European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2010:G000107.20100215 | ||||||||
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Date de la décision : | 15 Fevrier 2010 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | G 0001/07 | ||||||||
Décision de saisin : | T 0992/03 | ||||||||
Numéro de la demande : | 99918429.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | G01R 33/28 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Medi-Physics, Inc. | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | EBA | ||||||||
Sommaire : | Il est répondu comme suit aux questions soumises à la Grande Chambre de recours : 1. Est exclue de la brevetabilité en tant que méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal au titre de l'article 53 c) CBE toute méthode d'imagerie revendiquée dans laquelle, lorsque ladite méthode est mise en pratique, le maintien de la vie et de la santé du sujet est important et qui comprend ou englobe une étape invasive représentant une intervention physique majeure sur le corps, dont la mise en uvre exige des compétences médicales professionnelles, et qui comporte un risque considérable pour la santé même s'il est fait preuve de la diligence et de l'expertise requises. 2a. Une revendication qui comprend une étape englobant un mode de réalisation qui constitue une "méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal" au sens de l'article 53 c) CBE ne peut être maintenue de façon à englober ledit mode de réalisation. 2b. L'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE peut être évitée si le mode de réalisation est écarté au moyen d'un disclaimer, étant entendu que pour être brevetable, la revendication renfermant le disclaimer doit satisfaire à toutes les exigences de la CBE et, le cas échéant, aux critères d'admissibilité des disclaimers tels que définis dans les décisions G 1/03 et G 2/03 de la Grande Chambre de recours. 2c. La question de savoir si le libellé de la revendication peut être modifié de façon à omettre l'étape chirurgicale sans porter atteinte aux dispositions de la CBE doit être examinée au cas par cas, sur la base des circonstances générales de l'espèce. 3. Une méthode d'imagerie revendiquée ne doit pas être considérée comme un "traitement chirurgical du corps humain ou animal" au sens de article 53 c) CBE du seul fait que, au cours d'une intervention chirurgicale, les données obtenues par la méthode permettent immédiatement au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours de l'intervention. |
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Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Dispositions applicables - article 112(1) CBE 1973 - article 53 c) CBE Saisine recevable - oui Convention de Vienne - principe d'interprétation stricte des exclusions - non Une étape chirurgicale dans une méthode à plusieurs étapes - oui Limitation à la chirurgie pratiquée à des fins thérapeutiques - non Sens de la formulation de l'exclusion, genèse, incidence de la jurisprudence et de la pratique, ratio legis Nature des interventions, participation d'un praticien - non Compétences médicales et risques pour la santé, autres critères Maintien d'une revendication qui englobe une étape chirurgicale - non Disclaimer au titre de l'article 53 c) CBE - oui sous réserve des autres exigences de la CBE Omission, méthodes qui ne concernent que le fonctionnement interne d'un dispositif - oui sous réserve des autres exigences de la CBE Possibilité d'utiliser une méthode non chirurgicale dans une méthode chirurgicale - sans objet si la méthode non chirurgicale constitue en soi un enseignement à part entière |
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Exergue : |
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Décisions citées : | |||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. Questions soumises
Par la décision intermédiaire T 992/03 rendue le 20 octobre 2006, dans sa version telle que corrigée par la décision de la Chambre en date du 20 août 2007, la chambre de recours technique 3.4.01 a soumis les questions suivantes à la Grande Chambre de recours :
1. Une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04), qui comprend ou englobe une étape consistant en une intervention physique pratiquée sur le corps humain ou animal (en l'espèce l'injection d'un agent de contraste dans le cur), doit-elle être exclue de la brevetabilité au motif qu'elle constitue une "méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE, si cette étape ne vise pas en soi à préserver la vie et la santé ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, l'exclusion de la brevetabilité pourrait-elle être évitée en modifiant le libellé de la revendication de manière à omettre l'étape en question, à l'exclure au moyen d'un disclaimer ou à faire en sorte que la revendication l'englobe sans s'y limiter ?
3. Une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04) doit-elle être considérée comme une étape constitutive d'un "traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE si les données obtenues par la méthode permettent immédiatement au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours d'une intervention chirurgicale ?
II. Décision de la division d'examen faisant l'objet du recours
La procédure de recours devant la chambre à l'origine de la saisine porte sur un recours formé par le requérant contre la décision de la division d'examen en date du 17 avril 2003 de rejet de la demande de brevet européen n° 99918429.4. La division d'examen avait décidé que les méthodes revendiquées conformément aux requêtes alors au dossier constituaient des méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal et, partant, qu'elles étaient exclues de la protection par brevet en vertu de l'article 52(4) CBE 1973. En outre, les méthodes revendiquées comprenaient l'étape consistant à administrer à un sujet du 129Xe polarisé en tant qu'agent d'imagerie, soit par inhalation, soit par injection. Dans la mesure où l'agent d'imagerie était administré par injection, les méthodes revendiquées étaient exclues de la protection par brevet en application de l'article 52(4) CBE 1973 au motif qu'elles comprenaient une étape chirurgicale.
III. Revendications à la base de la décision de saisine
La demande porte sur des méthodes d'imagerie par résonance magnétique du système vasculaire pulmonaire et/ou cardiaque et d'évaluation du débit sanguin au moyen de 129Xe polarisé dissous.
Les revendications 1, 11 et 17 à la base de la décision de saisine s'énoncent comme suit :
"1. Méthode d'imagerie par résonance magnétique du système vasculaire pulmonaire et/ou cardiaque au moyen de 129Xe polarisé en phase dissoute, comprenant les étapes qui consistent :
à placer un patient dans un appareil d'IRM auquel est associé un champ magnétique ;
à administrer du gaz 129Xe polarisé dans une région prédéterminée du corps du patient, une phase dissoute permettant l'imagerie étant associée au gaz polarisé ;
à exciter une région prédéterminée du corps du patient, qui contient une partie du gaz polarisé en phase dissoute avec au moins une impulsion d'excitation radiofréquence à grand angle de bascule ;
et à obtenir au moins une image par résonance magnétique associée au gaz polarisé en phase dissoute à l'issue de cette étape d'excitation."
"11. Méthode destinée à obtenir un signal spectroscopique représentatif du volume sanguin ou du débit sanguin d'un patient, comprenant les étapes qui consistent :
à placer un sujet dans un système de spectroscopie par résonance magnétique capable de détecter des signaux spectroscopiques chez un sujet possédant un système vasculaire pulmonaire ;
à administrer au sujet du 129Xe polarisé gazeux ;
à dissoudre une partie du 129Xe polarisé gazeux dans le système vasculaire pulmonaire auquel est associé un circuit sanguin ;
à exciter la partie dissoute du 129Xe avec une impulsion d'excitation radiofréquence pour spectroscopie à résonance magnétique ;
et à obtenir un signal spectroscopique, associé au 129Xe en phase dissoute, représentatif du volume sanguin ou du débit sanguin."
"17. Méthode d'imagerie cardiaque, comprenant les étapes qui consistent :
à placer un sujet possédant un circuit sanguin cardiaque dans un système d'IRM ;
à administrer du 129Xe polarisé au sujet ;
à dissoudre au moins une partie du 129Xe polarisé dans le circuit sanguin cardiaque du sujet ;
à exciter le 129Xe polarisé dissous dans une zone cible située le long du circuit sanguin avec au moins une impulsion d'excitation radiofréquence à grand angle ;
et à produire une image par résonance magnétique associée au 129Xe polarisé dissous excité."
IV. Décision de saisine
1. Contexte technique
Toutes les méthodes revendiquées comprennent l'étape consistant à administrer du 129Xe polarisé au sujet, notamment par inhalation. Toutefois, l'injection de 129Xe polarisé dans le cur, telle que l'envisage la description, est comprise dans le texte des revendications 1, 11 et 17 versées au dossier (point 4.2 des motifs).
S'agissant de la méthode d'imagerie cardiaque, un mode de réalisation relevant du libellé de la revendication 17 prévoit l'administration directe de 129Xe polarisé dans une région du cur, par exemple par injection ou un moyen comparable dans le ventricule gauche. L'administration directe dans l'atrium ou le ventricule droit est également envisagée. L'administration de 129Xe polarisé peut se faire par injection de différentes phases (phase gazeuse, dissoute ou liquide), mais sans s'y limiter. <FSU> Les méthodes d'imagerie selon la présente invention peuvent précéder une intervention chirurgicale ou une pharmacothérapie visant à traiter des problèmes du système vasculaire pulmonaire ou cardiaque. Lors d'une intervention chirurgicale, elles permettent d'obtenir des informations en temps réel pour vérifier le succès d'une mesure, par exemple sur les variations du débit de la circulation sanguine dues à l'opération. Au cours d'une pharmacothérapie, elles permettent de déterminer les effets du médicament.
2. Méthode de diagnostic
Selon la décision de saisine, à la lumière de l'avis G 1/04 (points 5 et 6.2.1 des motifs), la Chambre estime que les revendications de méthodes versées au dossier ne portent pas sur des méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, lesquelles sont exclues de la brevetabilité aux termes de l'article 52(4) CBE 1973. Les méthodes revendiquées permettent de recueillir des données sous la forme d'une image ou d'un signal spectroscopique qui peuvent ensuite être utilisées pour poser un diagnostic. Elles concernent donc la phase d'investigation. En revanche, elles ne comprennent pas les étapes suivantes, qui sont considérées comme constitutives de la pose d'un diagnostic, à savoir la comparaison des données recueillies avec les valeurs normales, la constatation d'un éventuel écart significatif et l'attribution de cet écart à un tableau clinique donné (point 3 des motifs).
3. Méthode de traitement chirurgical
Une injection de 129Xe polarisé dans le cur, telle que l'envisage la description de la présente demande, représente une intervention physique majeure sur le corps, qui comporte un risque pour la santé et exige la mise en uvre de compétences médicales par des professionnels. Une telle injection, qui est comprise dans le texte des revendications 1, 11 et 17 versées au dossier, pourrait être considérée comme une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal au sens de l'article 52(4) CBE 1973, bien que, dans le contexte des méthodes d'imagerie revendiquées, l'intervention physique sur le corps ne vise pas, en soi, à préserver la vie et la santé, mais constitue une condition préalable à la collecte de données au cours de la phase d'investigation d'un diagnostic médical.
De l'avis de la chambre à l'origine de la saisine, la question se pose donc de savoir si les méthodes d'imagerie revendiquées qui comprennent ou englobent une telle étape tombent sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 52(4) CBE, bien qu'elles n'aient en soi aucun effet curatif (point 4.2 des motifs).
En outre, la description de la présente demande se réfère à maintes reprises à l'utilité des méthodes d'imagerie selon l'invention au cours d'une intervention chirurgicale. En fait, les méthodes revendiquées ne portent pas sur la façon dont les données images sont obtenues, mais exigent simplement que de telles données soient générées. Lorsqu'elles sont mises en uvre de la façon décrite, les méthodes revendiquées produisent apparemment des images qui permettent directement au chirurgien, c'est-à-dire en temps réel et sans prendre aucune autre mesure, si ce n'est exercer une activité purement intellectuelle, de décider de la façon de procéder. Il se pose donc la question de savoir si des méthodes qui fournissent des informations de valeur diagnostique doivent être considérées dans leur ensemble comme un élément constitutif ou une étape d'un traitement chirurgical lorsqu'elles sont utilisées au cours d'un tel traitement.
4. Définitions du terme "chirurgie"
L'expression "traitement chirurgical" a été définie de diverses manières dans la jurisprudence.
Dans la décision T 182/90 (JO OEB 1994, 641), la chambre a conclu que, dans l'usage linguistique médical et juridique actuel, le concept "traitement chirurgical" avait semble-t-il subi un changement de sens, dans la mesure où il peut également recouvrir, à l'heure actuelle, des traitements particuliers ne visant pas à rétablir ou à préserver la santé du corps humain ou animal. Le raisonnement énoncé dans la décision T 182/90 a été confirmé dans l'affaire T 35/99 (JO OEB 2000, 447).
Dans la décision T 383/03 (JO OEB 2005, 159), la chambre a fait observer que bien que dans l'usage linguistique médical actuel, l'expression "traitement chirurgical" comprenne également des traitements qui ne visent pas la santé des êtres humains ou des animaux (point 3.3 des motifs), les traitements chirurgicaux qui ne sont manifestement ni appropriés, ni potentiellement appropriés pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique des êtres humains ou des animaux ne tombent pas sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité visée à l'article 52(4) CBE 1973 (point 3.4 des motifs). Dans le droit fil de cette décision, il a été considéré dans les décisions T 1102/02 (point 3 des motifs, quatrième paragraphe) et T 9/04 (point 6 des motifs, deuxième paragraphe) qu'une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal au sens de l'article 52(4) CBE 1973 doit être appropriée ou au moins potentiellement appropriée pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique d'un être humain ou d'un animal.
Dans l'avis G 1/04 (loc. cit.), la Grande Chambre de recours a estimé, de manière incidente, que les méthodes chirurgicales au sens de l'article 52(4) CBE 1973 incluent toute intervention physique sur le corps humain ou animal dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale (point 6.2.1 des motifs, première phrase). Elle s'est en outre référée à la jurisprudence constante des chambres de recours, selon laquelle une revendication de méthode tombe sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 52(4) CBE 1973 si elle comprend au moins une caractéristique définissant une activité physique ou un acte qui constitue une étape d'une méthode de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal (point 6.2.1 des motifs, troisième phrase).
5. Conséquences des définitions
La jurisprudence citée met en évidence deux aspects dans la définition de la chirurgie, à savoir la nature de l'intervention physique d'une part et son but d'autre part.
Les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets (juin 2005) énoncent que "la chirurgie définit non pas tant le but du traitement que sa nature" (C-IV, 4.2.1).
La jurisprudence des chambres de recours n'est pas uniforme en ce qui concerne l'interprétation de l'expression "méthodes de traitement chirurgical du corps humain ou animal" employée à l'article 52(4) CBE 1973. En effet, l'une des approches est fondée sur l'appréciation de la nature de l'intervention physique réalisée sur le corps, tandis que l'autre approche se concentre sur la question de savoir si l'intervention physique est appropriée pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique d'un être humain ou d'un animal.La définition énoncée dans l'avis G 1/04 (loc. cit.), selon laquelle "les méthodes chirurgicales au sens de l'article 52(4) CBE incluent toute intervention physique sur le corps humain ou animal dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale", semble mettre l'accent sur le but de l'intervention et non sur sa nature.
L'approche fondée sur le but peut donner lieu à des jugements opposés en ce qui concerne l'exclusion de la protection par brevet d'une seule et même intervention physique. Par exemple, l'injection d'un médicament pour traiter une maladie serait exclue, alors que l'injection d'une substance réduisant les rides à des fins esthétiques pourrait ne pas être considérée comme un traitement chirurgical au sens de l'article 52(4) CBE 1973, du fait qu'elle n'est pas appropriée pour préserver ou rétablir la santé. Or, dans les deux cas, l'intervention physique sur le corps serait à l'essentiel identique, à savoir une injection.
6. Autres approches
On peut concevoir d'autres approches que celles fondées sur la nature ou le but de l'intervention physique.
Il serait ainsi envisageable de se baser sur le risque médical qu'implique l'intervention physique. Ce risque est également lié à la question de savoir si les étapes de la méthode doivent être exécutées par un praticien en médecine humaine ou vétérinaire. Dans ce contexte, il semble que l'approche fondée sur la nature de l'intervention physique soit plus adaptée que celle qui est basée sur son but, au moins pour ce qui est des méthodes qui exigeraient la mise en uvre des connaissances médicales d'un professionnel et qui relèveraient donc de la compétence d'un praticien en médecine humaine ou vétérinaire. Dans l'avis G 1/04 (loc. cit.), la Grande Chambre a cependant estimé qu'il était difficile de donner une définition, à un niveau européen, de ce qu'est un praticien en médecine humaine ou vétérinaire et a donc conclu qu'en raison de l'exigence de sécurité juridique, la délivrance d'un brevet européen ne peut pas être rendue dépendante de la participation de ces praticiens (point 6.1 des motifs). Hormis cette difficulté objective, on peut raisonnablement admettre, dans la présente espèce, qu'une injection dans le cur doit être réalisée par un praticien en médecine humaine ou vétérinaire. D'autres approches pourraient être fondées sur des facteurs tels que le caractère invasif ou la complexité opératoire de l'intervention physique.
7. Forme que doivent revêtir les revendications pour être recevables
A supposer qu'une méthode d'imagerie soit effectivement exclue de la protection par brevet en application de l'article 52(4) CBE 1973, du fait qu'elle comporte une étape consistant à injecter un agent de contraste, il se pose la question de savoir s'il serait possible d'éviter une telle exclusion en omettant cette étape du texte de la revendication ou en l'excluant au moyen d'un disclaimer, par exemple en précisant clairement que cette étape précède la mise en uvre de la méthode d'imagerie revendiquée, mais n'en fait pas partie. On pourrait envisager de recourir à des formulations telles que "agent de contraste préalablement administré".
