T 0068/85 (Herbicides à effet synergique) of 27.11.1986

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1986:T006885.19861127
Date de la décision : 27 Novembre 1986
Numéro de l'affaire : T 0068/85
Numéro de la demande : 81810261.8
Classe de la CIB : H01N 43/88
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Ciba-Geigy
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : Il convient d'admettre dans une revendication de brevet des caractéristiques fonctionelles, c'est-à-dire des caractéristiques qui définissent un résultat technique, s'il n'est pas possible autrement d'exposer ces caractéristiques de manière plus précise, objectivement parlant, sans limiter pour autant l'enseignement de l'invention, et si elles constituent pour l'homme du métier un enseignement technique suffisamment clair, qu'il peut mettre en oeuvre en faisant un effort raisonnable de réflexion - par exemple en effectuant des essais de routine.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 R 29(1)
European Patent Convention 1973 R 29(2)
Mot-clé : Caractéristiques fonctionelles/admises dans une revendictions si elles sont claires et précises
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0006/88
T 0299/86
T 0376/86
T 0322/87
T 0107/88
T 0225/88
T 0295/88
T 0312/88
T 0552/88
T 0583/88
T 0649/88
T 0011/89
T 0495/89
T 0707/89
T 0162/90
T 0204/90
T 0800/90
T 0388/91
T 0391/91
T 0822/91
T 0894/91
T 0954/91
T 0104/92
T 0143/92
T 0281/92
T 0430/92
T 0694/92
T 0720/92
T 0743/92
T 0820/92
T 0012/93
T 0026/93
T 0515/93
T 0820/93
T 0001/94
T 0215/94
T 0225/94
T 0367/94
T 0682/94
T 0856/94
T 0963/94
T 0099/95
T 0241/95
T 0530/95
T 0819/95
T 0250/96
T 0750/96
T 0812/96
T 0968/96
T 1024/96
T 1026/96
T 0172/97
T 0438/97
T 0568/97
T 0872/97
T 0012/98
T 0437/98
T 0654/98
T 0982/98
T 1106/98
T 0363/99
T 0517/99
T 0107/00
T 0595/00
T 0877/00
T 1023/00
T 0118/01
T 0782/01
T 0866/01
T 1082/01
T 1186/01
T 1279/01
T 0211/02
T 0295/02
T 0499/02
T 0684/02
T 0947/02
T 0074/03
T 1057/03
T 1089/03
T 1141/03
T 1173/03
T 0762/04
T 0883/04
T 0094/05
T 1023/05
T 0404/06
T 0631/06
T 0898/06
T 0936/06
T 1054/06
T 1063/06
T 1837/06
T 0279/07
T 0607/08
T 0959/08
T 1133/08
T 1198/08
T 0117/09
T 0560/09
T 0578/09
T 1497/09
T 1537/09
T 1345/10
T 0460/11
T 0556/11
T 0809/12
T 2067/12
T 0754/13
T 1010/13
T 2427/13
T 2438/13
T 0757/14
T 1957/14
T 2114/14
T 2186/14
T 0590/15
T 1008/15
T 1354/15
T 2007/15
T 0184/16
T 0961/17
T 2251/17
T 1605/20
T 0056/21

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 81 810 261.8, déposée le 22 juin 1981, pour laquelle était revendiquée la priorité d'une demande déposée en Suisse le 27 juin 1980, et qui a été publiée sous le n° 43 349, a été rejetée le 30 août 1984 par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets. Cette décision a été rendue sur la base de sept revendications, parmi lesquelles les revendications 1 à 4 et 7 s'énonçaient comme suit :

"1. Agent synergique pour combattre sélectivement les mauvaises herbes, caractérisé en ce que, outre des supports et/ou d'autres additifs, il contient comme composant actif d'une part le 4-(3',5'-dichloropyridyl-2'-oxy)- -phénoxypropionate de propargyle (Ia) ou le 4-(3',5'-dichloropyridyl-2'-oxy)- - phénoxypropionethiolate de propargyle (Ib), et d'autre part le 3-isopropyl-(1H)-benzo-2,1,3-thiadazine-4-one-2,2-dioxyde (II).

