T 0830/16 () of 15.1.2018

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2018:T083016.20180115
Date de la décision : 15 Janvier 2018
Numéro de l'affaire : T 0830/16
Numéro de la demande : 11189032.3
Classe de la CIB : B29C 49/42
B29C 49/78
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Dispositif de transport d'un corps creux, installation pourvue de tels dispositifs et procédé de convoyage d'un corps creux solidarisé à un tel dispositif.
Nom du demandeur : Sidel Participations
Nom de l'opposant : KHS Corpoplast GmbH
Chambre : 3.2.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 76(1)
Mot-clé : Recevabilité des requêtes de la titulaire (oui)
Demande divisionnaire - extension de l'objet de la demande parente (oui : requête principale et requêtes auxiliaires 1 et 2 ; non : requête auxiliaire 3)
Renvoi à la première instance (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0331/87
T 1852/13
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La titulaire a formé un recours contre la révocation du brevet européen n° 2 422 954 par la division d'opposition.

La division avait estimé que la requête principale et les requêtes auxiliaires 1 et 2 contrevenaient à la règle 80 CBE et que la requête principale et les requêtes auxiliaires modifiées ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 76 CBE.

II. La procédure orale devant la chambre a eu lieu le 15 janvier 2018.

III. La requérante (titulaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sous une forme modifiée du brevet selon la requête principale ou l'une des requêtes auxiliaires 1 à 3 déposées par lettre en date du 29 novembre 2017.

L'intimée (opposante) a demandé le rejet du recours.

IV. Les revendications indépendantes de la requête principale sont rédigées de la manière suivante :

"1. Procédé de convoyage d'un corps (2) creux solidarisé à un dispositif (1) de transport associé à une chaîne sans fin dans une installation présentant un châssis, comprenant une étape d'injection d'un fluide aseptique à travers au moins un alésage (9) prévu traversant ledit dispositif (1) de transport et débouchant dans le volume (10) intérieur du corps (2) creux solidarisé audit dispositif (1) de transport, caractérisé en ce que ledit fluide aseptique est injecté par une buse (15) de soufflage fixe, solidaire du châssis de l'installation et dirigée vers un point de passage d'une ouverture (13) amont de l'alésage (9) lors de la circulation du dispositif (1) de transport."

"3. Installation de convoyage de corps creux comprenant :

- un châssis et

- une pluralité de dispositifs (1) de transport d'un corps (2) creux du type préforme en matière thermoplastique, les dispositifs (1) de transport comprenant :

un organe (6) de préhension avec une tête (7) de préhension propre à être solidarisée avec ledit corps (2) creux, ledit organe (6) de préhension présentant au moins un alésage (9) débouchant à travers ladite tête (7) de préhension dans le volume (10) fermé qui est formé par le corps (3) creux solidarisé à ladite tête (7) et des moyens d'injection d'un fluide aseptique à l'intérieur du corps (2) creux au travers de l'alésage (9),

lesdits dispositifs (1) de transport circulant alignés les uns à la suite des autres sur une chaîne sans fin,

caractérisée en ce que ladite installation comporte une buse (15) d'injection par soufflage d'un fluide aseptique, laquelle buse est fixe et solidaire du châssis de l'installation et dirigée vers un point de passage d'une ouverture (13) amont de l'alésage (9) lors de la circulation des dispositifs (1) de transport."

La revendication 1 de la requête auxiliaire 1 est identique à la revendication 1 de la requête principale.

La revendication 3 se distingue de la revendication 3 de la requête principale par la suppression de l'expression "les dispositifs (1) de transport" et par l'ajout à la fin de la revendication des caractéristiques supplémentaires "en ce que ledit organe de préhension comprend un mandrin (11) présentant ladite tête (7) de préhension ainsi qu'une tige (12) de préhension sur laquelle est fixé ledit mandrin (11) et en ce que l'alésage (9) est formé dans la tige (12) de préhension et dans le mandrin (11)".

La revendication 1 de la requête auxiliaire 2 est identique à la revendication 1 de la requête principale.