Concernant la décision G 1/03 (JO OEB 2004, 413) de la Grande Chambre de recours, dans laquelle il a été considéré qu'un disclaimer peut être admis pour exclure un objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité en vertu des articles 52 à 57 CBE pour des raisons non techniques, la Chambre note que selon l'avis G 1/04, si une caractéristique telle qu'en l'espèce l'administration de l'agent de contraste "doit être considérée comme constitutive de la définition de l'invention", elle doit être incluse dans la revendication, en tant que caractéristique essentielle, au titre de l'article 84 CBE (point 6.2.4 des motifs).
La chambre à l'origine de la saisine s'est par ailleurs référée aux arguments du requérant concernant la décision G 1/98 (JO OEB 2000, 111). Sur cette base, le requérant a fait valoir qu'il y a lieu d'admettre une revendication d'un niveau d'abstraction supérieur qui englobe un objet exclu de la brevetabilité, sans le revendiquer expressément. Ainsi, selon le requérant, une revendication qui comprend l'étape consistant à "administrer un agent de contraste", mais ne précise pas comment, doit être admise, du moins si l'on peut recourir à d'autres méthodes d'administration de l'agent de contraste, par exemple par inhalation ou par voie orale, qui présentent moins de risques, ou si de telles méthodes ont déjà été divulguées.
8. Saisine de la Grande Chambre de recours
La jurisprudence des chambres de recours contient des définitions divergentes du terme "chirurgie". La question de savoir quelle interprétation il y a lieu d'adopter représente une question de droit d'importance fondamentale.Dans la présente espèce, la question se pose en outre de savoir si une méthode d'imagerie fournissant des informations de valeur diagnostique doit être considérée comme une étape d'un traitement chirurgical au sens de l'article 52(4) CBE 1973, s'il est établi que dans certains cas les résultats immédiats, c'est-à-dire les données images obtenues, permettent à un chirurgien de décider de la façon de procéder au cours d'une intervention chirurgicale en prenant simplement note de ces données.
V. Procédure devant la Grande Chambre de recours
Par décision en date du 25 mai 2007, la Grande Chambre de recours a invité le Président de l'OEB à présenter ses observations par écrit sur les questions de droit soumises à la Grande Chambre, et a également invité les tiers à donner leur avis. La Présidente de l'OEB et de nombreux tiers ont présenté leurs commentaires par écrit. Le 16 juin 2009, la Grande Chambre de recours a envoyé une citation à la procédure orale, puis le 16 septembre 2009, une communication attirant l'attention sur plusieurs questions paraissant revêtir une certaine importance pour la discussion lors de la procédure orale. Celle-ci a eu lieu le 17 novembre 2009. A l'issue de la procédure orale, le président a annoncé que la Grande Chambre de recours rendrait sa décision par écrit.
VI. Moyens invoqués par le requérant
Les arguments du requérant peuvent être résumés comme suit :
1. Droit applicable
L'article 53 c) CBE s'applique aux réponses de la Grande Chambre de recours. Toutefois, l'article 52(4) CBE 1973 et l'article 53 c) CBE s'appliquent de la même manière aux avis exprimés par le requérant.
2. Interprétation de l'article 52(4) CBE 1973
a) Rappel historico-juridique
Il est logique, du point de vue d'une approche téléologique des textes, que l'exclusion des méthodes de traitement chirurgical soit limitée à des procédés ayant un but thérapeutique intrinsèque. L'exclusion de la brevetabilité des méthodes médicales ne figurait pas dans les premiers projets de la CBE, l'exclusion des méthodes thérapeutiques et de diagnostic étant introduite en 1965 ; tout d'abord, ces méthodes furent considérées comme non comprises dans la définition du terme "l'invention", puis la fiction juridique du défaut d'application industrielle fut finalement incluse dans ce qui était alors l'article 50(4) du projet de CBE 1973. L'exclusion de la brevetabilité des méthodes chirurgicales apparut pour la première fois dans un projet de 1969, faisant écho au texte de la règle 39.1 iv) de ce qui était alors le projet de PCT, dans lequel il n'était toutefois question que d'objets pour lesquels l'administration chargée de la recherche internationale pouvait ne pas être tenue d'effectuer de recherche préliminaire. L'explication donnée par le groupe de travail en réponse à une question rapportée dans les Travaux préparatoires à la CBE (BR/177 f/72 nan/JF/prk, page 6, 9d) selon laquelle les traitements chirurgicaux d'animaux à des fins destructives ne doivent pas être inclus dans cette disposition, signifie que le législateur estimait dans l'ensemble que l'exclusion ne devait pas s'étendre aux méthodes ayant un but non thérapeutique. Lors de la rédaction de la CBE 2000, la justification de l'exclusion a été reformulée comme reposant sur des raisons de santé publique. En d'autres termes, comme l'a également souligné la jurisprudence précédente des chambres de recours, des considérations d'ordre social ou éthique, à savoir la liberté supposée du médecin ou du vétérinaire vis-à-vis des entraves que pourraient représenter les brevets, sont devenues une ligne directrice qui sous-tend l'article 52(4) CBE 1973. Le texte des exclusions est axé sur certains actes, mais la question de savoir si ces actes tombent sous le régime de l'exclusion de la brevetabilité pour une invention donnée doit refléter le but même du principe à la base de l'exclusion, et ne doit pas être interprétée de façon à en étendre la portée au-delà de l'intention même de l'exclusion.
b) Le principe de l'interprétation stricte des exceptions conformément à la Convention de Vienne
Le principe selon lequel les exclusions de la brevetabilité doivent être interprétées de façon stricte se fonde juridiquement sur les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (ci-après "la Convention de Vienne"). Les chambres de recours, au même titre que la Grande Chambre de recours dans sa décision G 5/83, l'ont souligné à plusieurs reprises dans leur jurisprudence, y compris dans le cadre de l'article 52(4) CBE 1973. Même si, dans son avis G 1/04, la Grande Chambre a affirmé de manière incidente que le principe de l'interprétation stricte ne va pas sans exception, elle a en l'espèce effectivement appliqué strictement l'exclusion des méthodes de diagnostic.
c) L'approche des chambres de recours concernant l'article 52(4) CBE 1973
La décision T 182/90 est erronée quant à la définition du terme "chirurgical". La distinction nette établie entre "thérapie" et "chirurgie" s'explique peut-être d'un point de vue historique, mais elle paraît inappropriée puisqu'elle est moins le fruit de la volonté du législateur que la transposition en termes juridiques d'une distinction historique existant dans le domaine médical, où les traitements traditionnels n'incluaient généralement pas les traitements spécifiquement chirurgicaux. Sur cette base, on peut considérer que le terme "thérapie" renvoie à des traitements médicaux qui s'effectuent via la pratique médicale traditionnelle, tandis que la chirurgie vise un sous-ensemble spécifique de traitements impliquant des méthodes invasives.
d) La portée de la définition donnée dans la décision T 182/90
La portée de la définition adoptée dans la décision T 182/90 est également critiquable dans la mesure où elle englobe dans le terme "traitement chirurgical" des activités que le sens commun se refuserait à considérer comme relevant en quoi que ce soit de la chirurgie. Une simple injection d'un agent thérapeutique ou préventif, comme par exemple l'administration d'un vaccin contre la grippe, constituerait ainsi un "traitement chirurgical". Un procédé ne doit pas être assimilé à un "traitement chirurgical" s'il consiste simplement à administrer un agent thérapeutique : l'intervention doit être le but du procédé pour que celle-ci soit à proprement parler "chirurgicale". De même, le prélèvement d'une goutte de sang à des fins de diagnostic n'a rien de chirurgical, le percement de la peau n'étant pas le critère infaillible de l'acte chirurgical. Le caractère "chirurgical" diminue encore lorsqu'il s'agit d'administrer un agent thérapeutique de manière non invasive, par exemple en faisant avaler une pilule ou inhaler une préparation. <FSU> Tous ces procédés, et d'autres encore, seraient pourtant "chirurgicaux" à suivre la décision T 182/90. Par ailleurs, les considérations politiques ayant trait aux "raisons de santé publique" auraient aussi dû amener la chambre à restreindre le terme "traitement chirurgical" aux traitements à finalité curative.
e) Présence d'une étape chirurgicale dans une méthode comportant plusieurs étapes
La décision T 182/90 affirme que normalement, la présence d'une étape chirurgicale dans un procédé à plusieurs étapes destiné au traitement du corps humain ou animal confère un caractère chirurgical à ce procédé. Cette affirmation est erronée parce qu'elle va à l'encontre de la signification naturelle du texte de l'article 52(4) CBE 1973, selon lequel les méthodes de traitement chirurgical sont à exclure de la brevetabilité parce qu'elles ne peuvent pas être considérées comme des inventions susceptibles d'application industrielle. Une méthode de traitement chirurgical est mise en correspondance avec ce que définit une revendication. Comme pour la nouveauté, l'objet de la revendication dans son ensemble doit être évalué pour savoir s'il constitue une méthode chirurgicale à exclure de la brevetabilité. Dans l'affaire T 182/90, la décision de la chambre n'était pas nécessaire pour imposer le principe sous-jacent de la liberté de pratique du médecin - en l'occurrence du chirurgien. S'il ne met en uvre qu'une étape chirurgicale d'une méthode comportant plusieurs étapes, le chirurgien ne met pas en pratique la totalité de la revendication, et toute exclusion protectrice est superflue. En revanche, s'il met en uvre toutes les étapes de la méthode revendiquée, le chirurgien ne se limite plus à un acte de chirurgie, et l'exclusion perd sa justification.
f) L'approche correcte
L'approche correcte devant être suivie dans l'interprétation de l'exclusion du traitement chirurgical est celle qui a été adoptée dans les décisions T 383/03, T 1102/02 et T 9/04, également citées par la chambre à l'origine de la saisine, à savoir l'interprétation basée sur la finalité.
L'affirmation de la Grande Chambre au point 6.2.1 de son avis G 1/04, selon laquelle le caractère chirurgical ou thérapeutique d'une revendication de méthode peut tout à fait être déterminé par une seule étape, sans contrevenir à l'article 84 CBE était essentiellement incidente et fondée sur la décision T 182/90 qui, sur ce point, était erronée. La Grande Chambre n'a fait qu'utiliser ce point dans son raisonnement pour traiter les méthodes de traitement thérapeutique ou chirurgical comme des méthodes ne comportant essentiellement qu'une étape, par opposition aux méthodes de diagnostic qui en comporteraient intrinsèquement plusieurs.
Le texte relatif aux méthodes chirurgicales, au point 6.2.1 des motifs de l'avis G 1/04 de la Grande Chambre, où il est dit que ces méthodes incluent toute intervention physique sur le corps humain ou animal dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale, fait écho à la décision T 35/99. Ceci ne peut toutefois englober que les cas où le procédé a pour but de maintenir la vie et la santé. Sinon, l'exclusion se trouve élargie de façon disproportionnée, et à mauvais escient. Lorsque le maintien de la vie ou de la santé - tout en restant important comme il se doit dans toute activité humaine - est seulement subordonné à un autre but, l'exclusion ne doit pas s'appliquer.
On peut résumer les conclusions relatives à l'interprétation en disant que l'exclusion des traitements chirurgicaux ne s'applique pas lorsque le procédé n'est pas lui-même de nature thérapeutique, mais vise un autre but (but esthétique dans la décision T 383/03, obtention d'une image utile pour un diagnostic dans la décision T 9/04, prélèvement d'une substance à analyser dans la décision T 924/05).
g) Considérations socio-éthiques et commerciales
Un des impératifs moraux auxquels se doit d'obéir le système des brevets est d'encourager les inventions qui améliorent la condition humaine, parmi lesquelles figurent en premier lieu les inventions qui se rapportent à la médecine, qu'il s'agisse de traitement thérapeutique ou - comme dans la présente espèce - de diagnostic. Le système des brevets est nécessaire pour protéger les investissements importants consentis dans le domaine du diagnostic médical. La résonnance magnétique nucléaire (RMN), la tomographie axiale calculée par ordinateur (CT) et l'imagerie aux rayons X, en constituent des exemples. Les avancées du diagnostic médical sont d'une importance cruciale pour la société.
En fait, l'exclusion, pour des motifs éthiques, des méthodes médicales à l'article 52(4) CBE 1973 n'atteint pas son objectif puisque la liberté qu'a le médecin de pratiquer peut aussi être entravée via la protection de produits. Il est donc pour le moins malaisé de déterminer l'étendue de la politique d'exclusion. Dans son avis G 1/04, la Grande Chambre a heureusement confirmé que les brevets portant sur les méthodes en rapport avec des diagnostics (mais non constituées de diagnostics) ne sont pas frappés de l'exclusion des méthodes de diagnostic visée à l'article 52(4) CBE 1973. Les agents de diagnostic sont importants pour l'établissement de diagnostics, et ils doivent être administrés au patient, parfois par voie parentérale (injection locale ou systémique). Si spécifier la voie d'administration d'un agent de diagnostic, notamment sous la forme la plus interventionniste évoquée dans la demande (injection), revient à exclure une telle étape de la brevetabilité, l'avis G 1/04 se retrouve neutralisé pour un sous-groupe important d'inventions impliquant l'utilisation d'un agent de diagnostic. En outre, par analogie avec l'interprétation donnée par la Grande Chambre de l'exclusion prévue à l'article 53 b) CBE 1973 dans sa décision G 1/98 au sujet des variétés végétales, le fait que l'administration puisse englober une "étape chirurgicale" ne saurait signifier que l'étape dans son ensemble, au niveau d'abstraction plus élevé qui est celui de la revendication et visant par là n'importe quelle méthode d'administration appropriée, soit également de nature chirurgicale.
Des mesures (nationales) plus efficaces existent pour protéger les activités des praticiens en cas de besoin. La protection la plus logique émane de la législation en matière de contrefaçon de brevets. Ainsi, aux Etats-Unis, les méthodes de traitement chirurgical et thérapeutique ainsi que les méthodes de diagnostic sont brevetables depuis longtemps, mais les tribunaux ne peuvent pas statuer en référé ou imposer des dommages-intérêts aux médecins qui exercent une activité médicale constituant une contrefaçon.
Dans son avis G 1/04, au point 6.1 des motifs, la Grande Chambre a également reconnu qu'une protection étendue des activités des médecins et des vétérinaires peut être au besoin réalisée par d'autres moyens. Par ailleurs, les sociétés travaillant dans le secteur des traitements et des diagnostics cherchent très rarement à faire valoir leurs brevets vis-à-vis de tels clients.
3.Questions 2 et 3
S'il y a lieu de répondre à la question 2, la revendication, pour les raisons qui précèdent, peut continuer à englober les éléments exclus sans pour autant s'y limiter. De surcroît, une étape visant l'administration de l'agent de diagnostic pourrait légitimement être omise si elle est présentée de manière passive dans la revendication et cesse ainsi d'en constituer une des étapes actives.
Conformément à la décision G 1/03, le mode de réalisation consistant à administrer l'agent d'imagerie par injection directe dans le cur peut aussi être exclu au moyen d'un disclaimer. Cette solution n'est cependant pas très satisfaisante, car non seulement elle prive le demandeur d'une protection précieuse, mais elle est aussi de nature à encourager les autres demandeurs à rédiger leurs demandes en passant sous silence les modes de réalisation à exclure par disclaimer.
Toutefois, s'il est répondu par la négative à la question 2, il est vital pour le requérant de se voir octroyer une protection sous la forme d'une revendication relative à une seconde indication médicale, des doutes pouvant surgir quant à la recevabilité de telles revendications pour des agents de diagnostic et quant au degré de détail requis pour l'utilisation spécifiée dans la revendication. Tout en sachant que la présente saisine ne pose pas ces questions, le requérant se féliciterait de voir son point de vue confirmé par la Grande Chambre.
Force est de répondre par la négative à la question 3. Que des données obtenues par une méthode selon l'invention puissent être utilisées dans un traitement chirurgical ne signifie pas que ladite méthode soit une étape constitutive d'un traitement chirurgical du corps humain ou animal. Si tel était le cas, aucune des technologies utilisées par les chirurgiens, telles que les caméras endoscopiques qui peuvent faire appel aux méthodes inventives les plus diverses (manipulation d'image, modulation de signal, compression de données etc.), ne pourraient être brevetées, tout simplement parce qu'elles pourraient être utilisées par les chirurgiens dans des procédés chirurgicaux.
VII. Requêtes du requérant
Le requérant a demandé qu'il soit répondu par la négative à la question 1. Comme il doit être répondu par la négative à la question 1, il est superflu de répondre à la question 2. Toutefois, dans l'hypothèse où elle devrait être abordée, la question 2 devrait faire l'objet d'une réponse affirmative. Une réponse négative doit être apportée à la question 3.
VIII. Observations de la Présidente de l'OEB
1. Jurisprudence, questions soulevées, Travaux préparatoires et révision de la CBE
La Présidente, après avoir passé en revue la jurisprudence pertinente concernant la limitation du concept "traitement chirurgical" aux activités curatives adoptées dans T 383/03, analyse les questions soulevées par l'approche définitionnelle telle que figurant dans ladite décision, et décrit en détail la genèse ainsi que les conclusions à tirer des Travaux préparatoires de la CBE 1973 et des travaux de révision de la CBE 2000. Comme ces points seront abordés en détail dans les motifs de la décision, les prises de position de la Présidente ne seront pas davantage précisées ici, référence étant également faite au dossier.