2. Agent selon la revendication 1, caractérisé en ce que dans ledit agent le composant (II) est présent pratiquement dans la même proportion en poids que le composant (i) ou en excès par rapport à celui-ci.

3. Agent selon la revendication 2, caractérisé en ce que le rapport en poids entre le composant (i) et le composant (II) est compris entre 1:1 et 1:4, et de préférence entre 1:1 et 1:2.

4. Procédé pour combattre sélectivement les mauvaises herbes dans les cultures de céréales et de soja, caractérisé en ce qu'on traite les cultures de céréales et de soja envahies par les mauvaises herbes, en post-émergence, avec une quantité efficace d'un agent selon la revendication 1.

7. Application d'une quantité efficace d'un agent selon la revendication 1 pour combattre sélectivement les mauvaises herbes, en post-émergence, dans les cultures de céréales et de soja".

II. La Division d'examen a rejeté la demande pour cause de défaut d'activité inventive et d'insuffisance de l'exposé, en renvoyant à ce propos à l'article 83 de la CBE ; elle a expliqué en substance que l'objectif de l'invention était la mise au point d'agents à activité synergique pour combattre sélectivement les mauvaises herbes mono- et dicotylédones, en particulier dans les cultures de céréales et de soja.

Or, selon la Division d'examen, le document (1) : EP-A-4414 a déjà fait connaître des mélanges de deux agents actifs ayant des propriétés herbicides complémentaires, dont l'un est identique au composant (II) selon l'invention et dont l'autre a une structure apparentée à celle des composants correspondants (Ia) et (Ib) selon l'invention. La demanderesse (requérante) avait pour sa part déclaré que l'activité inventive de l'objet de la demande résidait dans un effet synergique qui ne peut toutefois se produire que pour des proportions ou des concentrations déterminées du mélange. La Division d'examen a estimé par conséquent, du fait qu'il n'est pas possible pour l'homme du métier de préparer des mélanges effectivement synergiques si la plage de proportions à respecter n'est pas indiquée (article 83 de la CBE), que la revendication 1 en vigueur ne pouvait être admise. Selon elle, l'objet de la demande serait brevetable s'il réunissait les caractéristiques des revendications 1 et 3.

III. La requérante a formé le 19 septembre 1984 un recours contre cette décision, en acquittant simultanément la taxe prescrite, et elle a déposé le 7 janvier 1985 un mémoire exposant les motifs du recours. Elle a fait valoir en ce qui concerne l'activité inventive que les composés (Ia) et (Ib) mis en oeuvre selon l'invention n'ont pas une structure semblable à celle des composés correspondants selon le document (1), mais s'en distinguent par deux substituants, donc ne sont pas évidents. L'enseignement du document (1) éloigne même de l'objet de la demande, car les mélanges qui y sont testés ont pour la plupart une activité phytotoxique plus forte, mais présentent vis-à-vis des mauvaises herbes une activité inférieure à celle qu'on aurait pu attendre des composants du mélange pris séparément.

Il ressort du texte de la revendication 1 sur la base duquel a été rendue la décision de rejet que cette revendication est limitée à des agents "synergiques", c'est-à-dire à des agents avec lesquels l'effet annoncé se produit effectivement. L'indication dans les revendications 2 et 3 des proportions en poids préférées et les précisions fournies dans la description donnent à l'exposé de l'invention la clarté requise ; une limitation à cette plage citée simplement à titre d'exemple ne serait toutefois pas équitable, car elle ne permettrait pas une protection appropriée de l'invention.

IV. La Chambre a introduit au cours de la procédure d'autres documents relatifs à l'état de la technique, à savoir : le document (2) : Proc. 9th Br. Weed Control Conf. 1968, 1042 et le document (3) : EP-A-3114.

V. Le 26 septembre 1986, la requérante a produit une nouvelle revendication 1 s'énonçant comme suit :

"Agent pour combattre sélectivement les mauvaises herbes, à base d'un mélange de 3-isopropyl-(1H)-benzo-2,1,3-thiadiazine-4- one-2,2-dioxyde (II) et d'un composé du type des 4-pyridyloxy- - phénoxypropionates (i), et contenant en outre des supports et/ou d'autres additifs, caractérisé en ce qu'il contient comme composé du type (i) soit le 4-(3',5'-dichloropyridyl-2'-oxy)- - phénoxypropionate de propargyle (Ia), soit le 4-(3',5'- dichloropyridyl-2'-oxy)- -phénoxypropionethiolate de propargyle (Ib) en une quantité produisant une activité herbicide synergique".

