'en apporter des preuves, soit par écrit, soit oralement (cf. également décision T 766/91 du 29 septembre 1993, point 8.2 des motifs). Le requérant étant dans la présente affaire revenu au cours de la procédure orale sur ce qu'il avait prétendu auparavant, à savoir que vu les connaissances générales existant à l'époque dans le domaine considéré, l'homme du métier ignorait quels étaient les produits de départ et les méthodes de synthèse nécessaires pour préparer les composés revendiqués, il n'y a plus à apporter de preuves à ce sujet. Il suffit d'admettre que le document D9 reflète fidèlement les connaissances générales existant dans ce domaine.
2.3.1 Le document D3 a trait, entre autres, à une classe de composés répondant à la formule générale suivante :
(FORMULE)
dans laquelle les éléments R1 à R4 sont choisis parmi des substituants hydrogènes ou aliphatiques, et dans laquelle chaque substituant comporte au maximum huit atomes de carbone (voir colonne 2, formule III). R3 peut aussi signifier un groupe phényle, pouvant être substitué par 1 à 3 atomes d'halogène. Il est affirmé que ces composés ont une activité herbicide (1ère colonne, ligne 9 à 13). Le document décrit en outre comme produits de départ pour la préparation des composés précités une classe de composés répondant à la formule générale suivante:
(FORMULE)
dans laquelle R3 et R4 ont les mêmes significations que celles mentionnées plus haut (voir colonne 33, formule XIV). Si R4 est l'hydrogène, les composés en question correspondent aux composés répondant à la formule I selon l'actuelle revendication 1, dans laquelle R1 et R2 désignent tous les deux l'hydrogène. Or l'alinéa a) de l'actuelle revendication 1 exclut de tels composés.
2.3.2 Les documents D7 et D8 portent chacun sur des groupes de composés similaires, répondant à la formule générale suivante :
(FORMULE)
dans laquelle les substituants de l'anneau phényle, tout comme les substituants R4 et R5, comportent au maximum 4 atomes de carbone. Ces composés peuvent être utilisés comme herbicides (cf. D7, page 1, lignes 1 à 19 et D8, 1ère colonne, lignes 17 à 43).
2.3.3 Ces documents, ainsi que ce qui est considéré à présent comme faisant partie des connaissances générales de l'homme du métier, constituent l'état de la technique par rapport auquel va devoir être appréciée dans le présent recours l'activité inventive qu'impliquent les composés en cause.
2.4 Durant la procédure orale, le requérant a fait valoir que dans la présente affaire, la seule question qui se posait en relation avec l'article 56 CBE était celle de savoir si, compte tenu de l'état de la technique défini ci-dessus, un homme du métier aurait ou non préparé ou essayé de préparer les composés revendiqués répondant à la formule I (cf. point IV ci-dessus), dans laquelle R3 est un groupement phényle pouvant, éventuellement, être substitué. Selon le requérant, l'article 56 n'exige pas expressément que la demande de brevet ait pour objet la résolution d'un problème technique, et , par conséquent, la question de l'activité inventive devait être tranchée sans qu'il soit tenu compte de la solution apportée à un problème technique.
2.4.1 La Chambre convient avec le requérant que, s'agissant de l'existence d'une activité inventive au sens de l'article 56 CBE, la question qui se pose est bien celle énoncée plus haut ; elle ne le suit pas en revanche lorsqu'il en conclut que pour répondre à cette question et trancher le litige, l'on n'a pas à tenir compte de l'existence d'un problème technique ni de la solution qui y a été apportée, comme le problème entre autres des variantes pouvant être proposées pour des activités connues (par exemple des processus chimiques) ou pour des choses connues (par exemple des composés chimiques).
