European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1994:T095191.19940310 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 10 Mars 1994 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0951/91 | ||||||||
Numéro de la demande : | 84300759.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | C08L 59/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Du Pont De Nemours | ||||||||
Nom de l'opposant : | Degussa | ||||||||
Chambre : | 3.3.03 | ||||||||
Sommaire : | Le pouvoir discrétionnaire que l'article 114(2) CBE confère aux instances de l'OEB permet de garantir un déroulement rapide de la procédure dans l'intérêt des parties, du public en général et de l'OEB, et de prévenir des abus tactiques. Si une partie néglige de présenter, de la façon la plus exhaustive et rapide possible, les faits et justifications pertinents à son cas sans invoquer d'excuse valable, et un retard de procédure excessif, les chambres de recours sont tout à fait en droit de refuser d'en tenir compte en usant du pouvoir discrétionnaire que leur confère l'article 114(2) CBE (point 5.15 des motifs ; T 156/84, JO OEB 1988, 372, limitée dans ses effets si leur admission devait entraîner. | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Annonce de production tardive de données expérimentales non spécifiées - résultats non acceptés | ||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : | |||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 116 456 a été délivré le 25 mai 1988 sur la base de la demande n° 84 300 759.2, déposée le 7 février 1984, qui revendiquait la priorité des deux demandes américaines n° 464411 du 7 février 1983 et n° 570037 du 16 janvier 1984 ; il comportait 66 revendications, la revendication 1 s'énonçant comme suit :
"Composition polyoxyméthylénique thermoplastique à ténacité améliorée essentiellement formée de..."
II. Le 22 février 1989, Hoechst AG (opposant 1) et Degussa AG (opposant 2) ont fait séparément opposition au brevet, tous deux invoquant les motifs visés à l'article 100a) CBE et dénonçant l'absence de nouveauté (article 54 CBE) et d'activité inventive (article 56 CBE). L'opposant 1 s'est en outre basé sur l'article 100b) (article 83 CBE) pour contester le caractère suffisant de l'exposé de l'invention et, invoquant la règle 29(4) et (5), a allégué que le nombre de revendications était excessif, ce dernier motif n'ayant pas été maintenu par la suite. Les deux opposants ont demandé la révocation du brevet dans son intégralité. ...
III. Par sa décision rendue au cours d'une procédure orale le 18 septembre 1991 et notifiée par écrit le 8 octobre 1991, la division d'opposition a conclu qu'il n'existait aucun motif valable d'opposition au maintien du brevet tel que délivré. ...
IV. Seul l'opposant 2 (le requérant) a formé un recours contre cette décision le 11 décembre 1991 ; il a acquitté la taxe de recours le même jour et déposé le 14 février 1992 le mémoire exposant les motifs du recours, dans lequel il indiquait qu'il maintenait tous les motifs d'opposition. ...
VI. Par lettre en date du 18 novembre 1993, reçue le 23 novembre 1993, le requérant a déclaré qu'il se proposait de produire de nouvelles données expérimentales.
Dans une notification datée du 15 décembre 1993, la Chambre a informé les parties qu'un projet de décision basé sur tous les documents alors disponibles avait déjà été rédigé. Elle a estimé que le fait de vouloir, quelque vingt mois après le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, soumettre à une date ultérieure non spécifiée de nouvelles données expérimentales, constituait un détournement de procédure. Exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 114(2) CBE, la Chambre a indiqué qu'elle n'était pas disposée à accepter ces nouvelles données.
VII. L'opposant 1 n'a pas pris part au recours et a fait savoir, par lettre datée du 30 novembre 1992 et reçue le 2 décembre 1992, qu'il retirait son opposition.
VIII. Le requérant a demandé
i) que la décision attaquée soit annulée et le brevet révoqué dans son intégralité ; ...
Motifs de la décision
Recevabilité de données expérimentales produites tardivement
4. Comme indiqué au point VI ci-dessus, la rédaction de la décision concernant la présente affaire était déjà dans une large mesure achevée le 22 novembre 1993.
