European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1989:T033187.19890706 | ||||||||
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Date de la décision : | 06 Juillet 1989 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0331/87 | ||||||||
Numéro de la demande : | 79103198.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | B21D 28/24 B23K 26/00 |
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Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Houdaille | ||||||||
Nom de l'opposant : | Voest-Alpine | ||||||||
Chambre : | 3.2.02 | ||||||||
Sommaire : | La substitution ou la suppression d'une caractéristique dans une revendication ne contrevient pas aux dispositions de l'article 123(2) CBE s'il apparaît directement et sans ambiguïté à l'homme du métier (1) que cette caractéristique n'est pas présentée comme essentielle dans la divulgation de l'invention, (2) qu'elle n'est pas indispensable en tant que telle à la réalisation de l'invention eu égard au problème technique que celle-ci se propose de résoudre et (3) que sa suppression ou sa substitution n'impose pas de vraiment modifier en conséquence d'autres caractéristiques (cf. point 6 des motifs ; suivant la décision T 260/85 "Connecteur coaxial/AMP", JO OEB 1989, 105). | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Modification apportée au cours de la procédure de délivrance Autorisation de supprimer une caractéristique non essentielle (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 0 008 773, comportant dix revendications, a été délivré à la requérante le 20 octobre 1982 à la suite de la demande n° 79 103 198.2 déposée le 29 août 1979.
II. La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit :
"Presse à estamper (10) en tant que machine-outil, comportant un bâti (12), des porte-outils (13) supérieurs et inférieurs, supportés par le bâti (12) et logeant des estampes et des matrices, respectivement, des stations de coulisseau, supportées par le bâti et animées de mouvements de montée et de descente en direction verticale, et adaptées à être actionnées dans une station de travail (23), une table de travail (11), s'étendant de la zone du porte-outils inférieur vers l'extérieur au moins jusqu'à ses côtés latéraux et à sa face frontale, et comportant au moins une partie (11a) stationnaire au droit du porte- outils (13) inférieur, cette partie (11a) stationnaire étant alignée sur la station de travail (23) et espacée de celle-ci sur un côté latéral, une commande automatique centrale (18) asservissant les porte-outils (13) et le coulisseau ainsi qu'un mécanisme (14) de déplacement de la pièce qui agit afin de déplacer une pièce (W.P.) au moins relativement à la partie (11a) stationnaire de la table de travail (11) et à la station de travail (23), et un autre dispositif permettant de tailler dans des zones étendues de la pièce, caractérisée en ce que cet autre dispositif est constitué par une tête (17) de coupe à laser qui est déplaçable verticalement et est supportée dans une relation horizontale fixe avec le bâti (12), la station de travail (23) et la partie (11a) stationnaire de la table de travail (11), et est munie, à sa partie inférieure, d'une pointe (52) creuse et d'un dispositif optique (54) de focalisation de rayons, ce dispositif étant déplaçable, en direction verticale, avec la tête de coupe (17) ; en outre, par un générateur (15) de rayons laser, arrangé dans un endroit éloigné du reste de la presse à estamper (10), et isolé de celle-ci quant aux vibrations, de telle façon que, essentiellement, aucune vibration provenant de la presse à estamper ne soit transmise au générateur (15) de rayons; un guide (16) optique de rayons, faisant la liaison entre la tête de coupe (17) et le générateur (15) de rayons laser ; et par un ensemble de commande (18a, 18b) servant à commander alternativement une opération d'estampage et une opération à laser à partir de la commande automatique centrale (18)" Ndt : traduction produite par la requérante. (impression en caractère gras voulue par la Chambre pour mettre en relief le membre de phrase).
III. L'intimée a fait opposition à ce brevet et demandé sa révocation en invoquant les motifs visés à l'article 100 c) CBE.
IV. Après avoir examiné les motifs de l'opposition, la division d'opposition a informé les parties, au terme de la procédure orale du 23 septembre 1986, que le brevet ne pouvait être maintenu que sur la base de la revendication 1 selon la requête subsidiaire déposée par la requérante par lettre du 18 juillet 1985. La notification correspondante établie conformément à la règle 58(4) CBE a été envoyée le 14 novembre 1986.