2.4.2 Si la Chambre n'est pas d'accord sur ce point avec le requérant, c'est parce qu'en vertu d'un principe du droit universellement admis depuis longue date, l'étendue du monopole conféré par le brevet doit être fonction de la contribution qu'il constitue par rapport à l'état de la technique, cette contribution constituant la justification dudit monopole (cf. décisions T 409/91 JO OEB 1994, 653, points 3.3 et 3.4 des motifs, et T 435/91, JO OEB 1995, 188, points 2.2.1 et 2.2.2 des motifs). Puisque, dans les deux décisions citées, c'est ce principe général du droit qui a été appliqué pour déterminer l'étendue de la protection qui se justifiait eu égard aux dispositions des articles 83 et 84 CBE, c'est ce même principe qui doit étre appliqué pour l'appréciation de l'existence d'une activité inventive au sens de l'article 56 CBE ; en effet, tous les objets couverts par une revendication valable doivent impliquer une activité inventive. Si ce n'est pas le cas, la revendication doit être modifiée de manière à ce que les objets évidents en soient exclus, pour que le monopole conféré par le brevet soit justifié.
La Chambre estime de surcroît qu'il découle également de ce même principe du droit que la réponse à la question de savoir ce qu'aurait fait un homme du métier, connaissant l'état de la technique, dépend dans une large mesure du résultat qu'il voulait obtenir. En d'autres termes, il ne doit pas être considéré que l'"homme du métier" cherche à effectuer un acte particulier sans avoir de raison technique concrète pour ce faire ; il convient bien plutôt de supposer qu'il n'agit pas par simple curiosité, mais dans le but d'obtenir un effet technique précis.
2.4.3 C'est pourquoi, lorsqu'il s'agit de déterminer si l'objet d'une demande de brevet est évident ou non, les chambres de recours commencent toujours par comparer objectivement les résultats techniques obtenus grâce à l'objet revendiqué aux résultats obtenus selon l'état de la technique. Elles admettent ensuite que l'inventeur a effectivement cherché à obtenir ces résultats, qui doivent donc servir de base pour la définition du problème technique à l'origine de l'invention revendiquée (ou, en d'autres termes, de l'objectif qu'elle poursuit) ; (comme cela a été indiqué plus haut, le problème posé peut être celui de l'obtention d'un nouveau procédé ou d'une nouvelle chose, ou d'une variante d'un procédé ou d'une chose ; dans la présente espèce, il s'agissait en l'occurrence de trouver un groupe de composés chimiques). Les chambres doivent ensuite établir si l'état de la technique pouvait conduire à la solution du problème technique revendiquée dans le brevet en litige (cf. par exemple la décision T 24/81, JO OEB 1983, 133, point 4 des motifs). Lorsque l'état de la technique se compose de divulgations écrites, il est souvent pratique (cf. décision T 439/92, rendue le 16 mai 1994 par la chambre 3.2.4, point 6.2.1 des motifs) de commencer par examiner le document le plus proche de l'objet revendiqué, puis de voir si les autres documents peuvent conduire aux résultats techniques qui font que l'objet revendiqué se distingue de cet "état de la technique le plus proche".
2.4.4 La Chambre sait fort bien que dans la décision T 465/92 rendue le 14 octobre 1994 (JO OEB 1996, 32), il a été considéré au point 9.1 des motifs que l'OEB n'était pas tenu d'adopter l'approche "problème-solution" pour la détermination de l'activité inventive ; elle conclut cependant des explications détaillées fournies ensuite aux points 9.2 à 9.6 des motifs que la chambre dans cette affaire n'avait pas cherché à déterminer quel était le document particulier qui constituait "l'état de la technique le plus proche", ni formulé à partir de là le "problème technique" à résoudre par l'invention. Dans la présente affaire en revanche, il est à signaler que la question du choix d'un document bien précis censé représenter "l'état de la technique le plus proche" ne se pose pas. Par contre, dans la décision 465/92, la chambre a défini les résultats objectivement obtenus grâce à l'invention revendiquée (cf. point 5 des motifs, et notamment le point 5.3), puis a cherché à établir sur cette base si, au vu de l'ensemble des antériorités citées, l'homme du métier aurait ou non eu l'idée d'utiliser la méthode exposée dans le brevet en cause pour parvenir à ces résultats. Cette procédure correspond exactement à celle qui vient d'être décrite au point 2.4.3. La Chambre estime donc que le requérant ne peut se prévaloir de cette décision pour affirmer qu'il n'y a pas à tenir compte pour l'appréciation de l'activité inventive du ou des problèmes techniques que l'invention revendiquée vise à résoudre.
