T 0012/81 (Diastéréoisomères) of 9.2.1982

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1982:T001281.19820209
Date de la décision : 09 Fevrier 1982
Numéro de l'affaire : T 0012/81
Numéro de la demande : 79104254.2
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Bayer
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : 1. Lorsque dans une publication antérieure on cite, entre autres, l'une des formules de constitution correspondant au produit chimique décrit, la forme stéréo-spécifique particulière de celui-ci (forme thréo), bien que non mentionnée expressément, sera considérée comme faisant obstacle à la nouveauté si cette forme s'avère être, sans qu'on le sache, le résultat obligatoire d'un procédé suffisamment décrit parmi d'autres dans la publication antérieure par la mention du produit de départ et des étapes du procédé. Dans de tels cas, on ne peut plus faire valoir aucune nouveauté par sélection; en effet, en imaginant la combinaison de tous les produits de départ énumérés et de la totalité des variantes des procédés, on ne fait apparaître aucun élément nouveau justifiant à coup sûr la nouveauté par sélection et pouvant conduire à une modification véritable et non pas simplement "identique" des produits de départ.
2. La règle 86(3) de la CBE visant à rendre plus rigoureuse la procédure devant l'Office européen des brevets peut également s'appliquer à une procédure de recours (règle 66(1)). Si, peu de temps avant la date fixée pour la procédure orale, le requérant soumet une revendication portant sur un objet qui a été supprimé au début de la procédure de recours et qui n'a pas été repris par la suite, une telle revendication ne saurait être admise.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54(1)
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
European Patent Convention 1973 R 66(1)
European Patent Convention 1973 R 86(3)
Mot-clé : Nouveauté
Sélection
Non-admission de revendications/ procédure de recours
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0002/88
G 0006/88
T 0175/86
T 0332/87
T 0276/88
T 0310/88
T 0572/88
T 0011/89
T 0100/89
T 0279/89
T 0517/89
T 0641/89
T 0763/89
T 0012/90
T 0178/90
T 0252/90
T 0364/90
T 0381/90
T 0712/90
T 0278/91
T 0294/91
T 0552/91
T 0732/91
T 0863/91
T 0969/91
T 0132/92
T 0146/92
T 0324/92
T 0956/92
T 1048/92
T 0255/93
T 0352/93
T 0638/93
T 0758/93
T 0919/93
T 0140/94
T 0308/94
T 0401/94
T 0544/94
T 0668/94
T 0723/94
T 0817/94
T 0882/94
T 0024/95
T 0487/95
T 0988/95
T 0134/96
T 0610/96
T 0720/96
T 0811/96
T 0839/96
T 0891/96
T 0920/96
T 0925/96
T 0990/96
T 1075/96
T 0019/97
T 0077/97
T 0224/97
T 0270/97
T 0361/97
T 1051/97
T 1074/97
T 1179/97
T 0219/98
T 0226/98
T 0732/98
T 0941/98
T 0989/98
T 0287/99
T 0711/99
T 0920/99
T 1049/99
T 0092/00
T 0100/00
T 0204/00
T 0664/00
T 0737/00
T 0876/00
T 1072/00
T 0292/01
T 0398/01
T 0454/01
T 0803/01
T 0892/01
T 0999/01
T 1100/01
T 0030/02
T 0684/02
T 0753/02
T 0806/02
T 1150/02
T 0610/03
T 0780/03
T 0944/04
T 0998/04
T 0333/05
T 0737/05
T 0830/05
T 0635/06
T 0946/06
T 1194/06
T 1753/06
T 0094/07
T 0229/07
T 1033/07
T 0087/08
T 1200/08
T 2188/08
T 0584/09
T 0783/09
T 1710/09
T 1836/09
T 1841/09
T 2373/09
T 2001/10
T 2496/10
T 0863/12
T 1390/12
T 0305/13
T 1944/13
T 2220/14
T 0530/16
T 2635/16
T 0024/18
T 0241/18
T 1255/18
T 1303/18
T 2499/18
T 0538/19
T 0539/19
T 1779/19
T 1878/19
T 2836/19
T 3035/19
T 1044/20
T 1520/20
T 1208/21
T 1289/21
T 1509/21
T 0363/22
T 1537/22

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 79 104 254.2 déposée le 2 novembre 1979 et publiée le 28 mai 1980 sous le numéro 0011 191, pour laquelle est revendiquée la priorité d'une demande antérieure déposée en République fédérale d'Allemagne le 18 novembre 1978, a été rejetée le 30 décembre 1980 par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets, fondée sur les revendications initiales

1 à 5.