La requérante n'a pas approuvé le texte dans lequel la division d'opposition envisageait de maintenir le brevet, et cette dernière a décidé de révoquer le brevet au motif que la revendication 1 selon la requête principale (également déposée par lettre du 18 juillet 1985) ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 100 c) CBE. Les motifs de la décision ont été envoyés le 25 juin 1987.
V. Le 24 août 1987, la requérante a introduit un recours contre cette décision et acquitté en même temps la taxe correspondante. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, déposé le 15 octobre 1987, elle demande le maintien du brevet sur la base de la revendication 1 selon la "requête principale" ou selon la "requête subsidiaire", toutes deux déposées par lettre du 18 juillet 1985 pendant la procédure d'opposition.
La requérante fait valoir que la modification de la revendication pendant la procédure de délivrance, modification dont résulte l'extension de l'objet revendiqué, se fonde sur la demande telle que déposée initialement, en ce sens que cette revendication étendue ne comporte rien qui lui soit contraire. Selon elle, il est donc possible d'étendre la revendication 1 après le dépôt de la demande ou après réception du rapport de recherche en renonçant à une restriction qui, de toute évidence, ne s'impose pas pour que l'invention soit réalisable et brevetable. Il ne saurait en outre être déduit de la Convention sur le brevet européen qu'il est interdit de modifier une revendication principale en renonçant à une caractéristique superflue.
VI. Dans sa lettre du 29 mars 1988, l'intimée a réfuté les arguments de la requérante, estimant que la demande telle que déposée indiquait simplement que la tête de coupe à laser était "supportée par le bâti principal". Elle a affirmé que les pièces initialement déposées de la demande ne laissaient nullement entendre que la tête de coupe à laser pouvait être montée ailleurs que sur le bâti principal.
VII. Une procédure orale s'est tenue le 6 juillet 1989.
i) Personne n'ayant comparu pour représenter l'intimée, pourtant régulièrement citée conformément à la règle 71(1) CBE, la procédure a été poursuivie en son absence (règle 71(2) CBE).
ii) L'allemand a été utilisé pendant la procédure, comme la possibilité en est donnée par la règle 2(4) CBE.
iii) L'argumentation de la requérante s'est ramenée à indiquer que la caractéristique selon laquelle la tête de coupe à laser était "supportée par le bâti principal" ne contribuait pas à résoudre le problème considéré, le seul élément important étant la position de la tête de coupe à laser par rapport à l'emplacement prévu pour son fonctionnement. En lisant la demande telle que déposée, l'homme du métier comprendrait que le mode de réalisation décrit dans la demande n'est qu'un exemple de mise en oeuvre de l'invention. Il est un fait certain que la seule exigence essentielle concernant le bâti est qu'il soit placé de telle sorte que la tête de coupe se trouve dans une relation horizontale fixe par rapport à celui-ci. Il serait en outre évident pour l'homme du métier que les outils d'estampage et de coupe n'ont pas à faire nécessairement partie intégrante d'une seule et même machine, mais que cela est primordial pour contrôler leur fonctionnement à partir d'une commande automatique centrale, afin de limiter les manipulations de la pièce à usiner entre les diverses opérations effectuées par les outils. Pour plus de clarté, la requérante a abandonné ses précédentes requêtes qui se fondaient sur des revendications modifiées et est revenue à la revendication 1 du brevet tel que délivré.
iv) La requérante a donc demandé que la décision attaquée soit annulée et que l'opposition soit rejetée.
v) Par lettre du 29 mars 1988, l'intimée a demandé le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. La revendication 1 du brevet tel que délivré diffère principalement de la revendication 1 telle qu'initialement déposée en ce qu'elle ne comporte pas la caractéristique "...tête de coupe à laser supportée par le bâti principal", laquelle est remplacée par "tête (17) de coupe à laser ... supportée dans une relation horizontale fixe avec le bâti (12)".
