T 1753/06 (tert-butylamine du perindopril/LABORATOIRES SERVIER) of 6.5.2009

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2009:T175306.20090506
Date de la décision : 06 Mai 2009
Numéro de l'affaire : T 1753/06
Requête en révision : R 0021/09
Numéro de la demande : 01954058.2
Classe de la CIB : C07D 209/42
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Forme cristalline alpha du sel de tert-butylamine du perindopril
Nom du demandeur : Les Laboratoires Servier
Nom de l'opposant : Niche Generics Limited
Quimica Sintetica. S.A.
NORTON HEALTHCARE LTD
Glenmark Pharmaceuticals Ltd
POLPHARMA
MIESZKOWSKA, Agnieszka, AMCA Consulting
Lupin Limited
Hetero Drugs Limited
Krka, Tovarna Zdravil, d.d.
Ratiopharm GmbH
Chambre : 3.3.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 113(1)
European Patent Convention Art 54
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 15(3)
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 84
European Patent Convention Art 101(3)(a)
European Patent Convention Art 112(1)(a)
European Patent Convention Art 115
European Patent Convention R 115(2)
Mot-clé : Renvoi de la procédure orale (non)
Requêtes principale et subsidiaire 1 à 2: nouveauté (non) - divulgation implicite
Requête subsidiaire 3: activité inventive (non) - solution alternative évidente
Requête subsidiaire 4: tardive - non clairement admissible
Saisine de la Grande Chambre (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0009/91
T 0012/81
T 0020/81
T 0198/84
T 0396/89
T 0482/89
T 0270/90
T 0441/90
T 0452/91
T 0793/93
T 0665/95
T 0355/97
T 0728/98
T 0996/02
T 0392/06
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 2397/11

Exposé des faits et conclusions

I. Les requérantes 1 à 7 (respectivement les opposantes 2, 3, 4, 5, 8, 10 et 7) ont formé chacune un recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition, signifiée par voie postale le 21 septembre 2006, relative au texte dans lequel le brevet n**(o) 1 296 947 modifié peut être maintenu. La requérante 7 a retiré son opposition avec sa lettre du 5 février 2007 sans qu'elle ait soumis un mémoire exposant les motifs du recours.

II. La présente décision se réfère aux documents suivants:

(1) EP-A-308341

(4) EP-A-1294689 = WO-A-01/87836

(9) Pharmaceutical research vol. 12, nº 7, (1995), p. 945-54

(14) Introduccion al analisis organico, (1975), p. 63-64 et traduction en anglais

(15) Lettre des Laboratoires Servier du 21 juillet 2004 concernant la demande de brevet européen n**(o) 01 954 059.0

(22) Vogel's Textbook of Practical Organic Chemistry, (1989), p. 132-153

(24) Déclaration de Monsieur Harry G.Brittain du 2 novembre 2004

(28) Rapport établi par "Danwik SC" le 9 octobre 2003

(33) Journal of labelled compounds and radiopharmaceuticals, vol. XXV, n**(o) 5, (1988), p. 553-568

(42) "Gutachterliche Stellungnahme" du Prof. Roland Boese du 30 mars 2006

(43) "Crystallisation of Perindopril Erbumine" de Jon Griffin du 25 avril 2005

(43a) "Report to Ivax Pharmaceuticals UK Limited on Recrystallisation of Perindopril t- Butylamine Salt at SAFC, Manchester" de B. J. Wakefield daté du 4 Mai 2005

(44) Rapid Crystallisation of Perindopril Erbumine de Jonathan Hull daté du 8 juillet 2005

(44a) Rapport de Alexandr Jegorov daté du 19 août 2005

(45) Report regarding perindopril erbumine crystallisation de John Man daté 16 mai 2006

(46) Déclaration du Prof. Geffken datée du 25 mai 2006

(47) Déclaration du Prof. Meden datée de mai 2006

(54) Print out from

http://img.chem.ucl.ac.uk/www/reports/perino.htm

M. Vickers, Investigation of Perindopril Erbumine:

alpha Form (orthorhombic)

(58) Observations des tiers déposées le 5 mars 2009

(59) Déclaration du Docteur Alain Renaud datée du 26 février 2009: essais 1-6 déposés par le titulaire avec sa lettre du 24 mars 2009

(60) Rapport d'expertise de Professeur Klein daté du 11 février 2008 et note de calcul annexée.

(61) Déclaration du Docteur Alain Renaud du 26 février 2009

(62) Tableau des brevets et demandes de brevets décrivant des polymorphes du perindopril erbumine déposé par le titulaire avec sa lettre du 24 mars 2009

(63) Jugement britannique du 6 juillet 2007 soumis par lettre du 3 septembre 2007 par la requérante 3

(64) Arrêt de la Cour d'appel britannique du 9 mai 2008 soumis par lettre du 7 aout 2008 par la requérante 3

III. Dix oppositions ont été formées contre le brevet en vue d'obtenir la révocation du brevet en sa totalité. Les opposantes ont invoqué les motifs de manque de nouveauté et d'activité inventive (l'article 100 (a) combiné avec les articles 54 et 56 CBE) et l'exposé insuffisant de l'invention (l'article 100(b) combiné avec l'article 83 CBE). Lors de la procédure d'opposition l'opposante 1 a retiré son opposition avec sa lettre du 9 février 2005.

IV. La décision contestée se fonde sur la requête principale soumise durant la procédure orale devant la division d'opposition. Les revendications indépendantes 1 (telle que délivrée), 2 et 8 s'énoncent comme suit:

1. Forme cristalline alpha du composé de formule (i):

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

caractérisée par le diagramme de diffraction X sur poudre suivant, mesuré sur un diffractomètre (anticathode de cuivre) et exprimé en termes de distances inter-réticulaires d, d´angle de Bragg 2 thêta, d´intensité et d'intensité relative (exprimée en pourcentage par rapport à la raie la plus intense):

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

2. Procédé de préparation de la forme cristalline alpha du composé de formule (i) selon la revendication 1, caractérisé en ce que l´on porte à reflux une solution du sel de tert-butylamine du perindopril dans l´acétate d´éthyle, puis on refroidit jusqu´à une température comprise entre 55 et 65ºC à un rythme compris entre 5 et 10 ºC/h, puis jusqu´à température ambiante, jusqu´à cristallisation complète.

8. Composition pharmaceutique contenant comme principe actif le composé selon la revendication l, en combinaison avec un ou plusieurs véhicules inertes, non toxiques et pharmaceutiquement acceptables.

V. La division d'opposition a décidé que le brevet contesté contient des informations suffisantes pour que l'homme du métier puisse effectuer le procédé de la revendication 2 et obtenir la forme cristalline alpha. De plus la nécessité de l'indication de la pression ou de la température pour la prise du spectre de rayons X n'a pas été démontrée.

En ce qui concerne la nouveauté, la division d'opposition a estimé que la forme cristalline alpha du sel de tert-butylamine du perindopril est nouvelle vis-à-vis du document (1) en raison du fait qu'il n'était pas établi d'une manière irréfutable que cette forme cristalline est le résultat inévitable de l'exemple 3D du document (1). La forme alpha est également nouvelle vis-à-vis du document (33) au moins en raison du fait que le produit obtenu selon le document (33) est un composé radioactif car marqué au carbone 14. En outre, l'utilisation publique antérieure n'a pas été démontrée. Le produit "coversyl" mis en vente avant la date de priorité du brevet en cause, ne permet pas l'isolation du principe actif et l'homme du métier ne pouvait pas réaliser une analyse cristallographique de ce principe actif. La présence d'un seul pic dans le diagramme de diffraction X sur poudre n'est pas suffisante pour établir l'identité entre la forme alpha de la revendication 1 du brevet en cause et le principe actif du coversyl.

En ce qui concerne l'activité inventive, la division d'opposition a estimé que l'objet du brevet en cause implique une activité inventive au vu du document (1) seul ou en combinaison avec les documents (14) ou (9), car il n'y a aucune indication dans le document (1) ni dans les autres documents quant aux conditions à utiliser pour obtenir la forme cristalline revendiquée ayant les propriétés souhaitées concernant la filtration et la stabilité. Le document (33) et le produit offert à la vente "coversyl" n'ont pas été considérés comme un point de départ approprié pour démontrer un manque d'activité inventive. Le but du document (33) est la mise en disposition de composés radioactifs et n'a rien à voir avec le problème à résoudre par le brevet. En ce qui concerne le coversyl l'homme du métier n'a pu ni isoler ni montrer de manière sûre et non ambiguë la nature cristalline du composé actif.

VI. Par lettre du 11 janvier 2007 l'opposante 9 a retiré son opposition.

VII. Par lettre du 3 septembre 2007 la requérante 2 (l'opposante 3) a soumis le jugement britannique de première instance ayant déclaré nul le brevet contesté pour le Royaume-Uni.

VIII. Avec la réponse aux mémoires exposant les motifs des recours l'intimée (le titulaire du brevet) a soumis deux requêtes subsidiaires.

La requête subsidiaire 1 se distingue de la requête principale du fait que uniquement la revendication indépendante 2 de procédé, a été modifiée en ajoutant l'expression "le sel de tert-butylamine de perindopril ainsi obtenu se présentant sous forme de bâtonnets individualisés facilement filtrables".

Dans la requête subsidiaire 2 la revendication indépendante 1 de produit a été modifiée vis-à-vis de la revendication 1 de la requête principale par l'incorporation d'une caractéristique de procédé de fabrication: "susceptible d'être obtenu par un procédé, caractérisé en ce que l'on porte à reflux une solution du sel de tert-butylamine du perindopril dans l´acétate d´éthyle, puis on refroidit jusqu´à une température comprise entre 55 et 65ºC, à un rythme compris entre 5 et 10 ºC/h, puis jusqu´à température ambiante, jusqu´à cristallisation complète".

IX. Avec sa lettre du 7 aout 2008 la requérante 2 a soumis le jugement britannique de seconde instance confirmant le jugement de la première instance et en plus la décision du tribunal néerlandais.

X. Conformément avec l'article 115 CBE la chambre a reçu le 5 mars 2009 des observations de tiers au nom d'Apotex, qui était le défendeur dans la procédure britannique.

XI. L'intimée a déposé une troisième requête subsidiaire avec sa lettre du 24 mars 2009 dans laquelle la revendication indépendante 1 de produit a été modifiée vis-à-vis de la revendication 1 de la requête principale en ajoutant l'expression "se présentant sous forme de bâtonnets individualisés facilement filtrables". La revendication indépendante 2 est la même que celle de la requête subsidiaire 1.

XII. La procédure orale s'est tenue devant la chambre les 5 et 6 mai 2009 en absence de la requérante 5 (l'opposante 8) bien que dûment convoquée. La procédure a été poursuivie en son absence conformément aux dispositions de la règle 115(2) CBE et l'article 15(3) RPCR.

Au début de la procédure orale la requérante 6 a retiré sa requête sur le remboursement de la taxe de recours en raison d'un vice substantiel de procédure au cours de la procédure d'opposition, sur quoi, l'intimée a retiré sa requête de renvoyer l'affaire à la première instance si la chambre devait considérer que la requête sur le remboursement de la taxe de recours est fondée.