Elle demande l'annulation de la décision attaquée et la délivrance d'un brevet sur la base de la revendication 1 précitée, des revendications 2 à 7 dont le texte est demeuré inchangé, ainsi que d'une description dont le texte a été mis en harmonie avec celui des revendications.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108, ainsi qu'à la règle 64 de la CBE ; il est donc recevable.

2. En ce qui concerne le fond, le texte de la revendication 1 est identique au texte sur la base duquel a été rendue la décision attaquée. La seule différence tient à ce que le document (1), correspondant à l'état de la technique le plus proche, a dûment été pris en compte dans le préambule, et à ce que l'adjectif "synergique" a été remplacé par le membre de phrase plus explicite "en une quantité produisant une activité herbicide synergique". Cette seconde modification a été apportée pour tenir compte du fait que seule une "combinaison des deux agents actifs, dont les proportions respectives peuvent varier dans des limites déterminées ... présente une action synergique" (page 2 de la description initiale, avant-dernier alinéa, lignes 1 à 4). Il n'y a donc rien à objecter à cette revendication du point de vue de la forme.

3. La demande concerne selon la revendication 1 un agent pour combattre sélectivement les mauvaises herbes, à base d'un mélange de 3-isopropyl-(1H)-benzo-2,1,3-thiadazine-4-one-2,2-dioxyde (II) et d'un composé du type des 4-pyridyloxy- -phénoxypropionates (i). Les revendications 4 et 7, formulées comme des revendications indépendantes, portent la première sur un procédé pour combattre les mauvaises herbes utilisant l'agent selon la revendication 1, la seconde sur l'application de cet agent (cf. supra).

4. Le document (1), correspondant à l'état de la technique le plus proche, avait déjà fait connaître des mélanges à action complémentaire, c'est-à-dire se complétant du point de vue des espèces de mauvaises herbes à détruire, d'herbicides du type (i) et de différents autres herbicides, entre autres du type (II).

5. L'invention vise au contraire à réduire, pour des raisons économiques et écologiques, la quantité d'herbicide utilisée, et à accroître en outre la marge de sécurité dans les cultures de céréales et de soja (cf. également page 3, alinéa 2 de la description).

6. Pour la résolution de ce problème, il est proposé selon l'invention l'utilisation comme composé de type (i) - conjoin tement avec le composé (II) - du 4-(3',5'-dichloropyridyl-2'-oxy) - -phénoxypropionate de propargyle (composé (Ia)) ou du propionethiolate de propargyle correspondant (composé (Ib)), en une quantité produisant un effet herbicide synergique.

7. Les tableaux I à VI montrent qu'il est possible, par utilisation combinée, conjointement avec le composé (II), de proportions déterminées des composés (Ia) ou (Ib) d'obtenir une action effectivement synergique vis-à-vis de certaines espèces de mauvaises herbes, et donc de réduire la quantité d'herbicides (cf. en particulier l'action de 0,5 kg/ha de (Ia) en combinaison avec 0,5 kg/ha de (II) sur Ipomoea purpurea dans les tableaux I et II (rapport en poids 1:1) et de 0,25 kg/ha de (Ia) en combinaison avec 1 kg/ha de (II) sur Chrysanthemum segetum (rapport (4:1) dans les tableaux III et V, ainsi que l'action de 0,25 ou 0,5 kg/ha de (Ib) en combinaison avec respectivement 1 ou 0,5 kg/ha de (II), là encore sur Chrysanthemum segetum (soit un rapport en poids égal respectivement à 4:1 ou à 1:1) dans les tableaux IV et VI. Les deux rapports en poids indiqués correspondent aux valeurs limites selon la revendication 3, et sur ce point la première instance a d'ailleurs expressément reconnu la brevetabilité de l'objet de la demande (cf. page 4, alinéa 2, page 9, alinéa 1 et page 10, alinéa 4 de la décision contestée).