2. Analyse terminologique et systématique
L'article 31(1) de la Convention de Vienne dispose qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. D'un point de vue linguistique, le mot "traitement" tel qu'utilisé à l'article 52(4) CBE 1973 n'est pas limité à des méthodes à des fins curatives. En outre, l'article 52(4) CBE 1973 distingue trois alternatives : méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique et méthodes de diagnostic. Si la portée de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE 1973 des méthodes de traitement chirurgical était telle que proposée dans la décision T 383/03 (élimination des traitements chirurgicaux de tout ce qui ne répond pas à une finalité curative), ce qui en l'état actuel des choses constitue très clairement une alternative distincte ne serait plus qu'une sous-catégorie - superflue - des méthodes thérapeutiques.
3. Ratio legis de l'article 52(4) CBE 1973
L'idée dominante a toujours été que la protection par brevet ne doit pas entraver la pratique médicale, ceci pour deux types de raisons : (a) la pratique de la médecine ne peut pas être assimilée à un secteur industriel et (b) les soins médicaux de la population doivent être assurés. Il semble toutefois qu'avec le temps, le second aspect ait pris de l'ascendant sur le premier. De nos jours, l'exclusion des méthodes médicales de la brevetabilité repose plutôt sur le principe selon lequel pour des raisons éthiques et sociales, il convient d'assurer des soins médicaux à la population et d'éviter que les brevets limitent ou empêchent l'exercice de la médecine (avis G 1/04 et autres références). Par conséquent, l'article 52(4) CBE 1973 vise à affranchir de tout obstacle la liberté de choisir le meilleur traitement médical pour le patient et à éviter tout retard dans l'application dudit traitement. L'exclusion instaurée par l'article 52(4) CBE 1973 entend donc protéger le patient. La dissociation du critère d'application industrielle sera également chose faite sur le plan formel avec l'entrée en vigueur de la CBE 2000, puisque l'exclusion des méthodes médicales de la brevetabilité y paraîtra à l'endroit qui doit logiquement être le sien, à savoir parmi les exceptions à la brevetabilité répertoriées à l'article 53 CBE. La liberté de choisir le meilleur traitement médical sans en être empêché par le droit des brevets ne saurait se limiter aux méthodes chirurgicales à des fins curatives. La méthode chirurgicale la plus appropriée doit plutôt être entièrement disponible dans chaque cas. Cet aspect prend une signification toute particulière lorsque l'utilisation d'une méthode chirurgicale entraîne un risque pour la santé du patient. Enfin, il faut garder présent à l'esprit que la relation entre le patient et son médecin est une relation par nature très confidentielle. Tout facteur interférent, par exemple telles des considérations relatives à des redevances de licences, doit dès lors être soigneusement évité. Ceci peut cependant s'avérer difficile si des brevets sont délivrés pour des méthodes médicales. Il en va de même pour les traitements chirurgicaux, indépendamment de leur finalité. Il s'ensuit qu'associer la formule "méthodes de traitement chirurgical" à la nature du traitement sans faire intervenir sa finalité serait conforme à la ratio legis de l'article 52(4) CBE 1973.
4. Droit et pratique en matière de brevets aux niveaux international et national
Cette partie des prises de position de la Présidente sera rapportée ici de façon assez détaillée, car il y sera largement fait référence dans les motifs de la présente décision. Toutefois, en ce qui concerne les autres citations de normes juridiques, de textes d'application et de décisions figurant dans les prises de position de la Présidente, référence est faite une fois de plus aux observations de la Présidente portées au dossier.
Les règles 39.1 et 67.1 PCT qui ont servi de modèles aux dispositions correspondantes de l'article 52(4) CBE 1973 opèrent une distinction entre méthodes chirurgicales, méthodes thérapeutiques et méthodes de diagnostic. Ces dispositions du PCT ont une fonction normative différente, mais l'alternative "chirurgicale" est également interprétée comme n'étant pas limitée à des traitements curatifs. Les méthodes de chirurgie esthétique peuvent donc être exclues de la recherche ou de l'examen préliminaire.
C'est aussi le PCT qui a servi de modèle à l'article 27.3 a) de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après "l'Accord sur les ADPIC"), selon lequel "les Membres pourront aussi exclure de la brevetabilité les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux". Dans ce contexte également, l'expression "méthodes chirurgicales" ne semble pas limitée aux activités curatives. Avant d'être aligné sur le PCT, le texte de cette disposition comportait la formule "méthodes pour le traitement [médical] des personnes [ou des animaux]".
D'après les directives de l'Institut fédéral suisse de la propriété intellectuelle, l'expression "méthodes chirurgicales" au sens de l'article 2(2) LBI est également interprétée indépendamment de sa finalité, et inclut donc les méthodes à des fins cosmétiques ou destinées à la transplantation d'embryons.
En Allemagne également, la nature du traitement est le critère pertinent pour définir les "méthodes de traitement chirurgical" au sens de la première phrase de l'article 5(2) de la loi allemande sur les brevets. Par exemple, une méthode d'implantation capillaire a été considérée comme exclue de la brevetabilité au titre de l'article 5(2) de la loi allemande sur les brevets au motif qu'elle était mise en uvre au moyen d'instruments chirurgicaux et exigeait des connaissances médicales. La question de savoir si cette méthode visait à guérir une maladie ou avait un but purement esthétique était inopérante.
Au Royaume-Uni, l'exclusion de méthodes de traitement chirurgical du corps humain ou animal au sens de l'article 4(2) de la loi sur les brevets du Royaume-Uni de 1977 n'est pas non plus limitée à la chirurgie thérapeutique. Par conséquent, les méthodes chirurgicales à des fins esthétiques, ou à des fins non thérapeutiques telles que la stérilisation, ne sont pas brevetables. Cette approche se fonde en particulier sur les décisions T 182/90 et T 35/99, mais également sur les décisions Unilever Ltd. (Davis's) Application et Occidental Petroleum Corporation's Application. Dans cette dernière, il a été jugé qu'une méthode d'implantation d'embryons nécessitant l'intervention d'un chirurgien était une méthode chirurgicale exclue de la brevetabilité. Les directives du Royaume-Uni en matière d'examen spécifient que l'approche adoptée dans la décision T 383/03 n'est pas suivie et que la pratique de l'Office reste inchangée.
5. Interprétation stricte de l'expression "méthodes de traitement chirurgical du corps humain ou animal"
Même sans limiter l'exclusion à la chirurgie à des fins thérapeutiques, on peut arriver à une interprétation stricte de la portée de l'article 52(4) CBE 1973 en appliquant les critères suivants :
Premièrement, une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal ne doit tomber sous le régime de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE 1973 que si la mise en uvre de cette méthode n'est pas destructive, c'est-à-dire si elle n'entraîne pas la mort.
Deuxièmement, on peut se demander si des méthodes comprenant à la fois des étapes chirurgicales et non chirurgicales doivent être exclues de la brevetabilité, ou s'il convient d'adopter une autre approche.
Troisièmement, on peut faire valoir que toutes les interventions non insignifiantes pratiquées sur le corps humain ou animal ne constituent pas un traitement chirurgical au sens de cette disposition.
Pour des raisons de sécurité juridique, comme il est indiqué dans l'avis G 1/04 pour les méthodes de diagnostic, l'évaluation ne doit pas dépendre de la question de savoir si la méthode en question est mise en uvre par un médecin ou un vétérinaire.
L'exigence d'une interprétation stricte pourraient néanmoins se fonder sur les raisons pour lesquelles certaines activités doivent rester affranchies de toute contrainte découlant du droit des brevets. L'article 52(4) CBE 1973 ayant également pour but de protéger le sujet sur lequel la méthode est mise en uvre, il pourrait s'avérer pertinent de se demander dans quelle mesure la méthode est invasive et/ou implique des effets secondaires nuisibles ou des risques pour la santé du sujet. Cette approche permettrait d'éviter que certaines méthodes "superficielles" soient contestées en tant que méthodes chirurgicales bien que ne l'étant pas au sens commun du terme. La Présidente en donne des exemples. En revanche, les méthodes à finalité purement ou essentiellement non thérapeutique qui impliquent une intervention conséquente ("invasive") sur le corps vivant - changement de sexe, stérilisation, opération pour enlever les rides, augmentation ou réduction mammaire - resteraient excluent de la brevetabilité.
Les méthodes impliquant une injection sous-cutanée, intramusculaire ou intraveineuse sont attaquables au titre de l'article 52(4) CBE 1973 depuis la décision T 182/90. Il en est de même de la pose d'un cathéter. Il est probable que ces méthodes fussent également invasives à un certain degré, et qu'elles restent dès lors attaquables en tant que méthodes chirurgicales au titre de l'article 52(4) CBE 1973. Il faut bien reconnaître qu'il n'est pas aisé de cerner la limite. Il n'est pas certain qu'il soit possible de définir un critère sur la base du caractère invasif. Néanmoins, dans la pratique actuelle, il n'existe pas de définition exacte de ce qui constitue une intervention "non insignifiante" méritant d'être qualifiée de "traitement". Mais comme ce critère existant est appliqué au cas par cas avec des résultats assez raisonnables et acceptables dans l'ensemble, la même chose pourrait être envisagée pour un nouveau critère. Dans un tel contexte, où une intervention non insignifiante doit aussi être suffisamment invasive pour être exclue de la brevetabilité, une méthode comprenant comme étape l'injection d'un agent de contraste dans le cur répondrait très probablement aux deux critères, et serait donc considérée comme un traitement chirurgical au sens de l'article 52(4) CBE 1973.
6. Distinction entre les êtres humains et les animaux ?
Les méthodes de traitement chirurgical en question ne figuraient pas encore dans le texte de l'article 52(4) CBE 1973 lors des discussions concernant le maintien ou la suppression de la référence au corps animal pendant l'élaboration de la CBE 1973. L'article 52(4) CBE 1973 évoque cependant indistinctement le traitement du corps humain ou animal.
Le premier projet de la directive CE de 1988 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques contenait une disposition selon laquelle l'exclusion de la brevetabilité ou de l'applicabilité industrielle de méthodes pratiquées sur le corps animal à des fins de traitement chirurgical ou de diagnostic n'était d'application que si lesdites méthodes étaient pratiquées à des fins thérapeutiques. Cette "règle interprétative" partait du principe que le législateur avait insuffisamment prévu le développement des méthodes chirurgicales de nature non pas thérapeutique, mais industrielle. Cette disposition n'a toutefois été reprise ni dans le second projet de la directive ni dans la version qui a été adoptée. Les législateurs de la CBE n'ont pas reposé la question lors de la révision de la CBE en novembre 2000, laissant intact dans son contenu l'article 52(4) CBE 1973. Leur intention déclarée était de maintenir la pratique actuelle tout en transférant le contenu à la liste d'exceptions à la brevetabilité. Pour que l'expression "traitement chirurgical" puisse être interprétée différemment pour les animaux et pour les êtres humains, il aurait fallu qu'une telle distinction soit exprimée d'une façon ou d'une autre dans le libellé de l'article 52(4) CBE 1973, d'autant plus que ni l'historique de l'article 52(4) ni les dispositions juridiques connexes (directive sur les inventions biotechnologiques) n'offrent d'orientations à cet égard.
7. Conclusions
Question 1 : Sur la base de ce qui précède, l'approche proposée aboutirait à conclure que l'injection d'un agent de contraste dans le cur d'un être humain ou d'un animal vivant doit être considérée comme un traitement chirurgical du corps humain ou animal au sens de l'article 52(4) CBE 1973. Toute méthode comprenant cette étape doit être exclue de la brevetabilité.
Question 2 : Les principes de la décision G 1/98 ne sont pas applicables en l'espèce, car l'article 53b) CBE repose - uniquement - sur l'idée qu'il ne soit pas délivré de brevets européens pour des objets exclus de la brevetabilité du fait de l'interdiction de la double protection prévue dans la Convention de l'UPOV de 1961. Admettre des revendications portant sur des méthodes de traitement, pour autant que des étapes chirurgicales ne soient pas explicitement revendiquées, tendrait à soulever plus de problèmes. L'objection au titre de l'article 52(4) CBE 1973 serait alors facilement contournée moyennant l'utilisation de termes génériques appropriés.
Une limitation positive aux méthodes d'administration "non critiques" divulguées dans la description pourrait constituer une solution appropriée dans les trois cas.Si cela n'est pas faisable, un disclaimer tel qu'envisagé explicitement dans les décisions G 1/03 et G 2/03 pourrait certainement être pris en considération. Il faudrait alors décider si un disclaimer utilisant par exemple les termes "non chirurgical" ou "non invasif" remplit notamment l'exigence de clarté énoncée à l'article 84 CBE.
Les modifications apportées à la revendication indépendante par omission ou suppression de l'étape chirurgicale doivent notamment être en conformité avec les articles 84 et 123(2) CBE. Cette conformité ne peut être examinée qu'au cas par cas. Ainsi, lorsque l'étape chirurgicale est essentielle pour définir clairement et complètement l'invention, l'omission ou la suppression est impossible au regard des exigences de l'article 84 CBE.
Devront être jugées avec les mêmes critères qu'appliqués à l'omission ou la suppression de l'étape chirurgicale les modifications indiquant que l'étape chirurgicale précède ou suit la méthode revendiquée sans toutefois en faire partie (p.ex. "préalablement administré", "préalablement implanté" instrument "préalablement inséré"). Ces limitations séquentielles sont indéniablement possibles dans certaines situations nettement définies. Mais de telles modifications semblent problématiques si l'étape chirurgicale n'a lieu que pour la méthode (non chirurgicale) revendiquée, et qu'elle se déroule en étroite association séquentielle, causale et fonctionnelle avec ladite méthode. Aussi, les limitations séquentielles semblent-elles impossibles lorsque les étapes non chirurgicales de la méthode sont liées à une série d'étapes chirurgicales, par exemple dans les techniques itératives, ou lorsqu'un instrument, une fois inséré, est à nouveau manipulé dans le corps, ou lorsque la position du patient est continuellement ajustée pendant une intervention chirurgicale.
Question 3 : Lorsqu'une méthode revendiquée ne peut pas en soi être considérée comme une méthode de traitement chirurgical du corps, le simple fait qu'elle soit utile dans un traitement chirurgical ne lui confère pas un caractère chirurgical. Le facteur décisif est l'existence ou non d'un lien fonctionnel ou d'une causalité physique entre la méthode revendiquée et l'intervention chirurgicale. La simple coïncidence dans le temps d'une méthode d'imagerie et d'une intervention chirurgicale ne semble pas être un critère suffisant. Par conséquent, une méthode d'imagerie diagnostique où le déroulement d'une intervention chirurgicale est suivi et évalué, même si elle s'exécute en temps réel et permet au chirurgien de décider sur-le-champ de la marche à suivre tout en le laissant libre de choisir le traitement, ne doit pas être considérée comme chirurgicale aussi longtemps qu'elle n'est qu'une méthode d'imagerie et qu'elle n'est pas en elle-même à l'origine d'une intervention physique sur le patient.
En revanche, les méthodes "actives" portant par exemple sur la conduite automatisée d'instruments chirurgicaux ("chirurgie robotisée"), dans lesquelles les images obtenues sont immédiatement utilisées pour commander l'instrument dans le corps humain, par exemple moyennant une commande rétroactive en boucle fermée, doivent être considérées comme chirurgicales, car il existe alors un lien fonctionnel ou une causalité physique entre la méthode revendiquée et l'intervention chirurgicale.
IX. Observations de tiers (Amici curiae)
Des observations ont été reçues des tiers suivants : Fédération Européenne des Associations Neurologiques (EFNA) ; Association européenne pour la maladie de Parkinson (EPDA) ; epi ; Universitäts-Klinikum Hamburg - Eppendorf et Bundesärztekammer ; Philips Intellectual Property and Standards ; Deutsche Gesellschaft für Hals -, Nasen und Ohrenheilkunde ; Institute for Scientific Policy Analysis (SCIAN) ; Roche Diagnostics ; CIPA ; IIPI ; Dr. Martin Prince ; Udo W. Altenburg (mandataire européen).
1. Les partisans d'une interprétation stricte de l'exclusion ont fondamentalement adopté la même argumentation que le requérant. Il a également été demandé à la Grande Chambre de ne pas se limiter aux "méthodes d'imagerie" énoncées dans les questions, mais de considérer d'autres méthodes visant à mesurer des paramètres physiologiques exigeant une intervention physique.
2. Les tenants d'une interprétation ne limitant pas l'exclusion aux méthodes chirurgicales à finalité thérapeutique ont essentiellement argumenté comme suit :
On peut trouver de nombreux exemples de méthodes qui, même si elles ne visent pas au maintien de la santé et de la vie, ont un caractère chirurgical au sens médical (p.ex. chirurgie esthétique, prélèvement d'organes, etc.). Il est très important qu'eu égard à ces méthodes, les brevets ne viennent pas entraver le médecin dans son choix de la méthode de traitement appropriée. Les méthodes de traitement chirurgical doivent donc être exclues de la brevetabilité, même lorsqu'elles n'ont pas une finalité thérapeutique.
Toute autre interprétation rendrait superflue la distinction - pourtant bien réelle pour d'excellentes raisons - entre les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique.