La revendication 3 se distingue de la revendication 3 de la requête auxiliaire 1 par l'ajout à la fin de la revendication de la caractéristique supplémentaire "et en ce que l'alésage (9) est prévu sensiblement rectiligne à l'intérieur dudit organe (6) de préhension".

La requête auxiliaire 3 ne comporte pas de revendication de procédé. Sa revendication 1 est identique à la revendication 3 de la requête auxiliaire 2.

V. La requérante (titulaire) a développé les arguments suivants :

a) Recevabilité des requêtes

La communication préalable de la chambre contenait une objection au titre de la règle 80 CBE à l'encontre des revendications dépendantes nouvelles. Le dépôt des nouveaux jeux de revendications visait à répondre à cette objection.

Dans le compte-rendu de la procédure orale et dans la décision, la règle 80 CBE n'est invoquée qu'à l'encontre des requêtes initiales ; il n'y a pas eu d'objection à ce titre à l'encontre des requêtes modifiées déposées pendant la procédure orale. Ces requêtes ont été rejetées uniquement au titre de l'article 76 CBE.

Les revendications dépendantes ajoutées, qui concernent l'installation, étaient déjà dans le brevet mais appartenaient à une autre catégorie de revendications (de dispositif). Il ne ressort pas des Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB (partie H-V 3.1) et de la jurisprudence que cette modification n'est pas admissible, car il ne s'agit pas d'un ajout de revendications dépendantes basées sur la description. L'objection de la chambre n'était donc pas prévisible.

b) Extension indue (article 76 CBE)

i) Requête principale

La division d'opposition a artificiellement sectionné le texte en plusieurs parties et a ignoré que la divulgation forme un tout. Il est clair pour l'homme du métier que les moyens pour mettre en ½uvre le procédé pour éjecter des corps creux sont les mêmes que ceux permettant d'aseptiser des corps creux, la différence se situant dans la nature du fluide (fluide sous pression et fluide aseptique). L'installation est également la même dans les deux cas de figure, comme cela ressort de page 6, lignes 24-29, page 9, lignes 18-20 et page 9, ligne 31 à page 10, ligne 5. Les deux applications sont néanmoins distinctes et clairement présentées comme des alternatives (page 9, lignes 13 à 19 ; page 6, lignes 24 à 29 ; page 7, lignes 30 à 32).

La description ne décrit qu'un seul exemple. Il importe donc peu de se baser sur telle ou telle partie de la description, pourvu que l'information extraite découle directement et sans ambiguïté de la description.

L'intimée cherche à placer le débat sur le terrain de la première application, mais la demande divisionnaire ne porte que sur la seconde application, à savoir l'aseptisation de la préforme.

Les objections de la division d'opposition et de l'intimée concernant une généralisation intermédiaire indue sont infondées parce que les caractéristiques prétendument manquantes (organe de préhension avec une tige avec mandrin ; alésage sensiblement rectiligne ; forme générale cylindrique ; ouverture amont avec un rétrécissement ; section transversale qui diminue à partir de l'ouverture amont) ne sont pas essentielles.

Par ailleurs, les exigences du test préconisé dans les Directives (H-V,3.1) ont été respectées.

La distinction entre "corps creux" et "préforme" faite par l'intimée n'est pas fondée, comme cela ressort des passages suivants : page 1, lignes 6 à 7 ; page 3, lignes 18 à 20 et page 9, lignes 26 et 27. La figure 1 porte sur un exemple illustratif et nullement limitatif.

En réponse à la question de la chambre comment on pouvait justifier la distinction des caractéristiques essentielles selon chacune des deux applications divulguées, la titulaire a expliqué que les effets techniques n'étaient pas les mêmes. Dans la seconde application, il n'y a pas besoin de pressuriser le fluide. La différence des contraintes techniques justifie le fait que la tête ne fasse pas partie des caractéristiques de la revendication 1.

ii) Requête auxiliaire 3

Le fait que l'alésage soit formé centralement ne constitue pas une caractéristique essentielle. Le passage de la page 7, lignes 4 à 10, porte sur un exemple de réalisation ; l'homme du métier comprendrait qu'il ne s'agit pas d'une caractéristique obligatoire. Ceci vaut aussi bien pour la forme générale cylindrique de l'alésage que pour son agencement central. Par ailleurs, il existe une variante de réalisation divulguée à la page 7, lignes 28 à 32, qui ne comporte pas d'alésage central. La demande parente signale aussi que l'alésage est "de manière avantageuse, de forme générale sensiblement cylindrique" (page 7, ligne 18), ce qui montre qu'il s'agit d'une caractéristique non essentielle.