II. La Division d'examen a rendu sa décision au motif que l'objet de ces revendications ne revêt pas un caractère de nouveauté. En effet, les documents DE-A-2 333 354 et 2 333 355 contiennent déjà la description d'un procédé de réduction en alcools secondaires correspondants, des alpha-phénoxy-alpha-(1-imidazolyl)-cétones, et notamment de la 1 - (4 - chlorophénoxy) - 1 - (imidazol- 1 - yl)3,3 - diméthylbutane - 2 - one par l'isopropylate d'aluminium, selon la variante b du procédé décrite à la page 6 du deuxième document cité, réduction pouvant conduire à l'apparition de deux formes diastéréoisomères. Toutes les caractéristiques de la revendication 2 sont anticipées dans ces documents. Il s'ensuit que le produit de ce procédé de réduction, à savoir le produit mentionné dans la revendication 1, fait lui aussi déjà partie de l'état de la technique.

La Division d'examen n'a pas suivi la demanderesse dans la thèse selon laquelle ledit document ne mettrait pas expressément en évidence le problème à résoudre par le procédé objet de la demande, à savoir la préparation d'un diastéréoisomère déterminé et que, par conséquent, l'ensemble de l'objet de la revendication 2 devrait être considéré comme nouveau en raison de la façon originale dont est posé le problème. La mention de la réduction de la cétone citée dans la revendication 2 par l'isopropylate d'aluminium définit également de manière implicite le mode de préparation du produit de réduction correspondant (voir également "Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets", Partie C, chapitre IV, point 7.5).

Ce problème connu ne se distingue de celui que se propose de résoudre la demande que dans la forme, et non au fond. En effet, le produit à préparer selon le procédé en cause est défini de façon suffisamment précis par l'indication du composé de départ et de son mode de transformation. La demanderesse s'est tout simplement servie d'autres paramètres pour décrire un même objet.

En outre, la Division d'examen a relevé le fait que la revendication 5 concernant l'utilisation va à l'encontre de l'article 52(4) de la CBE, car elle équivaut à une méthode de traitement thérapeutique du corps humain ou animal.

III. Le 7 février 1981, la demanderesse a formé un recours contre la décision de la Division d'examen en date du 30 décembre 1980 et en a exposé les motifs dans un mémoire déposé le 2 avril 1981. La requérante y demande la suppression de la revendication 5 et la délivrance du brevet sur la base des revendications 1 à 4. Une requête en procédure orale a été déposée le 7 juillet 1981. Lors de la procédure orale, qui a eu lieu le 9 février 1982, la requérante a demandé la délivrance du brevet sur la base des revendications 1 à 5 telles que contenues dans le document daté du 4 février 1982, lequel n'avait toutefois pas encore été versé au dossier et fut mis à la disposition de la Chambre sous forme de photocopies au cours des débats. Ces revendications s'énoncent comme suit:

1.Composé de formule

(FORMULA)

sous forme du diastéréoisomère présentant un point de fusion de 158-159°C, ainsi que ses sels d'acide compatibles sur le plan physiologique.

2. Le diastéréoisomère le plus hydrophilé du mélange de diastéréoisomères, de formule

(FORMULA)

ainsi que ses sels d'acide compatibles sur le plan physiologique.

3. Le diastéréoisomère avec les constantes de couplage les plus faibles de protons H(a) et H(b) dans le spectre RMN du mélange de diastéréoisomères de formule

(FORMULA)

ainsi que ses sels d'acide compatibles sur le plan physiologique.

4. Le procédé de fabrication du composé selon la revendication 1, caractérisé par la réduction stéréosélective avec des alcools secondaires de la 1 - (4 - chlorophénoxy-) - 1 - (1 - imidazolyl) - 3,3 - diméthyl - 2 - butanone de formule

(FORMULA)

en présence d'un agent solvant, et par la transformation en sels de ce produit le cas échéant sous l'action d'acides.

5. Application au traitement des mycoses du composé selon la revendication 1 ainsi que de ses sels d'acides compatibles sur le plan physiologique.

IV. Enfin, la requérante motive encore

son recours de la façon suivante: le produit revendiqué est un composé chimique qui ne fait pas partie de l'état de la technique et qui est pour la première fois décrit dans la demande en cause par l'indication de ses propriétés physico-chimiques telles que le point de fusion, l'hydrophilie et les données du spectre RMN, d'où il suit que ce composé serait nouveau.