3. Des commentaires ont également été faits concernant les questions 2 et 3 qui ont été soumises.
Motifs de la décision
1. Dispositions applicables
1.1 Recevabilité de la saisine
La présente saisine a eu lieu avant l'entrée en vigueur de la CBE 2000. D'après l'article 7(1) de l'Acte portant révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen) du 5 octobre 1973, révisée en dernier lieu le 17 décembre 1991, "le texte révisé de la Convention s'applique à toutes les demandes de brevet européen déposées après son entrée en vigueur [...]. Il ne s'applique pas aux [...] demandes de brevet européen qui sont pendantes à cette date, à moins que le Conseil d'administration de l'Organisation européenne des brevets n'en dispose autrement". L'article 112 n'est pas mentionné à l'article premier de la décision du Conseil d'administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires au titre de l'article 7 comme disposition qui s'appliquerait ainsi aux demandes de brevet européen pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la CBE révisée. L'article 112 CBE 1973 continue donc de s'appliquer aux demandes de brevet européen pendantes lors de l'entrée en vigueur de la Convention révisée.Aussi la recevabilité de la présente saisine doit-elle être appréciée sur la base de l'article 112 CBE 1973.
Ceci se justifie aussi au regard de l'exigence de sécurité juridique, qui veut que la recevabilité d'un acte procédural puisse être déterminée au moment où cet acte est accompli. Il s'ensuit également que c'est le droit applicable à ce moment qui est d'application (cf. aussi J 10/07, JO OEB 2008, 567, point 1 des motifs, T 1366/04 du 16 avril 2008, point 1.2 des motifs).
Bien que n'ayant pas été modifié au cours de la révision, l'article 112 CBE a par la suite été modifié par le Conseil d'administration en vertu du pouvoir que lui donne l'article 3(1) de l'acte de révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens d'établir un nouveau texte de la Convention sur le brevet européen dans lequel les dispositions de la Convention doivent, si nécessaire, être harmonisées sur le plan rédactionnel dans les trois langues officielles. S'agissant de l'article 112, cette "harmonisation" a consisté à remplacer, dans la version anglaise de l'article 112(1), la formule "if an important point of law arises" par "if a point of law of fundamental importance arises". Il n'est pas a priori évident que cette "harmonisation" du texte anglais n'implique aucun changement du sens global à donner à l'article 112(1), même si l'on tient compte des textes français et allemand dudit article, lesquels font également foi conformément à l'article 177(1) CBE 1973.Dès lors, il ne peut pas être affirmé d'emblée que la détermination de l'applicabilité de l'ancienne ou de la nouvelle version de l'article 112 CBE ne soit en rien pertinente.Aussi la Grande Chambre examinera-t-elle la recevabilité de la présente saisine sur la base de l'article 112 CBE 1973.
1.2 Droit matériel applicable
La décision de saisine soulève des questions en rapport avec l'application de l'article 52(4) CBE 1973. Lors de la révision de la CBE, le contenu de l'article 52(4) CBE 1973 a été transféré à l'article 53 c) CBE. D'après l'article premier, point 1 de la décision du Conseil d'administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires au titre de l'article 7 de l'acte de révision de la Convention sur le brevet européen du 29 novembre 2000 (JO OEB 2001, édition spéciale n° 4, 139), l'article 53 CBE est applicable aux demandes de brevet européen pendantes à la date de son entrée en vigueur. Par conséquent, comme la chambre à l'origine de la saisine devra appliquer l'article 53 c) CBE pour trancher l'affaire sur laquelle il lui incombe de statuer, la Grande Chambre répondra à la question dont elle est saisie sur la base de la CBE 2000.
2. Recevabilité de la saisine
L'article 112(1)a) CBE 1973 dispose qu'une chambre de recours saisit d'office la Grande Chambre de recours en cours d'instance, lorsqu'une décision est nécessaire afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose.
La décision de saisine a identifié dans la jurisprudence des chambres de recours différentes interprétations de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE 1973 des traitements chirurgicaux, ce qui mène à différents résultats quant à la brevetabilité d'éléments pouvant tomber sous le régime de cette exclusion. Le requérant a fait valoir que la jurisprudence citée témoigne d'une application non uniforme du droit.
La question de savoir quelle est l'interprétation correcte du concept "traitement chirurgical" dans l'actuel article 53 c) CBE, est indubitablement une question de droit d'importance fondamentale. Il n'est donc pas nécessaire de décider si les décisions auxquelles il est fait référence révèlent une application non uniforme du droit au sens de l'article 112(1) CBE 1973 ou si, lesdites décisions ayant été rendues par la chambre 3.2.02 (quoique siégeant dans des compositions différentes), elles reflètent plutôt une évolution de la jurisprudence de cette chambre.
En première instance, la division d'examen a seulement abordé la question de l'exclusion de l'invention revendiquée de la brevetabilité au titre de ce qui était alors l'article 52(4) CBE 1973. La chambre à l'origine de la saisine a estimé que s'il est fait droit au recours, il serait approprié de renvoyer l'affaire à la division d'examen pour suite à donner. Par conséquent, les questions soumises à la Grande Chambre doivent être tranchées avant que la chambre de recours qui a saisi la Grande Chambre puisse rendre sa décision sur le recours.
3. Question 1 :
Une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04), qui comprend ou englobe une étape consistant en une intervention physique pratiquée sur le corps humain ou animal (en l'espèce l'injection d'un agent de contraste dans le cur), doit-elle être exclue de la brevetabilité au motif qu'elle constitue une "méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE, si cette étape ne vise pas en soi à maintenir la vie et la santé ?
3.1 Interprétation stricte des exclusions - Convention de Vienne
Le requérant, excipant de la jurisprudence des chambres de recours (cf. décisions citées par le requérant au point 46 de son argumentaire), et la plupart des tiers ayant présenté des observations ont fait valoir que selon la Convention de Vienne, l'exclusion de la brevetabilité doit être interprétée de façon stricte, car l'article 4(3) CBE dispose que l'Organisation a pour tâche de délivrer des brevets.
Il est établi dans la jurisprudence de la Grande Chambre de recours depuis la décision G 5/83 (JO OEB 1985, 64, points 3 s. des motifs) que les principes interprétatifs des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sont applicables à l'interprétation de la CBE même si ses dispositions ne s'appliquent pas ex lege à la CBE.
L'article 31(1) de la Convention de Vienne prévoit qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Des moyens complémentaires d'interprétation, dont les travaux préparatoires du traité (à l'article 32), sont définis par la suite, mais ces dispositions - pas plus que la décision G 5/83 - ne mentionnent aucunement un principe d'interprétation large ou stricte, ne fût-ce que des exclusions.
Par conséquent, l'on ne saurait tirer de la Convention de Vienne le moindre principe général selon lequel les exclusions de la brevetabilité devraient a priori être interprétées de manière stricte.Au contraire, la règle générale énoncée à l'article 31, point 1 de la Convention de Vienne, selon laquelle un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but, doit s'appliquer aux dispositions d'exclusion prévues dans la CBE comme à toutes autres dispositions, dont celles qui définissent de façon positive les critères de brevetabilité.
Si l'interprétation de la disposition concernée selon ces principes a pour conséquence que l'interprétation restrictive est l'approche correcte, alors, mais alors seulement, il convient de lui donner ce sens restrictif.
Certes, si l'on veut prendre en compte le contexte d'une disposition, le fait qu'il s'agisse d'une exclusion dérogeant à une règle générale n'est pas sans incidence sur son interprétation, mais ce n'est là qu'un des facteurs déterminants dans la recherche de l'interprétation correcte. Tout aussi important, si ce n'est plus, est que la disposition, hormis le sens ordinaire à attribuer à sa formulation, soit interprétée de manière à ce qu'elle prenne pleinement effet et atteigne l'objectif qui a présidé à son élaboration. Comme il a déjà été dit, ceci doit s'appliquer à une clause d'exclusion de la même façon qu'à tout autre critère de brevetabilité.
Dans son avis G 1/04, JO OEB 2006, 334, au point 6 des motifs, la Grande Chambre a affirmé - renvoyant par là à des décisions des chambres de recours ayant reconnu l'existence d'un tel principe a priori - que le "principe fréquemment cité", selon lequel il convient d'interpréter de façon restrictive les clauses d'exclusion de la brevetabilité prévues par la CBE, ne s'applique pas sans exception. Il est intéressant de noter que dans cet avis concernant la définition de l'expression "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal", la Grande Chambre a conclu que ladite exclusion ne devait effectivement être interprétée de façon stricte qu'après une analyse approfondie du texte et de la finalité de la clause d'exclusion concernée.
La même approche se dégage également d'une décision plus récente de la Grande Chambre, à savoir G 2/06 (JO OEB 2009, 306). Dans cette décision, la Grande Chambre se penchait sur l'interprétation de l'exclusion de la brevetabilité des inventions biotechnologiques qui portent sur l'utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales au titre de la règle 28 c) CBE (et de l'article 6(2) correspondant de la directive de l'UE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques). La Grande Chambre n'y mentionne aucunement l'existence d'un principe d'interprétation stricte des exceptions à la brevetabilité. En lieu et place, s'agissant d'interpréter la portée de l'interdiction, la Grande Chambre s'en remet directement aux règles d'interprétation énoncées dans la Convention de Vienne, où il est préconisé d'analyser les termes de la disposition ainsi que son objet et son but (point 16 des motifs). Les motifs de cette décision ne mentionnent ensuite aucune approche stricte ou restrictive qui s'imposerait du fait que ladite interdiction est une exception à la brevetabilité. La Grande Chambre procédera de la même manière dans la présente espèce.
3.2 La présence d'une seule étape chirurgicale dans une méthode comportant plusieurs étapes suffit-elle à exclure cette dernière de la brevetabilité ?
Il ressort clairement de la question 1 et des revendications à la base de la saisine que l'étape pouvant être considérée comme chirurgicale n'est qu'une des étapes d'une méthode qui en comprend plusieurs, et que la méthode d'imagerie revendiquée ne porte pas sur de la chirurgie en tant que telle. Par conséquent, s'il était répondu par la négative à la question ci-dessus, la question 1 soumise appellerait aussi une réponse négative.
Dans une des alternatives, la question 1 concerne la situation dans laquelle la méthode revendiquée comprend une étape chirurgicale. La Grande Chambre note que le dossier de l'affaire à la base de la saisine ne contient actuellement aucune revendication dans laquelle l'étape chirurgicale potentielle, à savoir l'injection dans le cur, est revendiquée en tant que telle et en tant qu'une des étapes de la méthode. Mais la caractéristique concernant l'administration de l'agent d'imagerie au sujet (le patient) dans les revendications indépendantes 1, 11 et 17 englobe le mode de réalisation où l'administration a lieu par injection (ou par des moyens similaires) dans le cur.
Néanmoins, comme dans l'affaire à la base de la saisine le requérant peut toujours (via une limitation ou une revendication dépendante) rédiger une revendication comprenant comme étape celle de l'administration de l'agent d'imagerie au patient par injection dans le cur, la Grande Chambre estime approprié de faire figurer ces aspects de la question dans sa réponse, pour le cas où elle jugerait que l'exclusion au titre de l'article 53 c) CBE n'est pas de mise. Ceci d'autant plus que les considérations qui déterminent la réponse à donner s'appliquent de la même manière aux deux alternatives, et qu'aucune distinction n'est faite à ce niveau dans la jurisprudence.
3.2.1 Avis G 1/04
Dans son avis G 1/04, loc. cit., point 6.2.1 des motifs, la Grande Chambre affirme :
"Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, une revendication de méthode tombe sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 52(4) CBE si elle comprend au moins une caractéristique définissant une activité physique ou un acte qui constitue une étape de traitement du corps humain ou animal, par traitement chirurgical ou thérapeutique. [...] Par conséquent, le caractère chirurgical ou thérapeutique d'une revendication de méthode peut tout à fait être déterminé par une seule étape, sans contrevenir à l'article 84 CBE."
3.2.2 La position opposée
Cette approche a été critiquée par le requérant et par les tiers ayant présenté des observations.Ils font valoir qu'une vue aussi large de l'exclusion n'est pas nécessaire pour concrétiser le principe sous-jacent de la liberté de pratique du médecin - en l'occurrence du chirurgien.S'il ne met en uvre qu'une étape chirurgicale d'une méthode qui comporte plusieurs étapes, le chirurgien ne met pas en pratique la totalité de la revendication, et toute exclusion protectrice est superflue.En revanche, s'il met en uvre toutes les étapes de la revendication, le chirurgien ne se limite plus à un acte de chirurgie, et l'exclusion perd sa justification.En outre, l'affirmation figurant dans l'avis G 1/04 et sa référence à la "jurisprudence constante" était essentiellement incidente et fondée sur la décision T 182/90 (qui était dans l'erreur sur ce point) ainsi que sur les décisions ultérieures qui l'ont suivie. Il n'existait toutefois pas de jurisprudence antérieure en la matière.
3.2.3 Le pour et le contre de la position opposée
3.2.3.1 Le principe selon lequel la présence, dans une méthode à plusieurs étapes, d'une étape exclue de la brevetabilité par l'article 52(4) CBE 1973 rend la revendication non brevetable, découle de la jurisprudence des chambres de recours en tant qu'argument tiré a contrario de l'article 52(3) CBE 1973 qui dispose que les inventions énumérées à l'article 52(2) CBE 1973 ne sont exclues de la brevetabilité que dans la mesure où la demande de brevet ou le brevet européen ne concerne que l'un de ces éléments, considéré en tant que tel. Etant donné qu'aucune réserve de ce type limitant l'exclusion de la brevetabilité n'existe à l'article 52(4) CBE 1973, les chambres ont estimé que les méthodes exclues de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE 1973 ne peuvent constituer l'objet ou une partie de l'objet couvert par la revendication. Ce principe a été appliqué uniformément à l'exclusion de la brevetabilité des méthodes thérapeutique et des méthodes chirurgicales (cf. p.ex. T 820/92, JO OEB 1995, 113, points 5.4 et 5.5 des motifs, où il est fait référence à plusieurs décisions antérieures portant sur des méthodes thérapeutiques, mais où T 182/90 est également citée).
Dans le passage de G 1/04 dont il est question plus haut, la Grande Chambre a clairement et explicitement approuvé cette jurisprudence en ce qui concerne les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique. Que ce soit à titre d'opinion incidente ou non, ce passage est rédigé assez clairement pour ne laisser aucun doute sur le fait que la Grande Chambre soutienne le principe développé dans la jurisprudence des chambres de recours, selon lequel une revendication de méthode tombe sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 52(4) CBE si elle comprend au moins une caractéristique définissant une activité physique ou un acte qui constitue une étape de traitement du corps humain ou animal, par traitement chirurgical ou thérapeutique. Ce principe étant depuis longtemps établi dans la jurisprudence, il est sans importance qu'il ait été ou non reconnu pour la première fois dans la décision T 182/90. En outre, l'avis G 1/04 ne mentionne aucunement la décision T 182/90. Par conséquent, l'argument du requérant selon lequel le passage cité de G 1/04 se basait sur la décision T 182/90 n'est pas confirmé par les faits.
3.2.3.2 Même s'il n'est peut-être pas tout à fait déraisonnable de supposer qu'en mettant en uvre une seule étape thérapeutique ou chirurgicale d'une méthode à plusieurs étapes, un médecin ne porterait normalement pas atteinte à une revendication d'un brevet portant sur ladite méthode à plusieurs étapes, toute question de contrefaçon dépend en dernier recours de l'interprétation des droits nationaux applicables. Il est également communément admis que pour interpréter l'article 53 c) CBE, il importe de tenir compte des facteurs socio-éthiques qui sous-tendent l'exclusion des méthodes thérapeutiques, chirurgicales et de diagnostic de la brevetabilité et visent à libérer la profession médicale des contraintes que pourraient leur imposer les brevets. Rien à l'article 53 c) CBE ne permet cependant de conclure que l'exclusion ne peut s'appliquer dans le cas d'espèce considéré que s'il y a entrave à liberté de pratique d'un médecin. La seule condition définie à l'article 53 c) CBE pour qu'une revendication soit exclue de la brevetabilité est qu'elle renferme des éléments qui constituent une méthode de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal, ou une méthode de diagnostic. Si tel est le cas, elle est exclue de la brevetabilité et il n'importe nullement de savoir si, en l'espèce, un médecin commettrait ou pourrait commettre une contrefaçon de la revendication. Il apparaît de façon évidente que cette approche est correcte lorsque l'on considère l'argument avancé par le requérant (et également par certains tiers ayant présenté des observations) en faveur d'une interprétation stricte de la clause d'exclusion, selon lequel les produits médicaux pourraient être protégés en tant que produits même si une telle protection est aussi de nature à entraver la liberté d'action du médecin. Correct ou non, et à plus forte raison s'il l'est, cet argument montre que les critères de brevetabilité d'une part, mais également d'autre part ceux régissant l'applicabilité d'une exclusion, dépendent de la décision générale prise par le législateur via la formulation des dispositions correspondantes concernant la manière de faire la distinction entre les éléments brevetables et ceux qui ne le sont pas.
