European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1990:T022588.19900810 | ||||||||
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Date de la décision : | 10 Août 1990 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0225/88 | ||||||||
Numéro de la demande : | 81108353.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | D21H 3/78 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de préparation par des techniques papetières d'un matériau en feuille avec une rétention sur machine améliorée | ||||||||
Nom du demandeur : | Papeteries de Gascogne | ||||||||
Nom de l'opposant : | The Wiggins Teape Group | ||||||||
Chambre : | 3.3.01 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Novelty Inventive step Nouveauté oui Activité inventive oui |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 81 108 353.4, déposée le 15 octobre 1981 pour laquelle a été revendiquée la priorité du 21 octobre 1980 fondée sur un dépôt antérieur en France, a donné lieu le 7 août 1985 à la délivrance du brevet européen n° 0 050 316 sur la base de 12 revendications ayant pour objet un procédé de préparation par des techniques papetières d'un matériau en feuille avec une rétention sur machine améliorée.
II. Le 28 avril 1986 l'intimée (opposante) a fait opposition à ce brevet et requis sa révocation pour défaut de nouveauté et d'activité inventive en s'appuyant notamment sur les documents suivants :
(1) GB-A-1 347 071 (2) US-A-3 184 373 (3) GB-A-1 353 015 (6) Kirk-Othmer, Encyclopedia of Chemical Technology, Vol.10 (1980), p. 489-523 Au cours de la procédure d'opposition, la requérante (titulaire du brevet) a déposé à titre de requête principale et de requête subsidiaire deux nouveaux jeux de revendications sur la base desquelles elle a requis le maintien du brevet.
III. Par une décision annoncée le 2 février 1988 et signifiée le 31 mars 1988, la Division d'opposition a révoqué le brevet européen au motif que le procédé revendiqué manquait d'activité inventive au regard de l'enseignement des documents (1) à (3). Dans cette décision il était avancé que la revendication 1 selon la requête principale ne concernait qu'un procédé en continu de préparation par des techniques papetières d'un matériau en feuille dans lequel :
a) on disperse une charge minérale en milieu aqueux à une concentration comprise entre 400 et 600 g/litre, ou 150-600 g/litre si l'on utilise du talc ; b) on mélange à la charge de a) un liant organique à une concentration de 50 à 200 g/litre ; c) on fait subir à ce bain de b) une déstabilisation par incorporation d'un floculant cationique choisi parmi les solutions aqueuses de polyéthylèneimine, de polyamide-amine, de polyalkylamine réticulée, de polyacrylamides modifiés, le polychlorure d'aluminium ainsi que les solutions aqueuses d'ammonium quaternaire ; d) on introduit dans la pâte le bain de c).
Dans la revendication 1 selon la requête subsidiaire, la pâte contenait additionnellement un agent de rétention de caractère anionique.
Selon la Division d'opposition, l'état de la technique le plus proche était représenté par l'exemple 11 du document (2), dont l'objet du brevet attaqué ne se distinguait que par la concentration de la charge minérale. Le problème technique à résoudre se réduisait donc à adapter les concentrations de la charge minérale et du liant organique aux exigences d'un procédé en continu. La solution de ce problème n'exigeait de l'homme du métier que des opérations de routine, étant donné le caractère non critique des concentrations mises en oeuvre.
La seule caractéristique additionnelle de la revendication 1 conformément à la requête subsidiaire ne pouvait pas davantage conférer une activité inventive au procédé revendiqué, parce que l'amélioration de la rétention obtenue par addition d'un agent de rétention à caractère anionique avant l'introduction des fibres dans la pâte était prévisible pour l'homme du métier.