Selon la requérante, les deux antériorités citées décrivent des azolylphénoxyéthanols correspondant à une formule brute générale et pour lesquels les formes thréo et érythro ont été également revendiquées. En outre, dans l'exemple 3, le dérivé p-chlorophénoxy de point de fusion 145°-147°C a été décrit comme représentant l'état le plus proche de la technique. Comme cela s'est avéré lors de la reproduction des essais, il s'agit d'un mélange de diastéréoisomères dans un rapport thréo-érythro d'environ 1:1. Par contre, le composé revendiqué se distinguerait par le fait qu'il a un point de fusion caractéristique de 158°-159°C et qu'il représenterait le couple d'énantiomères correspondant à la forme thréo pure. L'originalité de ce composé se manifesterait également par sa plus grande efficacité par rapport au mélange d'isomères.

Selon la requérante, il conviendrait également de répondre par la négative à la question de savoir si la forme thréo, objet de la revendication, est de quelque façon implicitement désignée par l'indication du produit de départ et de son mode de transformation. Certes, le produit de départ à l'aide duquel le produit revendiqué a été fabriqué est mentionné lui aussi dans une liste de plus de 20 produits de départ. On donne également 5 méthodes différentes de réduction des cétones qui, d'après l'état des connaissances de l'homme du métier, n'ont ouvert que de faibles perspectives pour ce qui est de la réduction stéréospécifique des cétones. Cependant, ces faits ne suffiraient pas pour décréter qu'il existe une antériorité portant atteinte à la nouveauté d'un produit qui ne peut être obtenu qu'en opérant un choix parmi plus de 20 produits de départ et cinq méthodes de travail. Bien que la méthode b exposée dans les antériorités citées ne se distingue par aucune caractéristique technique supplémentaire du procédé de fabrication selon la demande présentée, on ne saurait en conclure que ce dernier y est décrit de façon exhaustive.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE; il est donc recevable.

2. Sur les 5 revendications qui devraient, selon la requérante, servir de fondement à la décision, seules les 4 premières sont admissibles. En effet, ces revendications portent sur des éléments mentionnés dès l'origine dans la procédure

de recours (cf. point IV du mémoire du 31 mars 1981), bien que parfois sous une forme quelque peu différente.

Il en va autrement de la revendication 5 relative à l'utilisation, qui a été abandonnée dès le début de la procédure en deuxième instance par la déclaration contenue dans le mémoire mentionné ci-dessus. La requérante n'est plus revenue sur cette revendication au cours de toute la procédure de recours, qui a duré un an. Peu de jours encore avant la procédure orale, la Chambre pouvait donc à bon droit supposer que cette revendication ne serait pas reprise, qu'elle ne serait pas à nouveau évoquée lors des débats oraux et qu'elle ne donnerait plus matière à décision.

La Chambre considère comme approprié, étant donné le retard avec lequel des éléments non négligeables lui ont été soumis, d'appliquer la règle 86(3) de la CBE visant à rendre plus rigoureuse la procédure devant l'Office européen des brevets, cette règle étant également applicable par analogie à la procédure de recours (règle 66(1) de la CBE. La Chambre ne saurait donc permettre que cette revendication soit reprise.

3. La teneur des actuelles revendications 1 à 4 est recouverte par la première publication (revendication 1: voir la revendication 1 en liaison avec l'exemple 1; revendications 2 et 3: voir la revendication 1 en liaison avec la page 2, 3ème alinéa; revendication 4: voir la revendication 2) et ne soulève donc pas d'objections. Il est toutefois superflu de rechercher, dans le cas d'espèce, si ces revendications satisfont notamment aux exigences posées à l'article 84 ainsi qu'aux règles 29 et 30 de la CBE, le recours devant être rejeté pour d'autres raisons.

4. Le document DE-A-2 333 354 (ci-après dénommé "antériorité") décrit les imidazolyl-O,N-acétals dont la formule générale est définie plus précisément dans la revendication 1, ainsi que quelques composés correspondant à cette formule (voir les exemples 1 à 12). L'exemple 3 cite même le 1 - (4 - chlorophénoxy) - 1 - imidazolyl)3,3 - diméthyl-2 - butanol, lequel correspond, du point de vue de la structure, au produit revendiqué.