Même s'il est vrai que certains droits nationaux, comme par exemple le droit américain, ont trouvé une meilleure solution en autorisant la protection par brevet tout en prévoyant qu'aucune sanction ne peut être imposée aux médecins qui exercent une activité médicale "constituant une contrefaçon", telle n'est pas la solution adoptée par le législateur européen. Au contraire, lors de la révision de la CBE, le législateur européen a délibérément maintenu les exclusions au titre de l'article 52(4) CBE 1973 dans ce qui est devenu l'article 53 c) CBE. En excluant de la brevetabilité les activités en question, il a ainsi confirmé le principe selon lequel les praticiens en médecine humaine et vétérinaire sont libres d'utiliser les meilleurs traitements à leur disposition dans l'intérêt de leurs patients, sans avoir à s'inquiéter qu'un traitement puisse être breveté. Le fait d'exclure également de la brevetabilité les méthodes à plusieurs étapes qui comprennent ou englobent une étape thérapeutique ou chirurgicale permet de donner plein effet à cet objectif législatif. Ainsi, le principe développé dans la jurisprudence, selon lequel la présence d'une étape thérapeutique ou chirurgicale dans une méthode à plusieurs étapes exclut cette méthode de la brevetabilité, est justifié non seulement sur le plan de la forme, en ce sens que l'article 53 c) CBE ne limite aucunement l'exclusion des méthodes définies aux méthodes revendiquées en tant que telles, mais aussi, ce qui est plus important, sur le fond, en ce sens qu'il permet d'atteindre l'objectif législatif de l'exclusion.
3.2.4 Pertinence d'une autre énonciation de l'avis G 1/04 à laquelle le requérant fait référence
A l'appui de son autre argument selon lequel la protection éventuelle du médecin est mieux assurée par le droit national (en matière de contrefaçon) que par une exclusion de la brevetabilité, le requérant a aussi excipé d'une énonciation figurant dans l'avis G 1/04, loc. cit., au point 6.1 des motifs, où la Grande Chambre affirmait, dans le contexte de la définition stricte qu'elle avait donné du terme "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal" :
"Etant donné que d'autres moyens sont disponibles, si nécessaire, pour garantir une protection étendue en faveur des praticiens en médecine humaine et vétérinaire, notamment en adoptant des dispositions légales au niveau national dans les Etats parties à la CBE, qui confèrent à ces praticiens le droit d'utiliser les méthodes en question, il est équitable d'interpréter de façon restrictive la portée de l'exclusion de la brevetabilité évoquée ci-dessus".
Pour interpréter correctement ce passage, il faut le lire dans son contexte, et non pas isolément. Ainsi, dans le même avis, la Grande Chambre a explicitement soutenu le principe selon lequel une revendication de méthode tombe sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 52(4) CBE si elle comprend au moins une caractéristique définissant une activité physique ou un acte qui constitue une étape de traitement du corps humain ou animal, par traitement chirurgical ou thérapeutique. D'autre part, comme il ressort des phrases qui précèdent et qui suivent l'énonciation susmentionnée aux points 6.1 et 6.3 des motifs, ces considérations ont rapport à la difficulté, sinon à l'impossibilité qu'il y a, selon la Grande Chambre, de définir les personnes qui doivent être considérées comme étant ces praticiens à un niveau européen, dans le cadre de la CBE. Il est ensuite dit que pour des raisons de sécurité juridique, la procédure de délivrance des brevets européens ne peut pas être rendue dépendante de la participation de ces praticiens à une méthode. Ceci est énoncé de façon plus large au point 6.3 des motifs, où l'importance de la sécurité juridique est réaffirmée et où plusieurs raisons sont données pour lesquelles la question de savoir si une méthode (en l'occurrence, une méthode de diagnostic) constitue une méthode au sens de l'article 52(4) CBE 1973, "ne peut dépendre ni de la participation d'un praticien en médecine humaine ou vétérinaire [...] ni du fait que toutes les étapes de la méthode peuvent également, ou exclusivement, être mises en uvre par un personnel médical ou technique auxiliaire [...]". Par conséquent, dans ce contexte, l'argument selon lequel la protection des praticiens peut être assurée au besoin par d'autres moyens servait uniquement à expliquer que la position restrictive que la Grande Chambre avait jugé bon d'adopter dans l'intérêt de la sécurité juridique pour interpréter l'exclusion des méthodes de diagnostic au titre de l'article 52(4) CBE 1973 comme concernant uniquement les méthodes qui comprennent aussi l'étape de diagnostic au sens strict, n'aboutirait pas à des résultats totalement injustifiés puisqu'il est loisible au législateur national de protéger si besoin de façon plus complète les praticiens en médecine humaine et vétérinaire.
Dès lors, ce passage confirme plutôt que l'interprétation des exclusions de la brevetabilité à l'article 53 c) CBE ne doit pas dépendre de la question de savoir s'il y aurait ou non contrefaçon.
3.2.5 Conclusion
En conclusion de ce qui précède, la Grande Chambre ne voit pas de véritable raison de ne pas réaffirmer le principe suivant confirmé dans l'avis G 1/04, au point 6.2.1 des motifs, et qui sous-tend l'ensemble de la pratique et de la jurisprudence jusqu'à ce jour : une revendication de procédé tombe sous le coup de l'interdiction de breveter des méthodes de traitement thérapeutique ou chirurgical prévue désormais à l'article 53 c) CBE, si elle comprend au moins une caractéristique définissant une activité physique ou un acte qui constitue une étape de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal.
3.3 L'exclusion des traitements chirurgicaux est-elle limitée à la chirurgie à finalité thérapeutique ?
Le requérant fait valoir qu'il n'y a pas à répondre à cette question dans le contexte actuel, car la question faisant l'objet de la saisine porte sur une méthode revendiquée uniquement dans un but de diagnostic. Même si la signification du terme "chirurgie" n'était pas limitée à la chirurgie à finalité thérapeutique, l'exclusion ne s'appliquerait toujours pas aux méthodes revendiquées dans un but de diagnostic, y compris lorsque lesdites méthodes comprennent ou englobent une étape chirurgicale. Lorsqu'on applique des méthodes à des fins thérapeutiques, il est souvent nécessaire de passer par une étape à caractère potentiellement chirurgical, comme l'administration d'un agent de contraste, ceci afin d'arriver à des résultats utilisables pour le diagnostic. Considérer de telles méthodes comme étant exclues de la brevetabilité compromettrait l'interprétation stricte de l'exclusion de la brevetabilité des méthodes de diagnostic adoptée dans l'avis G 1/04 qui a expressément autorisé de breveter des méthodes qui, sans être des méthodes de diagnostic au sens strict, visent à produire des résultats utilisables à des fins diagnostiques.
Pour être brevetable, une invention revendiquée doit remplir tous les critères de brevetabilité et ne doit être exclue de la brevetabilité par aucune des exclusions que prévoit la CBE. Les trois cas d'exclusion énoncés à l'article 53 c) CBE sont donc des exigences cumulatives. Pour être brevetable, une méthode revendiquée ne peut être ni thérapeutique, ni chirurgicale, ni diagnostique. Par conséquent, même si elle n'est pas exclue de la brevetabilité comme méthode de diagnostic au sens de l'article 53 c) CBE, l'invention à la base de la saisine pourrait toujours l'être en tant que méthode de traitement chirurgical au sens de l'article 53 c) CBE au cas où la décision T 383/03 limitant l'exclusion aux traitements thérapeutiques n'était pas suivie.
3.3.1 Sens de la formulation utilisée dans la disposition
Dans la décision T 182/90, JO OEB 1994, 641, la chambre a recherché la signification du terme "chirurgie" en général et constaté que dans l'usage linguistique médical et juridique actuel, les traitements non curatifs sont considérés comme des traitements chirurgicaux s'ils utilisent la chirurgie (points 2.2 à 2.4 des motifs). Cette constatation n'a pas été remise en question en tant que telle dans les décisions ultérieures. Ce qui est contesté, c'est que l'article 52(4) CBE 1973 vise à exclure ces traitements de la brevetabilité.
Le fait que l'exclusion des méthodes de traitement chirurgical de la brevetabilité corresponde de prime abord à l'une des trois alternatives d'exclusion indique que les situations couvertes dans les trois cas ne sont pas censées être identiques, car l'inclusion du terme "chirurgical" à l'article 53 c) CBE n'aurait aucun sens si ce cas particulier était déjà entièrement compris dans l'exclusion de la brevetabilité de l'autre alternative, à savoir le "traitement thérapeutique". Dans ce contexte, il convient de noter que le critère d'exclusion se rapportant au traitement "chirurgical" ne figurait pas à l'origine dans le projet de CBE, mais a été introduit après les exclusions visant les méthodes thérapeutiques et de diagnostic. Avant de définir la portée du terme, il est donc utile d'examiner la genèse et le but de l'ajout du terme "chirurgical".
3.3.2 Enseignements à tirer de la genèse
3.3.2.1 La CBE 2000
Lors de la révision de la CBE, le contenu de l'article 52(4) CBE 1973 a été transféré à l'article 53 c) CBE. La fiction de l'article 52(4) CBE 1973, selon laquelle "ne sont pas considérées comme des inventions susceptibles d'application industrielle au sens du paragraphe 1, les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal", a été supprimée. En effet, il fut considéré qu'il n'était pas souhaitable de la conserver étant donné que les méthodes de diagnostic sont exclues de la brevetabilité pour des raisons de santé publique. Il a été jugé préférable d'inclure ces inventions dans les exceptions à la brevetabilité et de les regrouper à l'article 53 CBE. Pour le reste, le texte de ce qui était l'article 52(4) CBE 1973 est demeuré inchangé, le principe étant acquis que la transposition de l'article 52(4) CBE 1973 à l'article 53 c) CBE 2000 n'entraînait aucun changement pour la pratique de l'OEB (cf. révision de la Convention sur le brevet européen (CBE 2000), Présentation synoptique CBE 1973/2000 - partie I : Les articles, JO OEB 2007, édition spéciale 4, 50).
Dans son avis G 1/04, loc. cit., points 10 et 11 des motifs, la Grande Chambre a souscrit à cette approche en confirmant que son interprétation de la portée de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE 1973 alors existant en ce qui concerne les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, resterait valable dans le cadre de la CBE 2000.
Par conséquent, il faut se tourner vers les Travaux préparatoires à la CBE 1973 pour connaître le sens correct à donner au concept "traitement chirurgical".
3.3.2.2 La CBE 1973 et les Travaux préparatoires
a) Dans sa décision T 383/03, JO OEB 2005, 159, la chambre de recours technique 3.2.02 a fondé sur deux documents des Travaux préparatoires sa conclusion selon laquelle l'intention du législateur était seulement d'exclure de la brevetabilité les traitements chirurgicaux portant sur des activités curatives, c'est-à-dire toute intervention appropriée pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique d'un être humain ou animal ainsi que pour prévenir les maladies (fin du point 3.2b) et point 3.2c) des motifs). Le premier document est le procès-verbal (à l'époque rédigé uniquement en allemand et en français) de la 15e réunion du groupe de travail "Brevets" qui s'est tenue à Bruxelles du 19 au 29 octobre 1964, 11821/IV/64-D, page 4. Il est fait référence à l'affirmation suivante : "Heilmethoden der Human- und Veterinärmedizin einschlie?lich diagnostischer Verfahren vom Begriff der Erfindung ausgenommen sind". Dans la version française 11821/IV/64-F du document, il est dit que le but de la disposition consiste à "indiquer l'exception des méthodes curatives du corps humain ou des animaux y compris les méthodes de diagnostic". Le deuxième document invoqué est le procès-verbal de la 6e réunion de la Conférence intergouvernementale pour l'institution d'un système européen de délivrance de brevets (Luxembourg, du 19 au 30 juin 1972), BR/219 f/72, où il est affirmé au point 27 en rapport avec une discussion sur le traitement des animaux que "l'on veut simplement exclure de la brevetabilité tous les traitements thérapeutiques s'appliquant à l'animal, le but de cette disposition étant d'exclure la brevetabilité de traitements compris au sens de soins destinés à guérir ou alléger la souffrance des animaux".
b) Pour ce qui est du premier document invoqué par la chambre 3.2.02, il convient de noter que lors de la rédaction du document 11821/IV/64, l'exclusion des méthodes chirurgicales de la brevetabilité n'avait pas encore été envisagée, et l'affirmation qui figure dans le document se rapportait à la proposition d'intégrer à ce qui était alors l'article 9 une exclusion de la brevetabilité visant uniquement les méthodes thérapeutiques et de diagnostic. C'est dans ce contexte qu'il faut placer le passage précité dudit document ("Heilmethoden der Human- und Veterinärmedizin einschlie?lich diagnostischer Verfahren vom Begriff der Erfindung ausgenommen sind" ; "indiquer l'exception des méthodes curatives du corps humain ou des animaux y compris les méthodes de diagnostic") et aucune conclusion ne peut en être tirée concernant le sens que le législateur aurait voulu conférer à l'expression "traitement chirurgical" incorporée ultérieurement.
c) L'exclusion de la brevetabilité de traitements chirurgicaux a - seulement - été incorporée au projet d'article 9(2) durant la réunion du Groupe de travail I (Luxembourg, du 8 au 11 juillet 1969, cf. procès-verbal de la réunion, BR/7 f/69, point 22), afin de l'aligner sur le projet de la règle 39.1 PCT correspondante, mais aucune information ne ressort de ce document quant à la question de savoir ce que les législateurs européens entendaient par l'expression "traitement chirurgical" incorporée de la sorte dans le projet de CBE.
En ce qui concerne la règle 39.1 PCT, les Actes de la conférence diplomatique de Washington sur le PCT de 1970 (règle 39, points 1174 s.) montrent que le motif qui a présidé à l'introduction d'une telle règle était la crainte que les administrations chargées de la recherche internationale éprouvent des difficultés en effectuant des recherches dans l'état de la technique pour des éléments non brevetables en vertu du droit national. Les Actes font état dans ce contexte d'une remarque du délégué japonais selon laquelle les méthodes de traitement thérapeutique ou chirurgical du corps humain ne sont pas brevetables dans le droit japonais. Néanmoins, on n'y trouve aucune information particulière sur les raisons d'inclure les méthodes chirurgicales en tant que cas séparé dans le projet de règle 39.1 PCT.
d) Dans les délibérations qui ont suivi concernant le projet de CBE, une longue discussion a eu lieu sur la référence à l'exclusion d'"animaux", référence qui ne figurait pas jusqu'alors dans les projets des textes de la CBE. Plusieurs parties ont suggéré de supprimer cette référence pour les motifs suivants :
i) il est difficile de faire la différence entre des méthodes d'élevage et des méthodes visant à protéger les animaux contre certaines maladies (procès-verbal de la 9e réunion du Groupe de travail I qui s'est tenue du 12 au 22 octobre 1971 à Luxembourg, BR/135 f/71, point 94) ;
ii) il est difficile de distinguer entre les méthodes de traitement strictement vétérinaires et d'autres méthodes concernant par exemple l'élevage du bétail ou la stérilisation de certaines espèces d'insectes, qui peuvent présenter un caractère plus nettement industriel (procès-verbal de la 5e réunion de la Conférence intergouvernementale pour l'institution d'un système européen de délivrance de brevets, partie II, audition des Organisations internationales non gouvernementales, Luxembourg, du 26 janvier au 1er février 1972, BR/169 f/72, point 17) ;
iii) pour permettre à la jurisprudence de distinguer entre les traitements vétérinaires et les cas - comme dans les exemples susmentionnés - ayant un caractère plus typiquement industriel (procès-verbal de la 5e réunion de la Conférence intergouvernementale, parties 1 et 3, Luxembourg, les 24 et 25 janvier et du 2 au 4 février 1972, BR/168 f/72).
e) Le seul document à aborder explicitement la question de savoir si des traitements chirurgicaux visant non pas à des fins thérapeutiques mais au contraire à des fins destructives (p.ex. la stérilisation d'insectes) sont inclus dans la disposition, est le document cité par le requérant, à savoir le rapport sur la 11e réunion du Groupe de travail I qui s'est tenue à Luxembourg du 28 février au 3 mars 1972, BR/177 f/72. Il est noté au point 9d) de ce rapport : "Le Groupe a exprimé l'avis que de tels traitements n'étaient, en effet, pas visés par cette disposition, mais n'a pas estimé nécessaire d'établir un texte explicite dans ce sens".
3.3.2.3 Conclusions à tirer des Travaux préparatoires
Il semble donc que la question de la brevetabilité de certains types de traitements vétérinaires était perçue comme ayant plus généralement trait à la distinction qu'il convenait d'établir entre les méthodes destinées à l'exploitation industrielle des animaux, lesquelles doivent être brevetables, et les méthodes de traitement thérapeutique des animaux, lesquelles doivent être exclues de la brevetabilité pour des raisons de nature humanitaire d'une part, et pour des considérations liées à la santé publique d'autre part. (BR/168 f/72, point 32). Néanmoins, ni le document BR/177/ f/72 ni aucun des autres documents des Travaux préparatoires (y compris celui cité par la chambre 3.2.02) ne reflètent l'opinion générale selon laquelle l'intention du législateur était d'exclure de la brevetabilité, par le choix des termes de l'article 52(4) CBE 1973, les seules méthodes chirurgicales de nature thérapeutique.
