T 0292/01 (Proteinesplasmatiques/CENTRE REGIONAL DE TRANSFUSION SANGUINE DE … of 16.7.2003

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2003:T029201.20030716
Date de la décision : 16 Juillet 2003
Numéro de l'affaire : T 0292/01
Numéro de la demande : 89400348.2
Classe de la CIB : C07K 1/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Séparation chromatographique des protéines du plasma, notamment du facteur VIII, du facteur von Willebrand, de la fibronectine et du fibrinogène
Nom du demandeur : CENTRE REGIONAL DE TRANSFUSION SANGUINE DE LILLE
Nom de l'opposant : Octapharama AG
Baxter Aktiengesellschaft
Chambre : 3.3.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 114
European Patent Convention 1973 Art 111
European Patent Convention 1973 R 67
Mot-clé : Extension de l'objet - (non)
Suffisance de description - (oui)
Nouveauté - (oui)
Activité inventive - (oui)
Renvoi à la première instance - (non)
Remboursement de la taxe de recours - (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0001/92
G 0002/94
G 0004/95
T 0012/81
T 0006/84
T 0689/90
T 0196/92
T 0448/96
T 1187/97
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen No. 0 359 593, ayant pour titre "Séparation chromatographique des protéines du plasma, notamment du facteur VIII, du facteur von Willebrand, de la fibronectine et du fibrinogène" et revendiquant la priorité de FR 8807530 (7 Juin 1988), a fait l'objet d'une opposition de la part des opposants 1 et 2 sur la base des articles 100(a) et (c) CBE pour manque de nouveauté (article 54 CBE), d'activité inventive (article 56 CBE) et pour extension de l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée (article 123(2) CBE).

II. Par ailleurs, bien que ce motif d'opposition n'ait pas été soulevé par les opposants 1 et 2, les minutes de la procédure orale (page 1, paragraphe 4) et la décision de la division d'opposition (page 5, paragraphe 3) montrent que la suffisance de la description selon les articles 100(b) et 83 CBE a été débattue.

III. La division d'opposition a maintenu le brevet en vertu de l'article 102(3) CBE sur la base d'un jeu de 13 revendications ne différant des revendications telles que délivrées que par la revendication 1, qui était formulée ainsi :

"1. Procédé de séparation des protéines FVIII, fibrinogène, fibronectine et facteur von Willebrand du plasma humain ou animal et de préparation de concentrés des dites protéines à usage thérapeutique,

caractérisé en ce que

il comporte les étapes suivantes:

- on utilise comme matériau de départ la fraction du plasma cryoprécipitée,

- constituée essentiellement de fibrinogène, de fibronectine, de facteur von Willebrand et de Facteur VIII;

- on soumet ledit cryoprécipité remis en solution aqueuse à une séparation unique par chromatographie sur une résine échangeuse d'anions dont la matrice est un gel de type polymère vinylique macroréticulé, capable de par ses propriétés de porosité et d'hydrophobicité de retenir le complexe Facteur VIII-facteur von Willebrand;

- et on récupère sélectivement les différentes protéines par des augmentations successives de la force ionique du tampon d'élution.",

et correspondait à la revendication 1 telle que délivrée avec pour seule différence l'introduction de "FVIII, fibrinogène, fibronectine et facteur von Willebrand" après "Procédé de séparation des protéines"

Les revendications dépendantes 2 à 12 concernaient des aspects particuliers du procédé de la revendication 1 et la revendication 13 avait trait à un concentré de FVIII et était formulée de la manière suivante :

"13. Concentré de Facteur VIII susceptible d'être obtenu par le procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, caractérisé en ce qu'il présente une activité spécifique au moins égale à 100 UI/mg de protéines et qu'il est de qualité assimilable à celle d'un concentré isogroupe.".

IV. Les opposants 1 et 2 (requérants I et II) ont formé un recours contre la décision de la division d'opposition.

V. Les documents cités dans la décision présente sont :

(1) EP-0 343 275

(2) Y. Kato et al., Journal of Chromatography, 1982, Vol. 245, pages 193 à 211

(3) EP-0 173 242

(3a) "Versuchsbericht zum Vergleich von Adsorbentien zur Gewinnung von Faktor VIII aus Kryopräzipität nach EP 0 173 242"

(4) Y. Kato et al., Journal of Chromatography, 1982, Vol. 253, pages 219 à 225

(5) P. Harrison et al., Thrombosis Research, 1988, Vol. 50, pages 295 à 304

(9) W.G. Dorner, GIT Fachz. Lab., 1983, Vol.27, pages 380 à 389

(A) K.A. Kun and R. Kunin, Journal of Polymere Science, 1968, Vol. 6 (Part A-1), pages 2689 à 2701

(B) Document transmis par Fax et soumis lors de la procédure orale du 16 Juillet 2003 par le requérant II.

VI. Une procédure orale s'est tenue le 16 juillet 2003 pendant laquelle l'intimé a soumis le document (A) et le requérant II le document (B).

VII. Pendant la procédure orale, le requérant I a soumis une requête auxiliaire visant à ce que le cas soit renvoyé à la première instance qui avait, au paragraphe 5 de sa décision, défini faussement le problème à résoudre par le brevet incriminé comme étant la mise au point d'un procédé de séparation d'au moins deux protéines du plasma humain, ainsi que la mise à la disposition de l'homme du métier du facteur VIII (FVIII) ainsi obtenu. Or, le document (1) décrivait déjà la séparation du FVIII dans des conditions identiques à celles du brevet incriminé, qui résultaient en la séparation du FVIII associé au facteur von Willebrand (vWf) et donc en la séparation de deux protéines du plasma humain.

VIII. Le requérant II a aussi soumis pendant la procédure orale une requête auxiliaire demandant le remboursement de la taxe de recours et le renvoi du dossier à la première instance à cause d'un vice substantiel de procédure. La raison en était que le document (3a) avait été considéré, dans le cadre d'une autre opposition dirigée contre le document (3), comme démontrant que le procédé décrit dans le document (3) conduisait bien à des préparations de FVIII ayant une activité spécifique au moins égale à 100 ui/mg, alors que dans le cadre de l'opposition contre le présent brevet, il n'avait pas été considéré comme donnant cet enseignement. Or, les deux divisions d'opposition étaient présidées par la même personne.