C'est cette suppression de la caractéristique concernant la fixation de la tête de coupe sur le bâti qui, dans la décision attaquée, était considérée comme contraire à l'article 123(2) CBE, au motif qu'elle étendait l'objet de la demande de brevet européen au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
3. Pour déterminer si une revendication modifiée s'étend ou non au-delà de l'objet de la demande telle qu'elle a été déposée, il faut examiner si la modification globale du contenu de la demande (que ce soit par ajout, modification ou suppression) est telle que les informations présentées à l'homme du métier ne dérivent pas directement et sans ambiguïté de celles que la demande contenait précédemment, même en tenant compte d'éléments implicites pour l'homme du métier d'après ce qui a été expressément mentionné dans la demande (Directives, Partie C, chapitre VI, point 5.4). En d'autres termes, il faut examiner si la revendication modifiée se fonde sur la description telle que déposée.
4. Dans la décision T 260/85 ("Connecteur coaxial/AMP", JO OEB 1989, 105), la chambre de recours 3.5.1 a conclu qu'il n'était "pas admissible de supprimer dans une revendication une caractéristique qui est systématiquement présentée, dans la demande telle qu'elle a été déposée, comme une caractéristique essentielle de l'invention, car cela contreviendrait aux dispositions de l'article 123(2) CBE " (cf. point 12 et sommaire). Dans cette affaire, la demande telle que déposée initialement n'indiquait ni expressément, ni implicitement qu'une caractéristique donnée ("entrefer") pouvait être supprimée, et insistait même à plusieurs reprises sur les raisons justifiant sa présence. Il n'était pas possible de déduire de la demande que la caractéristique en question pouvait être supprimée (point 8). Il apparaissait qu'une série de remarques et d'explications figurant dans la description soulignait la nécessité de cette caractéristique et que sa suppression aurait nécessité de modifier l'objet divulgué et certaines autres caractéristiques.
5. Il n'en est pas moins vrai que dans d'autres circonstances, peut-être d'une complexité technique moindre, la suppression d'une caractéristique et, de ce fait, l'extension de la portée de la revendication sont le cas échéant admissibles, à condition que l'homme du métier comprenne que la solution au problème peut être obtenue sans cette caractéristique (exemple : T 151/84 - 3.4.1 du 28 août 1987, non publiée). Pour examiner alors la question fondamentale de savoir si une caractéristique est essentielle, il faut se demander dans quelle mesure sa suppression ou sa substitution est réalisable et se fonder sur la divulgation de l'invention par le demandeur.
6. La Chambre estime que la substitution ou la suppression d'une caractéristique dans une revendication ne contrevient pas aux dispositions de l'article 123(2) CBE s'il apparaît directement et sans ambiguïté à l'homme du métier (1) que cette caractéristique n'est pas présentée comme essentielle dans la divulgation de l'invention, (2) qu'elle n'est pas indispensable en tant que telle à la réalisation de l'invention eu égard au problème technique que celle-ci se propose de résoudre et (3) que sa suppression ou sa substitution n'impose pas de vraiment modifier en conséquence d'autres caractéristiques (suivant la décision T 260/85, JO OEB 1989, 105). La caractéristique en question peut ne pas être essentielle même si, comme élément accessoire, elle est systématiquement présentée en même temps que d'autres caractéristiques de l'invention. Toute substitution par une autre caractéristique impose assurément que l'on examine si des éléments nouveaux sont ajoutés, conformément à la pratique suivie (cf. Directives, Partie C, chapitre VI, point 5.4).
7. Il faut donc se poser la question de savoir si, en lisant la demande telle que déposée, l'homme du métier considérerait qu'être "supportée par le bâti principal", s'agissant de la tête de coupe, constitue ou non une caractéristique essentielle dans le fonctionnement de la machine décrite dans la demande.
7.1. On sait par le document US-A-4 063 059, qui représente l'état de la technique le plus proche de l'objet de la revendication 1, équiper une presse à estamper automatique d'un chalumeau à arc-plasma capable de découper des trous de grande dimension et/ou de forme irrégulière dans une pièce à usiner. Ces chalumeaux ont comme inconvénient de provoquer des échancrures relativement grandes, des aspérités sur les bords et des zones de distorsion dues à la chaleur le long de la ligne de coupe (cf. demande telle que déposée, page 2, lignes 4 à 10).