3.3.2.4 Travaux législatifs ultérieurs
Les mêmes conclusions se dégagent du texte finalement adopté pour la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (JO OEB 1999, 101). La Présidente de l'OEB rapporte (cf. Exposé des faits et conclusions, point VIII, 6 ci-dessus) que le premier projet de la directive CE de 1988 renfermait une "règle d'interprétation" disposant que l'exclusion de la brevetabilité ou de l'applicabilité industrielle de méthodes pratiquées sur le corps animal à des fins de traitement chirurgical ou de diagnostic n'était d'application que si lesdites méthodes étaient pratiquées à des fins thérapeutiques, partant du principe que le législateur avait insuffisamment prévu le développement des méthodes chirurgicales de nature non pas thérapeutique, mais industrielle. Toutefois cette disposition concernait uniquement les animaux et n'a été reprise ni dans le second projet de la directive ni dans la version adoptée. Le considérant 35 de la directive se contente d'affirmer que la directive n'affecte pas les dispositions des législations nationales en matière de brevets selon lesquelles les procédés de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic pratiquées sur l'organisme humain ou animal sont exclus de la brevetabilité. En outre, les législateurs de la CBE n'ont pas reposé la question lors de la révision de la CBE en novembre 2000, laissant intacte le contenu de l'article 52(4) CBE 1973. Leur intention déclarée était de maintenir la pratique actuelle tout en transférant le contenu à la liste d'exceptions à la brevetabilité.
3.3.2.5 Conclusions relatives au point 3.3.2
Par conséquent, l'interprétation normale est de considérer l'article 53 c) CBE comme une disposition renfermant trois alternatives de portées différentes, l'exclusion des "traitements chirurgicaux" ne pouvant être comprise comme étant limitée à la chirurgie à finalité thérapeutique puisqu'elle serait alors déjà entièrement couverte par l'exclusion de la brevetabilité des méthodes thérapeutiques. Ceci semble être, non pas en conflit, mais plutôt en conformité avec les Travaux préparatoires de la CBE 1973 et avec le résultat des initiatives législatives ultérieures.
3.3.3 La jurisprudence de la chambre 3.2.02 citée par la chambre à l'origine de la saisine
Dans la décision T 182/90, JO OEB 1994, 641, la chambre de recours a reconnu, en se référant aux Directives relatives à l'examen, que le terme "chirurgie" définit en principe la nature du traitement plutôt que son but, même si cela peut ne pas être vrai dans tous les cas.
Dans l'usage linguistique médical et juridique actuel, le terme "traitement" n'est pas limité à un traitement à but curatif, mais peut également recouvrir des traitements visant d'autres buts non curatifs, comme le traitement esthétique, l'interruption de grossesse, la castration, la stérilisation, l'insémination artificielle, les transplantations d'embryons, les traitements à des fins expérimentales et de recherche, et le prélèvement d'organes, de peau ou de moelle osseuse sur un donneur vivant. Mis en uvre par voie chirurgicale, ces traitements sont considérés comme des traitements chirurgicaux (points 2.2, 2.4 et 2.5.2 des motifs).
Cette position a été de nouveau confirmée dans la décision T 35/99, JO OEB 2000, 447, où la chambre a estimé (cf. sommaire) que les interventions physiques réalisées sur le corps humain ou animal qui, quel que soit leur but, visent prioritairement à maintenir la vie ou la santé du corps sur lequel elles sont mises en uvre, sont "par nature" des méthodes de traitement chirurgical au sens de l'article 52(4) CBE. Par conséquent, la chirurgie esthétique, et d'une manière générale toutes les interventions physiques visant à modifier des fonctions du corps vivant (par ex. la castration en vue de modifier des fonctions de l'organisme liées au sexe), ainsi que pour l'exérèse de parties du corps (par ex. en vue d'une transplantation) sont également couvertes par l'exclusion (point 4.1 des motifs). Seuls les procédés qui aboutissent intentionnellement ou incidemment à la mort de l'être vivant "sous traitement", à savoir les "traitements destructifs", ne sont pas couverts par l'exclusion, car via cette dernière, le législateur a arrêté un ensemble de dispositions spéciales pour le domaine médical (point 4 s. des motifs). Dès lors, une méthode comprenant comme étape l'insertion d'un cathéter dans le cur est considérée comme étant exclue de la brevetabilité.
Cependant dans la décision T 383/03, JO OEB 2005, 159, la chambre a jugé que si une méthode, bien qu'impliquant une intervention physique non insignifiante devant être considérée comme une opération chirurgicale, n'est manifestement pas potentiellement appropriée pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique et le bien-être physique d'un être humain ou d'un animal, mais permet uniquement d'obtenir une amélioration esthétique de l'apparence de la personne, les revendications ont pour objet une "méthode esthétique" qu'il n'y a pas lieu de considérer comme tombant sous le coup de l'exclusion de la protection prévue à l'article 52(4) CBE 1973 (point 3.4 s. des motifs). La méthode d'épilation au moyen d'un rayonnement optique revendiquée a par conséquent été considérée comme brevetable.
Les décisions ultérieures T 1102/02 du 13 juillet 2006 et T 9/04 du 8 septembre 2006 citées par la chambre à l'origine de la saisine semblent avoir été principalement fondées sur l'argument selon lequel les inventions revendiquées étaient considérées comme de pures méthodes techniques portant uniquement sur le fonctionnement des dispositifs utilisés, et non pas sur une méthode de traitement du corps humain ou animal au sens de l'article 52(4) CBE 1973 (cf. ci-après, point 4.3.2). Néanmoins, les deux décisions confirment par ailleurs à l'évidence la position adoptée dans l'affaire T 383/03, en s'y référant et en affirmant que les méthodes litigieuses "ne sont pas appropriées ni potentiellement appropriées pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique d'un être humain ou animal ainsi que pour prévenir des maladies (cf. T 383/03, OJ EPO 2005, 159, points 3.2 à 3.4 des motifs)" (T 1102/02, point 3 des motifs ; T 9/04, point 6 des motifs).
3.3.4 Directives pour la recherche ou l'examen
Dans leur version d'avril 2009, les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets continuent d'appliquer l'approche selon laquelle le terme "chirurgie" définit la nature du traitement plutôt que son but. Elles disposent par ailleurs que, par exemple, une méthode de traitement chirurgical à des fins esthétiques ou en vue d'un transfert d'embryon est exclue de la brevetabilité (C-IV, 4.8.1).
Il est spécifiquement indiqué dans les directives du PCT concernant la recherche internationale et l'examen préliminaire international, à la troisième partie, chapitre 9, point 9.10 : "la chirurgie ne se limite pas aux traitements curatifs, car elle est plus indicative de la nature du traitement ; les méthodes de chirurgie esthétique peuvent donc être exclues de la recherche ou de l'examen préliminaire". Plus haut, au point 9.09, il est dit qu'en revanche "il n'y a pas lieu de procéder à une recherche ou à un examen préliminaire international à l'égard d'un traitement esthétique faisant appel à des méthodes chirurgicales (voir la dernière phrase du paragraphe 9.10)".
3.3.5 Avis G 1/04
Dans son avis G 1/04, loc. cit., la Grande Chambre a énoncé, au point 6.2.1 des motifs, que "Les méthodes chirurgicales au sens de l'article 52(4) CBE 1973 incluent toute intervention physique sur le corps humain ou animal dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale."
Dans cet avis, la Grande Chambre entendait surtout définir la signification de l'exclusion de la brevetabilité des méthodes de diagnostic au titre de l'article 52(4) CBE 1973, et non pas donner une définition de l'expression "traitement chirurgical". Dans ce contexte, les considérations de la Grande Chambre sur les méthodes chirurgicales ou thérapeutiques ne servent qu'à délimiter les méthodes de diagnostic qui en découlent, en supposant que ces dernières comprennent par définition plusieurs étapes. En outre, l'utilisation du mot "incluent" dans la phrase citée indique d'emblée qu'il n'entrait pas dans les intentions de la Grande Chambre de donner une définition exhaustive de l'expression "méthodes de traitement chirurgical".
Affirmer que les traitements chirurgicaux incluent toute intervention physique sur le corps humain ou animal "dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale" ne revient pas à affirmer que le concept "traitement chirurgical" est limité aux méthodes thérapeutiques. Il est évident que hormis les méthodes chirurgicales destructives, par exemple dans la chirurgie esthétique, le prélèvement d'organes, la transplantation d'embryons, mais aussi dans les méthodes d'imagerie revendiquées dans la demande à la base de la saisine - notamment lorsqu'elles impliquent des interventions à risques, comme une injection intracardiaque -, le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale dans les méthodes chirurgicales. Par conséquent, la définition donnée par la Grande Chambre dans son avis G 1/04 ne peut pas être comprise comme signifiant que la Grande Chambre estime que l'expression "traitement chirurgical" est limitée à la chirurgie thérapeutique. Au contraire, cette définition s'inscrit très bien dans la jurisprudence constante. Dans les décisions T 182/90 et T 35/99, il a été estimé que l'expression "méthodes de traitement chirurgical" inclut les interventions qui, quel que soit leur but, visent prioritairement à maintenir la vie ou la santé du corps humain ou animal sur lequel elles sont mises en uvre (T 35/99, loc. cit., point 4.1 des motifs). Mais la finalité de l'exclusion étant d'arrêter un ensemble de dispositions spéciales pour le domaine médical, son interprétation ne peut pas être étendue aux traitements destructifs, à savoir aux procédés qui aboutissent consciemment (intentionnellement ou incidemment) à la mort de l'être vivant "sous traitement" (T 182/90, loc. cit., point 2.5.2 des motifs ; T 35/99, loc. cit. points 3 s. des motifs). De tels procédés ne peuvent pas être considérés comme des méthodes dans lesquelles le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale. Dès lors, la définition donnée par la Grande Chambre dans son avis G 1/04 ne peut pas, en soi, être interprétée comme allant au-delà de l'approche adoptée dans les décisions T 182/90 et T 35/99.
De même, l'exemple de la ponction lombaire donné dans ce contexte ne peut pas être interprété comme exprimant le point de vue de la Grande Chambre selon lequel les "traitements chirurgicaux" se limiteraient aux méthodes à finalité thérapeutique. Le fait que la chirurgie thérapeutique soit considérée comme exclue de la brevetabilité ne préjuge en rien de la position de la Grande Chambre eu égard à la chirurgie non thérapeutique.
3.3.6 La raison d'être de l'article 53 c) CBE
Comme abordé supra, aucune finalité précise n'est assignée par les Travaux préparatoires à l'exclusion des traitements chirurgicaux dans la CBE. En revanche, s'agissant du but général poursuivi par l'exclusion de la brevetabilité des méthodes thérapeutiques et de diagnostic ainsi que des méthodes chirurgicales, il était déjà communément admis dans le cadre de la CBE 1973 que les raisons véritables à la base de leur exclusion étaient de nature socio-éthique ou avaient trait à la santé publique. L'exclusion des méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et des méthodes de diagnostic par le truchement d'une fiction juridique consistant à ne pas les considérer comme des inventions susceptibles d'application industrielle, n'était que le mécanisme législatif permettant d'atteindre le but recherché. Dans l'intérêt le plus légitime de leurs patients, les médecins et vétérinaires doivent être libres d'utiliser ce qu'ils estiment, forts de leur savoir-faire et de leurs connaissances, être les meilleurs traitements à leur disposition, sans avoir à s'inquiéter qu'un traitement puisse être breveté. En incluant l'article 52(4) CBE 1973 dans l'article 53 c) CBE, le législateur de la CBE 2000 a fait ressortir beaucoup plus clairement cette idée.
3.3.7 Incidence de la raison d'être de l'article 53 c) CBE sur l'interprétation du de l'expression "traitement chirurgical"
Ne fût-ce que chez les êtres humains, limiter l'exclusion aux méthodes chirurgicales à finalité thérapeutique ne prend pas pleinement en compte le but de l'exclusion et ne lui donne pas son plein effet. Notamment pour ce qui est des interventions chirurgicales sérieuses et risquées (p.ex. chirurgie esthétique, transplantation d'organes, transplantation d'embryon, changement de sexe, stérilisation et castration) qui exigent de larges compétences médicales spécialisées et comportent un risque important pour la santé, même s'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises, la raison d'être de l'exclusion s'applique, à savoir empêcher que le praticien ne soit entravé par les brevets dans l'administration à ses patients du meilleur traitement possible. Elle est importante et nécessite que ces méthodes soient exclues de la brevetabilité.
Même si en ce qui concerne les animaux, l'on pourrait a priori défendre le fait de considérer des méthodes chirurgicales telles que la transplantation d'organes, le transfert d'embryons, la stérilisation et la castration comme des méthodes d'exploitation industrielle susceptible d'être brevetées, il n'en reste pas moins vrai, pour ce qui est de la CBE, que le législateur en a décidé autrement : après de longues délibérations, il a été décidé, pour des raisons de santé publique, d'étendre l'exclusion de la brevetabilité aux animaux, sur la base des mêmes critères que ceux appliqués aux humains, et des discussions plus récentes à ce sujet lors de la rédaction de la directive CE sur les inventions biotechnologiques ont abouti à un résultat identique (cf. point 3.3.2.4 ci-dessus). On ne peut donc faire de distinction entre l'être humain et l'animal pour interpréter la portée de l'exclusion.
3.3.8 Incidence de l'approche adoptée dans la décision T 383/03
Comme indiqué en détail par la Présidente au point 13 s. de ses observations, l'approche effectivement adoptée dans la décision T 383/03 crée des divergences entre la définition de ce qu'il faut entendre par "thérapeutique" dans le contexte d'un "traitement thérapeutique" et dans le contexte d'un "traitement chirurgical".
3.3.8.1 Premièrement, alors que dans le cas d'un "traitement thérapeutique", il est reconnu qu'un traitement qui guérit un symptôme mais non pas la maladie sous-jacente tombe sous le coup de l'exclusion, cela ne semble pas être reconnu, du moins pas au même degré, lorsqu'il s'agit d'une méthode potentiellement chirurgicale. Dans la décision T 383/03, la chambre a indiqué de façon incidente qu'une méthode chirurgicale d'augmentation mammaire et une méthode de correction de la forme du nez tomberaient toutes deux sous le coup de l'article 52(4) CBE 1973, au motif qu'elles peuvent également être utilisées pour rétablir l'intégrité du corps (suite à l'opération d'un cancer ou après un accident de voiture). En revanche, une méthode d'épilation au moyen d'un rayonnement optique n'est pas considérée comme exclue de la brevetabilité, bien que la chambre reconnaisse que la pilosité excessive (et indésirable) peut être l'expression de diverses pathologies sous-jacentes et constituer ainsi un symptôme d'une maladie. Néanmoins, la méthode a été jugée brevetable au motif que l'hyperpilosité n'est pas nocive en soi et que son élimination ne traite pas la cause première et n'a aucune incidence sur la santé physique de la personne traitée (points 4.1 et 4.2 des motifs).
3.3.8.2 Deuxièmement, cette définition semble impliquer, selon l'interprétation axée sur la finalité adoptée par la chambre dans l'affaire T 383/03, que les seuls aspects ayant trait à la santé physique doivent être pris en considération, alors que l'expression "traitement thérapeutique" inclut aussi les traitements visant à préserver ou rétablir la santé mentale du patient. La Présidente a cité comme exemple le fait que l'otoplastie (correction esthétique des "oreilles décollées") était, à certaines conditions, prise en charge par les caisses d'assurance-maladie allemandes.
3.3.8.3 Troisièmement, concernant les méthodes communément considérées comme des traitements chirurgicaux et qui peuvent être mises en uvre à des fins thérapeutiques ou non thérapeutiques, par exemple pour des raisons esthétiques ou personnelles, il y aurait lieu de déterminer, dans chaque cas, si l'effet non thérapeutique est différent de l'effet thérapeutique. Si tel n'est pas le cas, la méthode revendiquée est exclue de la brevetabilité (cf. décisions citées dans T 1172/03 de la chambre 2.2.05, point 2.2 des motifs).
3.3.8.4 A l'inverse de la décision T 383/03, dans laquelle le caractère thérapeutique et donc chirurgical de la guérison d'un symptôme (hyperpilosité) a été dénié bien qu'il ait été reconnu que l'hyperpilosité puisse être symptomatique d'une maladie, la décision T 1172/03 a reconnu le caractère thérapeutique et donc chirurgical d'une méthode esthétique pour tendre la surface de la peau en administrant de l'énergie sous forme électromagnétique à travers la surface de la peau et l'épiderme jusqu'à un tissu collagénique plus profond, motif pris que la méthode revendiquée pouvait être utilisée à des fins thérapeutiques diverses, y compris dans le traitement reconstructif du visage ou du cou.
3.3.8.5 En comparant les affaires à la base des décisions T 1172/03 et T 383/03, on voit mal d'une part, tout au moins en première analyse, pourquoi l'épilation en cas d'hyperpilosité, même causée par une maladie, ne constitue pas un traitement thérapeutique parce qu'il s'agirait alors de guérir le symptôme d'une maladie, et pourquoi d'autre part, le fait de "modifier la consistance et la géométrie des tissus mous" est exclu de la brevetabilité - même en cas de limitation à des méthodes esthétiques - au seul motif que la méthode est utilisable à des fins reconstructives, et donc thérapeutiques (T 1172/03, point 2.3 des motifs).