Lors de la procédure orale l'intimée a déposé une nouvelle requête subsidiaire 3. L'ancienne requête subsidiaire 3 soumise avec la lettre du 24 mars 2009 devenait la requête subsidiaire 4. La seule revendication indépendante de la requête subsidiaire 3 s'énonce comme suit:

1. Procédé de préparation de la forme cristalline alpha du composé de formule (i)

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

caractérisée par le diagramme de diffraction X sur poudre suivant, mesuré sur un diffractomètre (anticathode de cuivre) et exprimé en termes de distances inter-réticulaires d, d´angle de Bragg 2 thêta, d´intensité et d'intensité relative (exprimée en pourcentage par rapport à la raie la plus intense):

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

caractérisé en ce que l´on porte à reflux une solution du sel de tert-butylamine du perindopril dans l´acétate d´éthyle, puis on refroidit jusqu´à une température comprise entre 55 et 65ºC à un rythme compris entre 5 et 10 ºC/h, puis jusqu´à température ambiante, jusqu´à cristallisation complète.

XIII. Au début de la discussion sur la nouveauté de la revendication 1 de la requête principale le président de la chambre a indiqué aux parties que les documents (24), (28), (42), (43) à (45), (46) et (47), et les jugements britanniques seraient discutés en particulier. Il a également souligné le fait que les chambres des recours ne sont nullement liées aux jugements des tribunaux nationaux et que ces jugements ne seront discutés qu'eu égard aux faits y mentionnés. Subséquemment, les documents mentionnées ci-dessus et les jugements britanniques ont été discutés en détail par les requérantes et l'intimée.

Lors de la discussion sur la nouveauté de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2, et après que la chambre ait annoncé sa conclusion en ce qui concerne la nouveauté de la revendication 1 de la requête principale et subsidiaire 1, l'intimée a soulevé l'objection que la prise en considération des jugements britanniques ainsi que la décision du tribunal néerlandais représente une violation de son droit d'être entendu (l'article 113(1) CBE) et a requis le renvoi de la procédure orale à une date ultérieure pour prendre connaissance du dossier complet de ces procédures.

Au cours de la procédure orale l'intimée a demandé en outre que soit posée à la Grande Chambre de Recours la question de droit fondamentale suivante:

"Dans les procédures devant l´OEB et en application des dispositions de l´article 1 de la CBE, la question de la brevetabilité peut-elle être tranchée en se fondant sur une partie des faits et preuves retenus et appréciés dans une décision d´une juridiction Nationale, sans que l´instance de l´OEB concernée ne procède de façon indépendante à l´examen de l´ensemble des faits et preuves soumis devant la juridiction nationale."

XIV. Les arguments des requérantes au cours de la procédure écrite et lors de la procédure orale autant qu'ils sont pertinents pour cette décision peuvent être résumés comme suit:

La forme cristalline alpha du sel de tert-butylamine du perindopril (= perindopril erbumine) n'est pas nouvelle vis-à-vis du document (1) car cette forme cristalline est le résultat inévitable du procédé de l'exemple 3D du document (1). Ceci apparaît clairement au vu des rapports des experts fournis par les requérantes décrivant la reproduction de l'exemple 3D du document (1), ou la recristallisation du perindopril erbumine, en particulier les documents (24), (28), (42), (43) à (45), (46) et (47). La comparaison des diagrammes de diffraction X sur poudre de produits obtenus par ces procédés de reproduction ou de recristallisation avec la liste de pics mentionnée dans le brevet contesté ou les diagrammes de référence dans le document (54) démontrent, à l'intérieur de la précision de mesures, la formation de la forme cristalline alpha. Les différences insignifiantes dans les diagrammes expérimentaux, comme l'absence possible des pics faibles, la différence de l'intensité ou la présence de pics additionnels, ne sont pas l'indication d'une forme cristalline différente.

En ce qui concerne l'expression "refroidir" mentionnée dans le document (1), sans autre explication quant à sa signification, l'homme du métier aurait compris que le refroidissement ne requiert pas des conditions spécifiques comme par exemple un profil de refroidissement spécifique. Une mise en oeuvre raisonnable est donc de laisser refroidir le milieu réactionnel sans intervention extérieure.

Les contre-essais de l'intimée ne sont pas pertinents en raison du fait que les vitesses de refroidissement exceptionnellement élevées et le maintien à -10**(o)C après le refroidissement ne représentent pas un mode opératoire raisonnable de l'exemple 3D du document (1).

Les données expérimentales mentionnées dans les jugements britanniques sont également utiles pour démontrer que la forme alpha est le résultat inévitable de l'exemple 3D du document (1). Les Laboratoires Servier, l'intimée et le demandeur dans la procédure britannique, ont accepté que les essais à l'échelle du laboratoire soumis par le défendeur Apotex et répétés en présence d'un expert de l'intimée, sont une tentative correcte et raisonnable de mise en oeuvre de l'enseignement du document (1) et donnent la forme cristalline alpha. L'intimée a également accepté que l'essai à échelle pilote répété en présence de son expert donne la forme cristalline alpha.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 dans laquelle le produit est en plus caractérisé par son procédé d'obtention doit être interprétée comme une revendication portant sur le produit en tant que tel, c'est-à-dire la forme cristalline alpha. L'objet de cette revendication n'est donc pas nouveau. Les essais fournis par l'intimée ne sont pas appropriés pour démontrer que les caractéristiques du procédé, en l'espèce le profil de refroidissement, ont comme résultat un produit différent de celui obtenu par le document (1), car ils ne représentent pas une reproduction appropriée de l'enseignement du document (1). Il était également allégué que la morphologie de la forme cristalline ne dépend pas du profil de refroidissement dans le même solvant.

La requête subsidiaire 3 a été soumise tardivement. L'objet de la revendication 1 de cette requête peut être considéré comme une sélection du document (1) qui n'est pas nouveau en raison du fait que les critères pour une invention de sélection ne sont pas remplis, c'est-à-dire la plage de valeurs limitée n'est pas étroite par rapport à la plage de valeur connue et a été extraite arbitrairement de l'état de la technique.

En ce qui concerne l'activité inventive, étant donné qu'aucun avantage n'a été démontré le problème à résoudre vis-à-vis du document (1) peut être considéré dans la mise à disposition d'un procédé alternatif de cristallisation du sel de tert-butylamine du perindopril. La sélection d'un profil approprié de refroidissement fait partie des tâches de routine de l'homme du métier et, eu égard à ses connaissances générales représentées par les documents (14) ou (22), n'implique pas d'activité inventive.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 ne satisfait pas aux conditions de l'article 84 CBE. Le terme "bâtonnets" et l'expression "bâtonnets facilement filtrables", qui sont utilisés pour établir la nouveauté, n'ont pas une signification technique bien établie et connue. Ce manque de clarté est le résultat d'une modification de la revendication 1 de la requête principale qui ne se trouve pas dans le brevet tel que délivré.

XV. Les arguments de l'intimée au cours de la procédure écrite et lors de la procédure orale autant qu'ils sont pertinents pour cette décision peuvent être résumés comme suit:

Pour détruire la nouveauté sur la base d'un résultat inévitable il faut que la reproduction de l'état de la technique ne donne qu'un seul résultat. A partir du moment où il y a des choix dans le cadre de la prétendue reproduction on ne se trouve plus dans une telle situation.

Les essais des requérantes ne sont pas pertinents pour démontrer que la forme cristalline alpha est le résultat inévitable de la l'exemple 3D du document (1). Ces essais ont été mis en oeuvre à l'échelle du laboratoire alors que l'exemple 3D a pour objet un procédé à l'échelle industrielle. En outre, il doit être considéré que l'étape 3D du document (1) n'est que la dernière étape dans la synthèse du sel de tert-butylamine du perindopril et les impuretés présentes dans les matières premières ou le solvant, ou résultant du procédé, peuvent influencer la formation de la forme cristalline dans cette dernière étape. A l'appui de ses arguments, l'intimée a soumis un rapport d'expertise de M. Klein (le document (60)).

De plus, le document (1) ne divulgue pas la caractéristique "laisser refroidir, ce qui constitue donc une interprétation allant au delà de l'enseignement du document (1), par rapport au terme "refroidir" mentionné dans l'exemple 3D.

En outre, les diagrammes de diffraction X sur poudre du document (24) et de la figure 6 du document (42) présentent des pics additionnels. Ceci est une indication qu'il s'agit d'une forme cristalline différente. Le libellé de la revendication exclut la présence d'autres pics.

Les essais 1 et 2 de l'intimée soumis le 24 mars 2009 tombent dans le cadre de la divulgation générale du document (1) et démontrent que la forme cristalline alpha n'est pas le résultat inévitable de l'exemple 3D. Dans les deux essais une forme beta hydratée est obtenue. L'essai 2 à l'échelle pilote n'utilise pas des conditions de refroidissement irréalistes, c'est-à-dire un "crash cooling" comme allégué par les requérantes. Au contraire ces conditions sont parfaitement réalisables comme indiqué dans le rapport d'expert et la note de calcul de M. Klein (document (60)).

En ce qui concerne les essais à l'échelle du laboratoire mentionnés dans les jugements britanniques les mêmes réserves que pour les essais des requérantes doivent être faites. En ce qui concerne les essais à l'échelle industrielle, l'exemple B d'Apotex ("notice experiment") n'a pas conduit à la formation de la forme cristalline alpha. Le diagramme de diffraction X sur poudre de l'exemple B diffère de celui-ci du brevet, indiquant la formation d'une autre polymorphe. Egalement, l'hypothèse qu'il n'y a que trois polymorphes n'est pas correcte eu égard au tableau soumis avec le lettre du 24 mars 2009. Il existe de moins 16 formes cristallines (document (62)).

En ce qui concerne la revendication 1 de la requête subsidiaire 2, le procédé de préparation ajoute des caractéristiques additionnelles au produit. C'est seulement en suivant le profil de refroidissement indiqué dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 que l'on obtient la forme cristalline alpha comme bâtonnets individualisés et facilement filtrables. Le procédé ajoute donc une caractéristique technique au produit comme démontré dans l'annexe 4 du document (59).

Le procédé de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3, est nouveau en raison du fait que le régime spécifique de refroidissement n'est pas divulgué dans le document (1). Les arguments des requérantes concernant une invention de sélection ne sont pas applicables, car dans le cas d'espèce il ne s'agit pas d'une sélection d'un domaine limitée à partir d'un domaine spécifique plus grand. En outre, la sélection ne peut pas être considérée comme arbitraire. L'objet de la requête subsidiaire 3 implique également une activité inventive. Comme démontré dans les essais 1-3 et les annexes du document (59), l'utilisation du régime spécifique de refroidissement indiqué dans le procédé de la requête subsidiaire 3 conduit à la formation de cristaux sous forme de bâtonnets individualisés qui sont facilement filtrables et de plus moins adhésifs et plus stables. Ces améliorations ne sont pas évidentes pour l'homme du métier au vu des documents (1), (14) et (22), qui ne parlent pas du tout de polymorphes, de la forme individualisée des cristaux ou de la stabilité. A supposer même que le procédé revendiqué soit un simple procédé alternatif, ces documents ne contiennent aucune indication qui aurait incité l'homme du métier à refroidir la solution si lentement pour les premiers vingt degrés.

