T 0292/85 (Expression polypeptidique) of 27.1.1988

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1988:T029285.19880127
Date de la décision : 27 Janvier 1988
Numéro de l'affaire : T 0292/85
Numéro de la demande : 78300596.0
Classe de la CIB : C12K 1/02
Langue de la procédure : EN
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Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Genentech
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.02
Sommaire : 1. Une invention (en l'espèce biologique) est exposée de manière suffisante s'il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention. Pour l'appréciation du caractère suffisant ou non de l'exposé, il est donc sans importance que, s'agissant d'un élément de l'invention, défini en termes de fonction, certaines variantes particulières ne soient pas disponibles ou que certaines autres variantes non spécifiées ne conviennent pas, dès lors que l'homme du métier connaît, grâce à l'exposé de l'invention ou aux connaissances générales communes dans son domaine technique, des variantes appropriées produisant le même effet pour l'invention. Il n'est pas nécessaire que l'exposé comprenne des indications particulières sur la manière d'obtenir toutes les variantes possibles d'un élément couvertes par la définition fonctionnelle (point 3.1.5).
2. Des procédés biologiques applicables de manière générale ne doivent pas être considérés comme décrits de manière insuffisante, du seul fait qu'il est difficile de disposer de certains matériaux de départ ou de certains précurseurs génétiques de ces derniers, par exemple d'un ADN ou d'un plasmide donné, en vue d'obtenir chacune des variantes du résultat escompté de l'invention (en l'espèce le produit), à condition que le procédé en tant que tel soit reproductible (point 3.3.3).
3. Le caractère non-évident des plasmides conduit également à reconnaître une activité inventive aux autres objets revendiqués ayant trait à leur préparation et à leur utilisation dans le but de produire des polypeptides et des substances immunogènes.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 123
European Patent Convention 1973 R 27(1)(f)
Mot-clé : Exposé suffisant - termes de fonction dans les revendications
Indication de tous les modes de réalisation
Prise en compte d'inventions futures
Eléments non disponibles ou inappropriés
Non-disponibilité de certains matériaux de départ pour des . procédés généraux
Activité inventive
Cas dan laquel l'état de la technique le plus proche s'écarte de invention
Essais voués à l'échec
Connaissances générales de l'homme du métier
Publications pouvant être considérées comme faisant partie de ces connaissances au stade initial d'une technique donnée
Non-évidence de plasmides -autres objets revendiqueés faisant intervenir des plasmides
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/98
G 0001/03
G 0002/03
T 0283/86
T 0299/86
T 0347/87
T 0495/89
T 0673/89
T 0537/90
T 0610/90
T 0740/90
T 0097/91
T 0391/91
T 0435/91
T 0456/91
T 0676/91
T 0242/92
T 0585/92
T 0612/92
T 0694/92
T 0720/92
T 0923/92
T 0296/93
T 0311/93
T 0588/93
T 0356/94
T 0386/94
T 0464/94
T 0656/94
T 0758/94
T 0794/94
T 0856/94
T 0639/95
T 0691/95
T 0013/96
T 0050/96
T 0085/96
T 0263/96
T 0449/96
T 0188/97
T 0322/97
T 0339/97
T 0354/97
T 0998/97
T 1212/97
T 0016/98
T 0524/98
T 1052/98
T 0193/99
T 1065/99
T 0499/00
T 0817/00
T 0984/00
T 1173/00
T 0397/02
T 0411/02
T 0558/03
T 0601/05
T 0710/05
T 0799/05
T 0510/06
T 0995/06
T 0519/07
T 0824/07
T 0155/08
T 1740/08
T 1001/13
T 2374/13
T 1475/15
T 2172/15
T 0081/16
T 0752/17
T 1424/18
T 0986/21
T 1113/22

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 78 300 596.0, déposée le 6 novembre 1978 et publiée le 16 mai 1979 sous le numéro 1929, a été rejetée le 15 mai 1985 par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets, notifiée le 23 juillet 1985. Cette décision a été rendue sur la base des revendications 1 à 12. Les revendications principales 1 et 9 s'énonçaient comme suit :

"1. Plasmide recombinant convenant pour la transformation d'un hôte bactérien et comprenant un régulon homologue ainsi qu'un ADN hétérologue, l'ADN hétérologue codant pour un polypeptide hétérologue fonctionnel ou un de ses intermédiaires, le régulon homologue étant disposé avec l'ADN hétérologue de manière à contrôler la transcription et la traduction dudit ADN hétérologue codant pour le polypeptide hétérologue fonctionnel ou un de ses intermédiaires, de telle sorte qu'après traduction du produit de transcription de l'ADN hétérologue dans une bactérie convenable, le produit d'expression résultant soit ledit polypeptide fonctionnel ou un de ses intermédiaires, sous une forme permettant sa séparation.

9. Bactérie transformée au moyen d'un vecteur de clonage suivant l'une quelconque des revendications 1 à 7."

II. La demande a été rejetée au motif que l'exposé de l'invention était insuffisant eu égard aux dispositions de l'article 83 CBE, notamment en raison des problèmes soulevés par l'application de la règle 27(1)f) CBE, les revendications n'étant par conséquent pas suffisamment fondées au sens de l'article 84 CBE, et que par ailleurs aucune activité inventive au sens de l'article 56 CBE ne pouvait être reconnue par rapport au document cité, émanant de Polisky et al. (Proc.Natl.Acad.Sci. USA, 1976, 73, 3900-3904) (document 1).

La Division d'examen a insisté sur le fait que l'homme du métier aurait dû pouvoir mettre en oeuvre, à la date de priorité, de manière reproductible et sans avoir à faire preuve d'inventivité, tous les modes de réalisation énumérés dans les revendications. Aucune revendication ne devrait se fonder sur des éléments qui constituent d'autres inventions. Outre qu'il est pour l'heure impossible de mettre en oeuvre de tels modes de réalisation, la brevetabilité de ces futures variantes d'éléments risque de s'en trouver affectée. En effet, les revendications devraient au moins être limitées à ce qui existe à la date de priorité, par exemple à des bactéries, des plasmides et des ADN connus relatifs à des polypeptides connus. Un procédé de préparation d'une hormone humaine ne saurait être reproduit à l'identique, étant donné que la source de l'ADN chez l'homme varie d'un individu à l'autre. De manière générale, aucun élément ne devrait être défini en termes de fonction dans ce domaine technique.

S'agissant de l'activité inventive, la Division d'examen a considéré que la partie expérimentale de l'article de Polisky (document 1) constituait un encouragement suffisant pour développer l'expression d'ADN hétérologue dans des bactéries. Elle a soutenu qu'il ressortait de ce document que, pour qu'il y ait transcription, l'ADN doit être inséré dans le cadre de lecture adéquat. Elle a défendu ce point de vue, en dépit du fait que l'ADN utilisé ne conduisait pas ou ne pouvait pas conduire à une protéine traduisible. Par ailleurs (cf. page 3904, dernier alinéa, deuxième phrase), il était selon elle envisagé et même suggéré dans cet article d'étudier la possibilité de traduire des séquences naturelles d'ADN eucaryote, et signalé qu'il se pourrait que l'on obtienne une traduction complète d'un polypeptide hétérologue fonctionnel. La Division d'examen a également laissé entendre que la revendication était plutôt l'expression d'un problème évident, et n'impliquait donc aucune activité inventive.