IX. Les arguments présentés par les requérants I et II, aussi bien pendant la phase écrite que pendant la procédure orale, peuvent être résumés comme suit :

Article 123(2) CBE :

- l'expression "...retenir le complexe Facteur VIII-facteur von Willebrand..." utilisée dans la revendication 1 n'avait pas de base dans la demande telle que déposée qui disait que le FVIII pur, et non pas le complexe FVIII-vWf, était retenu sur la résine de chromatographie.

- la demande telle que déposée n'offrait aucune base pour une séparation du complexe FVIII-vWf, car elle se référait uniquement à la séparation du FVIII pur.

- il n'y avait pas de base dans la demande telle que déposée pour l'extension de la définition de la résine échangeuse d'ions Toyopearl/Fractogel 650M à un "gel de type polymère vinylique macroréticulé, capable de par ses propriétés de porosité et d'hydrophobicité de retenir le complexe FVIII- facteur von Willebrand". L'introduction de ces caractéristiques par référence au document (2) cité dans la demande telle que déposée ne répondait pas aux conditions décrites dans les décisions T 6/84 (OEB JO 1985, 238), T 689/90 (OEB JO 1993, 606) et T 196/92 (15 novembre 1994).

- selon l'expérience du requérant I, le Fractogel n'était pas macroréticulé, car les pores ne se trouvaient qu'en surface et n'étaient pas reliés entre eux. L'enseignement des documents (2) et (4) sur la macroréticulation était donc faux. Ceci était prouvé par le fait qu'initialement le Fractogel avait été utilisé pour des chromatographies de tamisage ou d'exclusion moléculaire.

- le terme "macroréticulé" avait été introduit lors de la procédure d'examen pour répondre à une objection sous article 84 CBE, or les Directives C.II.4.18 ne se référaient qu'à l'article 83 CBE.

- à la page 3, colonne 3, lignes 45 à 49 de la demande telle que déposée, il était indiqué que les polymères vinyliques portaient des groupements DEAE, alors que la revendication 1 du brevet incriminé ne mentionnait pas les groupements DEAE.

- la formulation de la revendication 1 selon laquelle le cryoprécipité était soumis une séparation unique était techniquement fausse, car les exemples de la demande telle que déposée et du brevet incriminé montraient que des chromatographies additionnelles sur Héparine-Sépharose ou sur Sephacryl S-400(R) étaient nécessaires pour séparer le fibrinogène, la fibronectine et le vWf.

Article 83 CBE :

- le Fractogel 650M n'étant pas macroréticulé, il n'y avait aucun exemple supportant la revendication 1 du brevet incriminé, qui, d'ailleurs, à la page 4, ligne 2 confirmait que la rétention des complexes de grande taille se faisait sur (et non pas dans) le support polyvinylique.

- de nombreuses caractéristiques, considérées comme essentielles par l'intimé (lysine, Tween/TNBP, manière d'augmenter la force ionique, séparation du FVIII et du vWf) ne figuraient pas dans la revendication 1.

- le brevet incriminé ne décrivait pas une invention pionnière dans la mesure où des concentrés de FVIII présentant une activité spécifique d'au moins 100 ui/mg étaient déjà connus grâce au document (3) et, par conséquent, la formulation de la revendication 1 n'était pas justifiée.

- les caractéristiques "macroréticulé" et "capable de par sa porosité et son hydrophobicité de retenir le complexe FVIII- vWf" n'étaient pas définies dans le brevet incriminé de manière suffisante pour permettre à l'homme du métier d'identifier une résine adéquate sans expérimentation excessive ou sans devoir faire preuve d'activité inventive.

- le brevet incriminé donnait des indications contradictoires sur la nature des protéines à séparer. Ainsi, l'homme du métier ne pouvait savoir, par exemple, si le FVIII était obtenu à l'état pur ou complexé au vWf.

Article 54(3) CBE :

- le document (1) décrivait un procédé identique à celui du brevet incriminé, utilisant le même matériau de départ et conduisait donc aux mêmes produits que le brevet incriminé, dont il anticipait les revendications 1 et 13, même si certains produits n'avaient pas été analysés, car selon la décision G 1/92 (OEB JO 1993, 277) il suffisait que la possibilité d'analyse existât pour qu'un produit détruisît la nouveauté. Les interactions hydrophobes étaient aussi présentes de manière inhérente dans le cadre du procédé du document (1) dans la mesure où il s'agissait du même Fractogel- DEAE 650M. Ceci démontrait aussi que la définition du problème technique à la base du brevet incriminé telle que donnée par la division d'opposition (séparation d'au moins deux protéines du plasma) était fausse, puisque ce problème était déjà résolu par le document (1).

Article 54(2) CBE :

- le document (3) détruisait la nouveauté de la revendication 13, car il conduisait à un FVIII, dont le document (3a) démontrait qu'il possédait une activité spécifique d'au moins 100 ui/mg. L'absence dans le document (3a) des étapes 6 et 7 du procédé du document (3) était sans importance pour la revendication 13 du brevet incriminé qui ne caractérisait le concentré de FVIII que par son activité spécifique.

Article 56 CBE :

- le document (3), l'état de la technique le plus proche, décrivait un procédé visant à obtenir en une seule étape le FVIII avec une grande activité spécifique et utilisait comme résine de chromatographie des cellulose, Sephadex ou Sépharose portant des groupements DEAE, QAE, Ecteola ou autres groupements aminés. Le document (3) indiquait à la page 8 (deuxième paragraphe) que le rapport entre le FVIII et le vWf était supérieur à 1, ce qui démontrait qu'une certaine quantité de vWf avait été séparée du FVIII. Il était évident pour l'homme du métier, au vu des propriétés décrites dans les documents (2) et (4), de remplacer ces résines par le DEAE- Fractogel 650M.

- alternativement, le document (5) constituait aussi l' état de la technique le plus proche et décrivait un procédé de séparation du complexe FVIII-vWf sur Dextran-Sulfate-Sépharose avec élution par double gradient de pH et de NaCl. La nature du support chromatographique était la seule différence par rapport au procédé du brevet incriminé et résultait en un produit contenant du FVIII avec une certaine activité spécifique. Le problème à résoudre pouvait être défini comme étant l'amélioration du procédé permettant d'obtenir comme produit final du FVIII avec une certaine activité spécifique. Or, le document (3) démontrait l'avantage des résines échangeuses d'anions et les documents (2) et/ou (4) permettaient de trouver la résine échangeuse d'anions la plus adéquate, c'est-à-dire le DEAE-Fractogel. Par ailleurs, la Figure 1 du document (5) montrait qu'une partie du vWF était éluée avant le FVIII.