En ce qui concerne la clarté de la requête subsidiaire 4, le terme "bâtonnets individualisés facilement filtrables" introduit dans la revendication 1 se trouve déjà dans la revendication 8 telle que délivré. Etant donné que l'article 84 CBE ne représente pas un motif d'opposition et que le manque de clarté allégué ne résulte pas de la modification apportée, cette objection ne doit pas être considérée.

XVI. Les arguments des tiers (Apotex) soumis au cours de la procédure écrite peuvent être résumés comme suit:

Apotex a mis en oeuvre un essai (a) à l'échelle du laboratoire et un autre (b) à l'échelle pilote (industrielle) qui ont été répétés (A2 et B2) en présence d'un expert des Laboratoires Servier, en l'occurence l'intimée. Les Laboratoires Servier n'ont pas critiqué la mise en oeuvre des essais effectués par Apotex selon des protocoles établis par un expert indépendant sans connaissance du brevet. Les Laboratoires Servier ont accepté que les essais à l'échelle du laboratoire, A et A2, ainsi que l'essai B2 donnent la forme cristalline alpha revendiquée. Ils ont également accepté qu'un homme du métier en connaissance de l'enseignement du document (1) aurait réalisé un essai à l'échelle du laboratoire avant qu'il ait pu conduire l'exemple 3D du document (1). En ce qui concerne l'essai B, les dépositions d'Apotex, que le résultat de l'essai B conduit également à la forme cristalline alpha, n'ont pas été contestées lors de l'interrogatoire de l'expert des Laboratoires Servier.

En ce qui concerne l'activité inventive, l'expert des Laboratoire Servier a accepté que les profils de refroidissement utilisés par Servier et dans l'essai B2 d'Apotex représentent des réalisations évidentes des instructions "filtrer, refroidir, sécher" mentionnées dans l'exemple 3D du document (1).

XVII. La partie de droit à la procédure (l'opposante 6) n'a soumis aucun argument.

XVIII. Les requérantes ont demandé

- l'annulation de la décision contestée et

- la révocation du brevet européen n**(o) 1 296 947.

XIX. L'intimée a demandé

- le rejet du recours

- la confirmation de la décision de la division d'opposition sur le maintien du brevet tel que modifié, ou à titre subsidiaire sur la base de l'une de requêtes subsidiaires 1 et 2 déposées avec la réponse aux mémoires de recours, ou de la requête subsidiaire 3 déposée lors de la procédure orale, ou de la requête subsidiaire 4 déposée avec la lettre du 24 mars 2009

- le renvoi de l'affaire à la première instance si le document (40) devait être considéré particulièrement pertinent

- le renvoi de la procédure orale à une date ultérieure afin de prendre connaissance des dossiers des décisions britanniques et néerlandaises et pour garantir son droit d'être entendu

- qu'une question soit soumise à la Grande Chambre de Recours concernant une question de droit fondamentale (voir paragraphe XIII ci-dessus).

XX. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Le renvoi de la procédure orale

2.1 Au cours de la procédure orale l'intimée a soulevé une objection en ce qui concerne la prise en considération des jugements britanniques et a soumis la requête de renvoi la procédure orale à une date ultérieure. Elle a justifié son objection et sa requête par le fait de ne pas avoir connaissance du dossier complet de ces procédures, en particulier de la description des essais soumis lors de cette procédure ainsi que du contexte dans lequel les déclarations des experts des Laboratoires Servier avaient été recueillies. Ceci constitue une violation fondamentale de son droit d'être entendu (l'article 113(1) CBE), étant dans l'impossibilité de répondre aux questions soulevées au cours de la procédure orale au sujet de ces jugements. Pour les mêmes motifs l'intimée a requis de ne pas considérer la décision du tribunal néerlandais ou le renvoi de la procédure orale à une date ultérieure.

2.2 La chambre constate que l'intimée a soulevé son objection vis-à-vis des jugements britanniques pour la première fois lors de la discussion de la requête subsidiaire 2, c'est-à-dire après que ces jugements aient été discutés en détail avec les parties, y compris l'intimée, par rapport à la nouveauté de la requête principale et de la requête subsidiaire 1, et après que la chambre ait annoncé sa conclusion en ce qui concerne la nouveauté de ces requêtes, une conclusion qui prend en considération les faits et certaines des déclarations des experts contenus dans ces jugements.

Par conséquent, la chambre ne peut pas tenir compte de l'objection de l'intimée en ce qui concerne la prise en considération des jugements britanniques et la requête de l'intimée est rejetée.

2.3 En ce qui concerne la décision du tribunal néerlandais du 11 juin 2008 la chambre note que cette décision a été soumise par la requérante 2 le 12 août 2008 peu après qu'elle ait été prononcée. Elle fait donc partie de la procédure et l'intimée, qui en outre était partie dans cette procédure ainsi que dans la procédure britannique, a eu connaissance de cette décision. Donc, la chambre n'a aucune raison pour ce motif de renvoyer la procédure orale. Par conséquent, la requête quant au renvoi de la procédure orale est rejetée.

Requête principale

3. Modification

La revendication 1 de la requête principale correspond à la version telle que délivrée. Par conséquent, elle ne soulève aucune objection de forme au titre de l'article 123(2) et (3) CBE.

4. Nouveauté

4.1 Toutes les requérantes ont contesté la nouveauté de la revendication 1 du brevet en cause au vu de l'exemple 3D du document (1).

4.2 Le document (1) a pour objet un procédé de synthèse industrielle du perindopril et son sel de tert-butylamine. L'exemple 3D décrit le procédé de préparation du sel dans lequel on place 10 kg de perindopril dans 140 litres d'acétate d'éthyle, on additionne progressivement 2,20 kg de tert-butylamine, on porte à reflux jusqu'à dissolution totale et on filtre. La récupération du produit n'est pas explicitement décrite. L'exemple 3D mentionne simplement "Refroidir, filtrer et sécher".

La cristallinité du produit de l'exemple 3D n'a pas été contestée (voir aussi le document (1), page 6, ligne 57-58), mais le document (1) ne mentionne nulle part ni une forme alpha du sel de tert-butylamine du perindopril, ni un diagramme de diffraction X sur poudre.

4.3 La question est donc d'examiner si le document (1) révèle la forme cristalline alpha de la revendication 1 du brevet d'une manière implicite comme résultat direct et inévitable de l'exemple 3D du document (1).

4.4 Pour démontrer une divulgation implicite les requérantes ont fourni des nombreux rapports expérimentaux, en particulier

M. Brittain: document (24) (soumis par l'opposante 4 et requérante 3),

M. Boese: document (42) (soumis par l'opposante 10 et requérante 6),

M. Geffken: document (46) (soumis par l'opposant 9)

M. Meden: document (47)(soumis par l'opposante 9)

Les documents (24), (42), (46) et (47) décrivent la préparation du sel de tert-butylamine du perindopril selon l'exemple 3D du document (1) à l'échelle du laboratoire. Les réactifs et le solvant sont les mêmes que ceux divulgués dans le document (1). Les rapports molaires entre les réactifs ainsi que la concentration des réactifs dans le solvant comme définis dans le document (1) ont été respectés.

Pour récupérer le produit on a laissé refroidir le milieu réactionnel à température ambiante en plaçant le flacon à côté. Ce mode opératoire a été considéré par les experts concernés comme celui que l'homme du métier aurait compris de la divulgation du document (1) en absence d'information spécifique et détaillée sur l'étape de refroidissement (voir page 3, dernier paragraphe du document (24); page 4, dernier paragraphe, lignes 2-7 du document (42); page 2, point 3., lignes 5-9 du document (46); première page, point 2., lignes 4-5 du second paragraphe du document (47)). Après le refroidissement le produit obtenu à été filtré et séché, ou sous vide à température ambiante ou à température élevée. M. Boese a également fourni des essais utilisant un régime de refroidissement différent en coupant simplement le chauffage et laissant refroidir le flacon dans le bain d'huile, ou en plaçant le flacon dans un bain d'eau à 19**(o)C.

Un diagramme de diffraction X sur poudre à été mesuré pour chacun de produits ainsi obtenus.

4.5 La première question est cependant d'examiner si le produit obtenu dans les rapports expérimentaux fournis par les requérantes est identique à la forme cristalline alpha du brevet contesté.

4.5.1 Le brevet en cause ne contient aucun diagramme expérimental de diffraction X sur poudre de la forme cristalline alpha qui peut être comparé directement et facilement avec les diagrammes expérimentaux obtenus par les requérantes. La revendication 1 ne contient qu'un tableau faisant une liste des raies significatives avec l'intensité et l'intensité relative obtenu (voir la description page 4, lignes 35 - 37 du brevet en cause). Ce tableau est apparemment le résultat d'un traitement des données expérimentales avec le logiciel EVA (voir la page 4, ligne 24 de la description du brevet contesté) et indique les valeurs de l'angle de Bragg 2 thêta avec un degré de précision de trois chiffres après la virgule. En outre, ce tableau ne donne pas la forme ou la largeur des pics.

Un diagramme expérimental de la forme cristalline alpha est toutefois disponible, il s'agit du diagramme de diffraction X sur poudre de M. Vickers (document (54)), dont l'intimée n'a pas contesté la validité, ainsi que les diagrammes expérimentaux dans l'annexe 1 et l'annexe 3 du document (59) fournis par l'intimée lui-même (voir diagrammes dénommés "forme alpha" ou "ref forme alpha"). En outre, M. Brittain a simulé le diagramme de diffraction X en utilisant l'angle de Bragg 2 thêta, l'intensité et l'intensité relative donnés dans la revendication 1 du brevet contesté (voir la page 8 du document (24)).

4.5.2 La chambre note que les diagrammes expérimentaux ainsi que le diagramme simulé, bien qu'ils soient presque identiques, présentent de légères variations. En particulier, quelques pics ayant une intensité très faible ne sont pas toujours visibles ou au moins clairement visible dans les diagrammes expérimentaux: par exemple l'un de pics à 7.680º et 8.144º selon la revendication 1 du brevet est absent dans le diagramme de référence de M. Vickers et l'annexe 1 du document (59). Egalement, le pic à 21.832º selon le brevet en cause n'est pas visible dans les diagrammes de la forme cristalline alpha de l'intimée. En outre, l'intensité des pics dans les diagrammes expérimentaux et le diagramme simulé diffère visiblement.

4.5.3 En ce qui concerne ces différences la chambre considère que les pics ayant une intensité très faible sont les pics les plus sujets aux influences provoquées par la préparation de l'échantillon, l'appareillage pour la mesure du diagramme, les bruits de fond et l'algorithme de manipulation de données expérimentales. Cependant, leur absence dans les diagrammes expérimentaux, comme également dans le diagramme de référence de M. Vickers et de l'intimée (l'annexe 1 du document (59)), ne saurait être considérée comme pertinente. Les mêmes paramètres peuvent également influencer la résolution des pics dans un diagramme expérimental, ce qui peut conduire à la superposition (ou le dédoublement) de quelques pics. Cela peut expliquer l'absence du pic à 21.832º dans les diagrammes expérimentaux de l'intimée, qui est apparemment superposé au pic suivant.

Il est également incontesté que l'intensité des pics dans un diagramme de diffraction X sur poudre peut varier en raison d'une orientation préférée dans l'échantillon des cristaux. Donc, l'intensité ne peut pas servir comme caractéristique distinctive et une variation de l'intensité des pics dans les diagrammes expérimentaux n'indique pas la formation d'une forme cristalline différente.