La caractéristique selon laquelle l'alésage est sensiblement rectiligne a été introduite dans la revendication 1. L'objection fondée sur son absence est donc infondée.

c) Renvoi devant la première instance

La requérante a demandé à la chambre de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition afin d'offrir aux parties un double degré de juridiction dans l'examen des autres motifs d'opposition, et notamment au titre de la brevetabilité.

VI. L'intimée (opposante) a développé les arguments suivants :

a) Recevabilité des requêtes

Dans sa lettre du 29 novembre 2017, la requérante a renoncé à toutes les requêtes qui avaient été déposées avec son mémoire de recours. Par conséquent, il n'y a pas de requêtes déposées dans le délai pour motiver le recours. Il n'y a donc plus de requêtes déposées à temps sur lesquelles il faudrait décider et il convient de rejeter le recours. Les nouvelles requêtes ont été déposées tardivement et ne devraient pas été admises. La requérante n'a pas expliqué pourquoi les requêtes n'auraient pas pu être déposées plus tôt, comment les requêtes surmontent les objections, et pourquoi elles devraient être admises malgré leur caractère tardif.

La démarche consistant à retirer la totalité des requêtes et à les remplacer par de nouvelles requêtes n'est pas équivalente à celle qui consiste à modifier des requêtes existantes.

L'argument basé sur le fait que la chambre avait pour la première fois soulevé une objection selon la règle 80 CBE dans sa communication n'est pas pertinent, car il y a eu des débats à ce sujet en première instance, à la fois dans la procédure écrite et lors de la procédure orale devant la division d'opposition. La décision traite également de la règle 80 CBE ; voir point 2.1 de la décision.

Avec son recours, la requérante a de nouveau déposé les requêtes que la division d'opposition avait rejetées, pendant la procédure orale, comme étant contraires à la règle 80 CBE.

b) Extension indue

i) Requête principale

Les revendications de la demande d'origine sont très différentes de celles de la demande divisionnaire. Celles-ci ne peuvent donc avoir leur support que dans la description. Or la requérante n'a pas établi où précisément la combinaison des caractéristiques est divulguée dans la demande parente.

La chambre a cité, dans sa communication préalable, deux passages qui divulguent les caractéristiques de la revendication 1, à savoir page 8, lignes 12 à 16 et page 9, lignes 13 à 19, mais elle n'a pas suffisamment perçu comment ces passages sont insérées dans la divulgation d'ensemble de la demande parente. Celle-ci ne divulgue nulle part l'application d'un fluide aseptique indépendamment de la désolidarisation de la préforme par le moyen d'un fluide sous pression. La demande parente décrit un dispositif unique permettant d'une part de désolidariser la préforme de la tête de préhension et d'autre part d'injecter un fluide aseptique. La seconde application n'est mentionnée que dans la description de la figure. Dans le paragraphe introductif, à la page 6, ligne 5, il est dit que le dispositif "permet d'effectuer une opération de dévêtissage des préformes". Ensuite, le dispositif de transport est décrit. Sa tête de préhension est essentielle, parce qu'elle contribue à former le volume intérieur fermé sans lequel la première application n'est pas possible. La demande parente insiste de manière récurrente sur ce volume fermé (voir, par exemple, le dernier paragraphe de la page 6). L'état de la technique connaît une variété de dispositifs, tels que des pinces, des mandrins de transport insérés dans la préforme ou saisissant la préforme de l'extérieur etc. Contrairement à ces dispositifs, la tête de préhension selon l'invention permet d'obtenir la désolidarisation par injection d'air comprimé. Cette tête est par ailleurs décrite dans les paragraphes entourant les passages susmentionnés. Ceux-ci décrivent également le dispositif de transport et l'alésage traversant la tête de préhension. Par exemple, le passage de la page 8, lignes 12 à 16, mentionne "les moyens d'injection" et renvoie par là même au paragraphe précédent, qui introduit "des moyens d'injection" adaptés pour effectuer la désolidarisation. Par ailleurs, la demande parente décrit l'invention comme étant arrangé devant un four et divulgue une installation pour le convoyage de préformes et non pas de corps creux généraux. Aucun de ces éléments n'est repris dans la revendication 1. A titre d'exemple, celle-ci englobe un dispositif dans lequel la préforme est tenue par une pince et dans lequel l'alésage se trouve à un endroit non précisé (et non pas nécessairement dans la tête de préhension).