III. Le 13 septembre 1985, la demanderesse a formé un recours contre cette décision en acquittant la taxe correspondante. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 22 novembre 1985. Le 15 septembre 1986, un tiers a présenté des observations en vertu de l'article 115 CBE :

citant un article de Selker et al., J. Bacteriology, 1977, 129, 388-394 (document 2), il contestait la brevetabilité de l'objet revendiqué. Conformément à l'article 110(2) CBE, la Chambre a invité la requérante à prendre position au sujet de ces observations. La réponse de celle-ci a été reçue le 30 décembre 1986. Dans la notification qu'elle a alors émise le 2 juin 1987 sur les questions de fond, la Chambre déclarait notamment que le rôle et la mise à disposition du régulon constituaient l'une des caractéristiques essentielles. Le 28 août 1987, l'Office a reçu la réponse de la requérante, ainsi que des jeux supplémentaires de revendications déposés par celle-ci à titre de requêtes subsidiaires.

IV. Au cours de la procédure orale qui a eu lieu les 26 et 27 janvier 1988, il a été présenté au nom de la requérante une nouvelle requête portant sur seize revendications, en remplacement de toutes les requêtes, principale et subsidiaires, qui avaient été présentées jusque-là. La revendication 1 et les revendications 9 à 13 s'énonçaient comme suit :

"1. Plasmide recombinant convenant pour la transformation d'un hôte bactérien, ledit plasmide comprenant un régulon homologue, un ADN hétérologue et un ou plusieurs codons de terminaison, l'ADN hétérologue codant pour un polypeptide hétérologue fonctionnel désiré ou un [de] ses intermédiaires qui n'est pas dégradé par des enzymes protéolytiques endogènes, ledit ADN étant placé dans le cadre de lecture convenable avec ledit régulon homologue entre ledit régulon et le ou les codons de terminaison, par traduction du produit de transcription de l'ADN hétérologue dans une bactérie convenable, le produit d'expression résultant étant ainsi ledit polypeptide fonctionnel désiré ou un de ses intermédiaires, sous une forme permettant sa séparation.

9. Procédé de production d'un plasmide recombinant suivant l'une quelconque des revendications précédentes, qui consiste à traiter une certaine longueur d'ADN bicaténaire comprenant un réplicon intact et, successivement (a) un régulon destiné au contrôle de la transcription [et] de la traduction dans un hôte bactérien et (b) un site de reconnaissance d'endonucléase de restriction, avec une endonucléase de restriction convenable pour former une fraction d'ADN qui comprend le réplicon et le régulon, et à y effectuer une ligation dans un cadre de lecture convenable entre ledit régulon et un ADN hétérologue codant pour un polypeptide hétérologue fonctionnel ou un de ses intermédiaires qui n'est pas dégradé par des enzymes protéolytiques endogènes, ledit ADN hétérologue comprenant un groupement nucléotidique terminal dont la ligation peut s'effectuer audit fragment d'ADN, pour donner ledit plasmide recombinant.

10. Bactérie transformée au moyen d'un plasmide recombinant suivant l'une quelconque des revendications 1 à 8.

11. Culture bactérienne comprenant des bactéries transformées suivant la revendication 10.

12. Procédé de production bactérienne d'un polypeptide hétérologue fonctionnel ou d'un de ses intermédiaires, consistant à faire croître une culture bactérienne suivant la revendication 11 pour provoquer l'expression dudit polypeptide ou dudit intermédiaire.

13. Procédé suivant la revendication 12, pour la production d'une substance immunogène comprenant un haptène polypeptidique, consistant :

(a) à produire un plasmide recombinant contenant un régulon homologue et, dans un cadre de lecture convenable avec celui-ci, une séquence d'ADN hétérologue codant pour l'haptène, une séquence d'ADN codant pour une seconde séquence d'amino-acides de dimensions suffisantes pour rendre immunogène le produit de l'expression de l'ADN, et un ou plusieurs codons de terminaison ;

(b) à faire croître une bactérie transformée au moyen du plasmide recombinant, provoquant l'expression d'un polypeptide conjugué comprenant essentiellement la séquence d'amino-acides de l'haptène et la seconde séquence d'amino-acides ; et

(c) à tester l'aptitude du polypeptide conjugué à provoquer la production d'anticorps contre ledit haptène*.

V. Tant au cours de la procédure écrite que de la procédure orale, la requérante a en substance développé les arguments suivants :

a) Pour savoir si les conditions énoncées à l'article 84 CBE sont remplies, il convient de tenir compte de l'appréciation qui a été donnée de la contribution apportée à l'état de la technique par rapport au document Polisky (document 1). Aux termes du "Protocole interprétatif de l'article 69 de la Convention", il convient de donner de l'étendue de la protection conférée par le brevet européen une interprétation qui assure à la fois une protection équitable au demandeur et un degré raisonnable de certitude aux tiers. Par conséquent, pour l'appréciation de l'étendue et du fondement des revendications, il y a lieu de tenir compte de la nature du progrès réalisé par rapport à l'état de la technique.

b) L'activité inventive doit être appréciée par référence aux connaissances d'un homme du métier de compétence moyenne, et non par référence au savoir de spécialistes tels que Polisky et son équipe de chercheurs, qui se sont montrés très perspicaces, ingénieux et imaginatifs. Eux-mêmes pourtant, abstraction faite d'un bref passage qui était très théorique, se sont bornés, dans leur article, à expliquer la transcription.

c) Les publications antérieures au document Polisky (document 1) n'ont fait état d'aucune transcription réussie lorsque l'ADN inséré, provenant d'une grenouille, se trouvait sous contrôle hétérologue. Pour Polisky et ses collaborateurs, il s'agissait en conséquence de savoir si un contrôle homologue pouvait par contre conduire au succès. Même si ceci pouvait conduire fortuitement à une traduction, il était impossible pour tout autre que les inventeurs de savoir ce qui était exactement produit, puisque ni le fragment inséré, ni le résultat n'étaient séquencés. De toute façon, l'ADN hétérologue n'était inséré qu'en vue de la transcription, étant donné que l'on ne visait qu'à confectionner des séquences d'ADN ribosomal en principe intraduisibles.

d) Dans le document cité, il était avancé l'idée que l'on pouvait obtenir fortuitement des traductions partielles des séquences d'ADN, en raison d'une séquence caractéristique de la ß galactosidase dans le plasmide (ci-après dénommée ß gal), mais des résultats similaires n'ont pu être obtenus avec d'autres fragments d'ADN ribosomal de la grenouille. Néanmoins, dans le dernier alinéa, l'auteur du document s'interrogeait sur la possibilité d'exprimer un "polypeptide eucaryote fonctionnel", en envisageant toutefois d'utiliser à cette fin non pas un régulon homologue, mais un site d'attachement ribosomal hétérologue. Il considérait de toute évidence que l'utilisation éventuelle d'un tel régulon ne conduirait qu'à un hybride covalent avec ß gal, contenant uniquement une séquence correspondant à l'ADN hétérologue jusqu'au premier codon "non-sens", c'est-à-dire au codon d'arrêt. Ce document, considéré comme constituant l'état de la technique le plus proche, n'indiquait pas que les deux séquences devaient être en phase. La Division d'examen a commis une erreur technique en estimant que les travaux expérimentaux de Polisky conduiraient un homme du métier qui en aurait connaissance à conclure à la nécessité d'un cadre de lecture adéquat.