Le composé cité comporte deux atomes de carbone asymétriques et peut donc apparaître sous quatre formes spatiales différentes, lesquelles constituent deux couples énantiomères de deux formes diastéréoisomères, à savoir les formes dénommées érythro et thréo (voir antériorité page 2, lignes 13 à 16 en liaison avec les explications fournies par la demanderesse dans le mémoire du 1er juillet 1981). En raison de cette particularité stérique, il semble possible d'admettre que le composé selon l'exemple 3 de l'antériorité et présentant un point de fusion de 145°-147°C n'est pas identique au composé revendiqué, dont le point de fusion est 158°-159°C.

5. Cependant, la notion de nouveauté ne doit pas s'interpréter de façon si restrictive que seul est considéré comme faisant obstacle à la nouveauté ce qui a été expressément décrit auparavant. L'article 54(2) de la CBE a pour but d'exclure l'état de la technique du domaine de la brevetabilité. Selon l'article 54(2) de la CBE, l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt et de quelque façon que ce soit, notamment par une description écrite. Or, il est bien des manières de décrire un produit chimique. La méthode habituelle consiste à indiquer son nom scientifique exact, mais on ne dispose pas toujours de ce nom à la date du dépôt. La requérante elle-même n'a pas non plus choisi à l'origine (en novembre 1978) ce moyen, qui est le plus direct et le meilleur, pour désigner le composé par elle revendiqué. C'est seulement lors de la procédure de recours (en avril 1981) qu'elle a clairement signifié que son composé était de forme thréo.

6. Ainsi que la requérante le déclare elle-même dans le texte des actuelles revendications 1 à 3, elle considère comme licite de préciser la formule de structure incomplète donnée dans ce cas à l'aide de paramètres supplémentaires caractéristiques du produit, à savoir le point de fusion, l'hydrophilie et les constantes de couplage RMN. En outre, un certain nombre d'offices de brevets ont adopté, en vue de mieux caractériser les inventions relatives à des produits chimiques, la pratique consistant à faire figurer la paramètre du procédé sous la forme d'une revendication "product-by-process". A la connaissance de la Chambre, cette pratique a également cours à l'Office européen des brevets.

La délivrance de brevets relatifs à des inventions de produits chimiques définies par de telles revendications doit avoir pour conséquence que ces brevets, une fois devenus partie de l'état de la technique, fassent obstacle à la nouveauté de demandes revendiquant le même produit sous une autre forme, peut-être mieux définie. On a affaire ici à un cas de ce genre.

7. L'enseignement qu'apporte une antériorité n'est pas seulement constitué par les détails fournis dans les exemples de réalisation mais par toute information tirée des revendications et de la description et reproductible par l'homme du métier. Or, l'antériorité citée indique, au choix, 5 méthodes de réduction pour préparer les imidazolyl-O,N-acétals qui font l'objet de la revendication, méthodes ayant pour caractéristique commune l'addition d'hydrogène sur la cétone de départ correspondante conduisant à la formation de l'alcool secondaire. Ces méthodes ne sont pas décrites seulement de façon très générale (voir la revendication 2) ou à l'aide d'un schéma réactionnel (voir du bas de la page 3 à la fin de la page 5), mais également de façon très détaillée (voir pages 8 à 10). Parmi elles se trouve la variante b, qui contient indiscutablement toutes les particularités techniques concernant la préparation du composé selon la demande (isopropylate d'aluminium dans l'isopropanol à 20-120, en particulier 50-100°C). En outre, aux pages 6 et 7 de la description se trouve une liste de 20 cétones de départ, parmi lesquelles figure en quatrième position la cétone utilisée selon la demande pour préparer le composé revendiqué.

8. Dans l'ensemble de ces informations, la Chambre voit une description antérieure du produit revendiqué destructrice de la nouveauté de l'invention. En effet, l'homme du métier peut y puiser toutes les informations nécessaires en ce qui concerne le produit de départ et les conditions réactionnelles pour préparer le produit. Autrement dit, l'enseignement de l'antériorité inclut également le produit qui est le résultat nécessaire, selon la variante b, de la réduction de la p-chlorophénoxy-cétone citée dans la liste mentionnée ci-dessus et dans l'exemple 3.