8. Par contre, la première instance a fait valoir à l'encontre du texte de la revendication sur la base duquel elle a rendu sa décision, en se référant chaque fois à l'article 83 de la CBE, que

i) l'homme du métier n'est "pas en mesure de ... préparer ... des mélanges ... effectivement synergiques si la plage des proportions à respecter pour le mélange n'est pas indiquée (page 9, alinéa 2), et qu'

ii) il n'est pas vraisemblable "que l'effet de synergie ... se produise pour toute la plage de proportions revendiquée" (page 10, alinéa 3).

Pour la Chambre, les passages de la décision attaquée qui viennent d'être cités montrent que la première instance conteste que la solution proposée dans la revendication permette de résoudre effectivement le problème posé pour toute la plage qui a été revendiquée.

8.1. La Chambre estime pour sa part que l'article 83 de la CBE, qui exige que l'invention soit "exposée dans la demande de brevet européen", ne peut être invoqué à l'appui d'une telle objection. En aucun cas, il ne peut être décidé sur la seule base du contenu des revendications que l'exposé de l'invention est insuffisant (cf. la décision T 14/83, "Résines de chlorure de vinyle/Sumitomo" JO de l'OEB 3/1984, p. 105, point I du sommaire). Or la Division d'examen se garde bien d'affirmer que la description n'expose pas l'invention de manière suffisamment claire et complète ; et elle a raison en cela, puisqu'il est indiqué de manière précise dans la description - tout comme dans la revendication 3 - quelles sont les proportions à observer, "en général" et "de préférence" (page 3, trois dernières lignes), en quelles quantités il convient d'utiliser les combinaisons d'agents actifs (page 4, lignes 1 à 4), etc. Les exemples 1 à 6 fournissent eux aussi d'autres indications précises.

8.2. C'est plutôt l'article 84, ensemble la règle 29(1) et (3) de la CBE qu'il convient d'invoquer pour critiquer l'étendue des revendications, si on la juge inadmissible ; en effet, aux termes de ces dispositions, les revendications doivent mentionner "les caractéristiques techniques qui sont nécessaires à la définition des éléments revendiqués" (règle 29(1)a)), et les revendications indépendantes doivent énoncer "les caractéristiques essentielles de l'invention" (règle 29(3) (cf. le point 4 de la décision non publiée T 115/83, en date du 8 novembre 1983).

8.3. Dans le cas présent, l'indication donnée dans le texte initial de la description, page 2, avant-dernier alinéa, ligne 2, concernant la combinaison des deux agents actifs dont les proportions respectives peuvent varier "dans des limites déterminées" montre que ce n'est pas n'importe quelle proportion de (Ia) ou de (Ib) par rapport à (II) qui produit un effet synergique, et permet par conséquent de résoudre le problème posé. Toutefois, la caractéristique figurant dans le texte actuel de la revendication 1, à savoir que le produit revendiqué contient - outre le composant (II) - le composant (Ia) ou (Ib) "en une quantité produisant une activité herbicide synergique" tient suffisamment compte de ce fait.

8.4. Telle qu'elle est formulée, cette caractéristique doit être considérée comme une "caractéristique technique" au sens où l'entend la règle 29(1) et (3) de la CBE.

8.4.1. Les caractéristiques techniques sont en principe celles qui fournissent à l'homme du métier des indications utiles pour la réalisation d'un objectif technique. Il peut s'agir soit d'indications concrètes - par exemple dans le domaine de la chimie "éthanol comme solvant" ou "produit de départ de formule X" -, soit d'une formulation fonctionnelle, c'est-à-dire d'une caractéristique définie par le résultat recherché - par exemple "solvant dégraissant" ou "composé ayant un atome d'hydrogène réactif". Dans le cas présent, la caractéristique de la revendication 3 "rapport de 1:1 à 1:4 en poids" serait une caractéristique concrète, tandis qu'au contraire la caractéristique de la revendication 1 "en une quantité produisant ..." est une caractéristique fonctionnelle. Lorsque l'on choisit une caractéristique fonctionnelle, c'est en règle générale dans l'intention, parfaitement légitime, de donner à ce qui a été inventé la portée la plus large, pour obtenir une protection suffisante et appropriée.