- la revendication 1 du brevet incriminé ne mentionnait pas la présence de groupes DEAE, la nature des tampons ou des gradients et englobait ainsi des solutions qui ne résolvaient pas le problème technique.

X. Les arguments présentés par l'intimé par écrit et lors de la procédure orale peuvent être résumés de la manière suivante :

Article 123(2) CBE :

- l'argument concernant la non-macroréticularité du DEAE- Fractogel 650M provenant de l'expérience personnelle du requérant I était nouveau et n'était pas étayé par une quelconque preuve.

- pour l'homme du métier, le terme "macroréticulé" était synonyme de "présentant de larges pores", ce qui était déjà décrit dans la demande telle que déposée (page 3, colonne 3, ligne 62 à colonne 4, ligne 9). La synonymie des termes "macroréticulé" et "macroporeux" était confirmée par le document (A). Le document (2) définissait le DEAE-Fractogel 650M comme étant macroréticulé et donnait des dimensions de pores qui dans le document (A) étaient attribuées à des structures macroporeuses ou macroréticulées. L'introduction de ce terme était donc une redondance et ne constituait pas un choix arbitraire parmi toutes les propriétés du DEAE-Fractogel 650M mentionnées dans le document (2), mais correspondait au choix de la propriété la plus directement reliée à la porosité. Cette introduction était en accord avec les conclusions mentionnées au point 2.2 de la décision T 1187/97 (10 août 2000).

- l'indication dans la demande telle que déposée (colonne 4, lignes 3 à 8) selon laquelle la rétention des complexes de grande taille grâce aux liaisons faiblement hydrophobes se faisait "sur le support polyvinylique" n'impliquait pas une reconnaissance de la non-macroréticularité de la résine échangeuse d'ions, mais correspondait à une particularité de la langue française qui, dans ce cas, employait toujours la préposition "sur", même si l'interaction avec les molécules retenues se faisait "dans" ladite résine.

- la présence d'interactions de caractère hydrophobe était une caractéristique essentielle de l'invention, allait à l'encontre des connaissances de l'homme du métier à la date de priorité du brevet incriminé et était décrite dans la demande telle que déposée (colonne 3, lignes 21 à 32; colonne 3, ligne 62 à colonne 4, ligne 9).

- la nature polyvinylique de la matrice était mentionnée à la page 3 (colonne 3, lignes 45 à 49) de la demande telle que déposée et la rétention du complexe FVIII-vWF sur la résine échangeuse d'ions à la page 3 (colonne 3, ligne 65 à colonne 4, ligne 9).

- la demande telle que déposée indiquait à la colonne 4 (lignes 45 à 50) que le FVIII était élué en présence d'une certaine quantité de vWF sous forme de complexe FVIII-vWf.

Article 83 CBE :

- le DEAE-Fractogel étant macroréticulé, le brevet incriminé donnait bien un exemple de réalisation de l'invention.

- le brevet incriminé décrivait une invention pionnière mettant en jeu des interactions hydrophobes entre les protéines du plasma et le DEAE-Fractogel 650M qui n'avaient jamais été décrites dans l'art antérieur. Ceci résultait en un produit final ayant une activité spécifique d'au moins 100 ui/mg, bien supérieure à celle du FVIII du document (3) qui n'avait qu'une activité spécifique de l'ordre de 5 à 10 ui/mg.

- les exemples du brevet montraient comment obtenir à l'état isolé le vWf, tout en laissant une faible partie du dit vWF sous la forme d'un complexe FVIII-vWf permettant la stabilisation du dit FVIII.

- les exemples du brevet incriminé montraient aussi comment séparer les différentes protéines du plasma avec une pureté de qualité pharmaceutique/thérapeutique.

- la présence de lysine dans les tampons était définie comme "avantageuse" à la page 4, lignes 25 et 26 du brevet incriminé, mais n'était pas essentielle pour l'invention et n'était donc pas mentionnée dans la revendication 1. Il en allait de même pour le traitement antiviral avec Tween/TNBP mentionné à la page 5, lignes 17 à 19.

Article 54(3) CBE :

- le document (1) visait à obtenir un FVIII pur et de haute activité spécifique et non pas à séparer les quatre protéines de la revendication 1 du brevet incriminé. Le problème technique que le document (1) voulait résoudre était lié au traitement du cryoprécipité, comme ceci pouvait être déduit de la formulation de la revendication 1 mettant l'accent sur l'étape d'inactivation des virus et de prépurification par hydroxyde d'alumine et l'héparine, alors que les étapes suivantes étaient faites selon des techniques déjà connues.

- le DEAE-Fractogel était dit (colonne 2, ligne 54 et colonne 3, ligne 3) être de nature hydrophile.

- les tampons de lavage et d'élution étaient différents de ceux du brevet incriminé et il y avait une étape de lavage supplémentaire avec le tampon "A" après la charge de l'échantillon sur la colonne.

- les éluats obtenus avec les tampons "A" et "B" n'étaient pas identifiés et le FVIII obtenu n'était pas caractérisé par son activité spécifique.

- si les interactions hydrophobes avec le DEAE-Fractogel 650M étaient une propriété du dit DEAE-Fractogel 650M, cette propriété n'avait pas été rendue accessible au public avant le brevet incriminé et selon la décision G 6/88 (OEB JO 1990, 114) ne pouvait donc pas être pris en considération dans le cadre d'une objection sous l'article 54 CBE.

- les interactions hydrophobes avec le DEAE-Fractogel n'apparaissaient pas si la concentration en protéines était élevée.

- le document (1) ne donnait aucune indication sur la nature du FVIII obtenu, en particulier sur le rapport des concentrations en FVIII et vWf, et sur son activité spécifique. En fait, le procédé du document (1) n'étant pas le même que celui du brevet incriminé, il conduisait à un produit final différent. En conséquence, le document (1) ne pouvait détruire la nouveauté ni de la revendication 1, ni de la revendication 13 du brevet incriminé.