IV. Par lettre reçue le 30 mai 1988 la requérante a formé un recours à l'encontre de cette décision en acquittant simultanément la taxe prévue. L'acte de recours ne comportait aucune requête. Par une lettre reçue le 3 juin 1988 la requérante a précisé qu'elle demandait l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur la base de revendications qui seraient déposées ultérieurement. Le 25 juillet 1988 plusieurs jeux de revendications ont effectivement été soumis ainsi qu'un mémoire exposant les motifs du recours. Au cours de la procédure orale du 10 août 1990 la requérante a soumis deux nouveaux jeux de revendications à titre de requête principale et de requête subsidiaire. La seule revendication indépendante de la requête principale s'énonce comme suit :
"Procédé en continu de préparation par des techniques papetières d'un matériau en feuille, caractérisé par le fait qu'on réalise les opérations suivantes, dans l'ordre cité ci-dessous :
1) on prépare une dispersion aqueuse de particules de charge minérale choisie parmi les charges usuelles en papeterie,
2) on mélange à cette dispersion aqueuse de charge un liant organique classique de la papeterie, sous agitation, jusqu'à obtenir une dispersion aqueuse de particules de charge minérale enrobées de liant,
3) on fait subir à cette dispersion aqueuse de particules de charge minérale enrobées de liant, sous agitation, avant mélange avec les fibres, une déstabilisation ionique au moyen d'un floculant cationique choisi parmi les solutions aqueuses de polyéthylèneimine, de polyamide-amine, de polyalkylamine réticulée, de polyacrylamides modifiés, le polychlorure d'aluminium, ainsi que les solutions aqueuses d'ammonium quaternaire, le floculant cationique étant utilisé en une quantité réglée pour que la floculation totale se réalise en une minute au maximum ;
4) on introduit les flocs charge minérale-liant organique en suspension aqueuse dans la suspension fibreuse."
La revendication 1 selon la requête subsidiaire contenait toutes les caractéristiques énoncées dans les revendications 1 et 2 de la requête principale. Ces revendications diffèrent donc des revendications indépendantes selon les requêtes à titre de requête principale et subsidiaire sur la base desquelles s'est fondée la décision attaquée essentiellement par le fait que la concentration du floculant est réglée.
Le mémoire exposant les motifs de recours contenait cinq annexes :
l'annexe 1 comportait une comparaison de la cationicité de deux amidons cationiques avec une polyéthylèneimine ; l'annexe 2 était un document préparé par le Centre Technique du Papier montrant la différence entre gélification et floculation ; l'annexe 3 présentait les résultats d'essais comparatifs sur le procédé selon le brevet attaqué et le procédé connu du document (3) ; l'annexe 4 portait sur la floculation d'une suspension de carbonate de calcium dans un empois d'amidon ; l'annexe 5 était une étude des propriétés du polychlorure d'aluminium comme floculant.
Enfin, pour illustrer la signification technique des mots "gélification" et "floculation", la requérante a introduit le document
(8) Colloid Science II 3ème édition (Elsevier New York 1965), pages 232 à 237.
Les arguments présentés par écrit et au cours de la procédure orale peuvent se résumer comme suit :
Dans l'art antérieur, l'amélioration de la rétention sur machine était toujours accompagnée d'une dégradation des propriétés physiques du papier obtenu. Le procédé du brevet attaqué se fonde sur la reconnaissance de l'importance d'incorporer dans la pâte fibreuse la charge minérale enrobée par un liant organique et formant des flocs réguliers. Cette régularité des flocs est contrôlée par la mise en oeuvre de floculants spécifiques en une quantité réglée pour que la floculation totale se réalise en une minute au maximum.
Ni l'importance de l'ordre d'addition des divers constituants de la pâte, ni la sélection de certains floculants cationiques, ni la nécessité de respecter certaines limites de temps pour obtenir des flocs réguliers ne sont enseignées par les documents cités. De plus, le document (1) ne contient aucune suggestion de remplacer l'amidon cationique, qui est un floculant de faible cationicité comme cela apparaît dans l'annexe 1, par les floculants cationiques spécifiques selon le brevet attaqué. Le procédé décrit dans l'exemple 11 du document (2) diffère du procédé selon le brevet contesté par une caractéristique importante, à savoir la réalisation de la floculation du mélange charge minérale - liant organique en présence de fibres. Selon le document (3) on ne réalise pas une floculation mais une gélification, c'est-à-dire un traitement tout différent, comme cela est illustré dans l'annexe 2 et le document (8). Le document (3) n'enseigne donc pas le principe général appliqué dans le brevet contesté. Les essais comparatifs présentés dans les annexes 3 et 4 montrent que l'on obtient par le procédé selon le brevet attaqué de meilleurs résultats que par le procédé selon le document (3), qui repose sur l'utilisation de sels de métaux polyvalents, notamment l'alun papetier, préconisés comme gélifiants dans ce document. Le polychlorure d'aluminium, utilisé comme floculant dans le brevet attaqué n'est pas un sel d'un métal polyvalent dans le sens du document (3), mais plutôt un polymère minéral de poids moléculaire élevé, dont l'action floculante est supérieure à celle de l'alun.