3.3.8.6 Les considérations qui précèdent, notamment la comparaison entre T 1172/03 d'un côté et T 383/03 de l'autre, illustrent à quel point les décisions peuvent devenir incohérentes si le terme "traitement chirurgical" est lu comme étant limité à la seule chirurgie thérapeutique. Certes, il est souvent malaisé de faire précisément la distinction entre traitements thérapeutiques exclus et traitements esthétiques brevetables. Toutefois, dans ce contexte, le problème est incontournable, car l'article 53 c) CBE dit explicitement que seules les méthodes thérapeutiques sont exclues de la brevetabilité (ce qui implique que les méthodes esthétiques ne le sont pas), et l'exclusion ne peut pas être étendue aux traitements qui n'ont pas de caractère thérapeutique (T 1172/03, point 2.2 des motifs, se référant à T 144/83, JO OEB 1986, 301).
3.3.9 Droits comparés
Aux points 54 à 58 de ses observations, la Présidente compare la situation juridique suivant le PCT et les droits suisse, allemand et britannique (cf. Exposé des faits et conclusions, VIII, 4, ci-dessus) et souligne qu'en vertu de ces droits et pratiques, la nature du traitement est considérée comme l'aspect pertinent et l'exclusion n'est pas limitée à la chirurgie thérapeutique (cf. par ex. la référence de la note en bas de page n° 68 des observations de la Présidente concernant la décision du Tribunal fédéral des brevets relative à une méthode d'implantation capillaire jugée non brevetable au motif qu'elle constituait une méthode chirurgicale ("Glatzenoperation/Opération de la calvitie"). Ceci est diamétralement opposé à la décision T 383/03, excepté que cette décision portait non pas sur une implantation, mais sur une épilation. Comme le fait remarquer la Présidente, les directives britanniques relatives à l'examen indiquent expressément que l'approche adoptée dans T 383/03 n'est pas suivie. Il est intéressant de constater que le seul exemple comparatif cité par le requérant concerne le droit américain, qui représente une interprétation tout à fait différente.
3.3.10 Conclusion
En résumé, ni la genèse ni le but ni la raison d'être ("ratio legis") des exclusions de la brevetabilité à l'article 53 c) CBE ne justifient que le concept "traitement chirurgical" soit limité à la chirurgie curative, contrairement à ce que laisserait supposer le sens du mot "chirurgie", et bien que l'article 53 c) CBE définisse trois alternatives distinctes d'exclusions, suggérant par là qu'elles n'ont pas la même portée.
Par conséquent, la Grande Chambre en conclut que l'expression "traitement chirurgical" ne doit pas être interprétée comme étant limitée aux méthodes chirurgicales à finalité thérapeutique.
3.4 Portée des interventions qui relèvent du "traitement chirurgical"
3.4.1 Participation obligatoire d'un praticien ? Ayant traité cette question et y ayant répondu de façon exhaustive dans son avis G 1/04, au point 6.3 des motifs, la Grande Chambre n'en examinera pas à nouveau les détails dans le présent contexte. La question de savoir si une méthode est exclue de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE ne peut dépendre de la personne qui la met en uvre. Les conclusions auxquelles est parvenue la Grande Chambre au point 6.3 des motifs concernent les méthodes de diagnostic, mais dès lors qu'elles traitent d'une manière assez générale de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE 1973, elles valent également pour les critères d'exclusion de l'actuel article 53 c) CBE. Les auteurs de la CBE ont à l'époque débattu de la question des praticiens en médecine humaine et vétérinaire qui leur semblait poser problème. Ceci ne saurait justifier que l'on renonce à adapter l'exclusion aux changements survenus dans les professions médicales et vétérinaires suite aux avancées technologiques et à leur incidence sur la question de savoir qui administre et comment les soins de santé. C'est ce que la Grande Chambre a expliqué dans son avis G 1/04, au point 6.3 des motifs.
3.4.2 Interventions constituant par nature des "traitements chirurgicaux"
3.4.2.1 L'interprétation large
L'interprétation large des interventions de nature chirurgicale développée dans la décision T 182/90, aux points 2.2 et 2.3 des motifs, comme couvrant n'importe quelle intervention non insignifiante pratiquée sur la structure d'un organisme par des procédés conservateurs (non invasifs ou non sanglants) comme la réduction, ou par des procédés opératoires (sanglants) faisant appel à des instruments, y compris l'endoscopie, la ponction, l'injection, l'excision, l'ouverture des cavités corporelles et l'insertion de cathéters, n'a pas été contestée en tant que telle par la décision T 383/03 et les décisions ultérieures qui ont posé la finalité thérapeutique comme condition supplémentaire à l'exclusion.
La pratique actuelle suivie par l'OEB et la position préconisée par la Présidente à cet égard figurent aux points 64 à 72, et plus particulièrement aux points 68 à 70 de ses observations. Sur la base des décisions T 182/90 et T 35/99, les méthodes qui impliquent une détérioration irréversible ou la destruction de cellules vivantes ou de tissus d'un corps vivant sont considérées comme des interventions non insignifiantes et, partant, comme des traitements chirurgicaux, quel que soit le mode d'intervention (p.ex. mécanique, électrique, thermique, chimique).
3.4.2.2 Cette interprétation large est-elle justifiée ?
De l'avis de la Grande Chambre, cette interprétation large de ce qu'il convient de considérer comme des activités chirurgicales exclues de la brevetabilité a été critiquée à juste titre par le requérant au motif qu'elle est devenue trop extensive compte tenu de la réalité technique contemporaine.
Les progrès réalisés en matière de sécurité et le caractère désormais routinier de certaines techniques pourtant invasives, du moins quand elles sont pratiquées sur des parties non vitales de l'organisme, font qu'un grand nombre de ces techniques sont mises en uvre de nos jours dans un environnement commercial non médical, par exemple dans des salons de beauté et des centres d'esthétique. Leur exclusion de la brevetabilité ne semble donc plus guère justifiable. Ceci s'applique en règle générale à des traitements tels que le tatouage, les piercings, l'épilation par rayonnement optique et la micro-abrasion de la peau.
Dans ce cas, cette réalité ne peut pas non plus être ignorée pour les interventions de routine dans le domaine médical.
A l'heure actuelle, de nombreuses technologies de pointe existant dans le domaine médical concernent l'utilisation de dispositifs qui, pour fonctionner, doivent être d'une façon ou d'une autre raccordées au patient. Les méthodes pour récolter des données sur le patient qui sont utilisables pour un diagnostic nécessitent parfois que lui soit administré un agent, éventuellement via une étape invasive telle que l'injection, afin de fournir des résultats ou tout au moins de meilleurs résultats que ceux qui auraient été obtenus sans cette étape.
Compte tenu de cette réalité technique, exclure de la brevetabilité jusqu'aux méthodes faisant appel à des techniques de routine, lesquelles, pour être de nature invasives, n'en sont pas moins sûres en principe, semble aller au-delà du but poursuivi par l'exclusion des traitements chirurgicaux pour des raisons de santé publique.
En ce sens, la définition donnée dans l'avis G 1/04 selon laquelle "toute intervention physique sur le corps humain ou animal [...]" est une méthode chirurgicale au sens de l'article 52(4) CBE 1973 (point 6.2.1 des motifs) apparaît trop large.
3.4.2.3 Éléments d'une interprétation plus restrictive
Une compréhension plus restrictive de ce qui constitue par nature un "traitement chirurgical" au sens de l'article 53 c) CBE est donc nécessaire. Elle doit donner son plein effet au but de l'exclusion, mais elle ne doit pas aller au-delà de ce but. L'exclusion a pour objectif, dans l'intérêt de la santé publique et des patients, de libérer spécifiquement la profession médicale des entraves que pourraient constituer pour elle des brevets délivrés pour des méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique. Par conséquent, toute définition de l'expression "traitement chirurgical" doit couvrir le type d'interventions que l'on retrouve au cur des activités médicales, à savoir les interventions auxquelles les membres de la profession médicale sont spécifiquement formés et dans lesquelles il leur incombe une responsabilité particulière.
Il s'agit des interventions physiques sur l'organisme qui exigent un savoir-faire médical spécialisé et qui comportent un risque pour la santé, même s'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises. C'est ici qu'entre en ligne de compte la raison d'être de la disposition : libérer la profession médicale des contraintes que pourraient leur imposer les brevets. Tout en continuant à protéger suffisamment la profession médicale, cette interprétation plus restrictive élimine de la clause d'exclusion les méthodes insignifiantes qui n'impliquent qu'une intervention mineure et ne présentent aucun risque important pour la santé lorsqu'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises.
Un des tiers ayant présenté des observations a fait remarquer que l'administration d'agents de diagnostic a souvent des effets secondaires. Il convient donc de préciser que l'exclusion de la brevetabilité d'une méthode chirurgicale ne vaut que si le risque pour la santé est lié au mode d'administration et non pas uniquement à l'agent en tant que tel.
Il a également été noté qu'il serait absurde que l'administration d'un agent de diagnostic par injection soit exclue de la brevetabilité mais que l'administration par inhalation ne le soit pas. Il n'incombe pas à la Grande Chambre de déterminer si une méthode impliquant l'injection d'un agent de contraste est effectivement exclue de la brevetabilité selon la définition du "traitement chirurgical" donnée ici. Du point de vue du droit des brevets, l'argument est toutefois à rejeter puisque, contrairement à ce qui figurait dans un des premiers projets d'article 52(4) CBE 1973, ni sa version finale ni l'article 53 c) CBE n'excluent en bloc les méthodes médicales de la brevetabilité. Les deux dispositions n'excluent que les méthodes thérapeutiques, diagnostiques et chirurgicales répertoriées dans les articles. Par conséquent, lorsqu'une étape n'est ni une méthode thérapeutique ni une méthode de diagnostic ni une méthode chirurgicale, la situation juridique reste ce qu'elle était : ladite méthode n'est pas exclue de la brevetabilité.
3.4.2.4 Portée de la définition dans cette décision
Dans le contexte de la présente saisine, s'agissant de redéfinir le sens du concept "traitement chirurgical", la Grande Chambre est manifestement dans l'impossibilité de donner une définition délimitant une fois pour toutes un nouveau concept par rapport à la totalité des situations techniques qu'il pourrait concerner.
Une telle entreprise dépasserait de loin le cadre de la question 1 soumise en l'espèce. Les circonstances à la base de la saisine ont été déterminées dans la décision de saisine. Elles comprennent une étape invasive qui représente une intervention physique majeure sur le corps, dont la mise en uvre exige des compétences médicales professionnelles, et qui comporte un risque pour la santé. Par conséquent, dans sa réponse à la question 1, la Grande Chambre doit définir la portée du concept "traitement chirurgical" de manière à ce que la chambre à l'origine de la saisine puisse décider si oui ou non l'étape revendiquée dans la demande litigieuse tombe sous le coup de cette définition.
Cela indiquera également dans quelle direction la pratique et la jurisprudence futures auront à se développer : l'exclusion de la brevetabilité ne doit pas s'appliquer à une méthode si ne l'exigent ni des considérations de santé publique ni la protection des patients ni la liberté corrélative des médecins de choisir le traitement approprié.
Les organes de première instance et les chambres de recours sont mieux à même de définir les limites d'un "traitement chirurgical" interprété de façon plus restrictive, dans les cas différents de la présente saisine et dans les contextes techniques propres aux affaires à trancher.
Ceci implique que les compétences médicales requises et les risques pour la santé ne sont pas nécessairement les seuls critères à prendre en considération pour déterminer si une méthode revendiquée est effectivement un "traitement chirurgical" au sens de l'article 53 c) CBE. La décision de saisine et la Présidente ont mentionné le caractère invasif ou la complexité de l'opération chirurgicale, mais ces aspects ne semblent pas poser problème dans l'affaire à la base de la décision de saisine. A tout le moins, la décision de saisine ne comporte aucun constat de fait établissant la présence de circonstances que la Grande Chambre aurait à prendre en considération pour déterminer la portée de sa réponse. Certes, il paraît vraisemblable que les interventions très complexes et/ou hautement invasives sont également celles qui exigent des compétences médicales spécialisées et qui comportent des risques pour la santé, même lorsqu'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises. Mais la Grande Chambre ne souhaite pas exclure a priori qu'en fonction des circonstances de l'espèce, d'autres critères puissent aussi faire d'une intervention physique sur le corps humain ou animal un "traitement chirurgical" au sens de l'article 53 c) CBE.
3.4.2.5 Variabilité du concept "chirurgie" au sens médical du terme
Il existe une autre raison pour laquelle la Grande Chambre ne peut pas, dans le cadre de la présente saisine, donner une fois pour toutes une définition faisant autorité sur la portée du concept "traitement chirurgical" : dans un contexte technique et médical en perpétuelle mutation, le terme "chirurgical" lui-même ne semble pas non plus empreint d'une signification immuable. Il n'y a apparemment pas de concept général unificateur pour les actes communément considérés comme chirurgicaux au sens médical du terme. Il semble plutôt que ce qu'il faille entendre par "chirurgical" au sens médical du terme soit pour une large part une question d'usage. Ainsi, pour qu'une intervention soit chirurgicale, il n'est pas nécessaire qu'elle soit invasive ou que des tissus soient pénétrés (T 5/04 du 17 janvier 2006, point 2 des motifs). La remise en place de membres ou la manipulation d'une partie du corps sont traditionnellement considérées comme chirurgicales. La simple pose d'un cathéter ou l'insertion de composants d'un dispositif dans l'organisme est déjà frappée d'exclusion en tant qu'étape chirurgicale, même s'il n'y a pas pénétration des tissus (T 5/04, loc. cit.). Tout ceci implique que la définition du terme "chirurgical" peut évoluer avec le temps et avec l'apparition de nouvelles techniques, comme cela a déjà été reconnu dans la décision T 182/90, loc. cit., point 2.4 des motifs.
3.4.2.6 Développement d'un nouveau concept
Il est certain que dans bien des cas il n'est pas facile de déterminer si une étape invasive d'une revendication représentant une intervention physique majeure sur le corps exige des compétences professionnelles pour être mise en uvre et comporte un risque considérable pour la santé même s'il est fait preuve de la diligence et de l'expertise requises. Toutefois, la Présidente, s'exprimant au nom de la première instance, a reconnu, concernant le critère d'invasivité, que même si une distinction claire est difficile, ledit critère pourrait, appliqué au cas par cas, donner des résultats raisonnables et acceptables, comme c'est déjà le cas pour la définition de ce qui constitue une intervention "non insignifiante" susceptible d'être qualifiée de "traitement".
Certains tiers ayant présenté des observations et travaillant dans le développement des technologies médicales susceptibles de tomber sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité des méthodes chirurgicales ont souligné l'importance que revêt la sécurité juridique quand il s'agit de pouvoir déterminer à l'avance ce qui peut être breveté et ce qui ne peut pas l'être. La Grande Chambre est cependant d'avis qu'il est tout aussi important de conférer à ces inventions la protection qu'elles méritent, pour arriver à un système faisant la juste part entre l'exclusion et la brevetabilité. Quand une nouvelle orientation est suivie dans l'interprétation d'un critère de brevetabilité, que ce soit sous forme d'exclusion ou sous forme de critère positif, il est normal et inévitable que la pratique et la jurisprudence aient besoin d'un certain temps et d'avoir statué sur un certain nombre d'affaires avant de parvenir à une ligne directrice qui servira de repère à un nouveau système uniforme et à l'application d'un nouveau concept. La présente saisine doit laisser en suspens des aspects qui pourront s'avérer essentiels pour trancher certaines futures affaires. Toutefois, l'éventail des méthodes pouvant comporter des étapes chirurgicales est si large qu'il faudrait évaluer chaque catégorie au cas par cas. La Grande Chambre estime néanmoins que ce n'est pas une raison pour ne pas choisir de nouvelles solutions, car l'approche suivie jusqu'ici est jugée insatisfaisante.
3.4.2.7 Conclusions
Etant donné ce qui précède, aux fins de la présente décision la Grande Chambre estime opportun de limiter sa définition du concept "méthode de traitement chirurgical" au sens de l'article 53 c) CBE à ce qui est nécessaire pour permettre à la chambre à l'origine de la saisine de décider si ledit concept couvre les étapes englobées par l'invention. La chambre à l'origine de la saisine a clairement indiqué que l'affaire à la base de la question 1 soumise a trait à une étape invasive (injection dans le cur) qui représente une intervention physique majeure sur le corps, dont la mise en uvre exige des compétences médicales professionnelles, et qui comporte un risque pour la santé même s'il est fait preuve de la diligence et de l'expertise requises. Par conséquent, la réponse de la Grande Chambre à la question 1 porte sur cette question.
4. Question 2 :
S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, l'exclusion de la brevetabilité pourrait-elle être évitée en modifiant le libellé de la revendication de manière à omettre l'étape en question, à l'exclure au moyen d'un disclaimer ou à faire en sorte que la revendication l'englobe sans s'y limiter ?
4.1 La revendication englobant une étape chirurgicale
Il ressort de la jurisprudence constante des chambres de recours qu'une revendication englobant un mode de réalisation exclu de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE actuel (ex-article 52(4) CBE 1973) ne peut pas être maintenue sous une forme non modifiée.