Article 54(2) CBE :

- le FVIII obtenu en tant que produit final dans le document (3) n'avait qu'une activité spécifique de l'ordre de 5 à 10 ui/mg (page 8, lignes 2 à 6). Les activités spécifiques mentionnées dans le document (3a) ne correspondaient pas au FVIII final du document (3), mais à un FVIII intermédiaire, obtenu après la chromatographie sur résine échangeuse d'anions, qui était instable et impropre à l'utilisation thérapeutique et qui nécessitait l'addition d'albumine en tant qu'agent stabilisant, ce qui diminuait d'autant l'activité spécifique finale. Pour cette raison, le paragraphe à la page 8, lignes 23 à 29 avait été supprimé lors de la phase d'examen du document (3).

Article 56 CBE :

- le but que l'intimé désirait atteindre dans le brevet incriminé était l'obtention d'un FVIII de très haute pureté et la séparation de diverses protéines du plasma et leur récupération (directe ou après purification complémentaire) à des fins thérapeutiques.

- l'art antérieur le plus proche était le document (3) qui décrivait un procédé de purification du FVIII par chromatographie sur DEAE-Sépharose a pH 5,5. Ce pH permettait de retenir le FVIII sur la résine alors que la fibronectine et le fibrinogène n'étaient pas retenus. La présence de glucides et d'acides aminés était requise pour la stabilisation du FVIII et pour éviter la précipitation des autres cryoglobulines à pH 5,5. L'élution était faite en présence d'agents chaotropes, comme le CaCl2, ce qui rendait une étape de dialyse nécessaire pour obtenir un FVIII à usage thérapeutique.

- l'utilisation du DEAE-Fractogel 650M au lieu des résines décrites dans le document (3) n'était pas évidente, car elle ne résolvait pas les problèmes liés au procédé du document (3): obligation de travailler à pH 5,5, présence de glucides et d'acides aminés, utilisation d'un agent chaotrope impropre E une utilisation thérapeutique.

- le document (5), décrivant la séparation du complexe FVIII- vWf par chromatographie d'affinité sur Dextran Sulfate- Sépharose, ne pouvait être considéré comme art antérieur le plus proche qu'après la connaissance du brevet incriminé, dont il était éloigné par son principe (chromatographie par affinité), sa mise en oeuvre (double gradient linéaire) et son objectif (démonstration de l'applicabilité de la chromatographie sur Dextran Sulfate-Sépharose à la séparation du complexe FVIII-vWf).

XI. Les requérants demandent l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen No. 0 359 593 en tant que requête principale. En tant que requête auxiliaire, les requérants I et II demandent le renvoi du dossier à la première instance selon les requêtes auxiliaires soumises par écrit pendant la procédure orale. Le requérant II demande aussi le remboursement de la taxe de recours.

XII. L'intimé demande le rejet des recours et des requêtes auxiliaires.

Motifs de la décision

Article 114 CBE

1. Le document (A) soumis par l'intimé pendant la procédure orale peut être introduit dans la procédure, car il répond à des arguments présentés par les requérants, tend à éclairer un point litigieux, est pertinent et n'augmente pas la complexité factuelle et/ou juridique de la procédure.

2. Le document (B) soumis par le requérant II lors de la procédure orale et qui visait à soutenir un argument présenté dans le cadre de la discussion sur l'article 54 CBE, selon lequel la revendication 9 et le passage à la page 8 (lignes 23 à 29) du document (3) avaient été supprimés pendant la phase d'examen sur injonction de l'examinateur, parce que leur objet était déjà connu de l'art antérieur, n'est pas admis dans la procédure en vertu de l'article 114(2) CBE, car il a été présenté après la clôture de la discussion sur l'article 54 CBE.

Article 123(2) CBE

3. En ce qui concerne la question de savoir si, dans la demande telle que déposée, c'est le complexe FVIII-vWf ou le FVIII seul qui est retenu sur la résine échangeuse d'anions et ensuite obtenu comme produit final, la phrase située dans la demande telle que déposée entre la colonne 3 (ligne 65) et la colonne 4 (ligne 3) précise que la résine retient les complexes de grande taille formés par le FVIII et le vWf. Par ailleurs, le tableau (colonne 5, ligne 1 a 20) montre la présence de vWf dans la composition du concentré de FVIII. La Chambre ne doute donc pas que la demande telle que déposée concerne bien la rétention et la séparation du complexe FVIII- vWf.

4. La question en ce qui concerne l'article 123(2) CBE est de savoir si la demande telle que déposée donne une base pour la définition de la résine de la revendication 1 du dit brevet et non pas de savoir si la généralisation à des résines telles que définies dans la revendication 1 du brevet incriminé à partir du DEAE-Fractogel 6750 M est licite (ceci étant plutôt un problème de support dans la description et donc d'article 84 CBE).

5. La demande telle que déposée ne cite le DEAE-Fractogel 650 M qu'en tant que résine préférée (colonne 3, lignes 45 à 56) et décrit plus généralement la résine à employer comme étant une résine échangeuse d'anions (colonne 3, lignes 21 à 32), dont la matrice est un polymère vinylique (colonne 3, lignes 45 à 49). Cette résine est dite (colonne 3, lignes 21 à 32) avoir un caractère ionique relativement modéré et permettre la mise en jeu d'interactions faiblement hydrophobes résultant en une rétention sélective de certaines protéines. La dimension importante des pores de la résine est mentionnée à la colonne 3 (lignes 62 à 64). Sa propriété de fixer préférentiellement les complexes de très grande taille comme celui du FVIII et du vWf est évoquée dans la phrase allant de la colonne 3 (ligne 65) à la colonne 4 (ligne 3) et est mise en relation avec la porosité, le faible pouvoir d'échange ionique (colonne 3, lignes 62 à 64) et la présence de liaisons faiblement hydrophobes (colonne 3, ligne 65 à colonne 4, ligne 9). La demande telle que déposée donne donc une base aux expressions "résine échangeuse d'anions", "matrice polymère vinylique", "capable de par ses propriétés de porosité et d'hydrophobicité de retenir le complexe FVIII-vWf" mentionnées dans la revendication 1 du brevet incriminé.

6. Une controverse est née entre les requérants et l'intimé au sujet du terme "macroréticulé" qui avait été apparemment introduit dans la revendication 1 et la description pendant la phase d'examen grâce la présence dans la demande telle que déposée (colonne 3, lignes 57 à 62) d'une référence au document (2). Les requérants considéraient que la demande telle que déposée n'offrait aucune base pour un tel terme et que son introduction à partir du document (2) n'était pas en accord avec la jurisprudence (cf supra, section IX).