IV. L'intimée (opposante) a d'abord fait valoir que la suppression des limites de concentration de la charge minérale et du liant organique introduites dans les revendications principales à la suite des objections soulevées au cours de la procédure d'opposition était inadmissible. De plus, suite à cette suppression, l'objet de la revendication indépendante conformément à la requête principale n'était pas nouveau vis-à-vis de l'enseignement du document (2), notamment de l'exemple 11, étant donné que le libellé de cette revendication n'excluait pas la présence de fibres pendant la floculation.
Les arguments concernant le défaut d'activité inventive peuvent se résumer comme suit :
La durée nécessaire pour réaliser la floculation introduite dans les revendications indépendantes au cours de la procédure de recours dépend, selon le brevet attaqué, de la configuration des circuits de tête de la machine à papier utilisée et n'est donc pas une caractéristique indépendante du procédé. Ni le choix de cette durée, ni la fixation d'un certain ordre d'addition n'implique d'activité inventive puisque ces caractéristiques peuvent être déterminées par des opérations de routine que l'homme du métier sait effectuer sans difficulté, par exemple dans le cadre de l'enseignement général donné dans le document (3). Selon l'exemple 11 du document (2), seule une faible quantité de fibres est présente pendant la floculation ; l'enseignement général de ce document ne prévoit cependant pas la présence de fibres. Tout comme dans le brevet attaqué, cet enseignement vise à l'utilisation d'un mélange synergique de substances appelées "assistants de rétention" constitué d'un liant organique et d'un deuxième composé qui peut être une polyéthylèneimine. L'expression "gélification" n'est pas utilisée dans le document (3) dans un sens strictement scientifique. Ce qui est effectué dans ce document est une agglomération des particules minérales, donc une floculation. De plus, cette "gélification" est effectuée avec des agents gélifiables qui sont identiques aux substances utilisées dans le brevet en litige comme liants organiques. Elles sont "gélifiées" par un "polymère incompatible" ou un sel d'un métal polyvalent. Or, la polyéthylèneimine mise en oeuvre dans le brevet attaqué n'est qu'un exemple de polymère incompatible et le polychlorure d'aluminium est un sel d'un métal polyvalent bien connu comme floculant, comme cela apparaît dans le document (6), p. 498.
Le document (1) reste pertinent malgré l'exclusion de l'amidon cationique comme floculant de la revendication 1 telle que délivrée, car le remplacement d'un floculant conventionnel par des autres floculants conventionnels (voir document (6)) ne saurait impliquer d'activité inventive que s'il était accompagné d'un résultat imprévisible. Tel n'est pas le cas ici, car les essais comparatifs soumis par la requérante le 22 décembre 1986 ont été contestés par l'intimée sur la base de ses propres essais en date du 11 mai 1987. L'ordre d'addition du liant organique (amidon anionique) et du floculant (amidon cationique) étant expressément mentionné dans le document (1), cette caractéristique ne peut pas non plus distinguer le procédé selon le brevet attaqué du procédé divulgué dans cet art antérieur. Le fait que les exemples dans le document (1) n'illustrent qu'un autre mode de réalisation de ce procédé est sans importance pour l'appréciation de la divulgation de ce document.
La limitation apportée à la revendication 1 selon la requête subsidiaire, à savoir l'addition obligatoire d'un agent de rétention anionique avant le mélange de la suspension charge minérale - liant organique floculée avec les fibres, est bien connue des documents antérieurs (3) et (6) et n'implique donc pas non plus d'activité inventive.
V. La requérante conclut à l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur la base des revendications modifiées soumises durant la procédure orale. L'intimé conclut au rejet du recours. A la fin de la procédure orale, la décision de la Chambre a été annoncée.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. Requête principale
2.1. Le libellé des revendications 1 à 11 selon la requête principale satisfait aux dispositions de l'article 123(2) et (3) CBE.