Alors que dans le domaine de la chimie, les caractéristiques concrètes sont souvent préférées aux caractéristiques fonctionnelles, ces dernières sont beaucoup plus fréquentes dans d'autres domaines techniques : c'est ainsi que dans la revendication d'un brevet déposé dans le domaine de la mécanique il ne sera guère question d'un clou ou d'un rivet, mais plutôt d'un moyen de fixation (caractéristique fonctionnelle). Le droit des brevets forme un tout, on ne voit pas pourquoi dans le domaine de la chimie les caractéristiques fonctionnelles ne pourraient pas être admises au même titre que les caractéristiques concrètes.

8.4.2. A vrai dire le demandeur ne peut choisir comme il l'entend la manière dont il définira une caractéristique dans une revendication ; il est tenu en effet de choisir la formulation la plus précise, objectivement parlant (cf. la décision déjà citée T 14/83, loc. cit., en particulier le point II du sommaire, ainsi que la décision T 4/80 "Polyéthers-polyols/Bayer", JO de l'OEB 4/1982, p. 149). Or c'est ce que la demanderesse a fait en l'occurrence ; la Chambre ne voit pas en effet comment l'on pourrait exposer avec plus de précision qu'il n'a été fait les limites de l'action conjointe synergique des deux couples d'herbicides sans restreindre l'enseignement inventif. Si, comme la première instance l'avait suggéré, la demanderesse précisait davantage la revendication 1 initiale en introduisant la caractéristique numérique provenant de la revendication 3, l'objet de la demande se verrait à tort limité à un rapport en poids déterminé, ce qui restreindrait à l'excès l'étendue de la protection par rapport au contenu de l'invention telle qu'elle a été exposée.

8.4.3. En revanche, la recherche d'une définition fonctionnelle d'une caractéristique n'est plus de mise dès lors qu'elle nuit à la clarté de la revendication au sens où l'entend l'article 84 de la CBE. Une revendication est claire si l'homme du métier peut non seulement en comprendre le contenu, mais également le mettre en pratique. En d'autres termes, la revendication doit constituer pour l'homme du métier un enseignement technique suffisamment clair, qu'il doit pouvoir mettre en oeuvre en faisant un effort raisonnable de réflexion, par exemple en effectuant des essais de routine.

8.4.4 Dans la présente espèce, la revendication a la clarté requise :

en effet, la revendication 1 indiquant que le composé (II) doit être combiné avec le composé (Ia) ou (Ib) "en une quantité produisant une activité herbicide synergique", l'homme du métier, faisant appel à ses connaissances générales, exclura déjà des rapports pondéraux par trop extrêmes. Il pourra également s'aider des rapports pondéraux préférés indiqués dans les revendications 2 et 3 pour trouver d'autres rapports pondéraux appropriés - qui pourront varier selon la plante cultivée à protéger et la mauvaise herbe à détruire. De même l'homme du métier pourra, au cas où il en aurait besoin, trouver de la page 9, alinéa 3, à la page 10, alinéa 5 de la description, ainsi que dans les exemples 1 et 1a, des indications précises sur la manière dont il peut reconnaître, en effectuant quelques essais, et même calculer (méthode de Colby) à partir de quand il y a synergie, c'est-à-dire utilisation d'une "quantité" de (Ia) ou de (Ib) "produisant une activité herbicide synergique". Il est vrai que les tests sont relativement longs ; il faut en effet attendre que les plantes aient levé et après cela attendre encore 15 à 20 jours avant de pouvoir exploiter un essai. Néanmoins, eu égard à tous les faits de la cause, l'effort auquel l'homme du métier doit se livrer doit être considéré comme raisonnable ; en effet, de tels essais sont classiques dans ce domaine, et le nombre d'essais à effectuer n'a rien non plus d'habituel.

8.5. La solution proposée dans la revendication permet par conséquent de résoudre entièrement le problème posé.

9. Considéré dans son ensemble, l'objet de la revendication 1 ne découle d'aucune des antériorités citées. Il est donc nouveau, ce qui a d'ailleurs été reconnu par la première instance (cf. page 6, lignes 1 et 2 de la décision contestée).