4.5.4 Par conséquent, selon la chambre les valeurs données dans la revendication 1 du brevet ne peuvent pas être considérées comme des valeurs absolues dans le cas d'espèce. En conséquence, tant que la position des pics (l'angle de Bragg 2 thêta) dans un diagramme de diffraction X sur poudre est substantiellement identique aux valeurs données dans le brevet ou aux diagrammes de référence de M. Vickers et de l'intimée, les variations concernant les pics faibles ou la superposition ou dédoublement des pics ainsi que la déviation de l'intensité des pics, ne sont pas significatives et n'indique pas la formation d'une forme cristalline différente.

4.5.5 Une comparaison des diagrammes obtenus par M. Boese et M. Geffken avec les diagrammes de référence de M. Vickers et de l'intimée démontre que les diagrammes des formes cristallines obtenues dans les documents (42) et (46) sont pratiquement identiques à ceux de référence (voir le document (42), fig. 2-7 et le document 46, fig. 1 et 2).

La comparaison du diagramme de diffraction X sur poudre de la forme cristalline obtenue dans le document (47) par M. Meden avec la position des pics décrite dans la revendication 1 du brevet (voir document (47), fig. 1 et table 1) démontre que pratiquement tous les pics de la forme cristalline revendiquée sont présents dans le diagramme du produit obtenu par M. Meden. Le pic n**(o) 15 du brevet (21.832º) dans ce diagramme n'est pas complètement résolu mais il est superposé au pic suivant et apparaît comme épaulement du pic 16 du brevet (22.158º), c'est-à-dire la situation est la même que dans les diagrammes de référence de l'intimée. Il y a des différences dans l'intensité, mais au vu de ce qui est noté ci-dessus (voir la section 4.5.3), une déviation de l'intensité ne peut pas être utilisée comme preuve pour la présence d'une forme cristalline différente.

Le diagramme de diffraction X du produit obtenu dans le document (24) avec le diagramme simulé démontre l'équivalence des pics les plus intenses (voir fig. 3 dans le document (24)). En outre, chaque pic du diagramme simulé a son équivalent dans le diagramme expérimental du produit obtenu dans le document (24) (voir table 2 du document (24)). Cela n'a pas été contesté par l'intimée. Il faut noter qu'il y a des pics additionnels et également des différences concernant l'intensité des pics dans le diagramme expérimental, mais comme expliqué dessus, l'intensité ne peut pas être utilisée comme une caractéristique distinctive.

4.5.6 L'intimée n'a pas contesté l'identité des diagrammes de diffraction X dans les figures 2-4, 5 et 7 du document (42) ou l'identité des diagrammes de diffraction X des documents (46) et (47) avec celui de la forme cristalline alpha du brevet en cause. Pourtant, l'intimée a fait valoir que la présence de deux pics satellites à côté du pic environ de 9º dans la figure 6 du document (42) ainsi que les pics additionnels dans le diagramme du document (24) est une indication que les produits obtenus par M. Boese et M. Brittain se distinguent de celui revendiqué.

4.5.7 La chambre ne peut pas suivre cette conclusion. En ce qui concerne le diagramme dans la figure 6, dans sa totalité il est sans aucun doute identique aux diagrammes de référence de M. Vickers ou de l'intimée. La requérante 6, qui a soumis le document (42), a fait valoir que ces deux petits pics satellites peuvent être considérés comme des artefacts de la méthode de mesure étant donné que le diagramme expérimental est perturbé. En raison du fait que le diagramme est essentiellement identique aux diagrammes de référence, la chambre n'a aucune raison de mettre en doute l'explication de la requérante 6. De plus, la présence des pics additionnels, par exemple en raison de la présence des impuretés n'est pas exclut.

En ce qui concerne le document (24) la table 2 de ce document démontre que tous les pics de la forme cristalline alpha selon le brevet sont présents. La chambre partage l'opinion des requérantes que la revendication 1 n'exclut pas des pics additionnels. De plus, une telle présence dans la mesure où tous les autres pics sont présents n'indique évidemment pas la formation d'une forme cristalline différente comme démontré déjà dans le diagramme de M. Vickers. Dans ce diagramme un pic additionnel attribué à la présence de la forme epsilon comme impureté est également présent.

4.6 De ce qui précède la chambre conclut que les essais de reproduction de l'exemple 3D du document (1) à l'échelle du laboratoire comme décrits dans les documents (24), (42), (46) et (47) conduisent à la forme cristalline alpha du brevet en cause.

Il est à remarquer que l'intimée a accepté lors de la procédure britannique que l'essai de reproduction de l'exemple 3D du document (1) à l'échelle du laboratoire fourni par Apotex et répété en présence de l'expert de l'intimée donne la forme cristalline alpha (voir le paragraphe 28 du jugement britannique). Ces essais ont été conduits dans les mêmes conditions que ceux des requérantes, c'est-à-dire on a laissé refroidir la solution à température du reflux jusqu'a température ambiante (voir le document (58)).

4.7 Les autres rapports expérimentaux soumis par les requérantes concernant la simple recristallisation du sel de tert-butylamine du perindopril ne sont pas pertinents car ils ne représentent pas une répétition de l'exemple 3D du document (1). Par conséquent, leur discussion détaillée n'est pas nécessaire.

4.8 Quelle que soit la forme cristalline obtenue dans les essais des requérantes, l'intimée a contesté la pertinence de ces essais. Selon l'intimée les essais décrits dans les documents (24), (42), (46) et (47) ne représentent pas une reproduction appropriée de l'exemple 3D du document (1).

4.8.1 L'exemple 3D est un exemple à l'échelle pilote ou industrielle et les essais des requérantes ont été faits à l'échelle du laboratoire. Selon l'intimée il est connu que l'échelle d'un procédé peut avoir un effet sur la formation d'une forme cristalline. Pour soutenir son point de vue l'intimée s'est référé au rapport d'expertise de M. Klein constatant que "Il est en effet bien connu, que l'on peut préparer un polymorphe donné au niveau du Laboratoire et que ce polymorphe ne se retrouve pas forcément au stade industriel ou l'inverse. Ceci est lié à de nombreux facteurs possibles, dont la nature des réacteurs, l'agitation (on n'a pas les mêmes conditions d'agitation au stade de laboratoire et au stade industriel)" (document 60)).

4.8.2 L'intimée a également fait valoir que les requérantes ont interprété le terme "refroidir" comme "laisser refroidir" conduisant à un élément additionnel par rapport à la divulgation du document (1). L'intimée en accord avec la division d'opposition est d'avis que l'expression "refroidir" implique une intervention active et exclut de laisser refroidir le réacteur. En outre, l'expression "laisser refroidir" est utilisée dans les exemples 1E et 2A du document (1), voir page 8, lignes 14 et 26. S'il avait été l'intention de laisser refroidir le milieu réactionnel de l'exemple 3D, cette expression aurait été utilisée. Selon l'intimée il est également impensable pour un tel système industriel comme décrit dans le document (1) de simplement couper le chauffage du réacteur, "sans risquer des problèmes thermiques tel qu'explosion ou emballement de la réaction. La panne du système de refroidissement dans des réacteurs de ce type est en générale considérée comme le pire des cas".

4.8.3 Finalement, l'intimée a argumenté que le document (1) ne divulgue pas seulement la formation de sel de tert-butylamine du perindopril, mais également un procédé spécifique de fabrication du perindopril. Les impuretés qui résultent des matières premières ou qui se forment au cours d'un tel procédé, par exemple en vertu d'une cyclisation intramoléculaire du groupe carboxylique avec l'azote de la chaine latérale, peuvent avoir un effet sur la cristallisation et, par conséquent, sur la formation du polymorphe. Les requérantes n'ont reproduit que la dernière étape. De plus, le choix du solvant et notamment sa polarité peuvent influencer la formation d'un polymorphe.

4.9 La chambre ne partage pas l'opinion de l'intimée sur ces points.

4.9.1 En ce qui concerne l'effet d'échelle allégué sur la formation du polymorphe alpha, la chambre observe que l'intimée n'a fourni aucune preuve que dans le cas présent l'échelle est décisive pour la formation de la forme cristalline alpha. Dans son rapport M. Klein a fait une déclaration générale sans relation avec des faits vérifiables.

4.9.2 En outre, la Chambre estime que les déclarations des experts lors du litige qui a opposé Servier à Apotex au Royaume Uni pour la partie britannique du brevet européen en cause et qui ont été recueillies par le Tribunal et reprises dans sa décision (Jugement du 6 juillet 2007, document (63)) sont extrêmement probantes.

Selon la procédure britannique, du fait que l'expérience a montré que les essais destinés à être produits dans un litige peuvent être biaisés, une partie qui souhaite s'appuyer sur un essai qu'elle a réalisé doit notifier à l'autre partie les détails de cet essai "notice of experiment" et doit permettre à l'autre partie d'assister à une répétition de cet essai s'il le souhaite "repeat".

Un essai à l'échelle pilote de l'exemple 3D du document (1) a été réalisé par Apotex dans la procédure britannique ("notice experiment"). Cet essai a été répété ("repeat") en présence d'un expert de l'intimée et selon la chambre le diagramme de diffraction X du produit de cet essai répété démontre la formation de la forme cristalline alpha du brevet en cause (voir figure 1 du jugement britannique). En outre, Servier a accepté que le produit obtenu lors de la répétition de l'essai ("repeat"), donc en présence de son expert, était un produit satisfaisant aux exigences de la revendication 1 du brevet (voir document (63), point 32).

Cependant, devant la chambre (ainsi que dans la procédure britannique) l'intimée a contesté que la forme cristalline alpha a été obtenue dans l'essai pilote précédent, c'est-à-dire "the notice experiment", car son diagramme de diffraction X n'est pas identique à celui de l'essai pilote répété ou ceux des essais à l'échelle du laboratoire. Selon l'intimée c'est une indication de la formation d'un polymorphe différent. De plus, l'hypothèse qu'il y a seulement trois polymorphes et que le diagramme de "pilot notice experiment" doit être la forme alpha car ne correspondant pas aux diagrammes de la forme beta ou gamma n'est pas correcte comme cela ressort du document (62).

L'intimée a également critiqué la mise en oeuvre des essais à l'échelle pilote par Apotex, car il apparaît que Apotex a effectué un choix parmi les conditions réactionnelles, par exemple le réchauffement sous agitation à reflux et la poursuite de l'agitation à reflux, la filtration à chaud, laisser refroidir la solution à température de reflux sous agitation, la filtration par aspiration à travers un entonnoir de Büchner, le séchage à vide à 40 - 50**(o)C. Par ailleurs, l'étape de refroidissement comporte la possibilité d'un ensemencement, si nécessaire.