Le 25 novembre 1993, la Chambre a reçu du requérant une lettre datée du 18 novembre qui a été traduite de l'original allemand en ces termes :
"Dans le cadre de l'affaire susmentionnée, le requérant fait savoir qu'il a l'intention de produire dans les deux prochains mois les résultats d'expériences comparatives".
Par une notification en date du 15 décembre 1993, la Chambre a fait observer que la tentative visant à introduire de nouveaux moyens de preuve aussi tardivement dans la procédure, c'est-à-dire quelque vingt mois après que le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé, constituait selon elle un détournement de procédure. Exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 114(2) CBE, la Chambre ne s'est pas déclarée disposée à accepter de nouvelles données expérimentales.
5. La Chambre considère qu'il s'agit, à sa connaissance, d'une affaire inédite en ce sens q'elle a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 114(2) CBE pour ne pas tenir compte de faits qu'une partie n'a pas invoqués ou de preuves qu'elle n'a pas produites en temps utile, avant même que ces faits ou preuves n'aient été effectivement produits. Selon une jurisprudence constante, les chambres de recours, usant du pouvoir discrétionnaire que leur confère l'article 114(2) CBE, peuvent ne pas tenir compte des faits et justifications qui ne sont invoqués pour la première fois qu'au stade de la procédure de recours. Mais, lorsqu'elle examine une requête visant à faire admettre des documents produits tardivement, une chambre qui exerce son pouvoir au détriment de l'auteur de la requête discrétionnaire, a en la possibilité de se forger une opinion sur la pertinence des documents avant de rendre sa décision. La Chambre doit donc examiner le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 114(2) CBE à la lumière de la jurisprudence des chambres de recours et de son contexte juridique.
5.1 Les chambres de recours ont souvent à décider si des documents ou des preuves produits tardivement doivent être pris en considération. En vertu de l'article 114(1) CBE, l'OEB est tenu de procéder à l'examen d'office des faits et, ce faisant, il ne se limite ni aux moyens invoqués ni aux demandes présentées par les parties. Mais, conformément à l'article 114(2) CBE, l'OEB peut ne pas tenir compte des faits que les parties n'ont pas invoqués ou des preuves qu'elles n'ont pas produites en temps utile. La jurisprudence engendrée par ces deux dispositions est considérable.
5.2 Dans les procédures d'opposition, la date à laquelle les justifications doivent être présentées par l'opposant est celle à laquelle est produit l'acte d'opposition (article 99(1) CBE ensemble la règle 55c) CBE). A cet égard, il peut être utile de rappeler la communication sur "la procédure d'opposition à l'OEB", publiée au JO OEB 1989, 417, qui donne de plus amples informations sur la date à laquelle les parties devraient produire leur dossier dans les procédures d'opposition, et la manière dont elles devraient le présenter. Ainsi, il est stipulé au point 2 de ce document :
"L'OEB s'efforce, tant dans l'intérêt du public que de celui des parties à la procédure d'opposition, d'établir le plus rapidement possible si le brevet délivré peut ou non être maintenu au vu des moyens invoqués par l'opposant. Il faut pour cela une procédure rapide et rationalisée".
Au point 13 du même document, qui a trait aux faits et justifications non produits en temps utile, il est précisé :
"Pour accélérer la procédure, les parties produisent en principe tous faits et justifications et présentent toutes requêtes au début de la procédure ou, si cela est impossible, dans les plus brefs délais".
5.3 Les chambres de recours ont repris ceci à leur compte et ont souligné que les opposants devaient présenter toutes leurs objections dans le délai d'opposition, afin de répondre à la nécessité de conclure rapidement la procédure et de respecter le principe de loyauté à l'égard de la partie adverse (cf. T 101/87 du 25 janvier 1990, T 430/89 du 17 juillet 1991 et T 237/89 du 2 mai 1991 ; aucune de ces décisions n'a été publiée au JO OEB). Comme indiqué dans la décision T 117/86, JO OEB 1989, 401, les faits invoqués et les preuves produites à l'appui d'une opposition après l'expiration du délai de neuf mois ne le sont pas en temps utile ; par conséquent, en vertu de l'article 114(2) CBE, ils peuvent ou non être admis dans la procédure à la discrétion de l'Office.