e) S'agissant de la question de savoir si l'exposé de l'invention est suffisant et si les revendications sont claires et fondées, comme le prescrivent les articles 83 et 84 CBE, la multitude de publications qui ont suivi l'invention montrent que celle-ci est applicable de manière générale et qu'elle prend valeur d'oeuvre de pionnier. Des termes de fonction tels que "bactéries convenables" sont dictés par le fait qu'un régulon homologue ne fonctionne que dans des bactéries dans lesquelles il est normalement endogène. Il n'y a aucune raison de penser que l'invention ne pourrait être exécutée dans les conditions proposées. Un exposé est insuffisant uniquement s'il est prouvé que l'échec est inévitable, même pour qui accomplit des efforts de bonne foi.

f) Il suffit en principe d'exposer un seul mode de réalisation de l'invention. L'invention n'est pas identique à ses éléments constitutifs, étant donné que les variantes de ces derniers sont librement interchangeables. Aucun de ses éléments susceptibles d'impliquer à l'avenir une activité inventive n'a été revendiqué en soi. Le procédé peut être utilisé de manière quasiment illimitée pour produire un polypeptide de taille suffisante. Il n'est pas nécessaire que les produits selon l'invention et que les produits intermédiaires correspondants soient directement utiles.

g) En ce qui concerne le positionnement correct du régulon en phase, c'est-à-dire dans le cadre de lecture adéquat, le gène inséré doit suivre immédiatement le codon de départ adéquat ATG, ou le nombre de nucléotides situés entre ce codon et le gène adéquat doit être un multiple de trois (nucléotides de fusion conjugués en l'occurrence). Le mode d'insertion des nucléotides isolés ressort de la description, et la littérature spécialisée indique comment donner à la séquence la longueur voulue. Un certain nombre de régions de contrôle étaient connues à la date de priorité. Les sites de restriction étant eux aussi connus, la longueur pouvait être ajustée sur mesure. Le résultat de la digestion de l'ADN -plac-5 utilisé dans la demande était connu à la date de priorité de la demande.

VI. La requérante a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à la délivrance du brevet sur la base de la description et des revendications 1 à 16 soumises lors de la procédure orale ainsi que des dessins déposés à l'origine.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE. Il est donc recevable.

2. Modifications

Les modifications apportées au texte actuel des revendications ne sont pas de nature à étendre l'objet de la demande au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (art. 123(2) CBE). Les revendications se fondent au demeurant sur la description (art. 84 CBE).

2.1. En principe, la caractéristique "le ou les codons de terminaison" ajoutée à la revendication principale est tirée de la page 2 de la description, lignes 3 à 5. La phrase "... ledit ADN étant placé ... entre ledit régulon et le ou les codons de terminaison ..." découle du rôle d'initiation du régulon et du rôle de terminaison des codons exposé à la page 2, lignes 5 à 7, ainsi que des exemples correspondants. Les autres caractéristiques sont directement reprises de la revendication 1 déposée à l'origine ou suggérées par l'ensemble de l'exposé de l'invention, dont elles découlent par conséquent. Ainsi, les mots "fonctionnel désiré" se rapportant à l'expression "polypeptide hétérologue" ont valeur explicative et signifient simplement, s'agissant du produit visé, que la séquence codante de l'ADN et le résultat de l'expression se correspondent exactement. Ils distinguent le plasmide revendiqué de ceux qui sont susceptibles de ne produire que des protéines non désirées (déchets) lors de l'expression. Le mot "intermédiaires" désigne par conséquent des polypeptides utilisés en vue d'obtenir les polypeptides désirés, L2,0 par exemple au moyen d'une protéine de plus grande taille, comme le montrent les exemples cités dans l'exposé.

2.2. La limitation des produits polypeptidiques devant être obtenus au moyen du plasmide à ceux qui "ne sont pas dégradés par des enzymes protéolytiques" se fonde, elle, sur le passage qui va de la page 25, ligne 26 à la page 26, ligne 3, passage qui fournit à l'homme du métier un enseignement général à ce sujet.

Tout objet ne permettant pas de résoudre le problème technique a ainsi été exclu de l'étendue de la revendication. Bien que le plasmide ait contenu au bon endroit le fragment désiré d'ADN de la somatostatine (cf. page 25, lignes 21 à 25), aucun produit exprimé ne pouvait être décelé. La modification apportée à la revendication permet en outre de remédier à l'objection soulevée en vertu de la règle 27(1)f) CBE (cf. décision attaquée, page 12), à savoir que ni la somatostatine, ni les chaînes d'insuline n'ont été exprimées et séparées directement. La revendication se limite à présent aux cas où il n'y a pas dégradation et où le séparation est possible.

2.3. Les autres revendications contenues dans la requête correspondent aux revendications initiales ou se fondent sur la description. Parmi celles qui se fondent sur la description, la revendication 3 découle de la page 6, lignes 1 et 2, la revendication 4 se fonde sur la page 6, lignes 4 et 5, la revendication 7 sur la page 10, lignes 23 et 24, la revendication 9, en ce qui concerne les caractéristiques supplémentaires, sur la page 3, ligne 24 et sur la page 5, lignes 8 à 15, la revendication 10 sur la page 17, lignes 23 et 24, la revendication 11 sur la page 17, lignes 36s et la revendication 12 sur le passage allant de la page 40, ligne 21 à la page 41, ligne 22, ainsi que sur le contenu global de la description.

2.4. Le texte des nouvelles revendications dépendantes 13 et 16 qui a été ajouté se fonde sur la description (de la page 13, ligne 22 à la page 14, ligne 12), pour ce qui concerne la possibilité de produire des conjugués immunogènes comprenant des "haptènes polypeptidiques", et sur les exemples donnés aux pages 26 à 30 ainsi que 33, lignes 32 à 35, s'agissant de la production effective de ces conjugués avec la somatostatine. En particulier, l'exigence selon laquelle la seconde séquence d'amino-acides doit être de dimensions suffisantes pour rendre immunogène le produit se fonde sur les lignes 29 et 30 de la page 13, et c'est sur les références faites dans ces pages à l'activité radio-immunogène du conjugué avec la somatostatine que se fonde dans la revendication 13 le caractère immunogène des produits et la nécessité à cet égard dans de nombreux cas d'une phase de test. Les revendications sont donc toutes admissibles, étant donné qu'elles se fondent sur la description et qu'elles satisfont à cet égard quant à la forme aux conditions énoncées aux articles 84 et 123(2) CBE. Les modifications correspondantes apportées à la description lors de la procédure orale, y compris les corrections d'erreurs de frappe manifestes, sont admissibles.

3. Exposé suffisant de l'invention et fondement sur la description (articles 83 et 84 CBE)

Les objections formulées à ce titre portent sur le fait qu'un certain nombre de modes de réalisation de l'invention ne sont pas possibles dans certaines conditions, alors qu'il serait obligatoire que chacun des modes de réalisation de l'invention puisse être reproduit. En outre, une formulation des revendications en termes généraux de fonction peut couvrir également la préparation de produits futurs, dont la brevetabilité pourrait ainsi se voir compromise.

Si les objections soulevées ainsi en vertu de l'article 83 CBE étaient justifiées, elles conduiraient à soulever d'autres objections en vertu de l'article 84 CBE, au motif que les revendications ne sont par conséquent pas fondées dans toute leur étendue sur la description, comme elles le devraient. Les différents problèmes qui ont été soulevés dans la décision attaquée ainsi que ceux que la Chambre a relevés vont être discutés un à un dans les lignes qui suivent.

3.1. Eléments de l'invention qui pourraient être proposés à l'avenir

3.1.1. En tant qu'éléments de l'invention, les plasmides recombinants incluent divers régulons qui n'ont pas encore été produits et qui peuvent un jour donner lieu en tant que tels à des inventions en raison de certaines de leurs qualités propres.