4.9.3 Cependant, les critiques de l'intimée au sujet de la mise en oeuvre des essais pilotes d'Apotex ("notice of experiment" et "repeat"), ne peuvent pas être acceptées. Le protocole pour ces essais pilotes a été créé par un expert indépendant sans connaissance du brevet en cause et a été accepté par Servier (voir le jugement britannique de première instance, paragraphe 26 et de seconde instance, paragraphes 26 et 27). La chambre ne voit aucune raison pourquoi cette mise en oeuvre devrait maintenant donner lieu à critique. Les conditions réactionnelles utilisées représentent des conditions normales et raisonnables au niveau de l'échelle industrielle. Il est tout à fait normal d'agiter une solution pendant le réchauffement et à température de reflux. La filtration à chaud est même divulguée dans le document (1) (voir la revendication 1, page 23, lignes 19-20) et les conditions de refroidissement, filtration et séchage représentent une mise en oeuvre raisonnable de l'instruction refroidir, filtrer et sécher du document (1).

En ce qui concerne la possibilité d'une ensemencement, il est clair pour la chambre qu'une telle étape n'a pas été effectuée lors de l'essai pilote, car cela aurait constitué un vice rédhibitoire que les experts de Servier n'auraient pas manqué de relever. Nulle mention d'un tel ensemencement n'est présent dans les déclarations des experts devant le juge britannique.

4.9.4 En ce qui concerne le diagramme de diffraction X du "pilot notice experiment" la chambre observe que ce diagramme, bien qu'il ne soit pas entièrement identique, est très similaire à ceux des essais du laboratoire et celui de l'essai pilote répété qui ont été acceptés par l'intimée comme représentant la forme cristalline alpha (voir figures 1 et 2 du jugement britannique). La majorité des pics sont identiques à ceux du brevet. Selon l'opinion de l'expert d'Apotex seulement trois pics sont visiblement décalés. Ces différences peuvent être attribuées à une déformation légère des cristaux. A son avis en tant qu'expert dans le domaine de cristallographie la forme cristalline obtenue dans le "pilot notice experiment" n'est pas une forme différente, mais une forme déformée de la forme obtenue dans les essais du laboratoire et de l'essai pilote répété. Cette opinion n'a pas été contestée par l'intimée. Or, ce fait selon la chambre est particulièrement notable car, comme le relève la Cour dans son arrêt, Servier avait la possibilité lors d'un contre interrogatoire de démonter l'opinion de l'expert d'Apotex mais a décidé de ne pas le faire (voir document (64), points 36 et 37).

Etant donné la similarité des diagrammes, le fait que même les diagrammes de référence de la forme cristalline alpha de M. Vickers et l'intimée démontrent des différences visibles et l'explication non-contestée de l'expert d'Apotex, la chambre est d'avis que le diagramme de diffraction X du "pilote notice experiment" correspond également à la forme cristalline alpha du brevet en cause. La simple constatation de l'intimée que l'explication du expert d'Apotex concernant la présence d'une forme déformé est erronée, n'est pas convaincante, en particulier en absence complète de justification. Egalement, l'affirmation de l'intimée selon laquelle la forme obtenue dans le "pilote notice experiment" soit une forme différente n'est pas convaincante par rapport à l'élément de preuve disponible, c'est-à-dire un diagramme de diffraction X très similaire et une explication crédible et incontestée pour les différences dans ce diagramme. L'intimée n'a ni allégué ni démontré que la forme obtenue dans le "pilote notice experiment" est identique à une des autres formes polymorphiques mentionnées dans le document (62).

4.9.5 Les arguments de l'intimée en ce qui concerne le mode de refroidissement utilisé dans les essais des requérantes ne sont de même pas convaincants.

La chambre ne peut pas suivre l'opinion de la division d'opposition et de l'intimée que l'expression "refroidir" implique nécessairement une intervention active et exclut le simple "laisser refroidir". Le terme "refroidir" signifie simplement un abaissement de la température et contient dans le contexte de l'exemple 3D du document (1) l'ensemble des régimes raisonnables de refroidissement que l'homme du métier a à sa disposition au vu du but à atteindre, y compris la possibilité de "laisser refroidir".

Il est incontestable que la cristallisation d'un produit et l'isolation des cristaux sont des techniques bien connues de l'homme du métier. L'absence d'informations détaillées de récupération des cristaux, par exemple la façon de conduire le refroidissement, la filtration et le séchage dans l'art considéré n'a rien d'inhabituel, à moins que ces étapes nécessitent des conditions spécifiques. Selon la chambre, "laisser refroidir" le milieu réactionnel jusqu'à température ambiante comme effectué par les requérantes n'est pas la seule mais certainement une réalisation raisonnable de l'instruction "refroidir" du document (1), en absence d'autre information spécifique. Par conséquent, il n'ajoute rien à la divulgation du document (1).

Egalement, la chambre ne peut pas suivre l'argument de l'intimée qu'il est incompatible avec un procédé industrielle de simplement laisser refroidir le réacteur à cause des risques de problèmes thermiques tel qu'explosion ou emballement de la réaction, au vu des exemples 1E et 2A du document (1) dans lesquels on laisse refroidir une solution à température de reflux comprenant 300 kg environ de dioxanne ou 300 litre de cyclohexane.

4.9.6 En ce qui concerne l'influence des impuretés à la formation de la forme cristalline alpha, la chambre note que l'intimée n'a pas démontré une telle influence dans le cas présent. Sans évidence vérifiable l'argument de l'intimée équivaut simplement à une allégation non corroborée. L'argument au vu de l'influence du solvant n'est pas considéré comme pertinent car le solvant utilisé par les requérantes est le même que celui utilisé dans le document (1).

4.10 Au vu de ce qui précède, la Chambre constate que les essais des requérantes dans les documents (24), (42), (46) et (47) ainsi que les essais mis en oeuvre par Apotex lors de la procédure britannique représentent une réalisation raisonnable et crédible de la divulgation du document (1) et conduisent à la forme cristalline alpha.

4.11 Il s'agit d'examiner maintenant si cette constatation constitue un résultat inévitable au sens de la jurisprudence des chambres de recours.

4.12 L'intimée a fait valoir qu'il est de jurisprudence constante des chambres de recours, que pour qu'un exemple de l'art antérieur détruise la nouveauté d'un produit d'une manière implicite comme résultat direct et inévitable, il faut montrer qu'un résultat et un seul peut être obtenu à partir de la reproduction de l'exemple en question. A partir du moment où il y a un choix dans le cadre de la prétendue reproduction on ne se trouve plus devant une divulgation implicite. L'exemple 3D du document (1) ne divulgue pas un profil de refroidissement ou une méthode de séchage. Pour la reproduction de cet exemple les requérantes ont choisi parmi plusieurs options de refroidissement et de séchage et en conséquence leurs essais ne sont pas un moyen approprié pour démontrer une divulgation implicite.

Comme preuve de l'absence d'une divulgation implicite, l'intimée a fourni deux essais démontrant que l'homme du métier n'obtenait pas automatiquement la forme cristalline alpha, mais qu'il pouvait obtenir d'autres formes cristallines en suivant l'exemple 3D du document (1).

4.13 La chambre ne peut pas contester que l'exemple 3D du document (1) ne divulgue pas en détail le mode de filtration, de refroidissement et de séchage, étapes qui sont en général usuelles. Par conséquent, l'homme du métier en reproduisant l'exemple de l'art antérieur doit déterminer la façon de mettre en oeuvre ces étapes compte tenu de ses connaissances générales et du but à atteindre dans le document considéré. La chambre est cependant d'avis qu'en l'espèce un tel choix dans des limites raisonnables n'exclut pas a priori une divulgation implicite à moins qu'il ne soit démontré que ce choix a un effet sur le produit à obtenir.

Dans le cas actuel l'exigence d'un résultat inévitable ne saurait mettre à la charge des requérantes d'apporter la preuve qu'il n'existe aucune alternative crédible conduisant à un résultat différent que celui obtenu. Cela conduirait à exiger de la part des opposantes de fournir une preuve par la négative. Pour que l'exigence d'un résultat inévitable soit remplie, il faut et il suffit dans le cas présent que les opposantes aient fourni la preuve qu'en reproduisant l'exemple de l'état de la technique selon une mode opératoire raisonnable et crédible, le résultat escompté soit obtenu et que l'intimée n'ait pas fourni de contre-essais représentant une autre alternative crédible prouvant qu'une autre forme peut être obtenue. La fourniture par l'intimée d'un essai selon un mode opératoire non raisonnable compte tenu de la description de l'exemple considéré ne peut être retenue et ne peut remettre en cause le fait que le résultat obtenu par l'alternative crédible proposée pas les requérantes constitue le résultat inévitable requis.

4.13.1 L'intimée a fourni deux essais comme preuve de l'absence d'un résultat inévitable, le premier à l'échelle du laboratoire (l'essai 1 du document (59)) et le deuxième à l'échelle pilote en utilisant des quantités égales à la moitié des quantités indiquées dans le document (1) (l'essai 2 du document (59)). L'intimée, comme les requérantes, a respecté les conditions réactionnelles divulguées dans le document (1), c'est-à-dire le solvant, le rapport molaire, la concentration etc. Pour récupérer le produit, le milieu réactionnel dans l'essai 1 a été filtré et refroidi rapidement à -15**(o)C. Dans l'essai 2 le milieu réactionnel a été refroidi en 1 heure de la température de reflux (= 75**(o)C) à -10**(o)C et maintenu à -0**(o)C pendant 40 minutes. Les diagrammes de diffraction X sur poudre des produits ainsi obtenus (voir BL408 et échantillon 2 dans les annexes 1 et 3 du document (59)) diffèrent considérablement de celui de la forme cristalline alpha de M. Vickers et de l'intimée. Ils ressemblent davantage au diagramme de diffraction X de la forme beta. L'intimée a dénommé cette forme la forme beta hydratée.

4.13.2 La chambre observe que dans l'essai 1 l'intimée a effectué un refroidissement du milieu réactionnel rapide à une température très basse (-15ºC respectivement). Cependant, cet essai ne contient aucune information explicite sur la vitesse de refroidissement, sans laquelle il n'est pas possible de juger si ce refroidissement rapide reflète une alternative raisonnable de la divulgation du document (1). Il est à remarquer que la même expression, c'est-à-dire "refroidir rapidement", est utilisé également dans le document (4), qui est une demande du brevet déposée par l'intimée à la même date que celle du brevet en cause et qui a pour objet la polymorphe beta et sa préparation (voir l'exemple 2 du document (4)). Dans cette demande l'expression "refroidir rapidement" signifie un refroidissement brutal (voir la page 2 du document (15)), mode de refroidissement que la chambre ne considère pas comme un régime raisonnable et crédible pour l'exemple 3D du document (1). Par conséquent, sans information sur la vitesse de refroidissement, l'essai 1 de l'intimée ne peut pas être considéré comme pertinent pour mettre en doute les résultats des requérantes.

En ce qui concerne l'essai 2, la chambre note que l'intimée a choisi un refroidissement rapide du milieu réactionnel, c'est-à-dire 85**(o)C/h, à une température très basse (-10**(o)C). En outre, l'intimée a maintenu le milieu réactionnel à cette température pendant 40 minutes. Selon la chambre, ces conditions sont plutôt inhabituelles sans aucune indication de conditions spécifiques dans le document (1).