7. Lors de la procédure orale, le requérant I a prétendu que, selon son expérience personnelle, le DEAE-Fractogel 650 M n'était pas macroréticulé, car il ne possédait pas de pores reliés les uns aux autres de manière à former un réseau, mais uniquement des pores isolés à la surface des particules de résine, ceci expliquant la raison pour laquelle la matrice Fractogel était utilisée dans le tamisage ou exclusion moléculaire. Aucun document ou élément de preuve quelconque n'a été présenté à l'appui de cet argument qui n'est donc qu'une simple assertion.

8. Cette assertion est en contradiction avec le document (9) qui montre que le DEAE-Fractogel 650 a été préparé à partir du Fractogel HW-65 par introduction de groupements diéthylaminoéthyl. L'une des caractéristiques principales du Fractogel HW 65, et par conséquent du DEAE-Fractogel 650 M, est une grande porosité (page 386, colonne de droite, paragraphe "Ionenaustauscher"). La Figure 4 du document (9) montre que le Fractogel HW-65 permet de séparer par tamisage moléculaire des protéines dont le poids moléculaire va de 5x10 4 à 5x10 6. Or, le tamisage moléculaire permet la séparation des molécules en fonction de leurs poids moléculaires (ou plus exactement de leur taille) et repose sur le principe du retardement des molécules dans leur cheminement à travers les pores de la résine en fonction de leur taille. Les molécules dont la taille dépassent celles des pores sont dites "exclues" du gel dans la mesure où elles ne pénètrent pas à l'intérieur des pores, mais s'écoulent à travers les interstices situés entre les particules de gel. Le tamisage moléculaire implique donc la présence de pores formant un réseau continu, à travers lequel les molécules passent et sont retardées selon leur masse, c'est-à-dire une macroréticulation.

9. La demande telle que déposée indique sans ambiguïté que la résine doit avoir des pores de dimension importante (colonne 3, lignes 62 a 64).

10. Le terme "pore" sous-entend une discontinuité dans un élément solide permettant un passage d'un milieu à un autre, comme les pores d'une membrane d'ultrafiltration ou d'un tube de dialyse permettent le passage de molécules d'un milieu à un autre. Dans le cas de structures telles que définies par le requérant I dans son assertion (cf supra, point 7) on parle de creux, de cavité ou d'anfractuosité.

11. En outre, rien ne laisse supposer dans la demande telle que déposée ou les documents présents dans le dossier que la formation de ces pores ne puisse se faire de manière isotropique, mais au contraire suive une direction privilégiée. L'homme du métier, à la lecture de la demande telle que déposée, conclut donc que le DEAE-Fractogel 650 M, possède des pores de grande dimension se formant dans toutes les directions, ce qui résulte en un réseau de canaux parcourant toute la résine, c'est-à-dire en une macroporosité ou macroréticulation.

12. La demande telle que déposée offre donc, selon la Chambre, une base à l'introduction du terme "macroréticulé" dans le brevet incriminé sans qu'il soit nécessaire de faire appel à la référence au document (2).

13. Le fait que la demande telle que déposée (colonne 3, ligne 15 et colonne 4, ligne 7) et le brevet incriminé (page 3, ligne 23 et page 4, ligne 2) utilisent la préposition "sur" ne doit pas être compris comme un aveu de la part de l'intimé d'une absence de réticulation, mais est simplement dû à ce que la langue française emploie, quelle que soit la nature de la chromatographie (par affinité, par échange d'ions ou par tamisage moléculaire), la préposition "sur", même si, techniquement parlant, la préposition "dans" était mieux adaptée.

14. La Chambre considère donc que les caractéristiques mentionnées dans la revendication 1 ont une base dans la demande telle que déposée et que, par conséquent, les conditions de l'article 123(2) CBE sont remplies.

Article 83 CBE

15. En ce qui concerne la question de savoir si un brevet européen expose l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (article 100(b), article 83 CBE), la Chambre doit être tout d'abord convaincue que ledit brevet met l'homme du métier en possession d'au moins un mode de réalisation de l'invention dont la protection est demandée (règle 27(e) CBE). Elle doit ensuite être convaincue que l'homme du métier est en mesure de reproduire l'invention dans tout le domaine revendiqué.

16. Le DEAE-Fractogel 650 M est macroréticulé (cf supra point 8), présente les caractéristiques mentionnées dans la revendication 1 du brevet incriminé (cf supra points 5 à 14) et entre donc dans le cadre de la dite revendication.

17. Les exemples 1 à 5 du brevet incriminé décrivent un procédé permettant la séparation de la fibronectine, du fibrinogène, du vWf et du complexe FVIII-vWf par passage sur une résine échangeuse d'anions. Ce procédé peut aussi faire appel à des chromatographies additionnelles, comme par exemple l'emploi d'une résine Héparine-Sépharose pour la séparation du fibrinogène (exemple 3) ou de Sephacryl S-400 pour séparer le vWf de la fibronectine (exemple 5). La séparation du vWf demandant une deuxième chromatographie sur la résine échangeuse d'anions dans les mêmes conditions que la première (exemple 4). Ceci n'est pas en contradiction avec la revendication 1 du brevet incriminé qui utilise le terme "comporte" et n'exclut donc pas l'emploi de chromatographies complémentaires pour arriver aux produits recherchés.

18. Par ailleurs, le DEAE-Fractogel 650 M peut servir de référence à l'homme du métier pour interpréter, si besoin est, le terme "macroréticulé" et la caractéristique fonctionnelle "...capable de par ses propriétés...de retenir le complexe FVIII-vWf..." et lui permettre ainsi de déterminer quelles autres résines sont susceptibles d'être utilisées dans le procédé revendiqué, et ce, sans expérimentation excessive ou nécessité d'être inventif.

19. Les traitements préliminaires par solvant-détergent et gel d'alumine font partie de l'art antérieur et la présence de lysine ou de glycine dans les tampons de chromatographie n'est qu'un élément préféré (page 4, lignes 25 à 27). Ce ne sont donc pas des éléments essentiels pour la réalisation de l'invention et leur mention dans la revendication 1 ne s'impose donc pas. Il en va de même pour les groupements DEAE, dont la mention dans la revendication 1 serait redondante avec l'expression "résine échangeuse d'anions".

