European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1995:T035694.19950630 | ||||||||
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Date de la décision : | 30 Juin 1995 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0356/94 | ||||||||
Numéro de la demande : | 88101431.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | B60C 3/04 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | B | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Paire de pneumatiques pour deux roues | ||||||||
Nom du demandeur : | COMPAGNIE GENERALE DES ETABLISSEMENTS MICHELIN-MICHELIN & CIE | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.2.01 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Essais comparatifs visant à démontrer le défaut de reproductibilité de l'invention, produits le jour même de la procédure orale Prise en compte de ces essais et révocation du brevet au titre de l'article 83 ou 100(b) CBE Requête en ajournement de la procédure orale de la part du breveté (non) Violation du droit d'être entendu du breveté (dans le cas d'espèce, non) Vice substantiel de procédure (non) Sufficiency of disclosure - late submission of evidence Right to be heard - breach - no Late submission - oral proceedings Substantial procedural violation - no |
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Exergue : |
Tout moyen de preuve produit tardivement peut être introduit dans la procédure d'opposition pour autant que ce moyen soit ensuite soumis à une discussion contradictoire conformément à l'article 113(1), ce qui implique de laisser aux parties une période de temps suffisante dépendant de la nature du moyen de preuve produit, pour fournir leurs explications. La prise en considération d'essais comparatifs produits le jour même de la procédure orale peut constituer une violation du droit d'être entendu de l'autre partie, dès lors que celle-ci n'a pas eu la possibilité matérielle de les vérifier (point 6.3). |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La requérante est titulaire du brevet européen n 0 280 889 (n de dépôt : 88 101 431.0).
II. L'intimée a fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen.
Pour en contester la brevetabilité, elle a notamment opposé les moyens de preuve suivants :
- Document f : "Einführung in die Motorradtechnik" Motorbuchverlag, 1. Auflage 1980, p. 263 à 279 ;
- des courbes de mesures effectuées par l'intimée elle- même (document g) en date du 6 septembre 1982.
III. Par lettre reçue le 21 janvier 1994, soit deux semaines environ avant la date fixée pour la procédure orale (4 février 1994), l'opposante a fait savoir que l'opposition n'était pas uniquement fondée sur le défaut de brevetabilité aux termes des articles 52 à 57 CBE, mais aussi sur l'insuffisance de description (article 100(b) CBE) en se référant au passage du mémoire d'opposition mettant en cause la reproductibilité des courbes des figures 2 à 4 du brevet européen.
IV. Par décision rendue à l'issue de la procédure orale du 4. février 1994 et remise à la poste le 22 février 1994, la Division d'opposition a estimé que le motif d'opposition au titre de l'article 83 ou 100(b) CBE était fondé en prenant en considération des essais comparatifs (courbes n 2 et n 5) produits par l'opposante le jour même de la procédure orale. Elle a en conséquence révoqué le brevet européen en cause.
V. Par télécopie du 25 avril 1994, la requérante (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.
Le mémoire dûment motivé a été déposé le 24 juin 1994.
La requérante sollicite l'annulation de la décision attaquée et le renvoi du dossier devant la première instance afin de poursuivre l'examen de l'opposition sur la base des revendications faisant l'objet de la requête principale ou des requêtes subsidiaires 1 à 3 annexées au mémoire d'opposition.
Elle soutient également que la procédure d'opposition est entachée d'un vice substantiel et demande, par conséquent, le remboursement de la taxe de recours.
A la suite d'un entretien téléphonique du 14 mai 1995 avec le membre rapporteur, elle a supprimé la revendication 4 de la requête principale.
VI. La revendication 1 (requête principale) se lit comme suit :
"1. Paire de pneumatiques à carcasse radiale et à ceinture destinée à constituer l'équipement pneumatique d'une moto, ladite ceinture comportant au moins des fils de renforcement à haut module d'élasticité comme par exemple en acier, en fibre de verre, en aramide, disposés dans la zone médiane dudit pneumatique, caractérisée en ce que, ledit pneumatique arrière ayant une réponse en dérive 1 en fonction de l'angle de carrossage donnée, et le pneumatique avant ayant une réponse en dérive 2 en fonction de l'angle de carrossage donnée, i) le pneumatique arrière est pourvu d'une ceinture comportant au moins des fils de renforcement orientés sensiblement parallèlement au plan équatorial dudit pneumatique et ii) en ce que lesdites réponses en dérive 1, 2 en fonction de sont telles que la différence 2 - 1 est une fonction monotone croissante de ."