Le document (1) s'occupe d'une synthèse industrielle du perindopril et son sel de tert-butylamine, qui sont des produits pharmaceutiques. Pour l'homme du métier l'instruction "refroidir" dans le document (1) divulgue un refroidissement raisonnable pour atteindre ce but. Etant donné ses connaissances générales qu'un refroidissement rapide peut constituer des problèmes avec la formation de cristaux impurs ou très fins et sans indication de conditions spécifiques de récupération du produit dans le document (1) et sans aucune autre raison apparente d'utiliser une mode de refroidissement tellement spécifique, l'homme du métier confronté avec la reproduction de l'exemple 3D du document (1) ne choisirait pas un refroidissement rapide jusqu'à une température très basse (-10**(o)C).

4.13.3 L'intimée a admis que le refroidissement appliqué dans ses essais est rapide. Mais elle a argumenté qu'un tel refroidissement n'est pas en dehors de la divulgation du document (1) ou quelque chose d'extraordinaire. Ce mode de refroidissement a été utilisé pour obtenir une séparation complète et ne représente pas des conditions irréalistes ou inaccessibles au niveau industriel comme allégué par les requérantes. Pour supporter cette affirmation l'intimée s'est référée au rapport d'expertise de M. Klein constatant que le profil de refroidissement de 85**(o)C/h utilisé par l'intimée n'a rien extraordinaire pour un réacteur de la dimension de celui utilisé, que des valeurs de vitesse de refroidissement entre 10**(o)/h et 90**(o)C/h sont couramment utilisées et la valeur utilisée dépend du but à atteindre, et qu'un tel refroidissement peut être facilement obtenu dans un réacteur de 200 litre (voir la page 2 du document (60)).

4.13.4 La chambre observe que les constatations de M. Klein sont très générales. Le rapport explique que la réalisation d'un refroidissement rapide est parfaitement réalisable au niveau industriel et qu'il peut être utilisé si nécessaire, ce que la chambre ne conteste pas, mais il n'offre aucune explication pourquoi l'homme du métier devrait utiliser un tel refroidissement dans l'exemple 3D du document (1). En ce qui concerne la vitesse de refroidissement, la chambre est d'avis que les conditions sélectionnées par l'intimée ne représentent pas une mis en oeuvre raisonnable et crédible de l'exemple de l'art antérieur.

Même si la chambre admettait qu'un refroidissement à une vitesse de 85**(o)C/h représente une alternative raisonnable de refroidissement, il n'en reste pas moins que le fait de refroidir à une température très basse (-10**(o)C) et maintenir le milieu réactionnel à cette température pendant 40 minutes ne peut être considéré comme une procédure raisonnable en absence d'indication précise à ce sujet. La déclaration de M Klein ne fournit aucune explication à ce sujet.

4.13.5 Par conséquent, la chambre conclut que les essais de l'intimée ne sont pas appropriés pour mettre en question les résultats obtenus par les requérantes.

4.14 L'intimée a également indiqué que dans le cas d'une divulgation implicite les standards des preuves plus strictes que la simple balance des probabilités doivent s'appliquer. Il ne doit y avoir aucun doute quant à ce qui doit ou ne doit pas être le résultat de la mise en oeuvre d'instructions d'un document de l'art antérieur. S'il y a une zone grise, le cas de l'anticipation basé sur un tel document doit échouer. Selon l'intimée l'exemple 3D du document (1) contient une telle zone grise car il ne donne aucune information sur les conditions de filtration, de refroidissement et de séchage. Pour supporter ses arguments l'intimée a cité les décisions T 396/89, T 441/90, T 793/93, T 392/06 et T 996/02.

4.15 En ce qui concerne le problème de la preuve soulevée par l'intimée, il convient de souligner que les principes gouvernant l'administration de la preuve sont identiques pour tous les faits et éléments invoqués à l'appui de tous le motifs d'opposition, y compris la reproduction d'un exemple de l'art antérieur (voir en ce sens T 270/90, JO OEB 1993, 725, point 2.1). La chambre ne saurait dévier de ce principe général.

4.16 En ce qui concerne les décisions citées par l'intimée, la chambre est d'avis qu'elles ne sont pas pertinentes dans le cas d'espèce.

4.16.1 Dans la décision T 396/89 la validité de la reproduction de l'exemple de l'art antérieur pour démontrer une divulgation implicite a été mise en question en raison du fait qu'il y avait des différences en ce qui concerne la composition et la concentration du catalyseur ainsi que le temps de séjour, entre l'exemple de l'art antérieur et sa répétition allégués. Dans le cas d'espèce les conditions expérimentales de l'exemple 3D du document (1) ont été suivies exactement et un sens raisonnable et crédible a été donné à l'instruction "refroidir".

4.16.2 Dans la décision T 441/90 le titulaire du brevet a démontré que la reproduction de l'exemple de l'art antérieur ne conduit pas à un produit selon la revendication, c'est-à-dire à une composition de polymères ayant une propriété spécifique revendiquée (i.e. pouvant être travaillée en fusion). Seulement la préparation en dehors de l'exemple de l'art antérieur en utilisant des réactants alternatifs suggérés dans la description du brevet en cause conduit à une composition revendiquée.

4.16.3 Dans la décision T 793/93 l'information dans l'art antérieur n'était pas suffisante pour calculer la valeur revendiquée d'un paramètre. Les calculs pour cette valeur présentés à la chambre par les deux parties, bien qu'ils conduisent aux résultats complètement différents, sont fondés sur deux hypothèses qui sont prima facie raisonnables. Cependant, il n'était pas possible de décider quel calcul reflète les conditions utilisées en fait dans l'art antérieur.

4.16.4 Dans la décision T 392/06 une divulgation implicite n'a pas été reconnue en raison du fait que le diagramme de diffraction X du produit obtenu selon l'art antérieur, qui était un produit intermédiaire d'une série d'étapes a été mesuré au moins une semaine après sa préparation. Eu égard au fait que le produit revendiqué, un polymorphe particulier, peut être obtenu à partir d'autres formes polymorphiques en laissant simplement reposer l'échantillon à température ambiante, un diagramme de diffraction X mesuré après quelques jours ne pouvait pas prouver que le polymorphe particulier est vraiment le résultat inévitable du procédé de l'art antérieur.

4.16.5 Dans la décision T 996/02 la chambre a accepté la nouveauté d'un produit qui a été caractérisé par deux paramètres spécifiques en raison du fait qu'il n'y a pas d'évidence que le procédé de l'art antérieur conduit à la formation du produit revendiqué.

4.17 Dans le cas d'espèce, les requérantes ont démontré que le choix raisonnable de laisser refroidir le milieu réactionnel jusqu'à température ambiante conduit à la formation de la forme cristalline alpha. En plus, M. Boese a démontré que la même forme cristalline alpha est obtenue avec un régime de refroidissement plus rapide ou plus lent (voir section 4.4 dessus), mais également raisonnable. Seules des conditions très spécifiques et inhabituelles, qui ne sont pas considérées comme raisonnables, conduisent à un résultat différent.

Etant donné les éléments de preuve fournis par les requérantes et le fait que les essais de l'intimée ne sont pas appropriés pour les mettre en doute, la chambre conclut que la forme cristalline alpha est le résultat inévitable du l'exemple 3D du document (1), c'est-à-dire qu'il ne subsiste aucune "zone d'ombre" et qu'il ne reste aucun doute raisonnable à ce sujet.

4.18 Compte tenu de ce qui précède et en l'absence d'autres indications pertinentes, la Chambre considère que l'objet de la revendication 1 est divulgué directement et sans équivoque dans le document (1) et est donc antériorisé par celui-ci.

Requête subsidiaire 1

5. La conclusion de la chambre que le document (1) divulgue d'une manière implicite la forme cristalline alpha s'applique également à la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 en raison du fait que cette revendication est la même que celle de la requête principale.

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 n'est donc pas nouveau par rapport au document (1).

Requête subsidiaire 2

6. Modification

6.1 L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 se fonde sur une combinaison des revendications 1, 2 et 5 telles que délivrées. Cette modification n'étend pas la protection conférée par le brevet tel que délivré. Par conséquent, la modification apportée ne contrevient pas aux dispositions de l'article 123(2) et (3) EPC. Ceci n'a pas été contesté par les requérantes.

7. Nouveauté

7.1 La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 a pour objet la forme cristalline alpha d'un composé de formule I, qui est défini par son diagramme de diffraction X sur poudre et également par un procédé de cristallisation utilisant un profil spécifique de refroidissement. Une telle revendication, quelle que soit sa formulation, reste dans tous les cas une revendication de produit, portant sur le composé en tant que tel.

7.2 Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, une revendication portant sur un produit chimique défini par son procédé de préparation n'est admissible que si le produit lui-même satisfait aux conditions requises pour la brevetabilité, c'est-à-dire en particulier s'il est nouveau et implique une activité inventive. Il est également de jurisprudence constante que de la modification d'un procédé chimique connu ne résulte pas nécessairement un produit nouveau. Si le produit résultant du procédé modifié est défini, non pas par des caractéristiques structurelles qui permettent de le distinguer de celui obtenu dans l'art antérieur, mais uniquement par son mode de préparation, il faut, pour montrer qu'il est nouveau, apporter la preuve que la modification dudit procédé conduit à un autre produit.

7.3 Dans le cas d'espèce, la chambre conclut que la forme cristalline alpha du brevet en cause caractérisée par le diagramme de diffraction X sur poudre indiqué dans la revendication 1 est anticipée par l'exemple 3D du document (1) (voir section 4 ci-dessus). La question à examiner est cependant si le profil spécifique de refroidissement qui est la seule modification entre le procédé de cristallisation indiqué dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 et celui de l'exemple 3D du document 1, permet d'obtenir une forme cristalline alpha ayant des propriétés différentes de celle du document (1).

7.4 L'intimée a argumenté que le produit revendiqué se distingue de celui du document (1) par la morphologie des cristaux. Comme preuve l'intimée a renvoyé aux photographies sous microscope de la forme cristalline obtenue selon le procédé revendiqué ainsi que selon un mode qui, selon l'opinion de l'intimée, représente un mode de refroidissement selon le document (1) (voir l'annexe 4 du document (59)). Les photos démontrent clairement que le produit de l'essai 2, reproduisant le procédé du document (1), se présente sous forme des cristaux fins (poudre), qui forment des aggrégats, alors que la forme cristalline alpha obtenue selon le brevet forme de larges aiguilles individualisées.

7.5 La chambre constate que l'essai 2 du document (59) ne représente pas un mode opératoire que l'homme du métier aurait choisi au vu de la divulgation du document (1) comme expliqué en détail dans la section 4.13 ci-dessus. De plus, le produit obtenu dans l'essai 2 du document (59) est la forme cristalline beta hydraté. Donc, l'essai 2 et les photos de l'annexe 4 du document (59) ne peuvent pas été considérés comme pertinents pour démontrer la différence entre la forme cristalline alpha pouvant être obtenue par le procédé indiqué dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 et la forme cristalline alpha obtenue dans l'exemple 3D du document (1).

7.6 Compte tenu de ce qui précède et en l'absence d'autres preuves pertinentes, la Chambre conclut que l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 est anticipé par l'exemple 3D du document (1). Par conséquent, la requête subsidiaire 2 ne satisfait pas aux conditions de l'article 54 CBE.