La revendication 1 correspond aux revendications 1 et 8 telles que déposées et à la description d'origine, page 3, deuxième paragraphe, page 9, o" est décrit le troisième stade du procédé précisant qu'il s'agit d'un procédé en continu. L'ordre des étapes du procédé (premier à troisième stade) est indiqué aux pages 7 à 9. La quantité réglée de floculant est divulguée à la page 6, premier paragraphe.
Les revendications 2, 4, 5, 7, 8, 9 et 10 correspondent aux revendications 2, 5, 6, 7, 9, 10 et 11 telles que déposées ; la revendication 3 se fonde sur la description d'origine, page 9, lignes 3 à 6, la revendication 6 sur la description de la deuxième étape du deuxième stade du procédé à la page 8 ligne 2 et la revendication 11 sur l'exemple 9.
Dans le fascicule de brevet, l'information correspondante se trouve dans les revendications 1, 2, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et la description , page 1, lignes 52 à 54, page 3, lignes 58 et 59 et page 4, ligne 30 à page 5, ligne 5, en particulier page 4, lignes 55 à 56, page 5, lignes 3 et 4 et dans l'exemple 9.
La revendication 1 est limitée par rapport à la revendication 1 telle que délivrée du fait, d'une part, de la suppression de l'amidon cationique de la liste des floculants utilisables, et, d'autre part, de l'introduction de la quantité nécessaire de floculant.
2.2. Le fait que la requérante a soumis pendant la procédure d'opposition plusieurs jeux de revendications incluant en particulier des intervalles de concentration qui ne figurent plus dans la revendication 1 en vigueur ne s'oppose pas à l'admissibilité formelle de cette revendication ; en effet, ces jeux de revendications correspondaient à des tentatives de délimitation de l'invention par rapport à l'art antérieur et, à ce titre, ne pouvaient pas être interprétés comme un renonciation définitive à une protection plus étendue. Etant donné que l'intimée elle-même a fait valoir que ces limites de concentration ne pouvaient pas contribuer au caractère inventif du procédé revendiqué et que leur présence était en partie contraire aux dispositions de l'article 123(2) CBE, la Chambre ne peut pas voir dans la procédure suivie par la requérante un usage abusif de son droit de retirer ou modifier ses requêtes à tout moment pendant la procédure d'opposition et de recours (voir aussi décision T 123/85, JO OEB 1989, 336).
2.3. La Chambre estime que la définition de la concentration du floculant cationique en fonction de la durée nécessaire pour réaliser la floculation est justifiée du point de vue technique. Comme le signale le fascicule de brevet, page 3, lignes 51 à 59, la quantité exacte de floculant dépend de divers facteurs, notamment de la configuration des circuits de tête de la machine à papier utilisée. Il n'est donc pas possible d'indiquer exactement la concentration nécessaire pour obtenir la floculation contrôlée recherchée.
Aux yeux de la Chambre, la définition fonctionnelle retenue par la requérante constitue un enseignement technique suffisamment claire permettant à l'homme du métier, au besoin par des essais de routine ne s'étendant pas au-delà du cadre de ses activités normales, de déterminer la durée de floculation (voir aussi T 68/85, JO OEB 1987, 228). Aucune objection au titre de l'article 84 CBE ne saurait donc être soulevée à l'encontre de cette modification de la revendication introduite en réponse à l'acte d'opposition.