20. La Chambre est, par conséquent, convaincue que le brevet incriminé décrit non seulement un mode de réalisation de l'invention, mais permet aussi à l'homme du métier de reproduire l'invention dans tout le domaine revendiqué et remplit ainsi les conditions de l'article 83 CBE.

Article 54(3) CBE

21. Le document (1)(date de dépôt: 27 mai 1988, date de publication: 29 novembre 1989) décrit un procédé de préparation d'un FVIII de hautes pureté et activité spécifique par traitement d'un cryoprécipité avec des solvants organiques et détergents (revendication 1 et page 2, colonne 1, lignes 4 à 43). La contribution technique du document (1) est définie comme étant le traitement du cryoprécipité par de l'héparine et une suspension d'hydroxyde d'alumine (revendication 1 et page 2, colonne 1, lignes 44 à 53).

22. Le document (1) concerne donc un procédé dont le but (séparation d'une protéine) est différent de celui de la revendication 1 du brevet incriminé (séparation de quatre protéines). Néanmoins, il ne peut être a priori exclu que de facto les différentes étapes de ce procédé soient les mêmes que dans le brevet incriminé et conduisent à la séparation des quatre protéines en question, même si ceci n'est pas mentionné expressis verbis dans ledit document. Si ceci était, la nouveauté du FVIII de la revendication 13 serait aussi détruite, car, selon la décision T 12/81 (OEB JO 1982, 296) la reproduction des mêmes étapes sur un même produit de départ conduit inévitablement au même produit final.

23. Le document (1) utilise du DEAE-Fractogel (page 2, colonne 2, lignes 51 à 54 et page 3, colonne 3, lignes 49 à 53) comme le brevet incriminé. Toutefois, des différences peuvent être mises en évidence entre les deux procédés:

a) le tampon "A" de charge et de lavage de la colonne ne contient pas de lysine dans le procédé du document (1), alors que 20 mM lysine sont présents dans celui du brevet incriminé,

b) dans le document (1), après la charge de l'échantillon, la colonne est lavée avec le tampon "A" ne contenant que 0.11M NaCl, alors que dans le brevet incriminé, la première élution est pratiquée immédiatement après la charge avec un tampon contenant 0.15M NaCl,

c) le premier tampon d'élution dans le brevet incriminé contient donc 0.15M NaCl et 20mM glycine. Au contraire, le document (1) utilise le tampon "B" correspondant avec 0.16M NaCl et dépourvu de lysine,

d) le deuxième tampon d'élution du brevet incriminé contient 0.25M NaCl, 120mM glycine et 20mM lysine, alors que le tampon "C" du document (1) contient la même quantité de NaCl, mais seulement 80mM glycine et 16 mM lysine. Par contre, il contient 2.5 mM CaCl2, alors que le tampon du brevet n'en contient que 1mM,

e) le document (1) présente une étape de dilution du FVIII avec un tampon "E" identique au tampon "C", à l'exception de l'absence de NaCl, et une étape de stérilisation sur membrane qui sont absentes du procédé du brevet incriminé.

24. Le procédé du document (1) présente donc par rapport à celui du brevet incriminé, aussi bien dans les étapes qu'il contient que dans les tampons employés, des différences telles que les deux procédés ne peuvent être considérés comme étant les mêmes. Dans ces conditions, il ne peut être conclu que le (ou les) produit(s) obtenus à chaque étape (qui n'ont pas été analysés dans le document (1)) soient les mêmes que dans le brevet incriminé.

25. Par ailleurs, le document (1) ne permet pas non plus de déterminer directement si le FVIII obtenu est similaire à celui du brevet incriminé, car il ne donne aucune valeur d'activité spécifique qui aurait pu permettre une comparaison directe. En outre, les étapes du procédé du document (1) et les tampons employés étant différents et les produits élués n'ayant pas été analysés, l'homme du métier est dans l'impossibilité de savoir ce qui reste encore sur la colonne avant le passage du tampon "C", supposé causer l'élution du FVIII, et, donc, ce que ce tampon va éluer.

26. La Chambre conclut donc que l'objet des revendications 1 et 13. du brevet incriminé satisfait les conditions de l'article 54(3) CBE.

Article 54(2) CBE

27. La nouveauté de la revendication 13 du brevet incriminé a été mise en question au vu de l'enseignement du document (3), complété par le document (3a). Le document (3) concerne un procédé de préparation du FVIII pur (page 1, lignes 1 à 4) mettant en jeu une chromatographie sur des résines échangeuses d'anions dont la matrice est formée d'hydrates de carbone (page 4, lignes 9 à 15). Les groupes échangeurs de ces résines peuvent être DEAE, QAE ou Ecteola et les matrices de la cellulose, du Sephadex ou du Sépharose. La résine préférée étant le DEAE-Sépharose. Le document (3) définit comme essentiel le fait que la chromatographie, pour des raisons de spécificité et d'adsorption, soit faite à pH 5,5 (page 5, lignes 9 à 28), ce qui résulte dans le fait que le fibrinogène et la fibronectine ne sont pas retenus par la résine. Une certaine séparation du FVIII et du vWf semble se faire, dans la mesure où le rapport FVIII/vWf est dit à la page 8 (lignes 23 à 29) être supérieur à 1. Enfin, ce même paragraphe et la revendication 9 indiquent qu'un objet de l'invention est une préparation de FVIII pure et pasteurisée ayant une activité spécifique de l'ordre de 100 u/mg (en allemand, "100 E/mg").

28. Toutefois, le paragraphe de la page 8, lignes 23 à 29 et la revendication 9 sont en contradiction totale avec la phrase à la page 8, lignes 3 à 6, qui caractérise le produit final obtenu (FVIII) comme ayant une activité spécifique de 5 à 10 ui/mg. Cette contradiction peut apparemment être résolue si l'on remarque qu'il ne s'agit pas des mêmes unités. En effet, le paragraphe à la page 8 (lignes 23 à 29) et la revendication 9 n'utilisent pas les unités internationales "ui/mg" (en allemand, "IE/mg"), mais des unités non précisées "u/mg" (en allemand, "E/mg") dont la relation avec les unités internationales n'est pas définie. Le brevet incriminé utilisant uniquement les unités internationales, la comparaison avec le document (3) ne peut donc s'établir que sur la base de ces unités internationales, c'est-à-dire sur la base de la phrase de la page 8 (lignes 3 à 6) et non du paragraphe de la page 8 (lignes 23 à 29) ou de la revendication 9. Le document (3) résulte donc, en tout et pour tout, en un FVIII final dont l'activité spécifique est de 5 à 10. ui/mg et, donc, différent de celui du brevet incriminé.