Il en va de même pour le plasmide de base, qui a été modifié de manière à présenter les caractéristiques selon la revendication. Le plasmide initial peut présenter des structures complexes qu'il resterait à développer à l'avenir. Les bactéries transformées au moyen des plasmides revendiqués incluent des formes mutantes ou modifiées qui ne sont pas encore connues, ce qui, de l'avis de la Division d'examen, va à l'encontre de l'exigence selon laquelle l'homme du métier devrait pouvoir exécuter à volonté tous les modes de réalisation contenus dans les revendications, sans avoir à faire preuve d'activité inventive.

3.1.2. La Chambre estime toutefois que la Convention sur le brevet européen ne contient pas une telle exigence, qui est également inconnue dans la pratique normalement suivie en matière de délivrance de brevets dans les Etats contractants. Dans le cas de la présente demande, les caractéristiques suggérées dans les revendications sont essentiellement de nature fonctionnelle, malgré des connotations structurelles, et peuvent inclure un nombre illimité de possibilités. Il s'ensuit que les caractéristiques peuvent couvrir de manière générique l'utilisation de possibilités qui sont inconnues ou qui n'ont pas encore été envisagées, y compris des variantes spécifiques susceptibles d'être produites ou inventées à l'avenir. L'opinion de la Chambre rejoint celle d'une autre chambre (cf. décision T 68/85 - 3.3.1 "Herbicides à effet synergique", JO 6/1987, 228), qui a admis l'utilisation d'une terminologie fonctionnelle dans les revendications "s'il n'est pas possible autrement d'exposer ces caractéristiques de manière plus précise, ... sans limiter pour autant l'enseignement de l'invention" et à condition que l'homme du métier puisse mettre en oeuvre cet enseignement en faisant simplement un effort raisonnable de réflexion. La Chambre ne voit vraiment pas pourquoi il ne devrait pas en être de même pour les inventions relevant du domaine de la biotechnologie.

Dans certains cas, comme dans la présente espèce, l'invention (l'objet pour lequel la protection est demandée - art. 84 CBE) ne peut être définie de manière à assurer une protection équitable, vu la nature de l'invention qui a été décrite, que si l'on utilise des termes de fonction dans les revendications.

3.1.3. Autre aspect essentiel en l'espèce, peu importe la variante qui est choisie à l'intérieur de ce que recouvrent les termes de fonction "bactéries", "régulon" et "plasmide". En effet, ce n'est pas l'un quelconque des nombreux polypeptides, mais c'est le même polypeptide qui est exprimé dans chaque cas, indépendamment des moyens choisis. Ces termes de fonction doivent bien entendu être clairs et permettre à l'homme du métier de trouver des spécimens appropriés sans effort excessif. La présente demande offre un choix suffisant, bien que certains vecteurs et hôtes soient préférés pour des raisons d'ordre pratique.

3.1.4. L'objection selon laquelle les termes "plasmide" et "bactérie" sont trop généraux, étant donné qu'ils se rapportent dans certains cas à des entités qui ne sont pas encore disponibles, ne saurait être admise. La Chambre estime qu'il s'agit en l'occurrence d'une pratique tout à fait courante dans de nombreux domaines de la technique, où des termes comme "supports", "moyens élastiques" ou "moyens amplificateurs" sont fréquents et couvrent des composants nouveaux, qu'ils impliquent ou non une activité inventive. En outre, la désignation générique d'un produit dans la revendication est très souvent suivie du terme "comprenant", qui n'est pas exclusif, et des caractéristiques d'éléments modificateurs, les autres caractéristiques effectives du produit n'étant aucunement précisées, mis à part le fait que celui-ci doit fonctionner comme prévu.

3.1.5. Ces exemples montrent que les considérations concernant l'étendue des revendications et l'obligation de fournir un exposé suffisant de l'invention sont commandées par la nécessité d'assurer une protection équitable au demandeur. Si les revendications ne pouvaient couvrir également des variantes d'éléments qui permettent pareillement, immédiatement ou plus tard, d'obtenir le même effet d'une manière qui n'aurait pu être envisagée s'il n'y avait pas eu l'invention, la protection conférée par le brevet serait inefficace. La Chambre estime par conséquent qu'une invention est exposée de manière suffisante s'il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention. Pour l'appréciation du caractère suffisant ou non de l'exposé, il est donc sans importance que certaines variantes particulières d'un élément de l'invention, défini en termes de fonction, ne soient pas disponibles, dès lors que que l'homme du métier connaît, grâce à l'exposé de l'invention ou aux connaissances générales communes dans son domaine technique, des variantes appropriées produisant le même effet pour l'invention. Il n'est pas nécessaire que l'exposé comprenne des indications particulières sur la manière d'obtenir toutes les variantes possibles d'un élément couvertes par la définition fonctionnelle.

3.1.6. L'idée avancée par la Division d'examen selon laquelle ces termes devraient se limiter à ce qui est mentionné dans l'état de la technique est dépourvue de tout fondement juridique. Si des termes généraux, mais corrects, n'étaient pas admissibles, les tiers pourraient être amenés à concentrer leurs efforts sur la recherche de solutions autres que celles prévues dans les revendications, au lieu de poursuivre dans la voie ouverte par l'invention, en proposant des inventions dépendantes. Si l'on ne reconnaît pas toute la signification des contributions techniques et leur indépendance, les progrès dans le domaine de la microbiologie et de la biochimie risquent de s'en trouver compromis.

3.1.7. Compte tenu de ce qui précède, il est également sans importance que certaines variantes de souches bactériennes ou de régulons n'existent que dans des collections privées ou qu'elles ne soient disponibles qu'en des lieux ou dérivent de sources auxquels le public n'a pas accès ou n'avait accès que temporairement. Tant qu'il existe des moyens de réaliser l'invention, de telles circonstances exceptionnelles ne font pas obstacle à la réalisation de l'invention.

3.2. Eléments inopérants

3.2.1. Même si la Chambre est convaincue qu'il existe un choix suffisant de bactéries, et que leur nombre pourra encore augmenter à l'avenir, l'on peut néanmoins se poser la question de savoir si certaines variantes bactériennes sont opérantes ou non. Bien qu'il n'y ait jusqu'ici aucune raison de douter que des régulons homologues puissent fonctionner également de manière fiable dans leur environnement microbien d'origine, le terme "bactérie" pourrait inclure des espèces ou des variantes qui ne sont pas opérantes en soi. Toutefois, la revendication principale fait référence à une "bactérie convenable", et la revendication 10 à une bactérie transformée au moyen des plasmides revendiqués, ce qui signifie en tout état de cause pour l'homme du métier qu'il doit s'agir en l'occurrence d'une bactérie dans laquelle le régulon homologue est "chez lui" et peut être opérant. En outre, les bactéries à utiliser peuvent être modifiées de manière à mieux convenir. Alors que ces limitations fonctionnelles explicites ou implicites sont admissibles dans la présente demande, étant donné que l'applicabilité du procédé à toutes ou à la plupart des espèces de bactéries n'a pas été vraiment mise en cause, elles risquent de ne plus l'être dans le cas où l'homme du métier ne parvient pas aisément à mettre en oeuvre l'invention, en utilisant par exemple les bactéries ou les plasmides qui ont été spécialement recommandés.

Par conséquent, la Chambre estime également qu'il est sans importance que certaines variantes particulières non spécifiées d'un élément de l'invention, décrit en termes de fonction, ne conviennent pas, dès lors que l'homme du métier connaît, grâce à l'exposé de l'invention ou aux connaissances générales communes dans son domaine technique, des variantes appropriées, produisant le même effet pour l'invention.