9. En outre, pour qu'une telle publication antérieure détruise la nouveauté de l'invention, il n'est nul besoin que le produit de départ ou la variante du procédé soit particulièrement mis en évidence. Seules sont déterminantes les informations que l'homme du métier peut en tirer lorsqu'il reproduit les essais. Néanmoins, l'antériorité fait en quelque sorte ressortir la p-chlorophénoxycétone dans la liste (limitée à 20 exemples) des produits de départ, par le fait que l'un des 12 exemples a trait à la préparation de l'alcool secondaire correspondant. C'est la variante c (improprement désignée par a et b) du procédé de réduction qui est utilisée dans l'exemple 3; grâce à l'enseignement fourni par la description, selon lequel on dispose des 5 variantes du procédé de réduction pour préparer les alcools secondaires correspondants et en relation avec l'exemple 3, l'homme du métier est également en mesure de préparer le produit qui est le résultat nécessaire de la variante b en partant de la description écrite.

10. Il est sans importance, pour ce qui a trait à l'atteinte à la nouveauté, que le produit final à obtenir ne soit pas décrit dans tous ses détails, dès lors qu'il est décrit de manière déterminante par le paramétre du procédé.

Il importe peu que l'homme du métier soit "étonné" par le résultat obtenu en reproduisant les essais, comme l'affirme la requérante; d'après elle en effet, la constatation selon laquelle, en reproduisant l'exemple 3 de l'antériorité et en remplaçant la variante de réduction c par la variante b, le rapport entre les formes thréo et érythro passe d'environ 1:1 à 90:1 ne pourrait pas être considérée autrement que comme le résultat inattendu d'un procédé connu. Cela n'intervient pas, toutefois, pour apprécier la nouveauté par rapport à une antériorité.

11. La requérante fait par ailleurs valoir la nouveauté par sélection que constituerait ce produit. La requérante aurait en effet, comme pour une sélection classique, choisi une combinaison très précise entre, d'une part, l'un des éléments d'une série de plus de 20 produits de départ et, d'autre part, l'un des éléments d'une série de 5 variantes de procédé, à savoir entre la chlorophénoxycétone n° 4 de la liste et la variante b du procédé, et elle aurait par là obtenu un résultat surprenant.

La Chambre ne peut suivre la requérante dans cette conclusion. La sélection d'un produit suppose théoriquement le choix d'un domaine limité parmi un groupe de produits. Si l'antériorité ne fournissait aucune indication supplémentaire, le choix heureux du composé thréo revendiqué, opéré parmi les nombreux produits rassemblés sous la formule 1 de ladite antériorité, constituerait naturellement une authentique sélection. Bien entendu, le domaine considéré doit avoir lui-même un caractère de nouveauté. C'est précisément ce qui fait défaut en l'espèce, comme il est exposé aux points 7 et 8.

12. Une sélection de produit peut se faire de diverses façons, par exemple en découvrant dans un domaine décrit par une formule et appartenant à l'état de la technique un composé ou un groupe de composés dont il n'avait pas été fait mention, et ceci sans qu'il soit fait allusion au(x) produit(s) de départ. Dans le cas présent, nous n'avons pas affaire à une telle sélection dans un domaine délimité, mais encore inexploré de l'état de la technique.

13. Lorsque l'antériorité désigne expressément le produit de départ outre le processus réactionnel, on se trouve incontestablement en présence d'une description antérieure du produit final; en effet, grâce à ces données, le produit final est défini de façon immuable. Si par contre la préparation du produit final nécessite deux classes différentes de produits de départ et si des exemples en sont fournis sous forme de deux listes d'une longueur déterminée, on peut considérer qu'un produit obtenu par réaction d'un couple particulier de produits provenant des deux listes constitue une sélection au sens où l'entend le droit des brevets et peut donc être considéré comme nouveau.

14. La requérante allègue que ce principe de sélection s'applique également lorsqu'il s'agit de la combinaison d'un produit de départ choisi dans une liste et de l'une des différentes variantes de procédé indiquées. La Chambre ne partage pas cette opinion. Il est facile de démontrer que la combinaison de deux produits de départ se situe sur un autre plan que celle d'un produit de départ et d'une variante de procédé, et que les deux choses ne sont donc pas comparables.

14.1. Si dans le cas plus simple, on considère les produits de départ comme étant des fragments du produit final, dans la première hypothèse citée, chaque combinaison possible d'un produit de départ déterminé provenant de la première liste avec successivement tous les produits de départ contenus dans la seconde liste constitue une modification matérielle véritable de ce produit de départ; en effet, de combinaison en combinaison, ce dernier est complété à chaque fois par le fragment différent correspondant au deuxième produit de départ de façon à donner un produit final sans cesse différent. Chaque produit final s'avère donc être le résultat de deux paramètres variables.