2.5 En suivant l'approche des chambres de recours telle qu'elle a été exposée ci-dessus, la Chambre estime au vu des antériorités citées que s'il devait être admis dans la présente espèce que les composés revendiqués ne possèdent aucune propriété utile du point de vue technique, il pourrait être considéré que le problème technique que ces composés ont permis de résoudre (ou, en d'autres termes, le résultat technique qu'ils ont permis d'obtenir, et sur lequel doit se fonder l'appréciation de l'activité inventive), est un problème des plus limités qui soient dans ce genre de situation, puisqu'il s'agirait simplement de préparer de nouveaux composés chimiques en tant que tels (ou des variantes de composés chimiques en tant que telles), quelles que soient les propriétés utiles qu'ils pourraient avoir.
2.5.1 Bien que la Chambre ne pense pas que l'on puisse considérer les composés revendiqués comme une invention technique s'ils n'ont pas la moindre propriété utile du point de vue technique (cf. décision T 22/82, JO OEB 1982, 341, point 6 des motifs : un produit chimique ne saurait "être brevetable en raison du simple enrichissement potentiel de la chimie ; une différence structurale reste neutre et sans valeur pour l'appréciation de l'activité inventive tant qu'elle ne se manifeste pas par une propriété précieuse, au sens le plus large, une activité déterminée ou la potentialisation d'une telle activité"), elle a néanmoins examiné si l'homme du métier aurait eu l'idée de recourir aux composés revendiqués pour résoudre ce "problème technique", de nature toute théorique.
2.5.2 Le requérant a fait valoir à ce propos que l'homme du métier aurait eu le choix entre des milliers de possibilités pour résoudre ce problème puisque, même s'il était parti de produits de départ connus et de méthodes de synthèse connues, il aurait dû passer en revue un nombre quasi illimité de composés chimiques ; le fait d'opérer un choix même arbitraire parmi cette multitude de possibilités devait donc être considéré comme impliquant une activité inventive, sauf si l'état de la technique pouvait donner directement à l'homme du métier l'idée de préparer précisément les composés en question.
2.5.3 Cet argument du requérant ne peut toutefois être retenu car, comme elle l'a expliqué ci-dessus au point 2.4.2, la Chambre estime que la réponse à la question de savoir ce qu'aurait fait l'homme du métier dépend du résultat que celui-ci voulait obtenir. Si l'on considère qu'il voulait simplement obtenir de nouveaux composés chimiques, tous les composés chimiques connus pouvaient convenir comme produits de départ pour une modification structurelle, et le fait de choisir à cet effet, par exemple, le composé répondant à la formule XIV selon le document D3 n'impliquait pas nécessairement une activité inventive. Par conséquent, tous les composés chimiques de structure similaire, quel que soit leur nombre, qu'un homme du métier qui aurait lu les antériorités citées pouvait s'attendre à obtenir par synthèse, permettaient de résoudre ce "problème technique" tout théorique, et l'on aurait pu considérer par conséquent qu'ils lui avaient tous été "suggérés" par l'état de la technique. Il s'ensuit qu'un choix purement arbitraire parmi cette multitude de solutions pouvant être apportées à ce "problème technique" ne saurait impliquer une activité inventive (voir également, par exemple, la décision T 220/84 du 18 mars 1986, point 7 des motifs). La Chambre considère autrement dit, eu égard au principe général du droit qui a été rappelé au point 2.4.2, que le choix de ces composés ne constitue une invention brevetable que s'il n'est pas arbitraire, mais se fonde sur l'effet technique jusque - là inconnu obtenu grâce aux caractéristiques structurales différenciant les composés revendiqués des innombrables autres composés possibles. La position adoptée à cet égard par la Chambre est en accord avec bon nombre de décisions antérieures des chambres de recours de l'OEB, dont notamment la décision T 1/80 (JO OEB 1981, 206, points 6, 7 et 8 des motifs). Dans l'affaire T 119/82 (JO OEB 1984, 217), dans laquelle il avait été prétendu que l'homme du métier n'envisagerait pas et ne proposerait pas de recourir à un autre procédé pour préparer un produit connu, insolite ou désavantageux, la chambre est parvenue à la même conclusion, estimant qu'un procédé chimique est évident non seulement lorsqu'un homme du métier en aurait vu tous les avantages, mais également lorsqu'il pouvait clairement en voir les inconvénients ou n'en aurait pas attendu d'amélioration, à condition bien entendu que son évaluation de l'ensemble des conséquences soit correcte (cf. point 16 des motifs).