10. Par conséquent, il convient d'examiner, compte tenu du document (1), correspondant à l'état de la technique le plus proche, si la solution revendiquée implique une activité inventive.

10.1. Dans le document (1) sont divulgués en tant qu'herbicides des composés du type (i) - différents de (Ia) et (Ib) ; on y décrit en outre des mélanges de ces composés avec de nombreux herbicides à action complémentaire (page 3, lignes 1 et 2 et 6 et 7), dont la Bentazone (composé (II)) ; cf. le tableau IV, page 28, dans lequel est décrite l'action d'un mélange du composé (II) avec un "composé n° 6", qui est selon le tableau I de la page 2 un 4-(5'- trifluorométhylpyridyl-2'-oxy)- - phénoxypropionate de butyle, donc un composé différent sur deux points au moins des composés (Ia) et (Ib).

10.2. Il est vrai que le document (3) avait déjà fait connaître comme herbicides les composés (Ia) et (Ib) (cf. par exemple les revendications 8 et 9, pages 42 et 43). Toutefois, il ne mentionne pas de combinaisons des composés (Ia) ou (Ib) avec d'autres herbicides, et encore moins à plus forte raison avec précisément le composé (II) ou avec obtention d'un effet synergique. L'homme du métier ne pouvait pas non plus à la lecture du document (3) avoir l'idée, pour résoudre le problème selon la demande, de combiner justement (II) avec les herbicides selon le document (3), en particulier avec (Ia) ou (Ib) : sur les 48 valeurs expérimentales obtenues pour des mélanges de (II) avec le "composé n° 6", qui figurent dans le tableau IV en page 28 du document (1), six font apparaître une certaine synergie, mais pour dix autres au contraire, il se produit un effet antagoniste - c'est-à-dire opposé ; il n'y avait donc aucune raison, pour qui cherchait des mélanges herbicides synergiques permettant de résoudre le problème posé, de combiner (II) avec des composés quelconques du type (i), et encore moins avec précisément les composés (Ia) ou (Ib).

10.3. Par ailleurs, depuis le document (2) - cf. page 1045, alinéa 2 - on savait déjà intensifier l'action sur les mauvaises herbes dicotylédones de la Bentazone (composé (II), dite composé (v) dans ce document), en combinant celle-ci avec des régulateurs de croissance du type acide phénoxy-propionique. Si (Ia) et (Ib) sont bien eux-mêmes des composés du type acide phénoxypropionique, ils présentent toutefois de très importantes différences structurales par rapport à l'acide 2-(méthyl-4-chlorophénoxy)-propionique, qui est le seul à être mentionné nommément à ce propos dans le document (2), comme l'a justement souligné la requérante dans la lettre que l'Office a reçue le 10 juillet 1986 ; mais la requérante a surtout démontré de manière irréfutable dans cette lettre (cf. page 2, de la 8e ligne à partir du bas, à la page 3, ligne 2) que (Ia) et (Ib) ne sont pas des régulateurs de croissance. Dans ces conditions, l'homme du métier ne pouvait pas non plus à la lecture du document (2) avoir l'idée de combiner (II) avec (Ia) ou (Ib) pour résoudre le problème posé.

10.4. L'objet de la revendication 1 implique donc une activité inventive.

11. Les objets des revendications indépendantes 4 et 7, qui ont sensiblement le même contenu, reposent sur le même concept inventif que la revendication 1, et sont donc également brevetables.

12. Les revendications dépendantes 2 et 3 d'une part, et 5 et 6 d'autre part, concernent des modes de réalisation avantageux, les premières de l'objet de la revendication 1, les secondes de l'objet de la revendication 4, et sont donc brevetables à ce titre.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour délivrance d'un brevet sur la base des documents suivants :

- Revendications 1 à 5 reçues le 26 septembre 1986, Revendications 6 et 7 telles que déposées initialement ;

- Description, pages 1 et 3 à 18 telles que déposées initialement ;

Page 2, reçue le 26 septembre 1986,

Page 2bis, reçue le 3 mai 1983.

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