Par conséquent, la date à laquelle les faits et justifications devaient être produits dans la présente affaire était la date de dépôt de l'acte d'opposition, soit le 22 février 1989, c'est-à- dire quatre ans et neuf mois avant que le requérant n'annonce son intention de produire des données expérimentales à titre de preuves ; il est donc évident que ces preuves, si elles avaient été acceptées, auraient été produites tardivement.
5.4 Ainsi, le principe fondamental, clairement reconnu et appliqué par les chambres de recours, par exemple dans les décisions T 117/86 (supra), T 182/89, JO OEB 1991, 391, et T 326/87, JO OEB 1992, 522, est que les parties doivent présenter rapidement un dossier complet, les justifications ne devant pas être produites de manière fragmentaire ni tardivement. Il est dit dans la décision T 326/87 que
"C'est cette jurisprudence, et également le texte fort explicite de l'article 114(2) CBE - un texte clair, sans aucune ambiguïté dans les trois langues -, qui fixent les limites sur le plan juridique des tâches dévolues aux chambres de recours en matière d'instruction au titre de l'article 114(1) CBE ...".
5.5 Comme indiqué plus haut, le texte des deux paragraphes de l'article 114 CBE est non seulement clair, mais, sur le plan juridique, il énonce de façon classique une obligation générale (premier paragraphe), assortie ensuite d'un pouvoir discrétionnaire exceptionnel qui peut être exercé dans les conditions précisées dans le second paragraphe. Lorsque ce pouvoir discrétionnaire s'applique en vertu du second paragraphe, il peut être exercé, si les circonstances s'y prêtent, pour passer outre à l'obligation générale visée au premier paragraphe.
5.6 Cependant, dans l'affaire T 156/84 (JO OEB 1988, 372) qui constitue un précédent, la chambre a estimé que le principe suivant lequel l'OEB doit procéder à l'examen d'office des faits (article 114(1) CBE) prime les dispositions de l'article 114(2) CBE qui prévoient la possibilité pour l'Office de ne pas tenir compte des faits que les parties n'ont pas invoqués ou des preuves qu'elles n'ont pas produites en temps utile, l'OEB étant tenu vis- à-vis du public de ne pas délivrer ni maintenir des brevets qu'il juge non valables. En l'occurence, l'OEB devait examiner la pertinence d'antériorités citées tardivement au cours de la procédure. Selon cette décision, l'article 114(2) CBE a pour seul effet de permettre à l'OEB de ne pas tenir compte de documents produits tardivement si ceux-ci ne sont pas pertinents, sans qu'il ait à exposer en détail ses motifs (point 3.8 des motifs de la décision). Par conséquent, si l'on en juge par cette décision, le pouvoir discrétionnaire que confère l'article 114(2) CBE de ne pas tenir compte de nouveaux faits et justifications est normalement exercé, dans la pratique, par les chambres de recours sous la forme d'un "examen quant à la pertinence". La décision de tenir compte ou non d'un document produit tardivement dépend de son incidence probable sur l'issue de l'affaire (T 258/84, JO OEB 1987, 119).