2.5.4 La conclusion qui s'impose compte tenu de toutes ces considérations est que l'effet technique mis en avant pour justifier le choix des composés revendiqués doit être un effet dont on peut raisonnablement penser qu'il peut être obtenu avec pratiquement tous les composés choisis (voir également, par ex. les décisions T 131/87 du 7 septembre 1989, point 8 des motifs, T 742/89 du 2 novembre 1992, point 7.4 des motifs, T 626/90 du 2 décembre 1993, point 4.3.2. des motifs, et T 741/91 du 22 septembre 1992, points 4.2 et 4.3 des motifs).
2.6 La Chambre estime donc, contrairement au requérant, que lorsqu'il s'agit d'apprécier la contribution faite à l'état de la technique, il doit être tenu compte de la véritable raison technique qui fait que ce sont précisément les composés chimiques présentement revendiqués qui ont été choisis, parmi les innombrables autres composés chimiques modifiés qu'il était théoriquement possible d'obtenir. A cet égard, il est affirmé dans la description (cf. page 3, lignes 1 et 2) que tous les composés revendiqués ont une activité herbicide. Des composés chimiques ayant une action herbicide et de structure similaire à celle des composés revendiqués, dans la mesure où ce sont eux aussi des dérivés de triazole, ont été divulgués dans les documents D3, D7 et D8 (voir ci-dessus, points 2.3.1 et 2.3.2). Chacun de ces documents peut être considéré dans la présente affaire comme représentant "l'état de la technique le plus proche".
Vu cet état de la technique, le problème technique auquel la présente demande de brevet prétend apporter une solution est celui de l'obtention de nouveaux composés chimiques (ou de variantes de composés chimiques) ayant une activité herbicide.
Toutefois, compte tenu de la conclusion à laquelle est parvenue la Chambre au point 2.4.3 ci-dessus, ce problème technique ne pourrait être pris en considération que si l'on pouvait estimer qu'il a été résolu, c'est-à-dire que si lors de l'appréciation de l'activité inventive au sens de l'article 56 CBE il était possible d'admettre que pratiquement tous les composés revendiqués avaient ce type d'activité (cf. également point 2.5.4 ci-dessus). La Chambre a donc examiné si cette condition est remplie en l'occurrence.
2.6.1 Le requérant a expliqué que, dans une affaire comme celle-ci, où il s'agit de décider si l'on peut considérer comme crédibles ses allégations concernant l'activité herbicide des composés revendiqués, c'était à l'OEB, et plus précisément à la Chambre qu'il incombait de prouver que ces allégations n'étaient pas crédibles. Or cette thèse va manifestement à l'encontre de ce principe du droit qui veut que ce soit à la personne qui allègue un fait qu'il incombe de prouver le bien-fondé de ses affirmations (dans la présente espèce, c'est le critère de ce qui paraît le plus probable qui s'applique) en produisant des preuves adéquates (cf. décisions T 219/83, JO OEB 1986, 211, point 12 des motifs, quatrième paragraphe, et T 20/81, JO OEB 1982, 217, point 3 des motifs, dernier paragraphe). Donc, si ni la division d'examen, ni la Chambre de recours ne peuvent dispenser le demandeur de fournir la preuve de ce qu'il allègue, que ce soit le critère ci-dessus qui s'applique ou un autre critère, et s'il est évident, vu le nombre de composés revendiqués, qu'il est peu probable que ces composés aient tous, ou pratiquement tous l'activité alléguée, c'est à la partie qui affirme que les composés revendiqués ont cette activité et à elle seule qu'il incombe de prouver le bien-fondé de ses affirmations.