3.2.2. La difficulté de trouver des spécimens opérants dépend de l'importance que revêt la caractéristique fonctionnelle pour l'activité inventive, c'est-à-dire de son importance pour la qualité ou la quantité de l'effet obtenu, et donc de la différence qu'elle constitue par rapport à l'état de la technique pertinent. Certaines caractéristiques peuvent constituer un élément essentiel de l'invention, alors que d'autres en facilitent uniquement l'utilisation, ce qui rend le choix de solutions appropriées d'autant plus difficile ou plus facile pour l'homme du métier. C'est ainsi qu'en elles-mêmes les bactéries ne constituent qu'un aspect supplémentaire, dépendant, de l'invention (revendication 10). Etant donné qu'elles jouent le rôle d'enclaves pour l'expression, et eu égard au fait qu'en dépit de son caractère général, le terme utilisé apporte une restriction supplémentaire à la revendication concernée, il serait également déraisonnable de vouloir limiter encore l'étendue de la revendication pour la simple raison que certains spécimens pourraient ne pas convenir.

3.3. Particularités exerçant une influence sur le résultat

3.3.1. La situation décrite ci-dessus, o" l'on peut trouver, à côté des variantes de bactéries opérantes, des variantes éventuellement inopérantes, doit toutefois être soigneusement distinguée de celle où il est absolument impossible d'obtenir certains effets, c'est-à-dire en l'espèce un produit polypeptidique donné. Au cours de la procédure devant la Chambre, la gamme d'inserts d'ADN a été limitée à ceux qui fournissent des polypeptides directement séparables, c'est-à-dire à ceux qui ne sont pas "dégradés par des enzymes protéolytiques endogènes". Cette limitation est non seulement admissible sur le plan formel (cf. point 2.2), mais également nécessaire, étant donné que l'homme du métier ne disposait pas d'un autre procédé permettant d'obtenir directement des polypeptides dégradables quelconques. La seule façon pour lui de parvenir à des polypeptides dégradables de petite taille était de passer indirectement par un produit de grande taille pouvant être coupé. Ce procédé est revendiqué dans une autre demande en instance et est également mentionné dans les exemples cités dans la description de la présente invention, étant donné qu'il n'est pas décrit dans la littérature spécialisée. Il s'agit toutefois d'éléments indépendants, non couverts par les revendications actuelles, lesquelles concernent uniquement des polypeptides non dégradables pouvant être obtenus directement, c'est-à-dire des polypeptides de grande taille. La limitation est donc nécessaire pour éliminer des variantes inefficaces de l'invention et pour définir avec précision l'objet de l'invention.

3.3.2. S'il ne fait plus aucun doute certes que que les polypeptides nécessaires couverts par les revendications peuvent toujours être obtenus sous une forme séparable dès lors que l'insert d'ADN correspondant codant pour ces polypeptides est dûment incorporé dans le plasmide, autrement dit dès lors qu'une reproduction "à l'identique" est possible, certaines sources naturelles d'ADN donnés risquent de n'être disponibles que temporairement. Dans la décision attaquée, il est fait référence aux hormones humaines, qui diffèrent d'un individu à l'autre, et dans lesquelles la source de l'ARNm, et par conséquent de l'ADNc, peut mourir ou cesser d'être disponible pour d'autres raisons. Ainsi, il n'est possible de produire exactement le même polypeptide de la manière suggérée que si un insert d'ADN lui correspondant exactement est disponible.

Dans la décision T 281/86 ("Préprothaumatine", en date du 27 janvier 1988, publiée au JO OEB 1989, 202), la Chambre a estimé qu'aucune disposition de l'article 83 CBE n'exige qu'un exemple donné du procédé revendiqué soit exactement reproductible. Des variations intervenant dans la composition d'un agent utilisé dans un procédé ne préjugent pas du caractère suffisamment clair et complet de la description dès lors que le procédé revendiqué permet d'obtenir à coup sûr le produit désiré" (cf. p. 8, trait de soulignement ajouté). Il importe de savoir que dans cette affaire, le nombre de produits était limité et que tous pouvaient être obtenus à volonté. La présente demande ne concerne toutefois pas l'obtention d'un nombre fini de produits particuliers, comme c'était le cas dans la décision citée. La présente invention porte sur une méthode générale, qui peut être appliquée sans réserve quel que soit le matériau de départ et qui, comme il a été indiqué, ne dépend pas non plus de la question de savoir si les produits finaux sont connus, évidents ou inventifs. Les bactéries transformées, tout comme les plasmides revendiqués, sont des agents et des précurseurs génétiques intervenant dans un procédé de transformation, d'expression et de séparation des produits désirés, et tant que le système fonctionne de manière sûre à tous les stades, il n'y pas lieu d'exclure de futurs matériaux de départ.

3.3.3. La Chambre n'estime pas par conséquent que des procédés biologiques d'application générale sont décrits de manière insuffisante du seul fait qu'il est difficile de disposer de certains matériaux de départ ou de certains précurseurs génétiques de ces derniers (d'un ADN ou d'un plasmide donné par exemple), en vue d'obtenir chacune des variantes du résultat escompté de l'invention, par exemple du produit recherché, à condition toutefois que le procédé en tant que tel soit reproductible. Dans le domaine de la chimie, on a admis des réactions chimiques d'application très vaste, sans les limiter par des détails structurels sans importance. Cela doit également valoir pour les procédés biochimiques.

3.3.4. L'on peut également affirmer que dans toutes les revendications de procédé formulées en termes généraux, l'emploi d'une terminologie générique peut conduire logiquement à englober aussi de nouveaux produits, par exemple de nouvelles protéines. C'est à tort que la Division d'examen a considéré qu'une revendication de ce type, couvrant également la "première synthèse chimique" d'un de ces produits, ferait obstacle à la brevetabilité de ce produit, jugé vraisemblablement dépourvu de nouveauté. Indépendamment de l'adage qui veut que le général n'implique pas normalement le particulier, notamment s'il n'est pas formulé de telle manière que ses composants soient exposés individuellement, l'on doit rejeter par principe l'idée selon laquelle de tels procédés ne peuvent englober de manière générale des inventions et développements futurs en dépendant, cette idée allant à l'encontre de la jurisprudence constante. Dans le domaine de la chimie, des réactions d'application très vaste ont pu être revendiquées, que les produits obtenus par ces réactions soient nouveaux ou connus. Si les conclusions de la Division d'examen étaient fondées, les inventions de sélection ne seraient plus admises.

3.4. Le régulon en général

3.4.1. La présence dans le plasmide d'un régulon homologue associé de manière précise à un insert d'ADN hétérologue est une caractéristique essentielle de l'objet revendiqué. La Chambre elle-même s'est demandée si l'exposé est suffisant en ce qui concerne ces régulons homologues, qui doivent se trouver dans un cadre de lecture adéquat avec la séquence d'ADN qui a été insérée. La structure des régulons, qui font partie du système d'expression du plasmide associé à certaines bactéries, est déjà connue ou peut être déterminée par des analyses appropriées. Dans l'un des exemples, un plac 5 ADN modifié de manière appropriée par digestion avec l'enzyme de restriction Hae III a été utilisé en vue d'éliminer la plupart des séquences ß-gal (cf. page 15, lignes 23 à 30 et passage allant de lapage 22, ligne 27 à la p. 23, ligne 21), ce qui a permis au régulon incorporé d'être en phase avec l'insert d'ADN. Dans d'autres exemples (page 27, ligne 1s. et passage allant de la page 39, ligne 30 à la page 40, ligne 18), un fragment inséré du même plac 5 contenait également la région de contrôle lac ainsi que la plupart des polypeptides désirés de structure ß-gal (séquences d'insuline A ou B).