29. Le document (3a) tente de reproduire le procédé du document (3) en utilisant les différentes résines qui y sont mentionnées et montre que, à la sortie de la colonne de chromatographie par échange d'anions, des activités spécifiques de 139, 181, 132 et 122 ui/mg peuvent être obtenues. Or, comme le fait remarquer le document (3a)(première page, première phrase), les deux dernières Btapes du procédé du document (3) n'ont pas été reproduites. Elles correspondent à une précipitation du FVIII obtenu, à une addition d'albumine, à une dialyse et à une stérilisation par filtration (page 11, paragraphes 6 et 7 du document (3)). Le document (3a) n'est donc pas une reproduction bona fide de l'enseignement du document (3) et est donc, déjà pour cette raison, sans valeur. Mais de surcroît, il est aussi sans valeur, car il ne donne aucune indication sur l'influence de l'absence des deux dernières étapes du procédé du document (3) sur l'activité spécifique mesurée. Il est aussi sans valeur en tant qu'élément de comparaison avec le concentré de FVIII de la revendication 13 du brevet incriminé pour une troisième raison: le FVIII de la revendication 13 est défini, à coté de son activité spécifique, par son procédé d'obtention tel que décrit dans les revendications 1 à 9. L'empreinte laissée par ce procédé sur le FVIII de la revendication 13 est que ledit FVIII est à usage thérapeutique, ce qui n'est pas le cas du FVIII obtenu dans le document (3a) à la sortie de la colonne de chromatographie sur résine échangeuse d'anions, puisque d'après le document (3), il doit encore subir les étapes 6 et 7. évoquées plus haut.

30. Par conséquent, le document (3a) est parfaitement inutile et la Chambre est convaincue que le FVIII obtenu par le procédé du document (3) ne présente qu'une activité spécifique de 5 à 10 ui/mg et est donc différent du FVIII de la revendication 13 du brevet incriminé qui remplit donc les conditions de l'article 54(2) CBE.

Article 56 CBE

31. Le document (3), dont l'enseignement a déjà été décrit plus haut (points 27 et 28), est selon le requérant I, l'état de la technique le plus proche. Le problème technique à résoudre peut être défini comme la mise à la disposition de l'homme du métier d'un procédé alternatif à celui du document (3).

32. La solution apportée par le brevet incriminé est définie dans les revendications 1 à 13 du brevet incriminé et la Chambre considère que les exemples 1 à 5 démontrent que cette solution a bien été réalisée (cf supra point 17).

33. La question est de savoir si l'homme du métier pouvait déduire cette solution de l'art antérieur de manière évidente.

34. Il est vrai que les documents (2) et (4) démontrent les avantages du DEAE-Fractogel 650 M, en particulier en ce qui concerne le pouvoir de résolution (document (4), pages 224, Figures 6 et 7).

35. Toutefois, il est inexact de dire que le procédé du document (3) ne diffère de celui du brevet incriminé que par la nature de la résine échangeuse d'anions. En fait, le procédé du document (3) utilise, à coté du DEAE-Sépharose, des conditions concernant le pH (pH 5,5), la présence de différents stabilisateurs (glucides et acides aminés) et l'élution par agents chaotropes comme le CaCl2, optimisées pour la séparation du FVIII par chromatographie sur DEAE- Sepharose. Rien ne suggère dans le document (3) que ces conditions aient été aussi adaptées à l'emploi du DEAE- Fractogel 650 M et auraient pu conduire à l'isolement des quatre protéines biologiquement actives. D'autre part, rien ne suggère dans le document (3) que l'emploi du DEAE-Fractogel 650 M à la place du DEAE-Sepharose puisse résulter en une augmentation de l'activité spécifique du FVIII d'un facteur 10 à 20, puisque comme ceci a été démontré précédemment (cf supra point 28) l'activité spécifique du FVIII obtenu par le procédé du document (3) n'est que de 5 à 10 ui/mg.

36. D'autre part, le but du document (3) est la préparation d'un FVIII pur. Ainsi le document (3), à la page 5 (lignes 30 à 36) indiquent que le fibrinogène et la fibronectine ne sont pas retenues sur la résine échangeuse d'anions et sont donc élués simultanément. Le but du document (3) est donc différent de celui de la revendication 1 du brevet incriminé qui vise à séparer le fibrinogène, la fibronectine, le FVIII et le vWf de manière à les utiliser à des fins thérapeutiques. Les contraintes exercées sur le procédé du brevet incriminé sont donc différentes de celles du procédé du document (3) et, ici aussi, rien ne suggère que l'emploi du DEAE-Fractogel 650 M puisse transformer le procédé du document (3) permettant la seule séparation du FVIII en un procédé résultant en la séparation de quatre protéines.

37. La Chambre est donc d'avis que le remplacement du DEAE- Sépharose dans le procédé du document (3) par le DEAE- Fractogel 650 M des documents (2) ou (4), dans le but d'arriver à séparer les quatre protéines mentionnées dans la revendication 1 du brevet incriminé pour arriver, au moins dans le cas du FVIII, à un produit final présentant une activité spécifique 10 à 20 fois plus grande, serait apparu à l'homme du métier comme une entreprise à l'issue incertaine, peu compatible avec son attitude conservatrice le poussant à ne pas entrer dans des domaines imprévisibles.

38. Pour le requérant II, le document (5) représente l'état de la technique le plus proche. Il décrit la séparation du FVIII grâce à une chromatographie sur Dextran Sulfate-Sépharose avec élution par un double gradient de pH et de concentration en NaCl. La Figure 1 montre la séparation du fibrinogène, de la fibronectine et du complexe FVIII-vWf. D'après le requérant II, la forme des pics correspondant au FVIII et au vWf montre une certaine dissociation du complexe. L'activité spécifique du FVIII obtenu est de 0,6 à 1,5 ui/mg (page 301, lignes 2 à 4).

39. Le problème technique à résoudre est l'amélioration du procédé permettant d'obtenir comme produit final du FVIII avec une certaine activité spécifique.