Pour résumer, on peut trouver des passages divulguant les caractéristiques de la revendication 1, même en combinaison, mais ces caractéristiques ne sont pas isolées de certaines autres caractéristiques essentielles. Par conséquent, la revendication 1 constitue une généralisation intermédiaire inadmissible.

"Corps creux"/"préforme" : le passage de la page 1, lignes 6 et 7, traite les expressions comme étant synonymes, alors que les passages à la page 3 (lignes 18 à 20) et à la page 9 (lignes 26 et 27) entendent le terme "corps creux" comme une généralisation du terme "préforme". La revendication 1 a été construite sur un mode de réalisation qui ne concerne que des préformes ; il conviendrait donc d'en rester au terme plus spécifique "préforme". Bien que dans le paragraphe allant de la page 9, ligne 31 à la page 10, ligne 2, il soit question d'un corps creux, le seul mode de réalisation décrit vise une préforme.

Les passages invoqués par la requérante confirment l'argumentation de l'intimée :

- page 9, lignes 13 à 19 : il est explicitement question d'une préforme, alors que la revendication ne se limite pas de la sorte ; le passage allant de la ligne 18 à la ligne 20 fait mention de la tête de vêtissage 7, qui est absente de la revendication ; l'introduction de fluide n'est décrite que dans le contexte de préformes ;

- page 6, dernier paragraphe : ce passage cite explicitement la préforme 2 et la tête de préhension 7 ainsi que le volume fermé 10 ;

- page 7, premier paragraphe : la tête de préhension 7 est explicitement mentionnée ; lorsqu'il est question d'alésage, celui-ci traverse la tête de préhension et conduit dans un volume fermé.

La revendication 1 requiert un alésage traversant le dispositif de transport et débouchant dans le volume intérieur du corps creux. L'alésage du mode de réalisation, par contre, est très spécifique : il traverse une tête de préhension (page 6, lignes 22 et 23). Ce n'est pas un alésage quelconque. La tête de préhension doit également avoir des caractéristiques particulières, car elle doit fermer le volume intérieur de la préforme. Or, la revendication 1, qui ne requiert qu'un alésage indéfini, ne comprend pas ces caractéristiques. L'homme du métier qui cherche à réaliser l'alésage n'a que le mode de réalisation unique de la demande parente pour le guider.

Enfin, même pour l'application impliquant un fluide aseptique, la forme concrète de la tête de préhension est essentielle, car il n'est pas souhaitable que le fluide puisse s'échapper : en effet, le fluide doit agir pendant un certain temps et ne doit pas polluer le dispositif.

ii) Requête auxiliaire 3

La description divulgue uniquement une forme très particulière d'alésage : celle-ci doit notamment être "sensiblement rectiligne" (page 7, ligne 5 ; cf. la figure 1). Il s'agit d'une caractéristique essentielle du point de vue technique, car un alésage non rectiligne peut avoir pour effet de rendre la désolidarisation moins fiable et de retarder la pénétration du fluide aseptique dans la préforme.

Il en est de même pour la caractéristique selon laquelle l'alésage doit être formé centralement (page 7, lignes 6 et 29). Cette caractéristique est essentielle parce que la préforme est, de manière générale, mise en rotation : un agencement non central peut rendre difficile l'acheminement du fluide. La variante comportant plusieurs alésages (page 7, lignes 29 à 32) correspond au cas où une pluralité d'alésages s'étendent de manière centrée. Elle ne suggère nullement que la manière dont l'alésage s'étend dans le dispositif est indifférente. La revendication 1 n'exige qu'un alésage rectiligne (c'est-à-dire : sans pli) et ne se préoccupe pas de la manière dont s'étend l'alésage ; elle englobe, par exemple, une extension latérale. Or, le seul alésage divulgué s'étend verticalement et de manière centrée.