VII. Par télécopie en date du 3 mars 1995, l'intimée (opposante) a retiré son opposition.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108, ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 CBE ; il est recevable.
2. Le brevet européen ayant été révoqué, le retrait de l'opposition n'a aucun effet sur la procédure de recours. La procédure d'opposition doit être poursuivie d'office en vertu des articles 110(1) et 114(1) CBE.
3. Avant d'examiner la question de savoir si le motif d'opposition au titre de l'article 100(b) CBE est fondé, il convient de se référer au problème posé et à la solution apportée par le brevet européen en cause.
3.1. Ainsi qu'il est exposé en colonne 1 du brevet européen, la présente invention se rapporte à des pneumatiques à carcasse radiale conçus pour équiper des motocyclettes.
Le fonctionnement des pneumatiques montés sur des motocyclettes et plus généralement sur des véhicules à deux roues disposées l'une devant l'autre (bicyclette, motocyclette) est tout à fait différent de celui des pneumatiques montés sur voiture, camion, remorque, etc.. En effet, les pneumatiques de la première catégorie sont utilisés selon un éventail très large d'angles dits de carrossage, alors que les autres ne sont utilisés que dans des configurations où l'angle de carrossage est quasiment nul ou à tout le moins très faible.
Lorsque l'on a cherché à concevoir des pneumatiques à carcasse radiale pour motocyclette, on n'a pas retrouvé les avantages propres à cette technique bien connue et largement utilisée sur des véhicules à quatre roues.
En effet, le rédacteur du brevet expose :
"Cela est semble-t-il du au fait que les poussées d'un pneumatique à carcasse radiale se développent d'une manière totalement différente de ce qui se passe pour un pneumatique dit croisé. En particulier, la part des poussées de carrossage est plus faible. Il en résulte un comportement dégradé, c'est-à-dire une aptitude de la moto à suivre la trajectoire imposée par le pilote détériorée. En particulier, on observe fréquemment des instabilités en ligne droite : la moto oscille autour de la trajectoire rectiligne souhaitée." (Voir colonne 1, lignes 27 à 42)
3.2. Le problème posé dans le brevet européen en cause est, par conséquent, celui de proposer une paire de pneumatiques à carcasse radiale conçue pour équiper des motocyclettes, cette paire de pneumatiques ayant à la fois un comportement routier satisfaisant et une bonne résistance à l'usure, le choix de cette paire de pneumatiques n'étant pas conditionné de manière étroite par les caractéristiques de la motocyclette qui en est équipé, notamment par ses suspensions ou la rigidité de son cadre (voir colonne 1, ligne 54 à colonne 2, ligne 8 du brevet européen).
3.3. La solution de ce problème est donnée dans la revendication 1 modifiée selon la requête principale. Le pneumatique arrière y est défini structurellement : il s'agit d'un pneumatique à carcasse radiale et à ceinture comportant des fils de renforcement orientés sensiblement parallèlement au plan équatorial dudit pneumatique. Le pneumatique avant qui permet, conjointement avec le pneumatique arrière de résoudre le problème posé, est défini à la fois structurellement et par deux paramètres. Il s'agit, tout d'abord, d'un pneu à carcasse radiale et à ceinture ; d'autre part, ce pneumatique avant a une réponse en dérive 2 telle que la différence 2 - 1 est une fonction monotone croissante de l'angle de carrossage , 1 étant la réponse en dérive du pneumatique arrière.
4. Sur la définition de l'invention revendiquée au moyen de paramètres
Le pneumatique avant n'est pas directement défini dans la revendication 1 puisqu'il est caractérisé au moyen de deux paramètres. L'article 84 pose la règle générale selon laquelle les revendications ont pour objet de définir l'invention dont la protection est demandée. Ce même article précise que les revendications doivent se fonder sur la description. Il s'ensuit que l'article 84 n'exige pas une concordance absolue entre ce qui est effectivement décrit et ce qui est revendiqué. La revendication n'est donc pas tenue de se limiter à la forme de réalisation décrite mais comporte en règle générale un certain degré de généralisation. Ce degré de généralisation résulte, en l'espèce, de l'utilisation de deux paramètres.