2.4. Pendant la procédure orale, l'intimée a mis en cause la nouveauté du procédé selon la revendication 1 par rapport au procédé décrit dans l'exemple 11 au document (2). Dans cet exemple, on a mélangé une charge minérale, une partie des fibres (10 %) et un liant organique, puis ce mélange a été floculé avec une solution aqueuse d'une polyéthylèneimine ; le mélange floculé a ensuite été ajouté aux autres 90 % de fibres. A la différence de cet enseignement, le mélange charge minérale - liant organique floculé selon le brevet en litige ne contient pas de fibres. Il est vrai que le libellé de la revendication 1 n'exclut pas expressément la présence de fibres dans ce mélange. La Chambre estime, cependant, qu'on ne peut pas interpréter cette revendication d'une manière contraire à l'enseignement explicite de la description, qui mentionne d'abord qu'il était connu de floculer un mélange charge minérale - liant organique en présence de fibres (page 1, lignes 11 à 17), puis indique clairement que, par contre, l'objet de l'invention a trait à un procédé dans lequel ledit mélange est déstabilisé avant d'être introduit dans la suspension fibreuse (lignes 30 à 33). L'interprétation de la revendication à la lumière de la description conduit donc à exclure la floculation en présence de fibres ; de ce fait, l'objet de cette revendication est donc nouveau par rapport au procédé connu. Les autres documents cités ne décrivent pas non plus un procédé ayant toutes les caractéristiques énoncées dans la revendication 1. Ce fait n'étant pas mis en cause par l'intimée, il n'y a pas lieu d'approfondir cette question.
2.5. Il reste donc à examiner si le procédé selon le brevet en litige implique une activité inventive.
2.5.1. A cette fin, il convient d'abord de déterminer l'état de la technique le plus proche. La Chambre constate que l'objectif premier du procédé selon le brevet attaqué concerne l'amélioration de la rétention d'une charge minérale dans un matériau en feuille (voir page 1, lignes3 et 4). Etant donné que l'enseignement des documents (1) et (3) porte moins sur cette amélioration que sur la protection de ladite charge minérale, en particulier le carbonate de calcium, contre l'attaque acide de la suspension fibreuse contenant de l'alun papetier, la hambre considère le document (2) comme l'état de la technique le plus proche. Ce document représente, en effet, un procédé semblable à celui décrit dans le fascicule de brevet, page 2, lignes 11 à 17.
2.5.2. Selon le fascicule de brevet (page 2, lignes 3, 4 et 34 à 39), la rétention de la charge minérale dans les feuilles ainsi que certaines caractéristiques physiques, notamment la résistance à l'éclatement des produits obtenus selon ces procédés de type "classique", n'étaient pas entièrement satisfaisantes. Le problème technique à résoudre peut donc être vu dans la mise à disposition d'un procédé de préparation d'un matériau en feuille contenant une plus grande quantité de charge minérale, sans que soient affectées les principales caractéristiques physiques de la feuille.
2.5.3. Pour résoudre ce problème technique, le brevet en litige propose essentiellement de préparer la pâte à papier selon une séquence d'étapes spécifiques et d'utiliser une quantité définie de floculants cationiques particuliers comme spécifié dans la revendication 1. Au vu des résultats d'essais comparatifs dans le fascicule de brevet (comparer à cet égard les exemples 1, 2, 5 et 6 (témoins) avec les exemples 3, 4, 7 et 8 (selon l'invention) ainsi que les tableaux 1 et 2), ce problème est résolu de façon crédible. En effet, même si lesdits essais comparatifs ne permettent pas une comparaison directe avec l'exemple 11 du document (2), ils montrent clairement que l'utilisation de deux floculants cationiques différents, en l'occurrence le polychlorure d'aluminium et la polyéthylèneimine, pour floculer un mélange charge minérale (talc ou carbonate de calcium) -liant organique (amidon natif cuit) avant l'incorporation de ce mélange dans la suspension fibreuse, permet une rétention améliorée de la charge minérale et, en même temps, la conservation, voire une amélioration des caractéristiques physiques, notamment de l'indice d'éclatement moyen et de la résistance à la déchirure.
Les caractéristiques techniques nécessaires pour résoudre le problème posé ont pour but d'assurer non seulement un contrôle optimal de la floculation du mélange charge minérale - liant organique, mais surtout une bonne régularité de la granulométrie des flocs, laquelle est directement responsable de la bonne rétention de la charge minérale et des caractéristiques physiques favorables du matériau en feuille obtenu (voir fascicule du brevet, page 1, lignes 34 à 39). Comme cela ressort du document (2) ainsi que des exemples témoins dans le fascicule de brevet, la floculation en présence de fibres ne permet précisément pas de contrôler la granulométrie des flocs.