A la page 7, lignes 5 à 6, il est précisé que l'alésage est "de forme générale cylindrique"; la caractéristique n'est pas présentée comme optionnelle ou avantageuse.

La revendication 1 constitue donc une généralisation indue du contenu de la demande parente.

c) Renvoi devant la première instance

L'intimée s'est déclarée d'accord avec le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition.

Motifs de la décision

1. Recevabilité des requêtes

La requête principale et les requêtes auxiliaires 1 à 3 ont été déposées par lettre datée du 29 novembre 2017. Elles correspondent pour l'essentiel aux requêtes modifiées que la titulaire (maintenant requérante) a déposées pendant la procédure orale devant la division d'opposition. La seule différence notable consiste en la suppression des revendications dépendantes concernant l'installation de convoyage. Cette suppression est une réaction légitime à l'objection de la chambre fondée sur la règle 80 CBE (voir point 5 de la communication selon l'article 15(1) du Règlement de procédure des chambres de recours (RPCR) en date du 31 août 2017). Les requêtes ont été déposées avant l'expiration du délai indiqué par la chambre dans la communication (un mois avant la procédure orale). Elles ne sauraient donc pas être considérées comme tardives.

L'argument selon lequel le dépôt des nouvelles requêtes n'était pas une réaction à la communication de la chambre - parce que la conformité à la règle 80 CBE avait été débattue en première instance - n'est pas fondé. La division d'opposition avait effectivement jugé les requêtes initiales de la titulaire non conformes aux exigences de la règle 80 CBE, mais elle avait considéré les requêtes modifiées au cours de la procédure orale comme étant conformes à ces exigences et ne les avait rejetées qu'au titre de l'article 76 CBE. Or, la requête principale et les requêtes auxiliaires 1, 2 et 5 présentées avec le mémoire de recours correspondent à ces requêtes modifiées. L'objection de la chambre au titre de la règle 80 CBE est donc une objection que la division d'opposition n'avait pas soulevée. Par conséquent, le dépôt de nouveaux jeux de revendications suite à la communication de la chambre constitue bel et bien une réaction à cette communication.

La chambre a donc décidé d'admettre la requête principale et les requêtes auxiliaires 1 à 3 déposées par lettre datée du 29 novembre 2017.

2. Requête principale

La division d'opposition a rejeté la requête principale comme étant contraire aux exigences de l'article 76 CBE. Selon la division, l'objet de la revendication 1 n'est pas divulgué dans la demande parente.

L'argumentation de la division d'opposition, qui se focalise sur des blocs de la description dont la divulgation serait réservée exclusivement au procédé ou au dispositif, est peu convaincante. Un examen même superficiel de la demande d'origine montre qu'une telle séparation n'est pas fondée. A titre d'exemple, la page 8, dont la division estimait qu'elle divulguait seulement le dispositif, évoque le "transport lors de la circulation" (lignes 10-11), ce qui est un aspect de procédé.

Comme la chambre l'a expliqué en détail dans sa communication selon l'article 15(1) RPCR, les caractéristiques de la revendication 1 proviennent, pour l'essentiel, de deux passages de la description, à savoir page 8, lignes 12-16 et page 9, lignes 13-19.

La combinaison de ces deux passages est légitime. La page 8 de la description divulgue un second aspect de l'invention, à savoir une installation de convoyage comprenant plusieurs dispositifs de transport qui circulent sur une chaîne sans fin, ainsi que des moyens d'injection d'un jet de fluide. Le paragraphe correspondant aux lignes 12-16 décrit un mode de réalisation préférentiel d'une telle installation. Le passage de la page 9, lignes 13-19, correspond à un exposé de possibilités de l'invention. Sa combinaison avec le mode de réalisation du premier passage semble assez naturelle.