5.7 De l'avis de la Chambre, une telle interprétation ne semble pas conforme au texte explicite de l'article 114(2) CBE ; de même, certains éléments de l'argumentation développée dans la décision qui précède peuvent aussi être mis en question. Dans cette décision, la chambre a non seulement estimé (voir plus haut) qu'il fallait prendre en considération l'intérêt du public, mais elle s'est en outre servi de l'article 115 CBE pour interpréter l'article 114(2) CBE. Elle a fait remarquer que le pouvoir discrétionnaire de ne pas tenir compte de documents produits tardivement, tel que le confère l'article 114(2) CBE, est exercé par l'OEB à l'égard "des parties", alors que l'article 115(1) CBE, qui traite des observations des tiers, stipule que ces derniers "n'acquièrent pas la qualité de parties à la procédure". Partant de ces principes, la chambre a conclu que l'OEB n'avait pas la compétence d'exclure des documents produits tardivement par des tiers et a fait observer que :
"Il serait absurde qu'un opposant en soit réduit à produire, par l'intermédiaire d'un tiers, en faisant jouer l'article 115 CBE, des documents découverts tardivement, pour être sûr qu'ils ne tomberont pas sous le coup de l'article 114(2) CBE en vertu duquel ils pourraient n'être pas pris en compte".
Pour éviter cette anomalie, la chambre a conclu que des documents pertinents produits tardivement ne pouvaient être exclus, même s'ils ont été produits par les parties (T 156/84, points 3.5 à 3.7 des motifs de la décision).
5.8 Cependant, on peut tout aussi bien défendre l'opinion selon laquelle l'article 115 CBE devrait être interprété conformément aux règles énoncées à l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités, comme l'ont fait à maintes reprises la Grande Chambre de recours et les chambres de recours. Si l'on interprète le texte de cet article cité plus haut à la lumière de son objet et de son but, il est clair que ce texte est exclusivement destiné à restreindre les droits des tiers et non à les étendre, ni, à plus forte raison, à les étendre au-delà de ceux des parties à la procédure devant l'OEB.
5.9 Il découle de ce qui précède que, comme le prévoit clairement l'article 114(2) CBE, l'OEB peut user de son pouvoir discrétionnaire vis-à-vis d'une partie qui se sert de moyens dilatoires et produit des documents tardivement, et ne pas tenir compte de ces documents, la même sanction pouvant a fortiori s'appliquer à un tiers qui se sert de moyens dilatoires. Il n'y a par conséquent aucune raison de ne pas admettre que le pouvoir discrétionnaire que confère l'article 114(2) CBE permet d'exclure des documents produits tardivement, quelle qu'en soit la pertinence, bien que, comme expliqué dans le prochain paragraphe, la pertinence puisse influencer la façon dont ce pouvoir doit être exercé.
5.10 Un tribunal ou toute autre autorité judiciaire qui use de son pouvoir discrétionnaire est tenu de le faire de manière impartiale, autrement dit de ne pas agir arbitrairement, mais en tenant dûment compte de tous les faits matériels. En ce qui concerne les procédures d'opposition devant l'OEB et les recours qui en résultent, la pertinence de tout document produit tardivement constitue un fait matériel au même titre que le caractère asymétrique de la procédure d'opposition, au cours de laquelle la révocation d'un brevet est définitive, alors que le rejet d'une opposition offre à l'opposant une nouvelle possibilité d'attaquer la validité du brevet devant les tribunaux nationaux.
5.11 Cette interprétation de l'article 114(2) CBE est conforme à la jurisprudence la plus récente des chambres de recours. Ainsi que la Chambre l'a constaté dans la décision T 97/90 (JO OEB 1993, 719) le texte de l'article 114(1) CBE ne signifie pas que les chambres de recours ont en fait à recommencer l'instruction après la première instance, avec le droit absolu, et même l'obligation, d'examiner tous les nouveaux éléments sans tenir compte du retard avec lequel ils ont été produits. La Chambre a également fait observer que
"Une telle interprétation de cette disposition sort non seulement du contexte du reste de l'article 114 CBE, en l'occurrence l'article 114(2), mais aussi du contexte de l'article 111(1) CBE. Si l'article 114(1) est interprété à la lumière de son contexte, il devient évident qu'il existe une limite nette à la portée de tout nouvel élément pouvant être invoqué dans un recours par les parties ou par la chambre de recours elle-même ; en effet, les affaires faisant l'objet d'un recours doivent être et rester identiques ou très semblables à celles pour lesquelles des décisions ont été rendues en première instance. La jurisprudence de la Chambre va clairement dans le sens de cette interprétation, comme le montrent les affaires T 26/88 (JO OEB 1991, 30), T 326/87 (susmentionnée), T 153/85 (JO OEB 1988, 1) et T 611/90 (JO OEB 1993, 50) ainsi qu'un grand nombre de décisions non publiées, par exemple T 137/90 en date du 26 avril 1991 et T 38/89 en date du 21 août 1990". Dans cette même affaire, la Chambre a conclu : "Ctte obligation générale d'examiner tous les éléments, aussi tardive qu'ait été leur production, soit rendrait la fonction des premières instances superflue, soit réduirait leur rôle à donner simplement un premier avis avant que les chambres de recours ne procèdent à l'examen judiciaire de l'affaire et ne statuent en l'espèce".