Le requérant y oppose que selon la décision de la Grande Chambre de recours G 1/98, JO OEB 2000, 111, il y a lieu d'admettre une revendication d'un niveau d'abstraction supérieur qui englobe un objet exclu de la brevetabilité, sans le revendiquer expressément. Dans G 1/98, la Grande Chambre a considéré qu'une revendication dans laquelle il n'est pas revendiqué individuellement des variétés végétales spécifiques n'est pas exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 53 b) CBE 1973, même si elle peut couvrir des variétés végétales (Sommaire I).
Au point 3.3.3 des motifs de cette décision, la Grande Chambre précisait qu'il pouvait y avoir des exceptions à la règle posée par la chambre d'où émanait alors la saisine, selon laquelle une invention n'est pas brevetable lorsqu'elle couvre un mode de réalisation qui ne satisfait pas aux conditions requises pour la brevetabilité. La chambre à l'origine de la saisine avait notamment supposé l'existence d'une telle règle sur la base de la jurisprudence des chambres de recours dans les affaires se rapportant à l'article 52(4) CBE 1973 (point 63 des motifs de la décision de saisine T 1054/96, JO OEB 1998, 511).
Les exemples donnés par la Grande Chambre pour démontrer que la règle posée par la chambre à l'origine de la saisine peut souffrir d'exceptions ne concernent pas toutefois l'article 52(4) CBE 1973, mais les articles 53 a) CBE et 83 CBE 1973. Aussi les conclusions de la chambre à l'origine de la saisine concernant l'article 52(4) CBE 1973 n'ont-elles pas été remises en question par la Grande Chambre.
La Grande Chambre est d'avis que pour répondre à la question "quelle est l'interprétation correcte ?", il faut considérer non seulement le contexte de la disposition, mais également son objet et sa finalité.
En ce qui concerne l'article 53 b) CBE 1973, son idée fondatrice n'était pas de priver les variétés végétales de toute protection (cf. point 3.4 à la fin et point 3.6 des motifs), mais plutôt de faire correspondre l'exclusion dans la CBE à la protection dans l'UPOV, de sorte que les deux modes de protection forment un système unique de protection de la propriété industrielle qui couvrirait toutes les innovations végétales et exclurait tout recoupement ou toute lacune dans la protection accordée aux objets qui peuvent en bénéficier. D'après la Grande Chambre, l'article 53 c) CBE poursuit à cet égard un but tout différent de l'article 52 CBE 1973. "Dans cette dernière disposition en effet, on accepte délibérément de laisser subsister certaines lacunes dans la protection des objets susceptibles d'être protégés, afin de permettre aux activités non commerciales et non industrielles dans le domaine de la médecine humaine et vétérinaire d'échapper aux restrictions résultant du droit de monopole conféré par la protection par brevet (G 5/83, JO OEB 1985, 64, point 22 des motifs)" (G 1/98, point 3.7, dernier paragraphe, des motifs).
Par conséquent, pour ce qui est de l'exclusion au titre de l'article 53 c) CBE (article 52(4) CBE 1973), les conclusions auxquelles est parvenue la Grande Chambre dans la décision G 1/98 ne remettent pas en question, mais confirment le principe selon lequel une revendication qui englobe un mode de réalisation exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53 c) CBE ne peut être maintenue de façon à englober ledit mode de réalisation.
4.2 Disclaimer
4.2.1 Conformément aux décisions G 1/03 et G 2/03 (JO OEB 2004, 413, point 2 des motifs), le terme "disclaimer" désigne une modification apportée à une revendication ayant pour effet d'introduire dans la revendication une caractéristique technique "négative", qui exclut normalement d'une caractéristique générale des modes de réalisation ou des domaines particuliers. Par conséquent, des expressions telles que "préalablement administré" ou "préalablement implanté" ne constituent pas un disclaimer au sens des décisions G 1/03 et G 2/03, mais une manière d'omettre l'étape de la revendication en laissant clairement entendre que l'étape ne fait pas partie de la méthode revendiquée. L'admissibilité de telles formulations sera traitée ci-après lorsque la question sera posée de savoir si ladite étape peut être omise de la revendication.
4.2.2 Dans sa question 2, la chambre à l'origine de la saisine a demandé si l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE (ex-article 52(4) CBE 1973) pouvait s'éviter en modifiant le libellé de la revendication de manière à exclure l'étape litigieuse (c'est-à-dire le mode de réalisation, voir 4.2.1 ci-dessus) au moyen d'un disclaimer. En posant la question de cette façon, il est difficile d'imaginer comment un problème pourrait subsister au niveau de l'article 53 c) CBE si l'invention revendiquée ne renferme plus aucun élément exclu de la brevetabilité au titre dudit article, une fois exclue par disclaimer la composante chirurgicale.
Il semblerait plutôt que de tels disclaimers poseraient problème au niveau de leur compatibilité avec les autres exigences de la CBE, notamment avec l'article 84 CBE. Les articles 56 et 83 CBE pourraient toutefois aussi être concernés, par exemple dans les cas où le seul exemple de mise en uvre de la méthode est l'exemple chirurgical.
Aussi la réponse à donner à cet aspect de la question 2 est-elle que l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE peut être évitée en éliminant par disclaimer les modes de réalisation qui constituent des méthodes de traitement chirurgical au sens de l'article 53 c) CBE, mais que pour être généralement brevetables, les revendications obtenues doivent satisfaire aux autres exigences de la CBE, et, le cas échéant, également aux critères définis dans les décisions G 1/03 et G 2/03.
Cela doit être décidé au cas par cas, au même titre que la forme que doit ou peut prendre le disclaimer, à savoir s'il peut ou doit - uniquement - exclure un mode de réalisation particulier ou s'il peut et/ou doit prendre une forme plus générale, en utilisant par exemple le terme "non chirurgical".
4.2.3 La Grande Chambre n'ignore pas qu'après ses décisions G 1/03 et G 2/03, des avis différents ont été exprimés dans la jurisprudence des chambres de recours sur la question de savoir si les décisions G 1/03 et 2/03 portent sur l'exclusion par disclaimer de modes de réalisation qui - à l'instar de la demande à la base de la présente saisine - sont divulgués dans la demande telle que déposée, ou si en l'occurrence il convient d'appliquer la jurisprudence antérieure en suivant la décision T 4/80, JO OEB 1982, 149 (pour une discussion détaillée, on se reportera à la décision T 1107/06 du 3 décembre 2008, points 31 s. et aux nombreuses autres décisions qui y sont citées).
Toutefois, comme la chambre à l'origine de la saisine a seulement demandé si l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE pouvait être évitée en excluant un mode de réalisation au moyen d'un disclaimer, la Grande Chambre ne juge pas opportun de se prononcer sur cette question dans le contexte de la présente saisine. La présente saisine porte globalement sur une question tout à fait différente et sans aucun rapport, la question 2 soumise visant uniquement à demander plus généralement à la Grande Chambre quelles solutions pourraient en principe être apportées en matière de modifications des revendications au cas où la Grande Chambre donnerait, à la question 1, une réponse ayant des répercussions négatives sur la brevetabilité de la version actuelle des revendications versées au dossier au titre de l'article 53 c) CBE. Par conséquent, et cela vaut pour toute autre question dont pourrait dépendre la recevabilité d'un disclaimer dans l'affaire à la base de la saisine si le requérant décidait de rédiger une telle revendication, la question susmentionnée ne doit pas être tranchée par la Grande Chambre dans le contexte de la présente saisine. Si le requérant décidait de rédiger une telle revendication, il incomberait à la chambre à l'origine de la saisine de fixer le critère applicable à un disclaimer excluant un mode de réalisation caractérisé comme étant chirurgical au sens de l'article 53 c) CBE.
4.3 Omission de l'étape
4.3.1 Généralités
L'article 84 CBE ensemble la règle 43 CBE disposent que les revendications doivent définir l'objet de la demande pour lequel la protection est recherchée. La revendication doit donc énoncer explicitement toutes les caractéristiques essentielles qui sont nécessaires à la définition de l'invention. De surcroît, la revendication doit être claire (G 1/04, supra, point 6.2 des motifs). Sous l'angle de l'article 84 CBE, pour savoir si une étape chirurgicale ou une étape qui comprend une composante chirurgicale exclue de la brevetabilité peut être omise via une formulation positive du type "préalablement administré(e)" ou simplement en ne la mentionnant pas dans la revendication, il faut déterminer si l'invention est entièrement et complètement définie par les caractéristiques de la revendication une fois celle-ci dépouillée de ladite étape. Une évaluation au cas par cas est pour cela nécessaire.
4.3.2 Méthodes qui ne concernent que le fonctionnement d'un dispositif
Néanmoins, des cas classiques dans lesquels l'invention est entièrement définie sans que la présence d'une étape potentiellement chirurgicale en tant que caractéristique positive de la revendication ne soit nécessaire sont ceux où l'invention ne porte que sur le fonctionnement d'un dispositif. S'agissant de ces inventions, les chambres de recours ont toujours estimé qu'une méthode qui ne concerne que le fonctionnement d'un dispositif, sans qu'il n'y ait de rapport fonctionnel entre la méthode revendiquée et les effets exercés sur le corps par ce dispositif, ne constitue pas une méthode de traitement au sens de l'article 52(4) CBE 1973 (T 245/87, JO OEB 1989, 171, point 3.2.3 des motifs ; T 789/96, JO OEB 2002, 364, points 2.2.2.1 s. des motifs). Si, au contraire, il existe un tel rapport fonctionnel, la méthode est exclue de la brevetabilité (T 82/93, JO OEB 1996, 274, point 1.5 des motifs).
Ces principes ont été reconnus dans des affaires où le dispositif était destiné à être utilisé dans un traitement thérapeutique (T 245/87, T 82/93 et T 789/96), mais également lorsque l'application du dispositif en tant que tel nécessitait une étape chirurgicale pour être mise en pratique sur le corps (T 329/94, JO OEB 1998, 241 points 4 s. des motifs ainsi que les décisions citées ci-après), et là où le fonctionnement du dispositif en tant que tel passait par l'utilisation d'une étape chirurgicale, des expressions du type "préalablement administré(e)" ou "préalablement implanté(e)" ont été admises pour indiquer clairement que la caractéristique inhérente à ladite étape ne faisait pas partie de l'invention revendiquée.
Tout en se rangeant formellement à la position adoptée dans la décision T 383/03 au sujet de la limitation de l'exclusion aux méthodes chirurgicales à finalité thérapeutique, les décisions T 1102/02 et T 9/04 citées par la chambre à l'origine de la saisine concernent également la catégorie des inventions considérées comme de pures méthodes techniques. C'est sur le même principe que s'est fondée la chambre de recours technique 3.2.02 dans ses décisions T 542/06 du 10 septembre 2007 et T 810/06 du 9 octobre 2007 citées par le requérant dans sa lettre en date du 20 octobre 2009. Ce principe est aussi reconnu par la pratique (cf. Directives relatives à l'examen, C-IV, 12).
L'approche adoptée dans cette jurisprudence n'a pas été remise en question dans cette procédure, et la Grande Chambre ne voit pas non plus de raison de le faire. Les méthodes portant simplement sur le fonctionnement d'un dispositif sans fournir elles-mêmes d'interaction avec les effets produits par le dispositif sur le corps sont des enseignements où une activité physique ou un acte constituant une étape de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal n'est pas nécessaire pour que l'enseignement selon l'invention revendiquée soit complet. Par conséquent, même si en pareil cas l'utilisation du dispositif en soi nécessite l'application d'une étape chirurgicale ou est destinée à un traitement thérapeutique, il n'en va pas de même de la méthode revendiquée pour le fonctionnement du dispositif. Il semble donc correct d'affirmer que de telles inventions ne sont pas des méthodes de traitement du corps humain ou animal au sens de l'article 53 c) CBE, et que la jurisprudence des chambres de recours techniques distingue convenablement les méthodes brevetables de nature purement technique des inventions qui tombent sous le coup de l'exclusion au titre de l'article 53 c) CBE. La question de savoir si une invention revendiquée ne concerne que le fonctionnement d'un dispositif sans qu'existe de rapport fonctionnel avec les effets produits sur le corps, n'est pas une question de droit. Elle exige que l'on examine le contexte technique général de l'espèce, et incombe dès lors à la première instance et aux chambres de recours technique compétentes.
4.3.3 Autres conditions à remplir pour que l'omission soit admise
S'il est prévu d'omettre une étape d'une revendication, il doit être satisfait aux autres exigences de la CBE pour ce qui est de la recevabilité de l'omission et de la brevetabilité de la revendication qui ne contient plus la caractéristique omise. Il s'agit notamment de l'article 123(2) CBE et, dans les procédures d'opposition, de l'article 123(3) CBE, mais les articles 83 ou 56 CBE peuvent également entrer en ligne de compte, par exemple si, en raison de l'omission, l'invention revendiquée ne peut plus être mise en uvre sur toute la portée de la revendication ou si le problème que se proposait de résoudre l'invention n'est pas résolu.
5. Question 3 :
Une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04) doit-elle être considérée comme une étape constitutive d'un "traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE si les données obtenues par la méthode permettent immédiatement au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours d'une intervention chirurgicale ?
La chambre à l'origine de la saisine n'a pas expliqué quel problème juridique précis elle entendait aborder par cette question. La question ne peut apparemment être pertinente que dans la mesure où, en appliquant les considérations qui précèdent, la méthode d'imagerie revendiquée n'est pas en soi exclue de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE, ou encore dans la mesure où les revendications sont modifiées pour les rendre conformes à l'article 53 c) CBE.
Comme la méthode d'imagerie constitue dans ce cas un enseignement complet en soi, le fait qu'elle se prête à une utilisation particulièrement intéressante dans une intervention chirurgicale ne l'empêche pas d'être revendiquée en soi. De plus, même utilisée pendant une intervention chirurgicale, la méthode d'imagerie n'en devient pas en elle-même une étape chirurgicale.
L'article 53 c) CBE interdit de breveter les méthodes chirurgicales. Cette interdiction ne porte pas sur toutes les méthodes susceptibles d'être utilisées dans la mise en uvre d'une méthode chirurgicale. Si tel était le cas, maintes méthodes utilisées pendant des interventions chirurgicales - par exemple toutes les méthodes pour faire fonctionner des dispositifs dans le contexte d'activités chirurgicales - seraient non brevetables, même lorsqu'elles ne nécessitent pas en elles-mêmes une étape chirurgicale pour être pratiquées sur le corps.
Dans son avis G 1/04, supra, point 6.2.4 des motifs, la Grande Chambre a examiné les caractéristiques que doit comporter une revendication portant sur une méthode de diagnostic au titre de l'article 84 CBE. La Grande Chambre est arrivée à la conclusion que l'article 84 exige qu'une revendication (indépendante) énonce toutes les caractéristiques essentielles qui sont requises pour définir de façon claire et complète l'invention. S'il peut être déduit sans ambiguïté de la demande que le diagnostic doit être considéré comme "constitutif" de la définition de l'invention, elle doit également être incluse dans la revendication, en tant que caractéristique essentielle.
Cette situation n'est pas comparable à celle qui est abordée à la question 3 de la décision de saisine, car dans cette dernière la méthode d'imagerie constitue un enseignement complet en soi. Aussi, la méthode d'imagerie n'est pas exclue de la brevetabilité parce qu'une des utilisations possibles décrites de la méthode d'imagerie est une utilisation par un chirurgien au cours d'une opération chirurgicale, utilisation permettant au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours de l'intervention en prenant note des données images produites sur-le-champ.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Il est répondu comme suit aux questions soumises à la Grande Chambre de recours :
1. Est exclue de la brevetabilité en tant que méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal au titre de l'article 53 c) CBE, toute méthode d'imagerie revendiquée dans laquelle, lorsque ladite méthode est mise en pratique, le maintien de la vie et de la santé du sujet est important et qui comprend ou englobe une étape invasive représentant une intervention physique majeure sur le corps, dont la mise en uvre exige des compétences médicales professionnelles, et qui comporte un risque considérable pour la santé même s'il est fait preuve de la diligence et de l'expertise requises.
2a. Une revendication qui comprend une étape englobant un mode de réalisation qui constitue une "méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal" au sens de l'article 53 c) CBE ne peut être maintenue de façon à englober ledit mode de réalisation.
2b. L'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE peut être évitée si le mode de réalisation est écarté au moyen d'un disclaimer, étant entendu que pour être brevetable, la revendication renfermant le disclaimer doit satisfaire à toutes les exigences de la CBE et, le cas échéant, aux critères d'admissibilité des disclaimers tels que définis dans les décisions G 1/03 et G 2/03 de la Grande Chambre de recours.
2c. La question de savoir si le libellé de la revendication peut être modifié de façon à omettre l'étape chirurgicale sans porter atteinte aux dispositions de la CBE doit être examinée au cas par cas, sur la base des circonstances générales de l'espèce.
3. Une méthode d'imagerie revendiquée ne doit pas être considérée comme un "traitement chirurgical du corps humain ou animal" au sens de article 53 c) CBE du seul fait que, au cours d'une intervention chirurgicale, les données obtenues par la méthode permettent immédiatement au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours de l'intervention.