Il va de soi que l'angle de carrossage imposé par la vitesse de la motocyclette et le rayon du virage est un paramètre bien connu dans le domaine des motocyclettes ; l'angle de dérive est également un paramètre qui ne peut en aucune façon être qualifié d'inhabituel dans ce domaine : il est fait référence par exemple à la figure 282 à la page 273 de l'ouvrage de référence f). Il ne saurait donc être fait grief au breveté d'avoir voulu définir son invention à l'aide de paramètres inusités.
Il y a lieu d'ajouter que la définition d'une invention à l'aide de paramètres est tout à fait admise dans la pratique de l'Office européen des brevets (Divisions d'examen ou d'opposition et Chambres de recours). La seule limite à leur utilisation est celle qui est spécifiée dans les directives relatives à l'examen pratique en partie C, chapitre III, point 4.7 a) : "dans le cas où l'invention porte sur un produit chimique, ce dernier ne devrait pas être, en règle générale, uniquement caractérisé par ses paramètres". Tel n'est pas le cas en l'espèce de la paire de pneumatiques revendiqués puisque, outre le fait qu'il ne s'agit pas d'un produit chimique, le pneumatique arrière est entièrement défini de façon structurelle et que le pneumatique avant est défini à la fois structurellement et à l'aide de paramètres.
Il est vrai que chacun des deux pneumatiques est caractérisé par la courbe donnant l'angle de dérive en fonction de l'angle de carrossage qui, ainsi qu'il a été déjà exposé, constituent des paramètres habituels dans le domaine des motocyclettes. La description du brevet européen en cause donne, en colonne 3 avant- dernier paragraphe, la méthode qu'il convient d'utiliser pour établir une telle courbe. En effet, le rédacteur du brevet expose :
"Le pneumatique est mis en rotation sur une machine d'essai du type "rouleuse à volant" en imposant la vitesse de rotation correspondant à une vitesse linéaire V, et la charge verticale Z. Pour chaque valeur de l'angle de carrossage , on relève la poussée y' parallèle à l'axe de rotation du volant sur lequel le pneumatique est en rotation. Cette poussée y' ne correspond généralement pas à la force centrifuge qui doit être compensée. Or, on a vu ci-dessus que l'angle de carrossage est imposé par la force centrifuge (à charge donnée). On peut donc calculer la valeur théorique yh correspondant à chaque angle considéré. Il suffit ensuite de régler l'angle de dérive pour que la poussée y mesurée corresponde à la valeur théorique yh. On obtient ainsi un relevé caractérisant un pneumatique par une mesure simple appréhendant le comportant réel du pneumatique".
Il s'ensuit que la courbe donnant l'angle de dérive en fonction de l'angle de carrossage peut être établie sans difficulté et de manière sûre à partir des indications données dans la description, même sans indication précise sur la vitesse, la charge et la pression des pneumatiques, puisque, comme précisé dans la description, "cette caractérisation ne varie que fort peu avec la vitesse, la charge et la pression".
5. Sur l'insuffisance de description (article 83 ou 100 b) CBE)
5.1. Au soutien de ce motif, la division d'opposition expose le raisonnement suivant :
"Les caractéristiques de la revendication indépendante qui tendent à définir l'invention par le résultat recherché ne donnent pas directement les moyens techniques permettant d'obtenir un tel résultat. L'homme du métier ne reçoit aucune information sur les caractéristiques techniques à mettre en oeuvre pour obtenir une paire de pneumatiques dont les réponses en dérive en fonction de l'angle de carrossage sont telles que la différence entre les réponses en dérive du pneu avant et du pneu arrière soit une fonction monotone croissante de l'angle de carrossage."
Elle en conclut que la revendication 1 ne satisfait pas aux conditions énoncées à l'article 83 CBE.
5.2. Un tel raisonnement ne saurait être suivi : en premier lieu, ainsi qu'il vient d'être exposé, le résultat recherché est, d'une façon générale, l'amélioration du comportement routier d'une motocyclette. La revendication 1 ne dit pas que la paire de pneumatiques revendiquée est caractérisée en ce que le comportement routier du véhicule à deux roues qui en est équipé est amélioré. Dans ce cas là effectivement, l'invention revendiquée serait définie par le résultat recherché. En l'espèce, le résultat recherché consiste, pour l'essentiel, en l'amélioration du comportement routier d'une motocyclette et l'invention revendiquée définit à la fois par des caractéristiques de structure et par deux paramètres, la paire de pneumatiques avant et arrière à carcasse radiale permettant d'atteindre ce résultat.