40. D'après le requérant II, la solution proposée dans la revendication 1 du brevet incriminé découle de manière évidente de la combinaison du document (5) avec les documents (3), montrant la supériorités des chromatographies par échange d'anions sur les autres formes de chromatographie (et donc sur la chromatographie sur Dextran Sulfate-Sépharose), et (2) ou (4), montrant les avantages du DEAE-Fractogel sur les autres résines échangeuses d'anions.

41. Tout d'abord, il est à noter que la position du requérant II implique que l'homme du métier doive alors faire un raisonnement en deux étapes résultant en la combinaison de trois documents, ce qui plaide en faveur de la présence d'une activité inventive dans la solution de la revendication 1 du brevet incriminé.

42. Par ailleurs, le document (5) est plus éloigné de la solution de la revendication 1 du brevet incriminé que le document (3), puisqu'il n'utilise pas une résine échangeuse d'ions et a pour objet de démontrer la valeur du Dextran Sulfate-sepharose pour la séparation du FVIII. Il ne motive donc pas l'homme du métier à employer une autre résine que le Dextran Sulfate-Sépharose. D'autant plus que la Figure 1 du document (5) montre que la séparation obtenue est meilleure que celle décrite dans le document (3), puisque fibrinogène, fibronectine et complexe FVIII-vWf sont séparés les uns des autres, alors que dans le document (3), fibrinogène et fibronectine sont élués simultanément, car non retenus par la colonne de DEAE-Sepharose. L'homme du métier n'a donc, selon l'opinion de la Chambre, aucune raison d'abandonner le Dextran Sulfate-Sépharose au profit d'une résine donnant de plus mauvais résultats. L'addition du document (5) à la combinaison des documents (3) et (2) ou (4), qui déjà ne rendait pas la solution décrite dans la revendication 1 évidente (cf supra point 36), ne s'impose donc pas et n'est pas de nature à changer l'opinion de la Chambre.

43. En conséquence, la Chambre est d'avis que l'objet de la revendication 1 ne découle pas de manière évidente de l'enseignement des documents (5) et/ou (3) associés aux documents (2) ou (4). Les revendication 2 à 12 dépendant de la revendication 1 et la revendication 13, dont l'objet résulte de la mise en pratique du procédé des revendications 1 à 12, remplissent aussi les conditions de l'article 56 CBE.

44. Le cas présent est fondamentalement différent de celui de la décision T 448/96 (31 janvier 2000), qui concernait un recours formé contre la révocation par la division d'opposition du brevet européen EP 0 343 275, présent dans la procédure actuelle en tant que document (1), sur la base de la combinaison de documents aussi présents dans la procédure actuelle en tant que documents (3) et (2) ou (4). La Chambre présente, dans une composition différente, avait confirmé la décision de la division d'opposition et donc considéré que le remplacement du DEAE-Sépharose dans le procédé du document (3) par le DEAE-Fractogel 650 M pour arriver à la solution proposée dans le document (1), pour préparer un FVIII pur, était évident. La différence fondamentale avec le cas présent porte sur deux aspects :

- le brevet européen EP 0 343 275 ne concernait que la séparation du seul FVIII,

- le brevet européen EP 0 343 275 ne donnait aucune activité spécifique pour le FVIII obtenu.

La Chambre avait alors conclu que l'activité spécifique n'était pas un paramètre auquel le problème technique pouvait se référer et avait défini ledit problème technique comme étant simplement la mise à la disposition de l'homme du métier d'une alternative au procédé du document (3) rendant ledit procédé plus simple, plus efficace ou intégrant les développements les plus évidents de la technique (point 7 de la décision T 448/96). La solution proposée dans le brevet européen EP 0 343 275 était alors évidente compte tenu des avantages du DEAE-Fractogel démontrés dans les documents (2) ou (4) en ce qui concerne le pouvoir de séparation. Dans le cas présent, il s'agit, au contraire, de séparer quatre protéines qui doivent être biologiquement actives puisqu'elles sont supposées être utilisées en thérapie et il n'est pas du tout évident que l'emploi du dit DEAE-Fractogel 650 M permette une séparation des quatre protéines tout en les maintenant dans un forme biologiquement active et, au moins dans le cas du FVIII, augmente l'activité spécifique d'un facteur 10 à 20 (cf supra point 36).

Requêtes auxiliaires présentées par les requérants I et II lors de la procédure orale.

45. La requête du requérant I de renvoi du dossier à la division d'opposition selon l'article 111 CBE a été introduite pour la première fois lors de la procédure orale devant la Chambre, bien que le requérant I ait déjà, dans son mémoire exposant les motifs du recours (page 6, paragraphe "Problemlösung"), indiqué que la définition du problème technique de la division d'opposition était imprécise et même fausse. Ce soit-disant vice substantiel de procédure était donc connu du requérant I depuis la procédure orale devant la division d'opposition du 5 décembre 2000 ou, au plus tard, depuis le 29 janvier 2001, date à laquelle la décision de la division d'opposition a été signifiée aux parties. Le requérant I n'a pas tenté d'expliquer la raison de la soumission tardive de cette requête. La Chambre décide donc en vertu de l'article 114(2) CBE de ne pas donner suite à cette requête qui n'a pas été soumise en temps utile.

46. Le requérant II a demandé en vertu de l'article 111 CBE le renvoi du dossier à la division d'opposition pour vice substantiel de procédure causé par le fait qu'un seul et même document (le document (3a)) a été considéré, dans le cadre de l'opposition formée contre le document (3) présent, comme démontrant que le procédé du dit document (3) conduisait bien à un FVIII de haute activité spécifique, alors qu'il a été considéré de manière diamétralement opposée par la division d'opposition dans le cas présent. Or, les deux divisions d'opposition étaient présidées par la même personne. Le requérant II a, en conséquence, aussi demandé selon la Règle 67 CBE le remboursement de la taxe de recours. Dans ce cas aussi, les raisons exposées au point 45 s'appliquent. En effet, ce soit-disant vice de procédure était connu du requérant II depuis la procédure orale du 5 décembre 2000 et/ou la signification de la décision aux parties en date du 29. janvier 2001 et aucune explication de cette soumission tardive n'a été donnée par le requérant II. La Chambre décide donc, à nouveau, en vertu de l'article 114(2) CBE de ne pas donner suite à ces deux requêtes, car soumises tardivement.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Les recours sont rejetés (requêtes principales et auxiliares).

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