Durant la procédure orale, la requérante a confirmé les inconvénients de la floculation réalisée en présence de fibres tant en ce qui concerne la dimension des flocs que leur granulométrie. De plus, elle a fait valoir que les avantages découlant de la mise en oeuvre du procédé présentement revendiqué, c'est-à-dire l'obtention de flocs réguliers de faible diamètre, vont dans le sens de l'enseignement du document (2) (colonne 7, lignes 34 à 48), o" il est souligné qu'une agitation forte du mélange fibres-charge minérale floculé avant et durant l'addition à la pâte fibreuse doit être évitée.
Pour la Chambre, il est donc raisonnable d'admettre que cette différence fondamentale dans la granulométrie des flocs est étroitement liée à l'amélioration des caractéristiques physiques du produit obtenu par le procédé revendiqué par rapport à l'un quelconque des procédés du type "classique", dans lesquels la floculation se fait en présence de fibres.
Au cours de la procédure orale l'intimée a reconnu que le pourcentage de rétention mentionné dans le document (2), à savoir plus de 85 % (voir col. 1, ligne 44), n'était ni réaliste pour un procédé industriel, ni en fait comparable avec celui obtenu selon le brevet attaqué (voir tableaux 1 et 2). Il apparaît, en effet, que les méthodes de mesure utilisées dans le document (2) et dans le brevet en litige n'étaient pas strictement identiques et que, par conséquent, aucune comparaison directe des valeurs de rétention ne pouvait être faite. Les chiffres mentionnés dans le document (2) n'ont donc aucune valeur de référence pour apprécier les résultats obtenus dans le brevet attaqué.
2.5.4. Les essais soumis par l'intimée durant la procédure d'opposition (voir la lettre reçue le 15 mai 1987) ne peuvent pas non plus mettre en cause la crédibilité des avantages résultant de la mise en oeuvre du procédé revendiqué par rapport aux procédés de type dit "classique".
En effet, ces résultats expérimentaux ne visent qu'à montrer que l'ordre d'addition de l'amidon anionique et de l'amidon cationique dans le procédé selon le document (1) n'a pas d'influence sur la rétention de la charge minérale et les principales caractéristiques physiques de la feuille obtenue. De plus, ces résultats portent sur l'utilisation de l'amidon cationique comme floculant, dont l'utilisation est précisément exclue du procédé revendiqué. Même si l'on admet que ces essais, dont la valeur a d'ailleurs été mise en doute par la requérante, apportent la preuve que l'utilisation de l'amidon cationique comme floculant dans le procédé selon la revendication 1 du brevet tel que délivré ne conduit pas à l'amélioration recherchée, ceci ne démontre pas l'inexactitude des résultats figurant dans les tableaux 1 et 2 du fascicule de brevet ; en effet, ceux-ci mettent clairement en lumière les avantages découlant de la mise en oeuvre de floculants tels que figurant dans la présente revendication 1.
2.5.5. Dans l'état de la technique le plus proche, à savoir le document (2), l'homme du métier ne trouve aucun élément susceptible de le conduire à la solution du problème à résoudre. Ce document enseigne de façon générale l'utilisation de certaines combinaisons de composés dits "assistants de rétention", parmi lesquels se trouvent les protéines et les alginates (voir col.2, lignes 35 à 40) utilisés dans le procédé revendiqué comme liants organiques (voir page 3, lignes 34 à 39) et la polyéthylèneimine utilisée dans le brevet en litige comme floculant cationique.
Comme déjà mentionné dans le paragraphe 2.4 ci-dessus, l'enseignement du document (2) ne comprend pas la préparation de flocs de la charge minérale enrobée de liant organique en l'absence de fibres. Le passage à la colonne 7, lignes 34 à 37, signalant qu'un papier de haute teneur en charge minérale peut être préparé par tout procédé connu n'impliquant pas la destruction des flocs obtenus par l'action synergique des deux "assistants de rétention", ne doit pas être isolé de son contexte, comme l'a fait l'intimée ; en effet, la phrase suivante précise qu'on peut utiliser tout procédé n'impliquant pas un fort traitement mécanique du mélange fibres-charge minérale floculé. Or, selon ce document, la présence de fibres dans ce mélange est précisément nécessaire pour obtenir une bonne rétention de la charge minérale. On ne peut donc conclure que ce document divulgue qu'en l'absence de fibres la rétention et, en même temps, les caractéristiques physiques du papier peuvent être améliorées.