Au surplus, contrairement aux assertions de la division d'opposition, la revendication elle-même donne les caractéristiques techniques à mettre en oeuvre pour obtenir une paire de pneumatiques avant et arrière permettant de résoudre le problème posé. En effet, la revendication 1 définit le pneumatique arrière par ses caractéristiques de structure : il s'agit d'un pneumatique à carcasse radiale et à ceinture, la ceinture comportant au moins des fils de renforcement orientés sensiblement parallèlement au plan équatorial dudit pneumatique. Par conséquent, le pneumatique arrière de la paire de pneumatiques revendiquée est déjà déterminé par sa structure ; il faut donc choisir le pneumatique avant qui, en association avec le pneumatique arrière, permette d'atteindre le résultat recherché ; il s'agit, selon l'invention revendiquée, d'un pneumatique à carcasse radiale et à ceinture qui doit être choisi de façon que la différence 2 - 1 des angles de dérive des pneumatiques arrière et avant soit une fonction monotone croissante de l'angle de carrossage .
Toutefois, la revendication 1 est complétée par une revendication 2 concrète qui indique expressément la structure que doit avoir le pneumatique avant pour l'obtention de cette fonction monotone croissante de l'angle de carrossage : il s'agit d'un pneumatique avant dont la ceinture comporte des fils de renforcement orientés symétriquement par rapport au plan équatorial.
Force est donc de constater que les revendications elles- mêmes définissent les caractéristiques de structure des pneumatiques avant et arrière qui permet l'obtention de cette fonction croissante de l'angle de carrossage.
5.3. La division d'opposition a, dans son raisonnement ci- dessus, commis une erreur de droit : en effet, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, la question de savoir si une invention a été exposée de façon suffisamment claire et complète au sens de l'article 83 CBE, doit s'apprécier sur la base non pas de la seule revendication 1 mais du contenu global de la demande de brevet européenne et, par suite, de la description et des dessins (voir notamment décision T 14/83, JO OEB 1984, 105).
De surcroît, une invention est exposée de manière suffisamment claire et complète si la description en donne au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier de l'exécuter (voir décisions T 292/85 (JO OEB 1989, 275) et T 60/89 (JO OEB 1992, 268, point 2.2.2)). En l'espèce, le mode de réalisation décrit dans le brevet européen en cause définit les architectures de deux pneumatiques avant et arrière satisfaisant à la relation revendiquée selon laquelle la différence 2 - 1 est une fonction monotone croissante de l'angle de carrossage .
Les deux architectures proposées sont les suivantes :
pneumatique arrière 160/60 VR16 : - une nappe carcasse en rayonne ; - une nappe sommet à 0 en "Kevlar" (Marque déposée par Dupont de Nemours), s'étendant sur au moins 85 % de la largeur du pneumatique ;
pneumatique avant 130/60 VR16 :
- une nappe carcasse en rayonne ;
- deux nappes sommets à 25 en "Kevlar", s'étendant sur au moins 85 % de la largeur du pneumatique.
Par conséquent, l'homme du métier en choisissant pour une paire de pneumatiques, les deux architectures proposées pouvait reproduire l'invention revendiquée.
5.4. L'opposante a produit des courbes de mesures correspondant aux figures 2 à 4 du brevet européen en cause effectuées sur une paire de pneumatiques disponibles dans le commerce (document g). Elle a établi pour chacun des pneumatiques avant et arrière la courbe donnant l'angle de dérive en fonction de l'angle de carrossage ainsi que la courbe donnant la différence entre les réponses en dérive des pneumatiques avant et arrière en fonction de l'angle de carrossage. Ces essais montrent clairement que l'homme du métier, en l'espèce un fabricant de pneumatiques concurrent du titulaire du brevet, était à même de choisir une paire de pneumatiques de façon que la différence entre les réponses en dérive du pneumatique avant et du pneumatique arrière soit une fonction monotone croissante de l'angle de carrossage. L'opposante a ainsi établi que l'homme du métier était à même, par de simples essais, de reproduire l'invention revendiquée.
5.5. Afin de contester le caractère reproductible de l'invention revendiquée, l'opposante a produit le jour même de la procédure orale les courbes d'essais n 2 et n 5.