3.4.2. La description générale expose le caractère des éléments de contrôle, y compris du système opérateur lac préféré, qui peut aussi libérer, si cela est désiré, le composant ß-gal. D'autres systèmes de contrôle sont également recommandés (p. 14, ligne 30s). A l'appui de ses affirmations selon lesquelles les connaissances générales communes de l'homme du métier permettaient déjà de savoir comment ajuster les séquences en ajoutant ou en supprimant des nucléotides, la requérante a invoqué l'article publié par Scheller et al dans Sciences, 1976, 196, 177-180. L'ADN peut être mis à n'importe quelle longueur, de manière à fournir un cadre de lecture adéquat. Elle a également cité à ce sujet Bahl et al. Gene, 1976, 1, 81-91, et Heyneker et al, Nature, 1976, 263, 748 (cf. description, p. 20, ligne 25). Ce dernier a comme chacun sait décrit le mode de production de l'opérateur lac selon la demande.

3.4.3. Jusqu'à preuve du contraire, la Chambre considère que les articles susmentionnés, qui n'ont pas été expressément cités dans la description, reflètent les connaissances générales communes de l'homme du métier. Ces articles, qui ont été publiés à une époque ou de considérables efforts de recherche étaient déployés dans tous les pays dans le domaine de la manipulation des plasmides et des gènes, apportaient en leur temps des informations importantes sur la manière de parvenir à cet objectif et de modifier à volonté la longueur de l'ADN. En conséquence, il y a lieu de supposer que tous les hommes du métier connaissaient leur enseignement. Le Professeur Glover, qui a été présenté à la Chambre comme un grand spécialiste du domaine de la génétique, et qui, lors de la procédure orale, a répondu pour la requérante aux questions de nature technique, a confirmé que les articles cités pouvaient effectivement être considérés comme faisant partie des connaissances générales communes du biologiste moléculaire.

3.4.4. Le Professeur Glover a également confirmé qu'en elle-même, la présence du codon d'initiation ATG directement devant le premier codon de la protéine désirée ne garantissait pas déjà que le système était en phase en vue de l'expression et que l'on devait disposer du site d'attachement ribosomal ainsi que d'autres sites appropriés possibles facilitant l'initiation de l'expression, tels qu'un système promoteur - opérateur destiné à activer et à inactiver le procédé, de manière à garantir que dans ces conditions le système d'expression fonctionne dans le cadre de lecture adéquat. L'on savait également comment équiper le plasmide coupé et l'insert d'ADN des extrémités cohésives nécessaires en vue de la ligation. Les extrémités cohésives des paires doivent de préférence être différentes, de manière à éviter une insertion dans le mauvais sens.

3.4.5. La Chambre convient que le plasmide doit également être équipé d'un site promoteur convenable aux fins de la transcription, ainsi que de séquences de réplicon afin de pouvoir se répliquer. Le clonage étant une phase essentielle dans la préparation du plasmide, les séquences normales pour la résistance à la tétracycline et à l'ampicilline sont également à envisager, bien que d'autres moyens puissent également être utilisés pour améliorer les résultats. Il s'agit là par conséquent de caractéristiques implicites qui sont clairement jugées indispensables par l'homme du métier pour que la limitation fonctionnelle apportée aux revendications prenne tout son sens, limitation consistant en ce que le plasmide recombinant convient "pour la transformation d'un hôte bactérien ... par traduction ..., le produit étant le polypeptide désiré ...." Dans ces conditions, il n'est donc pas nécessaire d'alourdir les revendications portant sur les plasmides en énumérant expressément les caractéristiques implicites.

3.4.6. La Chambre n'a aucune raison de penser que les exemples et les explications générales données dans l'exposé ne permettaient pas à l'homme du métier de trouver ce qu'il fallait introduire dans le plasmide en vue de placer le régulon et d'autres séquences de composants dans un cadre de lecture leur permettant de fonctionner. Elle ne doute pas non plus que l'homme du métier pouvait également parvenir à ce résultat en procédant d'une autre manière, par exemple en utilisant d'autres régulons qu'il connaissait. On peut conclure dans ces conditions que l'exposé de l'invention est adéquat et suffisant, et que les informations fournies sont suffisantes pour permettre d'une manière générale de mettre en oeuvre l'objet revendiqué afin d'atteindre l'objectif visé. Il est donc satisfait aux conditions énoncées à l'article 83 CBE. Il s'ensuit que les termes des revendications sont à cet égard suffisamment clairs et qu'ils se fondent entièrement sur la description (article 84 CBE).

4. Le problème et sa solution

4.1. L'objet revendiqué concerne l'expression dans un hôte bactérien, sous le contrôle d'un régulon homologue, de polypeptides hétérologues désirés, sous une forme permettant leur séparation. Il n'a pas été cité d'antériorité dans laquelle ce résultat aurait déjà été obtenu.

Pour la Chambre, l'état de la technique le plus proche est l'article de Polisky (document 1), qui décrit la construction d'un plasmide convenant pour la transformation de bactéries E. Coli, dans lequel sont insérés un régulon bactérien et un fragment d'ADN hétérologue codant pour une séquence d'ARN ribosomique (ARNr). Cette séquence ne codait pas toutefois pour un polypeptide traduisible, mais pour l'ARNr destiné à devenir partie intégrante d'un ribosome (cf. p. 3 902, colonne de droite, sous le titre "Expression of eukaryotic DNA under lac-control"). L'auteur de l'article évoquait néanmoins la possibilité d'utiliser cette idée en vue de construire "des produits de gènes eucaryotes dans des bactéries" en général (dernière phrase de l'abrégé et fin de la discussion page 3 904, colonne de gauche, dernier alinéa).

4.2. On pourrait voir dans ces considérations théoriques une tentative de l'auteur du document visant à signaler un problème technique découlant de l'exposé de l'invention. Il s'agissait d'obtenir en définitive l'expression de polypeptides hétérologues spécifiques dans des bactéries sous la forme de produits utiles correspondant exactement à l'insert d'ADN. Il ressort de plusieurs antériorités citées qu'il s'agit là du problème de la biochimie et que ce problème n'a donc pas fait l'objet d'une "invention" en l'occurrence. Cela signifie bien entendu que la constatation du problème ne saurait à elle seule impliquer une activité inventive. L'inventeur lui-même, à l'occasion d'un congrès, puis une revue technique hebdomadaire publiée avant la date de priorité de la présente demande, ont annoncé que l'on avait obtenu l'expression de la somatostatine, sans indiquer de quelle manière (26th International Congress of Pure and Applied Chemistry, Abstracts, Session I, Tokyo, Japon, 4-10 septembre 1977 (document 3) et C & EN; 1977, N° 7 (document 4)). La solution du problème, revendiquée dans la présente demande, exige que l'insert d'ADN hétérologue soit placé dans le plasmide dans le cadre de lecture adéquat avec le régulon homologue pour qu'il y ait transformation d'un hôte bactérien convenable, et que l'ADN code pour un polypeptide non dégradable par des enzymes protéolytiques, par exemple en raison de sa taille. En d'autres termes, contrairement à ce que l'on pouvait attendre au vu de ce qui avait été annoncé, l'invention ne conduit pas directement à la somatostatine et à d'autres polypeptides de petite taille, mais à des entités protéiques de taille plus grande, bien que la description expose également comment l'invention pouvait conduire indirectement, quoique en partie seulement, à des entités plus petites si l'on utilisait une autre invention revendiquée séparément dans une demande également en instance.