7.2. D'une manière générale, on sait également utiliser des machines de coupage à rayons laser pour découper des trous de large dimension dans des pièces à usiner sans avoir les inconvénients susmentionnés. En outre, ces machines peuvent être employées pour marquer en surface les pièces dans une position bien déterminée. Toutefois, comme les générateurs de rayons laser sont extrêmement sensibles aux chocs et aux vibrations, ces machines de coupage ne sont pas encore utilisées conjointement avec une presse à estamper, laquelle est soumise à des vibrations et des trépidations pendant l'estampage (cf. demande telle que déposée, de la page 2, ligne 11 à la page 3, ligne 1).
7.3. Selon la demande telle qu'elle a été déposée (page 3, lignes 2 à 8), "proposer une seule et même machine-outil capable d'effectuer à grande vitesse et avec une grande précision à la fois l'estampage, le coupage et le marquage en surface, toutes ces fonctions pouvant être contrôlées depuis une commande automatique centrale, et le mouvement de la pièce à usiner étant assuré par un seul et même mécanisme de manière à ce qu'il ne soit pas nécessaire de la manipuler entre les différentes opérations, constituerait un progrès technologique important."
Pendant la procédure orale, la requérante a expliqué en quoi il s'agissait d'une "seule et même" machine-outil : celle-ci représente une unité comportant des dispositifs indépendants contrôlés depuis une même commande centrale.
Cette interprétation correspond à l'objet de l'invention défini dans la demande telle que déposée (page 3, lignes 11 à 15) : "proposer une machine à estamper automatique à tourelle, combinée à un outil de coupe automatique à laser, les deux partageant la même commande et le même système de déplacement de la pièce à usiner".
7.4. Compte tenu de ce problème à résoudre, ainsi que des avantages et des inconvénients d'une machine de coupage à rayon laser (cf. point 7.2 ci-dessus), il est évident pour l'homme du métier que la solution passe nécessairement par la réalisation des conditions ci-après :
- le générateur de rayons laser doit être indépendant de la presse à estamper,
- la tête de coupe à laser doit être placée suivant une relation horizontale fixe par rapport aux outils d'estampage et
- des moyens de contrôle doivent exister pour commander alternativement les opérations d'estampage et les opérations de coupage au laser.
Ce n'est qu'à ces conditions que le générateur de rayons laser ne sera pas affecté par les trépidations de la presse à estamper et que la tête de coupe à laser pourra partager avec elle la même commande centrale automatique et le même dispositif de déplacement de la pièce à usiner.
7.5. Il découle de ce qui précède, même si cela n'est pas expressément mentionné dans la demande telle qu'elle a été déposée, que le mode de réalisation de l'invention tel que décrit dans la demande initiale, c'est-à-dire avec la tête de coupe montée sur le bâti principal ou supportée par celui-ci, ne représente qu'une mise en oeuvre avantageuse de l'invention. Rien n'indique dans l'exposé de l'invention que cette solution particulière est absolument nécessaire, et aucun mode de réalisation spécifique ne s'impose pour la réalisation de l'invention. Retirer cette caractéristique de la revendication 1 ne nécessite pas de modifier les autres caractéristiques de l'invention. Au lieu de la caractéristique qui a été supprimée, il est seulement dit que la tête de coupe doit être placée horizontalement par rapport au bâti. Donc, le fait de supprimer la caractéristique - "supportée par le bâti principal" - et de la remplacer par une caractéristique essentielle à la solution du problème susmentionné ne contrevient pas aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
8. Etant donné que la nouveauté et l'activité inventive n'ont jamais été contestées par l'intimée, il n'y a pas lieu de considérer ces questions plus avant.
9. Par conséquent, les motifs d'opposition visés à l'article 100 CBE ne s'opposent pas au maintien du brevet sous sa forme non modifiée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'opposition est rejetée.