2.6.2 Dans la présente affaire, le fait que le requérant ait montré que, d'après les résultats d'essais présentés dans la description, certains des composés revendiqués ont effectivement une activité herbicide ne saurait être considéré comme une preuve suffisante qui permettrait de conclure que pratiquement tous les composés revendiqués ont cette activité. Rien en effet dans ce que l'on sait des connaissances générales de l'homme du métier ne permet d'affirmer que le type de susbstituant susceptible d'être présent dans les composés revendiqués n'a vraisemblablement rien à voir avec l'existence de l'action herbicide alléguée. La Chambre reconnaît au contraire que, comme le requérant l'affirme lui-même, vu les différences de structure existant entre les composés revendiqués et les composés décrits par ex. dans les documents D3, D7 et D8, un homme du métier qui aurait fait appel à ses connaissances générales de base n'aurait pu prévoir que les composés revendiqués auraient une activité herbicide (cf. point V ci-dessus), si bien que l'on peut considérer qu'il ressort des connaissances générales incontestées de l'homme du métier que des modifications de structure même minimes peuvent entraîner d'importants changements au niveau de l'activité biologique. Il est néanmoins admis tout aussi généralement que les propriétés des composés chimiques sont fonction pour une large part de leur structure ; un homme du métier devrait donc normalement s'attendre à ce que deux composés aient des propriétés d'autant plus voisines que leurs structures chimiques sont plus proches (cf. décision T 181/82, JO OEB 1984, 401, point 5 des motifs). Pour la Chambre, il ressort de toutes ces considérations que l'on peut en principe prévoir raisonnablement les relations existant entre structure chimique et activité biologique, mais au-delà d'une certaine limite, de telles prévisions ne sont plus valables.
2.6.3 La Chambre considère que cette limite doit être déterminée à partir des faits connus et des preuves soumises à cet égard dans chaque cas d'espèce. Si toutefois les seules preuves dont on dispose sont les connaissances générales de base de l'homme du métier, ces connaissances doivent être les mêmes que celles qui servent de critère lorsqu'il s'agit de déterminer si, sachant qu'il existait des composés chimiques de structure similaire ayant la même activité biologique, l'homme du métier pouvait ou non s'attendre à une certaine activité biologique (cf. également décision T 964/92 du 23 août 1994, point 2.8 des motifs). Donc, s'il faut une preuve supplémentaire pour qu'il puisse être conclu que bien que n'étant pas évidente, l'existence de la relation qui avait été annoncée entre une activité et une structure apparaît crédible, cette preuve ne peut faire partie des connaissances générales de base incontestées de l'homme du métier ; il s'agit nécessairement d'une preuve qui vaut uniquement dans un cas bien précis.
2.6.4 Pour cette raison, s'agissant de la question de savoir si, dans la présente espèce, il était possible d'avancer des prévisions raisonnables au sujet de l'activité biologique, le requérant ne saurait faire valoir comme argument qu'il arrive parfois que des modifications de structure n'aient guère d'incidence sur l'activité biologique, par exemple lorsqu'une partie du composé serait éliminée lors d'une utilisation qui ferait appel à l'activité biologique alléguée (cf. point V ci dessus). Ces déclarations générales du requérant auraient pu être prises en considération s'il avait prouvé que, comme il l'affirmait, une partie des composés revendiqués était effectivement éliminée lors de leur utilisation. Mais il n'a pas fourni cette preuve. Il découle également de ce qui précède que même si, comme le requérant l'a fait valoir lors de la procédure de recours, il a été délivré d'autres brevets comportant des revendications dans lesquelles figurent des expressions aussi vagues que "pouvant, le cas échéant, être substitués", cet argument ne peut être pris en considération dans la présente espèce.