4.3. Il est reconnu dans la description qu'il n'a pu être décelé de somatostatine en dépit d'une insertion correcte du gène (cf. passage allant de la page 25, ligne 21 à la page 26, ligne 3), mais cet échec est attribué à la dégradation intracellulaire opérée par des enzymes protéolytiques. Les auteurs de la présente invention ont choisi une solution différente en utilisant un précurseur consistant en un polypeptide de taille suffisante pour résister à la dégradation, et, ce faisant, ont ouvert la voie à l'obtention d'entités plus grandes. L'essai a montré qu'il a effectivement été obtenu une protéine précurseur qui comportait également un gène de somatostatine et qui produisait de la somatostatine après avoir été coupée au moyen de bromure de cyanogène. De la somatostatine pure a été obtenue à l'issue des procédés classiques d'enrichissement et de séparation (cf. passage allant de la page 33, ligne 14 à la page 34, ligne 10). Une insertion de gènes codant pour les chaînes A et B de l'insuline humaine a été tout aussi réussie. Ce résultat prouve bien à son tour que l'hybride de grande taille, qui comprend une chaîne A ou B d'insuline, a été dûment exprimé et que la traduction a effectivement eu lieu en phase. Après coupure, il a été constaté pour ces produits que, par exemple, la chaîne d'insuline A a pu être isolée et identifiée comme ayant la composition d'acides aminés correcte (cf. p. 41, lignes 16 à 22).

Il a été déclaré au nom de la requérante que le caractère homologue de la protéine ajoutée était sans importance pour les résultats et que le système fonctionnerait directement, comme revendiqué, pour toute protéine désirée de grande taille. Aussi la Chambre en a-t-elle conclu que des polypeptides de taille suffisante pour ne pas être affectés par les enzymes protéolitiques pourraient être exprimés à volonté au moyen de la méthode divulguée, sous une forme permettant leur séparation.

5. Nouveauté

Vu qu'aucun document cité ne mentionne les plasmides contenant de l'ADN hétérologue susceptible d'être exprimé, c'est-à-dire l'ADN purement eucaryote, ni n'indique comment produire des polypeptides résistant aux enzymes de dégradation en utilisant un régulon homologue se trouvant dans un cadre de lecture avec l'ADN, la nouveauté de la demande ne fait aucune doute : elle n'a d'ailleurs pas été contestée au cours de la procédure.

6. Activité inventive

6.1. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, l'état de la technique le plus proche est constitué par le document (1), étant donné qu'il expose déjà l'utilisation d'un régulon homologue dans E. Coli en combinaison avec un ADN hétérologue, et qu'il va jusqu'à transcrire l'ADN en vue de produire une séquence d'ARNr. Le problème consistait à démontrer que cela était possible. Pour ce faire, un régulon en phase avec l'ADN n'était pas nécessaire, étant donné que la transcription se fait de nucléotide en nucléotide sous le contrôle d'un promoteur. On ne saurait donc suivre la Division d'examen lorsqu'elle conclut qu'"il était connu depuis l'article de Polisky que, pour pouvoir être exprimé, l'ADN hétérologue doit être inséré dans un cadre de lecture convenable". Dans le cadre d'un processus d'expression, l'ARNn mentionné dans le document produirait au mieux, et seulement de manière fortuite, de petits fragments de polypeptides, puisque ces types d'ARN présentent de nombreux codons de terminaison mettant fin à toute expression fortuite.

6.2. Néanmoins, l'auteur de l'article envisage l'expression d'un ADN eucaryote dans des bactéries. La question se pose de savoir quelles bases l'on peut trouver dans cet article pour apporter les modifications nécessaires, dont nous savons à présent que le succès dépend, et ce qui aurait pu inspirer ces modifications, compte tenu des connaissances en la matière à la date de priorité. Avant Polisky (document 1), plusieurs chercheurs ont introduit des séquences d'ADN eucaryote dans des plasmides, mais il n'a pas été prouvé que leurs séquences de promoteurs eucaryotes ont été correctement reconnues par des ARN polymérases bactériennes (Ibid, premier alinéa). L'objectif consistait donc à tester la transcription sous le contrôle du promoteur de la bactérie même. Il a été examiné s'il est possible d'utiliser un fragment d'ADN de grenouille (Xenopus laevis) codant uniquement pour une transcription en un ARNr, et il est apparu que la transcription a non seulement réussi, mais qu'elle a même été renforcée sous le contrôle de l'opéron lac.

6.3. Etant donné que dans le document, rien n'indiquait qu'il avait été effectué un séquençage, il n'aurait pas été possible d'établir si une traduction de la région ß-gal du plasmide contenait ou non en outre des séquences polypeptidiques provenant d'une traduction (fortuite) d'une partie de la séquence ribosomale d'ARN, et encore moins si la traduction était correcte. Néanmoins, il est suggéré dans le document (1) que la ß-gal a une activité enzymatique moindre et qu'elle se distingue de l'enzyme normale, de type sauvage (cf. p. 3904, colonne de gauche, deuxième alinéa).

L'auteur du document (1) a également retenu l'hypothèse d'une traduction lue en phase sur la base d'une partie du fragment d'ARN de l'ADN de la grenouille (probablement jusqu'au premier codon d'arrêt) dans le cas où les "signaux normaux d'arrêt de la traduction pour ß-gal manquent dans le plasmide" (p. 3 904, colonne de gauche, deuxième alinéa, lignes 12 à 14). Il n'en est toutefois donné aucune explication et cette hypothèse se fonde uniquement sur le fait que des cultures induites ont révélé une ß-gal de poids moléculaire légèrement plus élevé que le poids normal de la ß-gal de type sauvage. L'auteur poursuit en présumant que cela a éventuellement donné lieu à un polypeptide de fusion lié de manière covalente à la ß-gal (p. 3 904, colonne de gauche, deuxième alinéa, lignes 20 à 22). Bien entendu, l'article ne donne aucune indication sur la position exacte du site de coupure d'EcoR I, ni, par conséquent, sur la position du cadre de lecture, puisque cela n'était pas nécessaire dans le cadre des expériences.

6.4. Les auteurs de l'article ont eux-mêmes poursuivi leurs recherches sur l'étendue d'une traduction lue, et ont rendu compte d'un certain nombre d'autres expériences impliquant l'insertion d'autres fragments d'ADN Xenopus de type ribosomal. A l'époque, ils n'ont toutefois pas détecté de transcription inductible lue dans quelque sens que ce soit (p. 3 904, colonne de gauche, deuxième alinéa en entier). Les raisons de l'échec de ces expériences ne sont pas indiquées.

6.5. Dans ce contexte, les auteurs ont conclu leur article en évoquant la possibilité d'examiner l'expression de "séquences eucaryotes normalement traduites", et ont précisé d'emblée qu'un site d'attachement du ribosome introduit avec l'ADN, c'est-à-dire un système de régulon hétérologue, peut permettre une traduction complète d'un polypeptide eucaryote fonctionnel, c'est-à-dire du produit désiré d'un gène donné. Dans la phrase suivante, il est par contre question de l'expression d'un "peptide lié de manière covalente à ß-gal" en l'absence d'un tel "site indépendant d'attachement du ribosome". Cette dernière précision doit être interprétée comme signifiant l'abandon du site d'attachement ribosome eucaryote proposé en premier lieu, étant donné qu'il se trouverait entre la séquence de ß-gal et la séquence polypeptidique. Ceci conduit à un hybride de ß-gal qui est lié de manière covalente, c'est-à-dire de manière indissoluble à "un peptide", et qui n'est qu'un fragment du gène pour lequel il y a codage, puisqu'il ressort de la dernière phrase que la traduction ne serait lue que jusqu'au premier codon "non-sens".