Requête subsidiaire 3

8. Recevabilité

8.1 La requête subsidiaire 3 a été soumise par l'intimée au cours de la procédure orale devant la chambre. L'admission d'une requête soumise tardivement dans la procédure est laissée à l'appréciation de la chambre (l'article 13(1) et 13(3) du règlement de procédure des chambres de recours). Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire laissé à la chambre d'admettre ou non des requêtes tardives, les critères établis par la jurisprudence constante des Chambres de Recours imposent que de telles requêtes soient clairement admissibles, que leur dépôt ne constitue pas un abus processuel tactique et que les revendications modifiées selon ces requêtes n'engendrent pas quant à l'appréciation de la brevetabilité, une situation si nouvelle qu'il ne puisse raisonnablement être présumé que l'autre partie l'ait pu prendre en considération sans que la procédure soit rallongée de façon indue.

8.2 Les requérantes n'ont émis des objections quant à la recevabilité de la requête subsidiaire 3 qu'au vu de son dépôt tardif. En ce qui concerne les questions selon l'article 123(2) et (3) et l'article 84 CBE aucune objection n'a été soulevée.

8.3 La chambre note que la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 était déjà présente comme revendication 2 dans la requête principale soumise en début de recours et identique à celle qui a été déposée devant la division d'opposition. La requête subsidiaire 3 n'est donc pas sur le fond entièrement nouvelle. Les modifications, c'est-à-dire la suppression de la revendication relative au produit et aux compositions le contenant, ont été apportées en réaction à la discussion devant la chambre lors de la procédure orale.

8.4 Par conséquent, les revendications de la requête subsidiaire 3 n'apparaissent pas poser de nouvelles questions concernant les exigences de la CBE par rapport à la requête principale. Egalement la chambre ne peut pas considérer cette requête comme le résultat d'un abus de procédure ou d'une tentative de surprendre les parties opposantes.

8.5 La chambre considère donc comme justifié d'exercer son pouvoir discrétionnaire en décidant d'admettre la requête subsidiaire 3 dans la procédure.

9. Nouveauté

9.1 Les requérantes ont contesté la nouveauté de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 vis-à-vis l'exemple 3D du document (1).

9.2 La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 a pour objet un procédé de préparation de la forme cristalline alpha utilisant un profil spécifique de refroidissement: "on refroidit jusqu´à une température comprise entre 55 et 65ºC à un rythme compris entre 5 et 10 ºC/h, puis jusqu´à température ambiante, jusqu´à cristallisation complète".

9.3 Les requérantes n'ont pas contesté que l'exemple 3D du document (1) ne divulgue pas ce profil spécifique de refroidissement. Ils ont fait valoir que le procédé revendiqué est une invention de sélection et en tant que telle ne satisfait pas aux critères établis par les chambres de recours pour une invention de sélection, en particulier aux critères que la plage de valeurs sélectionnée soit étroite par rapport à la plage de valeur connu et ne soit pas extraite arbitrairement de l'état de la technique. Pour supporter leurs arguments les requérantes ont cité les décisions T 198/84 et T 12/81.

9.4 La chambre ne peut pas suivre la conclusion des requérantes.

La décision T 12/81 n'est pas considérée comme pertinente, car elle ne discute pas un procédé, mais la nouveauté d'un composé individualisé, où l'art antérieur divulgue en détail le produit de départ et les conditions réactionnelles de procédé. En outre, le cas d'espèce se distingue des faits à la base de la décision T 198/84 en raison du fait que dans cette décision l'art antérieur mentionnait déjà un domaine numérique relativement grand défini par des valeurs limites (>0 et < 100 moles) et le domaine revendiqué était une sélection limitée de ce domaine connu. Donc, dans la décision T 198/84 il s'agissait d'une sélection d'une plage de valeur limitée à partir de plages de valeurs connues.

En l'espèce, le document (1) ne divulgue pas explicitement un domaine spécifique pour le refroidissement de la solution à température du reflux du sel de tert-butylamine du perindopril dans l'acétate d'éthyle. Il ne mentionne que l'instruction "refroidir". En outre, l'ensemble des procédés possibles et raisonnables de refroidissement ne constituent pas un domaine au sens de la décision T 198/84, qui puisse être défini précisément, par exemple par des valeurs numériques, mais un nombre illimité et non défini de procédés possibles de refroidissement. Par conséquent, dans le cas présent, il ne s'agit pas d'une sélection d'un domaine limité à partir d'un domaine connu plus large, mais d'une sélection d'un procédé spécifique de refroidissement à partir d'un procédé décrit de façon générale. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours une divulgation générique ne détruit pas la nouveauté d'une divulgation spécifique, qui tombe dans cette divulgation générique. Par conséquent, le procédé de refroidissement revendiqué serait nouveau, même si le document (1) pouvait être considéré comme divulguant implicitement l'ensemble des procédés possibles et raisonnables de refroidissement.

9.5 La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 satisfait donc au critère de nouveauté selon l'article 54 CBE.

10. Activité inventive

10.1 Selon la jurisprudence constante des chambres de recours l'activité inventive s'apprécie de façon objective en utilisant l'approche problème-solution. Cette approche consiste à identifier d'abord l'état de la technique le plus proche, puis partant de cet état de la technique à déterminer le problème technique que l'invention se propose de résoudre, à examiner ensuite si ce problème a été résolu par la solution revendiquée, sinon, à reformuler un problème technique moins ambitieux et, enfin, à examiner si la solution proposée découle pour l'homme du métier d'une manière évidente de l'état de la technique pertinent.

10.2 La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 a pour objet la préparation de la forme cristalline alpha du sel de tert-butylamine perindopril par cristallisation dans de l'acétate d'éthyle en utilisant un profil spécifique de refroidissement. La préparation d'une forme cristalline alpha du sel de tert-butylamine perindopril par cristallisation dans de l'acétate d'éthyle sans aucune indication des conditions de refroidissement est déjà connue dans l'état de la technique, voir document (1), l'exemple 3D et section 4 ci-dessus.

En accord avec les requérantes et l'intimée, la chambre considère le document (1) comme l'état de la technique le plus proche et donc comme le point de départ pour l'examen de l'activité inventive.

10.3 L'intimée a fait valoir que le problème technique à résoudre partant du document (1) serait la mise à disposition d'un procédé qui permet d'obtenir la forme cristalline alpha du sel de tert-butylamine du perindopril sous forme bien définie, en particulier sous forme de cristaux individualisés, parfaitement reproductible, avec des caractéristiques souhaitables de filtration et de stabilité.

Le brevet en cause ne contenant aucune donnée montrant qu'un tel problème est résolu, l'intimée s'est référé aux données soumises avec sa lettre de 24 mars 2009, document (59), en particulier aux essais 1-3 et les annexes 2 et 4, ainsi qu'à la déclaration de Dr. Alain Renaud du 26 février 2009, document (61), soumise avec la même lettre, pour démontrer que le procédé revendiqué permet d'atteindre les avantages mentionnés dessus. Les photos d'annexe 4 démontrent, à l'avis de l'intimée, que le produit préparé selon le procédé revendiqué est obtenu sous forme des bâtonnets individualisés alors que le produit obtenu par un procédé en dehors de ce régime de refroidissement conduit à des cristaux fins qui forment des agglomérats. La comparaison entre les essais 2 et 3 montre que la forme cristalline qui se présente sous forme des bâtonnets individualisés est plus facile à filtrer. En outre, l'annexe 2 démontre que le produit obtenu par une mise en oeuvre d'un procédé possible du document (1) est une forme cristalline moins stable au stockage. L'intimée a affirmé que seule l'utilisation du régime de refroidissement revendiqué permet d'obtenir une forme cristalline ayant ces avantages. Ces indications sont également confirmées par la déclaration du Dr. Renaud concernant les problèmes posés par le procédé industriel de fabrication du perindopril erbumine selon le document (1) et leur solution en utilisant la forme cristalline obtenue en utilisant un régime spécifique de refroidissement.

10.4 La chambre observe que les données du document (59) sont les mêmes que celles discutées par rapport à la requête principale. Elles ne sont pas considérées comme pertinentes en raison du fait que les essais 1 et 2 ne représentent pas une reproduction raisonnable de la divulgation du document (1). Dans les annexes 2 et 4 les propriétés du produit de ces essais non pertinents ont été examinées et comparées avec celles du produit obtenu par le procédé revendiqué utilisant le régime spécifique de refroidissement.

Par conséquent, ces données ne peuvent pas être utilisées pour démontrer les avantages supposés obtenus par le procédé revendiqué.

En ce qui concerne la déclaration du Dr. Renaud, directeur de l'usine d'Oril Industrie, filiale de Groupe Servier, la chambre observe que dans sa déclaration, le Dr. Renaud, confirme seulement qu'il y avait des problèmes dans la production industrielle du perindopril erbumine, en particulier au niveau de la filtration et du séchage, que ces problèmes ont été résolus en coopération avec Professeur Coquerel, un expert en cristallisation réputé, qui a proposé un régime spécifique de refroidissement, et que cette coopération avec Professeur Coquerel a également mis en évidence le fait que différentes formes cristallines pouvaient être obtenues. La déclaration ne contient aucune évidence expérimentale ou information détaillée qui permette d'établir une quelconque amélioration du procédé revendiqué par rapport à celui du document (1), encore moins que le régime spécifique de refroidissement en comparaison avec tous les autres régimes raisonnables soit le seul régime permettant d'obtenir une forme cristalline plus stable et facilement filtrable.

Donc, la chambre observe qu'il n'y a aucun élément dans la procédure permettant de conclure à l'amélioration des propriétés de filtrabilité, stabilité ou reproductibilité du produit obtenu en utilisant le régime spécifique de refroidissement revendiqué par rapport à celles du produit obtenu selon le procédé du document (1). Par conséquent, une reformulation moins ambitieuse du problème technique à résoudre est nécessaire (voir décision T 20/81 JO OEB 1982, 217; T 355/97, non publié).

10.5 En absence d'autres avantages susceptible d'être pris en considération, le problème objectif à résoudre au vu du document (1) n'est que la simple mise à disposition d'un procédé alternatif de cristallisation du sel de tert-butylamine du perindopril.

10.6 Il reste à déterminer si la solution proposée par le brevet contesté pour résoudre ce problème objectif, c'est-à-dire l'utilisation du régime de refroidissement revendiqué permettant la cristallisation lente du sel de tert-butylamine du perindopril, découle de façon évidente de l'état de la technique disponible.

10.6.1 Le document (1) divulgue un procédé de préparation du même produit dans le même solvant. Ce document ne mentionne pas explicitement les détails de la récupération du produit, en particulier la façon de refroidir la solution à température du reflux pour isoler le produit sous forme de cristal. Le document (1) ne mentionne que l'instruction "refroidir".

10.6.2 L'isolation d'un produit par cristallisation est une tâche de routine pour l'homme du métier. Il fait partie de ses connaissances générales que les conditions lors de la cristallisation, par exemple les vitesses de refroidissement, peuvent avoir une influence sur les dimensions des cristaux. Il est connu qu'un refroidissement lent permet d'obtenir des cristaux plus larges, qui sont plus faciles à filtrer et révélant en général une pureté améliorée (voir document (14), traduction en anglais; document (22), page 134, lignes 1 - 2 de l'avant-dernier paragraphe et page 139, lignes 20 - 29).