Les caractéristiques de la revendication 1 sont donc divulguées en combinaison dans la demande parente.

Il ne s'ensuit pas pour autant que l'objet de la revendication 1 satisfait nécessairement aux exigences de l'article 76(1) CBE. En effet, l'objet d'une revendication dont toutes les caractéristiques sont divulguées en combinaison dans la demande parente ne répond pas aux exigences de l'article 76(1) CBE si ces caractéristiques sont extraites de leur contexte d'origine, de sorte à former un objet que la demande parente n'avait pas envisagé en tant que tel.

Dans le cas présent, la demande parente porte sur un système de convoyage comportant des organes des préhension destinés à porter des préformes telles qu'elles sont utilisées pour la fabrication de récipients en matériau thermoplastique (page 1, lignes 5 à 10). La demande expose les problèmes rencontrés dans les dispositifs de transport selon l'état de la technique, à savoir des difficultés liées à un défaut d'alignement de la préforme avec la tête de préhension (page 2, lignes 16 à 24). L'invention cherche à résoudre ce problème. La solution revendiquée est obtenue en prévoyant une opération dite de "dévêtissage", qui consiste à éjecter les préformes insuffisamment alignées ou possédant des défauts de conception, et ce avant leur passage dans le four de chauffage (page 2, lignes 25 à 31). L'exposé général de l'invention se concentre exclusivement sur le dévêtissage.

A partir de la page 6, la demande parente décrit également un mode de réalisation concret de l'invention. Cette partie est introduite par le paragraphe suivant :

"La présente invention est maintenant décrite à l'aide d'un exemple uniquement illustratif et nullement limitatif de la portée de la présente invention, et à partir de la figure suivante qui représente une vue en coupe axiale d'un dispositif de transport et de vêtissage d'un corps creux selon l'invention, lequel dispositif, en coopération avec une buse de soufflage, permet d'effectuer une opération de dévêtissage des préformes." (page 6, premier paragraphe ; c'est la chambre qui souligne)

La figure unique de la demande parente montre ce dispositif :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

La description de ce dispositif évoque une "première application" selon laquelle "la préforme 2 est apte à être désolidarisée de la tête 7 de préhension par injection d'un fluide sous-pression [sic] ... dans l'alésage 9 débouchant alors dans le volume 10 fermé qui est formé par le corps 3 de la préforme 2 solidarisée à ladite tête 7 ..." (page 6, lignes 24 à 28).

Ensuite, une alternative est mentionnée :

"De manière alternative, l'intérieur de la préforme 2 peut être aseptisé par injection d'un fluide aseptique dans l'alésage 9 débouchant dans le volume 10 fermé qui est formé par le corps 3 creux solidarisé à ladite tête 7." (page 6, lignes 30 à 32).

Les deux alternatives sont encore évoquées en page 9, lignes 18 à 20:

"Selon une autre forme d'application de l'invention, il est injecté un fluide aseptique à travers l'alésage 9. Alternativement, il est injecté un fluide sous-pression, ce qui permet de désolidariser le corps 2 creux de la tête 7 de vêtissage."

et dans un passage allant de la page 9, ligne 31 à la page 10, ligne 5:

"Ainsi, selon une première application de l'invention, le corps creux est apte à être désolidarisé de la tête de préhension par injection d'un fluide de soufflage sous-pression dans l'alésage débouchant alors dans le volume fermé qui est formé par le corps creux solidarisé à ladite tête.

De manière alternative, l'intérieur du corps creux peut être aseptisé par injection d'un fluide aseptique dans l'alésage débouchant dans le volume fermé qui est formé par le corps creux solidarisé à ladite tête."

Compte tenu de la divulgation de la demande parente dans son ensemble, et notamment de la description générale de l'invention, qui ne se préoccupe que du dévetissage, l'homme du métier ne comprendrait pas ces passages comme divulguant un dispositif qui ne concerne que l'aseptisation des préformes. Il verrait plutôt dans l'alternative évoquée la divulgation d'une option supplémentaire offerte par le dispositif de dévêtissage décrit.