2.5.6. Le document (1) enseigne, certes, la possibilité de préparer des flocs d'une charge minérale enrobée de liant organique en l'absence de fibres. Ces flocs sont utilisés pour la production de papier caractérisé par une rétention de la charge minérale améliorée (voir page 1, lignes 25 à 29). Cependant, l'objectif principal de ce procédé est la protection d'un matériau particulier, à savoir le carbonate de calcium, contre l'attaque par l'acide présent dans la suspension fibreuse (voir page 1, lignes 25 à 29, page 2, lignes 41 à 48 et exemples 1 et 3). A cette fin, on utilise deux différents types d'amidon, un amidon anionique et un amidon cationique, qui sont ajoutés à une dispersion aqueuse de la charge minérale dans un ordre quelconque ou simultanément (voir page 2, lignes 14 à 18). En dehors d'une bonne rétention et d'une rigidité élevée du papier signalées dans l'exemple 2, ce document ne divulgue aucun résultat chiffré. La Chambre admet cependant avec la requérante (mémoire de recours, page 3 et annexe 1) que la cationicité de l'amidon cationique n'est pas suffisante pour obtenir un matériau en feuille ayant des caractéristiques physiques comparables à celles des feuilles obtenues selon le procédé présentement revendiqué (voir les exemples dans le fascicule de brevet). Or, l'enseignement du document (1) ne pouvait pas inviter l'homme du métier à omettre les fibres dans l'étape de floculation du procédé selon le document (2). Les résultats des essais soumis durant la procédure d'opposition par la requérante et par l'intimée relatifs aux propriétés physiques et à la rétention susceptibles d'être obtenues en utilisant l'amidon cationique comme floculant dans le procédé faisant l'objet de la revendication 1 telle que délivrée, n'infirment pas cette constatation, car, comme il a été établi durant la procédure orale (voir aussi le paragraphe 2.3 ci-dessus), seule une comparaison directe faite dans le même laboratoire par le même opérateur en utilisant les mêmes matériaux aurait permis une évaluation correcte.
2.5.7. En outre, même si on admet que le procédé selon le document (1) pourrait permettre d'obtenir un papier ayant toutes les caractéristiques souhaitées, cela ne rend pas évident le procédé selon le brevet en litige, car l'utilisation d'amidon cationique comme floculant n'est plus comprise dans le procédé présentement revendiqué ; de plus, le document (1) ne suggère ni le remplacement de l'amidon cationique par d'autres floculants, ni l'importance d'une floculation rapide, encore moins la combinaison de ces caractéristiques avec une séquence d'étapes effectuées dans un ordre déterminé. Même dans cette hypothèse, le procédé selon le brevet attaqué représenterait tout au moins une alternative en vue de résoudre le même problème technique ne découlant pas de manière évidente de l'enseignement du document (1).
2.5.8. L'examen du document (3) conduit à une conclusion analogue. En effet, celui-ci enseigne d'enrober une charge minérale, notamment le carbonate de calcium, avec un matériau gélifiable qui peut être un amidon, une protéine ou un alginate, en utilisant un agent de gélification qui peut être un sel d'un métal polyvalent, notamment d'alun papetier, ou un polymère incompatible produisant une précipitation (voir page 2, lignes 10 à 30 et 67 à 80). Les matériaux dits "gélifiables" selon ce document sont donc ceux qui sont utilisés comme "liants organiques" dans le brevet en litige. En toute rigueur, le mot "gélification" a une signification scientifique différente ou mot "floculation" utilisé dans le brevet en litige, (voir annexe 2 et document (8), page 237). Il est cependant évident aux yeux de la Chambre que le mot "gélification" n'est pas utilisé dans le document (3) dans son sens scientifique, car les agents de "gélification" qui y sont mentionnés sont bien connus comme floculants ; ils provoquent, en effet, une précipitation du matériau gélifiable (page 2, ligne 73), de préférence sous forme de "fibres" contenant la charge minérale (voir page 2, lignes 51 à 63), c'est-à-dire de particules séparées, tout comme les flocs produits selon le brevet attaqué.