6.6. Ainsi l'article lui-même ne prévoit pas de cadre de lecture puisque celui-ci n'aurait pas mené à un codon "non-sens". De ce fait et étant donné que, contrairement à ce que l'on espérait, il n'a pu être obtenu de traductions fiables lues, même partielles, il ne peut être véritablement considéré que ledit article pose les jalons de l'invention. Celle-ci vise à obtenir le polypeptide fonctionnel entier, et non un fragment du polypeptide mal traduit, irrévocablement lié à la ß-gal. Si tant est qu'il fournisse une quelconque ligne de recherche à cet égard, le document suggère plutôt un régulon hétérologue qu'un régulon homologue et, dans les cas où il admet un régulon homologue, accepte la formation d'un hybride non-sens lié de manière covalente.

6.7. Le document n'indique pas comment suivre la seconde voie, moins attrayante, pour obtenir néanmoins le produit désiré. Comme nous le savons à présent, l'homme du métier aurait dû disposer du cadre de lecture adéquat et d'une taille minimale pour le produit direct. Le document étant muet pour ce qui est de la nécessité d'utiliser à dessein un agencement en phase, l'homme du métier qui aurait voulu produire à volonté le polypeptide adéquat aurait dû pour résoudre ce problème rechercher dans l'état de la technique des moyens susceptibles de produire l'effet désiré. Les déclarations des auteurs des documents (3) et (4), selon lesquelles il était possible d'une façon ou d'une autre d'exprimer la somatostatine auraient ajouté encore à sa perplexité. Etant donné qu'il n'avait été indiqué nulle part comment atteindre ce but, autrement dit qu'il n'avait pas été exposé d'expérience réussie à cet égard, et vu que nulle part dans la littérature spécialisée un régulon homologue n'était mis en relation avec un ADN hétérologue dans un cadre de lecture, cette modification apportée par l'invention, qui constitue sa caractéristique primordiale, n'était ni simple ni évidente, eu égard aux ambitieux objectifs poursuivis.

6.8. Bien que Polisky s'écarte de la présente invention et indique une stratégie différente pour obtenir l'expression correcte du gène d'ADN dans son intégralité, l'homme du métier aurait pu être vivement intéressé par la solution du problème, que la littérature considère comme étant le problème de la biochimie. Si, par aventure, il avait eu l'idée d'améliorer la seconde proposition, moins prometteuse, émise dans le document et essayé d'utiliser le régulon de la bactérie, et si même il avait songé au cadre de lecture adéquat, il aurait probablement choisi, pour mettre son idée à l'épreuve, d'insérer un ADN relativement simple afin de produire un polypeptide de petite taille. En effet, la synthèse de gènes de petite taille était relativement simple, comme l'était, en définitive, l'identification des polypeptides correspondants. Au contraire, la préparation synthétique de gènes de grande taille était compliquée, voire impossible, et il n'était pas facile d'obtenir l'information de l'ARNm, de l'identifier et d'en effectuer une transcription inverse pour l'insérer dans l'ADNc, puis d'en tester le résultat. Cela aurait constitué une tâche considérable et, à moins de connaître parfaitement la structure de l'insert et du polypeptide en résultant, l'expérience n'aurait pas permis de montrer si le problème avait ou non été résolu. Ainsi, encouragé éventuellement par l'annonce que la somatostatine avait été traduite avec succès, l'homme du métier aurait commencé modestement en utilisant un polypeptide de petite taille, ce qui, comme nous le savons à présent, l'aurait conduit à l'échec, puisque le résultat aurait été anéanti par des enzymes protéolytiques.

6.9. Il n'aurait pu savoir avec certitude à cette date quelle était la cause de l'échec, et il n'aurait eu aucune raison de penser que la même expérience réussirait nécessairement avec une protéine de taille bien plus grande. Il y a lieu de souligner que le document de Polisky ne suggère en rien que, pour la solution du problème posé, il importe d'éviter la dégradation. L'homme du métier aurait été dissuadé de tenter l'expérience sur une entité plus grande, et rien ne lui aurait suggéré que la solution consiste à combiner une petite entité avec un ballast susceptible d'être coupé. Ainsi, s'agissant de la deuxième caractéristique essentielle de l'invention, la nécessité d'utiliser des polypeptides qui ne sont pas aisément dégradables n'était pas non plus évidente pour l'homme du métier.

6.10. Même si l'on ne tient pas compte de l'expérience envisagée ci-dessus, il n'en demeure pas moins que la distinction entre polypeptides de grande et de petite taille est essentielle pour le succès ou l'échec, et que cette constatation n'avait été faite nulle part dans l'état de la technique. La Chambre estime également que ses conclusions touchant le caractère inventif de l'objet revendiqué sont confirmées par la situation en ce qui concerne l'état de la technique avant et après la date de priorité. De nombreux articles avaient déjà été publiés avant la date de priorité au sujet de l'insertion d'ADN dans un plasmide, mais aucun n'a fait état de résultats qui auraient montré que des bactéries peuvent être utilisées pour produire ce que le programme prévoit, à savoir le polypeptide correspondant exactement à un insert. S'il y a eu de nombreuses tentatives, dont certaines ont contribué à accroître nos connaissances et à faire progresser la science dans ce domaine, aucune n'a cependant abouti (cf. conclusions de la requérante en date du 16 juillet 1981). A l'opposé, il existe plus d'une centaine de publications et des douzaines de demandes de brevet qui ont utilisé l'invention revendiquée après qu'elle a été publiée (cf. déclaration de M. Kleid, sous la foi du serment, produite le 6 février 1985).

Cette soudaine prolifération de demandes survenue après une longue attente d'une percée dans ce domaine doit être considérée non seulement comme une confirmation de l'existence d'une activité inventive, mais encore comme le signe que l'invention constitue une oeuvre de pionnier.

6.11. La copie d'un article de Selker (document 2), qui a été soumise en septembre 1986 par un tiers, au cours de la procédure devant la Chambre, en vertu de l'article 115(1) CBE, a été examinée à la lumière des observations et des commentaires faits par la requérante, afin d'établir si le document cité constitue ou non à première vue un état de la technique plus proche que le document (1). La Chambre est parvenue à la conclusion que ce document ne constitue à l'évidence pas un état de la technique plus pertinent que ce qui avait d'ores et déjà été pris en considération.

6.12. La Chambre reconnaît la présence d'une activité inventive et les nombreuses possibilités d'application des plasmides revendiqués dans la présente demande. Il lui a fallu pour cela apprécier avec soin la portée de l'objet revendiqué, pour pouvoir accorder une protection équitable au titulaire du brevet. Si les caractéristiques de la revendication ne sont pas interprétées comme couvrant à juste titre les utilisations actuelles et futures de l'invention, et même l'ensemble des utilisations possibles du concept inventif, le système des brevets manquerait son objectif. La non-évidence des plasmides confère également une activité inventive aux autres objets revendiqués ayant trait à leur préparation et à leur utilisation dans le but de produire des polypeptides et des substances immunogènes.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est délivré sur la base de la description et des revendications 1 à 16 soumises au cours de la procédure orale ainsi que des dessins déposés à l'origine.

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