5.12 La situation juridique en ce qui concerne la procédure de recours vient d'être clarifiée par la Grande Chambre de recours ; dans l'affaire G 9/91 (JO OEB 1993, 408), celle-ci a estimé que contrairement au caractère purement administratif de la procédure d'opposition, la procédure de recours est à considérer comme une procédure judiciaire, comme l'a expliqué la Grande Chambre dans des décisions qu'elle a rendues récemment au sujet des affaires G 7/91 (JO OEB 1993, 356) et G 8/91 (JO OEB 1993, 346) (point 7 des motifs de la décision, dans les deux cas). Cette procédure a par nature un caractère moins inquisitoire qu'une procédure administrative. Il est donc justifié, bien que l'article 114(1) CBE concerne aussi en principe la procédure de recours, d'appliquer d'une manière générale cette disposition de façon plus restrictive dans une telle procédure que dans la procédure d'opposition.
5.13 Les Travaux Préparatoires à la CBE corroborent cette interprétation. Selon le rapport de la Conférence intergouvernementale de Luxembourg concernant le premier avant- projet de Convention de 1970, le paragraphe 2 de l'article 113, qui est devenu par la suite l'article 114(2),
"prévoit cependant que la chambre de recours n'est pas obligée de tenir compte de faits ou de moyens de preuve qui n'auraient pas été produits en temps utile. Cette disposition tend à éviter que la procédure de recours ne soit abusivement ralentie par des requérants négligents ou usant de moyens dilatoires".
En 1961, une disposition produisant le même effet a également été proposée dès le début afin d'"éviter que la procédure de recours ne puisse être inutilement ralentie par des requérants mal intentionnés ou négligents" (groupe de travail "Brevets" de la CEE en date du 29 mai 1961). (La décision T 122/84 (JO OEB 1987, 177) détaille les références à l'article 114(1) et (2) faites dans les Travaux Préparatoires).
5.14 Par conséquent, même si d'après la jurisprudence constante des chambres de recours (cf. affaire T 156/84), le principal critère pour décider de la recevabilité d'un document produit tardivement est sa pertinence, autrement dit l'importance de la preuve que constitue ce document par rapport aux autres documents déjà versés au dossier, les chambres n'ont pas tenu compte, à maintes reprises, de faits et preuves produits tardivement, refusant d'examiner la pertinence éventuelle des moyens invoqués.
Par exemple, dans les deux affaires T 534/89 (JO OEB 1994, 464) et T 17/91 (sommaire publié au JO OEB 9/1993), la Chambre a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 114(2) CBE en décidant de ne pas tenir compte de la preuve apportée tardivement de l'existence d'un usage antérieur et de ne pas examiner la possible pertinence des moyens invoqués, au motif que leur production tardive constituait un détournement de procédure devant l'OEB et une atteinte au principe de la bonne foi qu'il convient d'observer dans les rapports entre l'OEB et les parties à la procédure devant celui-ci.