Par conséquent, il n'est pas possible d'extraire la divulgation de cette alternative de son contexte et de la revendiquer en tant que telle, sans tenir compte des caractéristiques requises par le dévêtissage.

En ce sens, la revendication 1, qui n'envisage que l'aseptisation et omet les caractéristiques essentielles pour le dévêtissage, est le résultat d'une "généralisation intermédiaire" inadmissible : son objet va au-delà de ce que l'homme du métier considérerait comme étant le contenu de la demande parente. Ainsi, la revendication 1 ne satisfait pas aux exigences de l'article 76(1) CBE.

L'affirmation contraire de la requérante, selon laquelle l'homme du métier comprendrait que certaines caractéristiques du dispositif qui sont nécessaires pour la première application ne le sont pas pour la seconde application se fonde sur une bipartition qui n'a pas de fondement dans la demande parente.

Le fait que les modifications satisfont le "test du caractère essentiel" (essentiality test) préconisé par les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB (point H-V 3.1), qui se fondent sur la décision T 331/87 du 6 juillet 1989, à le supposer établi, ne conduit pas à un autre verdict. Comme la chambre l'a expliqué dans sa décision T 1852/13 du 31 janvier 2017, ce test n'est pas compatible avec la jurisprudence plus récente de la Grande chambre de recours et ne devrait plus être appliqué.

Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il n'est pas nécessaire que la chambre examine les autres objections soulevées par l'intimée au titre de l'article 76(1) CBE, et les arguments que la requérante leur a opposés.

La chambre est donc parvenue à la conclusion qu'il n'est pas possible de faire droit à la requête principale.

3. Requêtes auxiliaires 1 et 2

La revendication 1 de chacune des requêtes auxiliaires 1 et 2 est identique à la revendication 1 de la requête principale et se heurte à la même objection.

Il n'est donc pas possible de faire droit aux requêtes auxiliaires 1 et 2.

4. Requête auxiliaire 3

Les objections de l'intimée à l'encontre de la revendication 1 n'ont pas emporté l'adhésion de la chambre.

Comme signalé par la requérante, la revendication 1 comporte la caractéristique selon laquelle l'alésage est prévu sensiblement rectiligne à l'intérieur de l'organe de préhension. L'objection basée sur l'absence de cette caractéristique est donc infondée.

Quant à l'arrangement central de l'alésage, l'homme du métier comprendrait à la lecture de la demande parente, et notamment du passage de la page 7, lignes 28 à 32, qu'il ne s'agit pas d'une caractéristique essentielle à l'invention. Ce passage décrit une variante selon laquelle l'alésage central peut être remplacé par une pluralité d'alésages. Or, dans ce cas de figure, le dispositif de transport comporte nécessairement (et possiblement uniquement) des alésages qui ne sont pas alignés centralement.

L'homme du métier comprendrait également que l'alésage n'est pas nécessairement vertical mais qu'il s'étend le long du dispositif de transport, entre la buse d'injection et la tête de préhension, quelle que soit l'orientation du dispositif de transport. Etant donné que l'alésage est essentiellement rectiligne, il ne saurait s'étendre transversalement dans la tête de préhension tout en établissant une liaison entre la buse d'injection et la tête de préhension.

Enfin, la demande parente dit explicitement que l'alésage est "de manière avantageuse, de forme générale sensiblement cylindrique" (page 7, ligne 18), ce qui montre qu'il s'agit d'une caractéristique non essentielle. L'homme du métier comprendrait à la lumière de ce passage que le constat à la page 7, lignes 5 à 6, selon lequel l'alésage est "de forme générale cylindrique", doit se comprendre comme une description du dispositif de la figure 1 qui comporte cette caractéristique, laquelle est avantageuse sans être essentielle.

La chambre est donc parvenue à la conclusion que la revendication 1 satisfait aux exigences de l'article 76(1) CBE.

5. Renvoi devant la division d'opposition

Compte tenu du fait que la division d'opposition a révoqué le brevet sur la seule base de l'article 76 CBE et n'a pas examiné les autres motifs d'opposition, il est approprié de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition et d'offrir ainsi aux parties un double degré de juridiction à cet égard.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure sur la base de la requête auxiliaire 3.

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