Le procédé du document (3) conduit dans des conditions optimales qui dépendent du rapport charge minérale - matériau gélifiable, de la quantité d'eau présente dans la suspension fibreuse et de l'intensité de l'agitation (voir page 3, lignes 64 à 72), à une agglomération de la charge minérale présentant un caractère essentiellement "fibreux", ce qui confère au papier de bonnes propriétés de rétention et de rigidité. Il convient cependant d'observer que le document n'enseigne pas que ces "conditions optimales" impliquent la "précipitation" de la charge minérale en l'absence de fibres, même si cette dernière caractéristique est d'importance mineure (voir page 3, lignes 15 à 26). De plus, la requérante a montré par les essais comparatifs accompagnant le mémoire exposant les motifs du recours (voir annexes 3 et 4) que les "agents de gélification" préférés selon ce document, notamment l'alun papetier, ne sont pas des floculants utiles pour le procédé selon le brevet attaqué.
Ce document, comme les documents (1) et (2) ne contient donc aucun enseignement qui aurait permis à l'homme du métier de choisir, avec un espoir raisonnable de succès, la combinaison des caractéristiques de procédé qui sont nécessaires, selon le brevet attaqué, pour obtenir l'amélioration recherchée.
2.5.9. Le document (6), enfin, qui peut être considéré comme un sommaire des connaissances générales de l'homme du métier sur les composés chimiques utilisables comme floculants, en particulier dans le domaine de la papeterie, met en évidence que tous les composés mis en oeuvre dans le procédé selon le brevet en litige sont en réalité des floculants bien connus. Ce fait, qui n'est pas contesté par la requérante, est cependant, aux yeux de la Chambre, d'une importance mineure, dans la mesure o" ce document ne contient pas la moindre information pouvant guider l'homme du métier dans le choix des autres caractéristiques du procédé en vue d'améliorer la rétention de la charge minérale et, par là-même, d'obtenir des caractéristiques physiques satisfaisantes du matériau en feuille.
2.5.10. Finalement, la Chambre ne peut davantage accepter l'argument invoqué par l'intimée, selon lequel le développement d'un procédé de préparation d'un matériau en feuille contenant une quantité élevée de charge minérale et possédant des caractéristiques physiques satisfaisantes, faisait généralement partie des activités normales de l'homme du métier et, dans la mesure o" la mise au point de ce procédé ne faisait appel qu'à des mesures individuellement bien connues, comme cela ressort de l'enseignement des documents (1) à (3) et (6), celle- ci n'était au fond que le résultat normal d'investigations et d'essais de routine.
L'homme du métier, au contraire, a conscience que dans la fabrication de papier, l'influence exacte des diverses mesures de ce procédé électrochimique est difficile à prévoir et qu'en pratique l'amélioration d'une propriété particulière requiert un très grand nombre d'expériences pouvant impliquer des variations de plusieurs paramètres. Le fait que les mesures énoncées dans le procédé revendiqué pour préparer un matériau présentant des caractéristiques supérieures à celles des matériaux susceptibles d'être préparés par les procédés connus, fassent ou non chacune partie de l'état de la technique, a donc peu d'importance pour l'appréciation de l'activité inventive. La question est bien plus de savoir si l'homme du métier, confronté avec le problème technique tel que défini ci-dessus, aurait effectivement envisagé l'ensemble des mesures selon le libellé de la revendication 1 avec un espoir raisonnable de succès. L'examen des divers documents considérés ci-dessus, aussi bien isolément qu'en combinaison, ne permet pas à la Chambre de répondre affirmativement à cette question.
2.6. Pour les diverses raisons ci-dessus, le procédé faisant l'objet de la revendication 1 de la requête principale implique donc une activité inventive. Les revendications 2 à 11, qui ne concernent que des modes de réalisation particuliers de ce procédé, bénéficient à ce titre de la brevetabilité de la revendication principale et sont donc également acceptables.
3. Le procédé selon la requête principale étant brevetable, il n'y a pas lieu de prendre en considération le jeu de revendications selon la requête subsidiaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance avec mission de maintenir le brevet sur la base de la requête principale telle qu'elle a été soumise pendant la procédure orale, avec une description encore à adapter.