Dans l'affaire T 270/90 (JO OEB 1993, 725), la chambre a aussi refusé de prendre en considération des données expérimentales produites tardivement, au motif que la présentation tardive de ces données (deux semaines avant la procédure orale) constituait un détournement de procédure et que le principe de loyauté à l'égard de la partie adverse avait été enfreint. De même, dans l'affaire T 741/91 en date du 22 septembre 1993 (non publiée au JO OEB), la chambre a refusé d'examiner la pertinence de preuves produites la veille de la procédure orale devant la division d'opposition. La chambre a conclu qu'il était inacceptable qu'une partie produise des faits et preuves aussi tardivement et que, par conséquent, la division d'opposition aurait dû ne pas tenir compte de ces preuves en usant du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 114(2) CBE.
De la même façon, dans l'affaire G 4/92 (JO OEB 1994, 149), la Grande Chambre de recours a conclu que, par principe, la présentation lors d'une procédure orale de preuves ou de faits nouveaux qui auraient pu être produits ou invoqués antérieurement constitue un abus de procédure qu'une instance de l'OEB peut sanctionner en refusant de les prendre en considération en application de l'article 114(2) CBE.
5.15 Le pouvoir discrétionnaire que l'article 114(2) CBE confère aux instances de l'OEB permet de garantir un déroulement rapide de la procédure dans l'intérêt des parties, du public en général et de l'OEB, et de prévenir des abus tactiques. Les parties doivent avoir présent à l'esprit que des documents produits tardivement pourront ne pas être pris en considération ; elles doivent donc s'efforcer de présenter, de la façon la plus exhaustive et rapide possible, les faits et justifications pertinents à leur cas. Si une partie, sans invoquer d'excuse valable, n'agit pas de la sorte et et si l'admission des preuves devait entraîner un retard de procédure excessif, les chambres de recours sont tout à fait en droit de refuser d'en tenir compte en usant du pouvoir discrétionnaire que leur confère l'article 114(2) CBE.
6. Dans la présente affaire, la Chambre conclut que la tentative du requérant de produire des preuves à un stade aussi avancé de la procédure est inacceptable et qu'elle est donc en droit, en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 114(2) CBE, de ne pas admettre ces preuves. Le requérant a attendu près de cinq ans après le dépôt de l'acte d'opposition et quelque vingt mois après avoir déposé son mémoire exposant les motifs du recours avant de chercher à introduire, à titre de preuves, les données expérimentales concernées. Si une partie n'invoque des faits et justifications que tardivement pendant la procédure, cette partie doit justifier ce retard par un motif valable.
Or, le requérant n'a fourni à la Chambre aucune explication à ce retard et n'a pas prouvé qu'il avait été empêché de produire ces preuves plus tôt. Pendant toute cette période, l'intimé, de même que l'OEB et le public en général, ont été laissés dans l'ignorance de tous les détails du dossier du requérant. Si ces preuves étaient admises, cela prolongerait de manière excessive la procédure, car il faudrait donner à l'intimé la possibilité de faire des observations sur les preuves produites et de présenter, en réponse, ses propres données expérimentales. Comme indiqué aux paragraphes 5.2 et 5.3 ci-dessus, il convient d'établir le plus rapidement possible, dans l'intérêt du public aussi bien que dans celui des parties à la procédure d'opposition, et aussi en cas de recours contre des décisions rendues par des divisions d'opposition, si le brevet peut ou non être maintenu au vu des moyens invoqués au cours de la procédure d'opposition.
Questions de fond
Conclusion concernant les questions de fond
12. L'examen des questions de fond soulevées par le requérant a permis de montrer (i) que l'objet revendiqué diffère par au moins une caractéristique de l'enseignement contenu sous forme explicite dans chacun des documents (1), (5) et (6), (ii) que la combinaison des caractéristiques telle que requise dans le brevet ne découle pas d'une manière évidente des documents cités, qu'ils soient considérés isolément ou en combinaison les uns avec les autres, et (iii) qu'il ne peut être question d'insuffisance de l'exposé de l'invention. Il apparaît clairement que les données expérimentales que le requérant avait l'intention de produire n'étaient pas susceptibles d'avoir une incidence sur l'une quelconque de ces conclusions.
Autres questions de procédure
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le recours est rejeté.