Si un document divulgue l'instruction "refroidir", l'homme du métier est conscient qu'une telle divulgation comporte tous les régimes de refroidissement possibles qu'il puisse choisir raisonnablement au vu du but que ce document devrait atteindre. Le document (1) a pour objet un procédé industriel de fabrication d'un produit pharmaceutique. Cependant, sans aucune incitation d'utiliser un régime spécifique de refroidissement et au vu de ses connaissances générales, l'homme du métier aurait été amené à choisir un régime de refroidissement qui lui permet d'obtenir des cristaux assez larges pour faciliter leur filtration, un fait qui est particulièrement important dans un procédé industriel, et pour obtenir un produit assez pur.

10.6.3 Dans le cas présent le régime de refroidissement utilisé dans le procédé revendiqué n'est qu'un choix parmi l'ensemble des régimes raisonnables que l'homme du métier aurait compris de l'enseignement du document (1). Un tel choix simplement dans le but de mettre à disposition un procédé alternatif ne peut être considéré ni comme un choix motivé, ni comme un choix critique, mais doit simplement être considéré comme un choix arbitraire dans le cadre de l'enseignement du document (1) n'entraînant aucun effet inattendu. Ce choix arbitraire ne dépasse pas les compétences normales qu'on est en droit d'attendre d'un homme du métier confronté au problème technique de mettre à disposition un procédé alternatif. L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 découle donc de façon évidente de l'enseignement du document (1).

10.7 L'intimée a fait valoir que les cristaux obtenus par le procédé revendiqué sont non seulement des cristaux plus larges mais aussi "non-adhésifs", c'est-à-dire qu'ils ne forment pas des agglomérats. Cette propriété n'est pas évidente au vu de l'enseignement des documents (14) ou (22). En outre, selon l'intimée une activité inventive devrait être reconnue même pour un procédé alternatif, puisque les documents (14) et (22) ne contiennent aucune indication de refroidir la solution à température du reflux aussi lentement lors de les premiers vingt degrés. Egalement, ni le document (14), ni le document (22) ne se réfère à la formation d'un polymorphe, un domaine qui est très imprévisible, comme rappelé dans le document (9) (voir page 945, colonne de gauche, lignes 24 - 25, page 946, colonne de gauche, lignes 11 - 16, page 947, colonne de droite lignes 2 - 12).

10.8 En ce qui concerne l'autre amélioration des propriétés des cristaux, l'argument de l'intimée n'est pas pertinent dans le cas d'espèce en raison du fait que les essais qui devraient démontrer un tel effet ne sont pas considérés comme pertinents (voir section 4.13) et par suite de la reformulation du problème technique en la mise à disposition d'un procédé alternatif. Egalement, l'argumentation de l'intimée selon laquelle les documents (14) et (22) ne contiennent aucune indication du régime de refroidissement revendiqué ou la formation d'un polymorphe ne peut pas être considérée comme pertinente eu égard à la reformulation du problème technique en la simple mise à disposition d'un procédé alternatif. Un choix arbitraire de n'importe quel régime de refroidissement raisonnable à partir du document (1), fait partie des tâches de routine qui ne nécessitent ni une indication explicite du régime finalement choisi et ni une indication quant à la formation d'un polymorphe.

10.9 Il résulte de ce qui précède que la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 n'implique pas d'activité inventive. La requête subsidiaire 3 ne satisfait donc pas aux exigences de la CBE.

Requête subsidiaire 4

11. Recevabilité

11.1 La requête subsidiaire 4 de l'intimée a été déposée avec la lettre du 24 mars 2009, c'est-à-dire un mois et demie avant la procédure orale, comme requête subsidiaire 3. Au cours de la procédure orale cette requête subsidiaire 3 devenait la requête subsidiaire 4.

11.2 La requête subsidiaire 4 a été déposée postérieurement à la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, et l'article 13 (1) du règlement de procédure des chambres de recours laisse l'admissibilité et l'examen de toute modification présentée par une partie après que celle-ci ait déposé son mémoire exposant les motifs du recours ou sa réponse, à l'appréciation de la chambre. Comme déjà mentionné dessus (voir section 8.1) un des critères établis par la jurisprudence constante des chambres de recours pour admettre une requête tardive est qu'une telle requête soit clairement admissible.

11.3 Les requérantes ont soulevé l'objection que la requête subsidiaire 4 ne remplirait pas l'exigence de l'article 84 CBE. Il a été également mis en doute que la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 satisfait aux conditions de l'article 123(2) CBE.

11.4 Bien que le manque de clarté ne constitue pas un motif d'opposition au titre de l'article 100 CBE, l'article 101(3)a) stipule que le brevet en cause peut être maintenu si compte tenu des modifications apportées au cours de la procédure d'opposition (de recours) le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la présente convention. Selon la jurisprudence constante des chambres des recours, la chambre a donc le pouvoir d'examiner une objection sur base de l'article 84 CBE dans la mesure où l'objection porte sur les modifications introduites dans le brevet tel que délivré (voir G 9/91 JO OEB 1993, 408 point 19 des raisons).

11.5 L'intimée a fait valoir que l'expression "se présentant sous forme de bâtonnets individualisés facilement filtrables" figure déjà dans la revendication 8 du brevet tel que délivré. Par conséquent, l'objection des requérantes concernant la clarté ne provient pas des modifications apportées et la chambre n'est pas compétente pour examiner cette objection.

11.6 La chambre ne partage pas l'opinion de l'intimée.

Il n'est pas contesté que l'expression en question est présente dans la revendication 8 du brevet tel que délivré, mais la chambre note en même temps que la revendication 8 du brevet tel que délivré est dépendante de l'une quelconque des revendications 2 à 7 ayant pour objet un procédé spécifique de préparation de la forme cristalline alpha.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 a pour objet le produit en tant que tel indépendant de son procédé de préparation. Elle est le résultat d'une modification de la revendication 1 telle que délivrée par l'ajout de la caractéristique "se présentant sous forme de bâtonnets individualisés facilement filtrables" pour distinguer l'objet de la requête subsidiaire 4 de l'état de la technique antérieure.

La chambre considère donc que le manque de clarté soulevée par les requérantes est fondée sur les modifications effectuées. Par conséquent, la chambre a le droit de considérer l'objection au titre de l'article 84 CBE.

11.7 L'article 84 CBE prévoit, en particulier, que les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires. Cela signifie que les revendications doivent permettre au public de distinguer sans équivoque quels sont les objets qui sont couverts par une revendication donnée et ceux qui ne le sont pas (voir T 728/98, JO OEB 2001, 319, point 3.1).

11.8 La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 a été modifiée en ajoutant l'expression "se présentant sous forme de bâtonnets individualisés facilement filtrables".

Cette expression ajoute une caractéristique fonctionnelle relative qui n'a pas de signification bien établie et reconnue. Une méthode générale d'établir d'une façon claire et non-équivoque si un produit est facilement filtrable n'existe pas dans la technique. Une telle caractéristique est essentiellement subjective et varie également avec les conditions de filtration. En plus le brevet ne contient aucune information ou point de référence qui permettraient d'établir avec certitude quand la forme cristalline sous forme de bâtonnets est facilement filtrable, laissant donc subsister un doute quant à la portée de la revendication, ce qui est contraire à l'exigence de clarté des revendications.

Par ailleurs, le terme de "bâtonnets" sans indication d'un domaine de rapports entre la section et la longueur ne permet pas de distinguer clairement la limite entre cette forme de cristaux et d'autres formes, par exemple celles de cristaux en forme d'aiguilles. Il en résulte une ambigüité supplémentaire ne permettant pas de délimiter clairement le domaine revendiqué.

11.9 Par conséquent, la requête subsidiaire 4 déposée tardivement n'est pas clairement admissible. La chambre décide donc d'exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas admettre cette requête dans la procédure.

12. Saisine de la Grande Chambre de Recours

12.1 L'Article 112(1)a) CBE prévoit, afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose, qu'une chambre de recours peut, en cours d'instance, soit d'office, soit à la requête d'une des parties, saisir la Grande Chambre de recours d'une question de droit d'importance fondamentale si une décision est nécessaire à ces fins.

12.2 L'intimée a demandé que la question mentionnée dans la section XIII ci-dessus soit soumise à la Grande Chambre de Recours. Elle a fait valoir que l'intention de la chambre de prendre en considération les faits et preuves qui font partie du jugement d'un tribunal national, en l'espèce les jugements britanniques, est en contradiction avec la jurisprudence établie reflétée par la décision T 452/91.

12.3 La décision T 452/91 constate que

- dans les procédures devant les instances de l'OEB les questions relative à la brevetabilité doivent uniquement être tranchées conformément à la CBE, dont l'objet est la création d'un système de droit commun à tous les Etats contractants (l'article 1 CBE),

- les instances de l'OEB ne sont pas liées par les décisions des instances nationales et ces décisions ne doivent pas être citées comme si elles les liaient,

- l'OEB ne doit pas rejeter des revendications au motif "qu'elles ne sont pas brevetables sous la juridiction d'un état membre".

- le raisonnement menant l'instance nationale à sa conclusion peut très bien mener l'OEB à tirer une conclusion similaire au titre de la CBE, mais cela exige l'examen soigneux de la CBE et de la jurisprudence pertinente des chambres de recours, une comparaison avec la législation et la jurisprudence de l'instance nationale qui a pris la décision et l'étude de la situation dans les autres Etats contractants.

12.4 Cependant, la chambre ne fonde pas sa décision sur le raisonnement ou la conclusion des jugements britanniques, mais seulement sur les faits et les preuves y mentionnés. Elle les examine et tire ses propres conclusions en application de la CBE, particulièrement les articles 54 et 56 CBE. Cependant, la chambre ne dévie pas de la jurisprudence constante des chambres de recours, comme établie notamment dans la décision T 452/91.

En outre, la chambre renvoie à la décision T665/95. Après avoir apprécié les conclusion de la cour d'appel néerlandaise, la chambre a estimé dans l'affaire T 665/95 qu'il n'était pas nécessaire d'effectuer des recherches supplémentaires et qu'elle pouvait suivre les conclusions de la cour d'appel néerlandaise.

12.5 En outre, la chambre est d'avis que la question posée par l'intimée rentre dans le cadre général de l'appréciation des moyens de preuve de la part d'une instance de l'OEB. Selon la jurisprudence constante et bien établie des chambres de recours, le principe de la libre appréciation des preuves est appliqué à cet effet (cf. T 482/89, OJ 1992, 646). Cependant, en accord avec ce principe la chambre a le droit d'apprécier les éléments de preuve présentés par les parties selon sa propre conviction, en l'espèce au vu des faits et des preuves contenus dans les jugements britanniques. La chambre en vertu des sa propre appréciation et évaluation n'a aucun doute qu'une partie des faits et preuves constatés dans les décisions britanniques reflètent des indications essentielles et nécessaires pour, à côté d'autres faits, étayer son jugement de façon indépendante selon la CBE et la juridiction des chambres de recours.

En raison du fait que l'appréciation des moyens de preuve selon le principe mentionné ne peut pas donner lieu à une question de droit et que la chambre procède en application des dispositions de l'article 1 CBE, la chambre conclut que l'article 112(1)a) CBE ne s'applique pas.

12.6 De ce qui précède, la chambre n'a aucun motif justifiant et nécessitant une saisine de la Grande Chambre de Recours.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision contestée est annulée.

2. Le brevet européen n**(o) 1 296 947 est révoqué.

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