14.2. Les produits ainsi formés par sélection d'un couple particulier de produits de départ dans le domaine à croissance logarithmique des possibilités peuvent être à bon droit considérés, s'il n'existe aucune indication supplémentaire, comme n'ayant pas été décrits antérieurement et comme constituant une sélection originale. L'élément nouveau, sans lequel il n'y a pas sélection de produit nouvelle au sens où l'entend le droit des brevets, ne résulte pas du fait que le produit final n'a pas été indiqué, mais de ce que la combinaison concrète choisie dans l'éventail très large des possibilités offertes n'a pas été divulguée.

14.3. La requérante applique improprement la notion d'invention par sélection au cas d'espèce, qui concerne la combinaison d'un produit de départ déterminé provenant d'une liste appropriée et de l'une des méthodes de préparation énumérées. Contrairement au cas précédent, une telle combinaison n'apporte aucune modification matérielle véritable du produit de départ mais seulement une modification "identique"; en effet, l'application à un produit de départ déterminé de l'un quelconque des cinq procédés décrits de façon détaillée a toujours pour conséquence la formation du produit d'hydrogénation correspondant, lequel se distingue de la cétone de départ par deux atomes d'hydrogène supplémentaires. Du point de vue du produit final, le paramètre du procédé n'est donc pas un paramètre variable qui pourrait conduire à une croissance logarithmique du domaine des possibilités; il s'ensuit que, dans le cas présent, le produit final n'est absolument pas le résultat de deux paramètres variables. Le paramètre du procédé n'apporte donc pas l'élément nouveau indispensable à l'invention par sélection. C'est plutôt l'enseignement fourni par l'antériorité qui a été rendu accessible au public, à savoir que les méthodes de réduction qui y sont décrites, y compris la méthode b), peuvent être appliquées à chacune des cétones énumérées, y compris à la p-chlorophénoxycétone.

14.4. On n'obtiendrait pas un résultat plus favorable à la requérante si l'on rassemblait en une liste, à la place des cinq variantes de procédé, le nombre encore plus grand des agents de réduction décrits et si on les combinait avec la liste des produits de départ; en effet, même dans ce cas, le nombre à croissance logarithmique des produits finals ne dépasserait pas celui que laisse espérer le paramètre variable unique "produit de départ" sur la base de données stériques.

14.5. Le fait que la p-chlorophénoxycétone donne précisément le composé thréo pratiquement pur par la méthode de réduction b) alors que la méthode c) conduit à un mélange des formes thréo et érythro, autrement dit la découverte faite a posteriori que la méthode de réduction b) décrite antérieurement a un effet stéréospécifique sur le produit final qui nous intéresse, peut être considéré, ainsi qu'il a été exposé au paragraphe 10, comme le résultat surprenant d'un procédé connu mais non comme une invention par sélection; en effet celle-ci supposerait que l'on ait apporté une caractéristique nouvelle au produit de départ connu qu'est la p-chlorophénoxy cétone et à la méthode b).

15. Il s'ensuit que la description de la cétone de départ donnée dans l'antériorité comprend automatiquement les alcools secondaires au sens d'une revendication product-by-process. En d'autres termes: compte tenu de l'enseignement qui se dégage de l'antériorité, à savoir que l'on peut réduire la chlorophénoxycétone à l'aide de l'une au choix des 5 variantes de procédé indiquées, le produit de chacune de ces méthodes de réduction doit être considéré comme divulgué par une description écrite.

16. Ce principe s'applique dans chaque cas où - comme en l'espèce - en reproduisant strictement les essais faisant partie de l'état de la technique, on obtient un résultat qui reste dans le cadre des structures et des configurations définies par l'antériorité, ce résultat se distinguant de celui des exemples concrets de réalisation uniquement par une variation plus forte du rapport thréo-érythro.

17. Etant donné la relation étroite existant dans le cas présent entre le produit et le procédé, les considérations qui précédent s'appliquent à juste titre non seulement aux revendications de produit 1, 2 et 3, mais aussi à la revendication de procédé 4. En fait, cette dernière ne contient aucune caractéristique technique spécifique; elle indique seulement la réduction "stéréosélective" de la p-chlorophénoxycétone. Ce qu'entend per là la requérante ressort de l'exemple 1 de la demande, où c'est incontestablement la variante b de la méthode de réduction proposée par l'antériorité qui est employée. Par conséquent, la revendication de procédé ne porte pas sur un objet nouveau au sens de l'article 54(1) de la CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

Le recours dirigé contre la décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 30 décembre 1980 est rejeté.

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