2.6.5 Les essais dont il est fait état aux pages 37 à 40 de la description portent sur un grand nombre de composés. Mais, dans tous ces composés, R1 était toujours soit un groupe phényle non substitué, soit un groupe 2-pyrimidinyle pouvant, le cas échéant, être substitué par des groupes méthyle ; R3 était toujours un groupe phényle substitué par des atomes d'halogène ou des groupes méthyle. Par conséquent, les résultats de ces essais, pourtant effectués avec un grand nombre de composés ne confirment pas l'existence de l'activité herbicide alléguée par le requérant dans le cas des composés dans lesquels, par exemple, l'anneau phényle R3 peut être substitué par absolument n'importe quoi, vu que, comme le requérant l'a déclaré lui-même, d'après les connaissances générales de l'homme du métier, il est impossible de prévoir l'impact des modifications de structure sur l'effet herbicide que l'on veut obtenir.
2.6.6 Le contenu des documents D3, D7 et D8 qui, tous les trois, divulguent des classes de composés herbicides ayant des possibilités de substitution limitées (cf. ci-dessus, points 2.3.1 et 2.3.2.), ne saurait confirmer non plus les allégations du requérant.
2.6.7 Le requérant a été avisé que les preuves qu'il avait fournies étaient insuffisantes en l'occurrence, et il a eu tout le loisir, soit de limiter ses revendications à ce groupe de composés dont la Chambre était prête à admettre qu'ils avaient, comme il le prétendait, une activité herbicide (cf. point III ci-dessus), soit de fournir de nouvelles preuves, par exemple des résultats d'essais ou autres, tendant à montrer que, dans la présente espèce, le type de substitution de l'anneau phényle R3 n'a aucune incidence sur l'activité herbicide. La Chambre a donc clairement tendu des perches au requérant - ce qu'elle n'était pas tenue de faire -, mais celui-ci n'a pas apporté les modifications nécessaires, ni fourni de nouvelles preuves.
2.7 Pour toutes ces raisons, la Chambre, se fondant sur les preuves versées au dossier, déclare que le requérant n'a pu la convaincre que pratiquement tous les composés actuellement revendiqués ont probablement une activité herbicide. Etant donné que, comme cela a été indiqué plus haut aux points 2.4.2, 2.5.4 et 2.6, de tous les composés chimiques revendiqués, seuls seraient susceptibles d'impliquer une activité inventive ceux dont on pourrait considérer qu'ils permettent de résoudre le problème technique posé, celui de l'obtention de nouveaux composés herbicides, la requête principale couvre également des composés qui n'impliquent pas d'activité inventive et ne répondent donc pas aux conditions requises à l'article 56 CBE.
2.8 Ayant indiqué ci-dessus (cf. points III et 2.6.7) qu'elle aurait été prête à reconnaître l'existence d'une activité inventive pour un nombre limité de composés revendiqués produisant l'effet annoncé alors que, dans la décision attaquée, la division d'examen avait conclu que l'homme du métier aurait pu s'attendre à ce que ces composés aient cet effet herbicide, la Chambre juge bon d'ajouter les remarques suivantes:
2.8.1 En déclarant dans la décision attaquée qu'un homme du métier aurait conclu de l'exposé des documents susmentionnés, considérés en combinaison, que l'élément structurel à l'origine de l'activité souhaitée (le "biophore") était l'anneau triazole 1,2,4 portant des substituants quelconques dans les positions 1 et 3, et le cas échéant en position 5, la division d'examen s'est livrée, de l'avis de la Chambre, à une analyse a posteriori du contenu des documents en question : elle a isolé certains passages de leur contexte et a généralisé leur contenu en s'appuyant sur des connaissances qui ne pouvaient provenir que de la demande de brevet en cause.
2.8.2 La Chambre estime en outre qu'il n'était pas suffisamment certain que l'on puisse appliquer à toutes les substitutions de ce type le concept de "bioisostérisme" auquel la division d'examen s'est référée lorsqu'elle a prétendu dans la décision attaquée que tout homme du métier savait que le remplacement d'un groupe carbamyle par un groupe sulfamyle dans un composé chimique biologiquement actif n'altérait en rien la qualité de l'activité biologique. Pour la Chambre, il paraît donc donc fort douteux que l'homme du métier aurait de toute évidence cherché à opérer cette substitution parce qu'il pouvait raisonnablement espérer l'obtention de nouveaux composés herbicides.
3. Requêtes subsidiaires 1 à 4
Dans chacune des revendications 1 des jeux de revendications "B" à "E" datés du 27 octobre 1994, correspondant aux requêtes subsidiaires 1 à 4, R3 est défini par l'expression "phényle pouvant, le cas échéant, être substitué". Ces requêtes portent donc sur des revendications dont l'objet n'implique aucune activité inventive.
4. Par conséquent, il ne peut être fait droit au recours, quel que soit le jeu de revendications sur lequel la Chambre se fonde, parmi les divers jeux de revendications que le requérant lui a soumis pour examen ; la Chambre passe donc maintenant à l'examen des questions que le requérant avait demandé de soumettre à la Grande Chambre de recours.
4.1 La première de ces questions porte sur le point de savoir si, lorsque la solution la plus proche de l'état de la technique a été jugée non évidente, on peut néanmoins considérer qu'une solution qui s'éloigne davantage de l'état de la technique s'impose elle à l'évidence ; il ressort de ce qui a été dit plus haut aux points 2.5.3 à 2.5.5 que cette question n'a pratiquement rien à voir en l'occurrence avec la question de l'appréciation de l'activité inventive ; en effet, la présence ou l'absence d'une activité inventive ne dépend pas ici des similitudes de structure qui pourraient ou non exister entre les composés revendiqués et des composés chimiques connus ; pour pouvoir décider s'il existe ou non une activité inventive, il importe plutôt de savoir si l'on peut raisonnablement attendre un effet technique particulier, en l'occurrence, une activité herbicide, de toutes les structures chimiques couvertes par les revendications actuelles ou d'une partie seulement d'entre elles. Il importe donc peu de savoir s'il peut exister d'autres cas dans lesquels l'activité inventive tient uniquement à certaines "différences de structure" entre l'objet revendiqué et ce qui est compris dans l'état de la technique le plus proche (voir toutefois ci-dessus point 2.5.1). On peut en conclure en tout état de cause que la réponse à la première "question de droit" posée par le requérant dépend des faits de la cause ; il n'est donc pas possible de donner une réponse générale. Par conséquent, cette question n'est pas une question de droit, et encore moins une question importante ; c'est une question de fait, qui ne peut à ce titre être soumise à la Grande Chambre de recours conformément à l'article 112(1) CBE (cf. également la décision T 845/90 du 13 décembre 1991, point 2.3 des motifs).
4.2 Pour ce qui est de la deuxième question, comme la Chambre l'a déjà expliqué ci-dessus au point 2.3, il ne fait aucun doute que lorsqu'une instance de l'OEB fait référence aux connaissances générales de l'homme du métier et qu'il y a litige à propos de ces connaissances générales, c'est à cette instance d'apporter des preuves de ce qu'elle affirme. Toutefois, dans la présente affaire, les connaissances générales de l'homme du métier auxquelles s'est référée la Chambre sont exactement les mêmes que celles auxquelles le requérant s'est référé (cf. ci-dessus, point 2.6.2) ; il ne peut donc par définition y avoir litige à ce sujet.
4.3 La Chambre estime pour toutes ces raisons qu'il n'y a pas lieu de soumettre l'une ou l'autre de ces deux questions à la Grande Chambre de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La recours est rejeté.
2. Les requêtes visant à la saisine de la Grande Chambre de recours sont rejetées.