Ces courbes portent sur la même paire de pneumatiques ; pour les courbes n 2, la pression de gonflage du pneumatique arrière était de 3,5 bars et celle du pneumatique avant de 2,3 bars. Pour les courbes n 5, la pression de gonflage du pneumatique arrière était de 2,5 bars et celle du pneumatique avant de 2,3 bars. Les courbes n 5 montrent que la relation entre la différence entre les réponses en dérive du pneumatique avant et du pneumatique arrière est une fonction monotone croissante de l'angle de carrossage. Tel n'est pas le cas cependant des courbes n 2. Pour expliquer les différences entre les courbes n 5 et n 2, l'opposante a soutenu que l'évolution de la pression du gonflage du pneumatique arrière de 2,5 à 3,5 bars résulte du trajet à grande vitesse. Or, la requérante (titulaire du brevet) soutient que ses propres relevés n'ont jamais donné une pareille évolution même à très haute vitesse. Au surplus, la pression du pneumatique avant aurait dû augmenter dans les mêmes proportions, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En conséquence, il n'est pas démontré par ces essais que les mesures de l'angle de dérive en fonction de l'angle de carrossage ne sont pas reproductibles puisque, ainsi que le fait valoir à bon droit la requérante, les choix des pressions de gonflage de 2,3 bars pour le pneumatique avant et 3,5 bars pour le pneumatique arrière (courbe n 2) ne correspondent, en aucune façon, à des conditions réalistes de test.
5.6. Force est donc de constater que l'invention est exposée dans le brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (article 83 et 100 b) CBE).
6. Sur la requête en remboursement de la taxe de recours
6.1. La requérante expose que c'est seulement le jour de la procédure orale, que la division d'opposition a soutenu que les caractéristiques de la revendication 1 qui tendent à définir l'invention par le résultat recherché ne donnent pas directement les moyens techniques pour obtenir un tel résultat et que dès lors l'objet de la revendication 1 ne satisfaisait pas aux conditions de l'article 83 et 100 b) CBE. Une telle motivation n'avait pas été soumise aux parties pendant la phase écrite de la procédure d'opposition.
Au surplus, l'opposante a produit le jour de la procédure orale, des essais comparatifs (courbes n 2 et n 5) qui malgré leur caractère tardif ont été admis dans la procédure et annexés à la décision de révocation du brevet européen.
6.2. Ceci étant exposé, il est vrai que la division d'opposition a soumis une nouvelle argumentation le jour même de la procédure orale, tendant à montrer que l'invention exposée dans le brevet européen ne satisfaisait pas à l'article 83 et 100(b) CBE. Rien cependant, dans la Convention, n'oblige la division d'opposition à soumettre au préalable ses arguments par écrit. Au surplus, la requérante (titulaire du brevet) a eu la possibilité de répondre à cet argument à l'audience, de sorte qu'il n'y a pas eu violation de son droit d'être entendu (article 113(1)) sur ce point.
Il est également vrai que le motif d'opposition relatif à l'insuffisance de l'exposé de l'invention a été invoqué tardivement, c'est-à-dire bien après l'expiration du délai d'opposition. Il y a lieu de rappeler toutefois que l'examen de l'Office n'est limité, en vertu de l'article 114(1) CBE, "ni aux moyens invoqués, ni aux demandes présentées par les parties". La Grande Chambre de recours n'a pas d'ailleurs, dans sa décision G 0009/91 (JO OEB 1993, 408) et son opinion G 0010/91 (JO OEB 1993, 420) remis en cause le caractère inquisitoire de la procédure d'opposition. Dans l'opinion G 0010/91, elle a en effet estimé qu'une division d'opposition pouvait, en vertu de l'article 114(1) CBE se saisir d'office d'un motif d'opposition qui ne serait pas couvert par la déclaration visée à la règle 55 c) CBE ou examiner un motif invoqué par l'opposant (ou mentionné par un tiers en vertu de l'article 115 CBE) après l'expiration du délai d'opposition, tout au moins dans la mesure où le motif est considéré comme particulièrement pertinent pour la décision à prendre. Par conséquent, il ne saurait être fait grief à la division d'opposition d'avoir pris en considération ce nouveau motif d'opposition et fondé sa décision sur celui-ci.
6.3. Sur la question de savoir si la division d'opposition pouvait prendre en considération les essais comparatifs produits le jour même de la procédure orale à l'issue de laquelle a été prononcée la décision de révocation, il y a lieu de noter ce qui suit :
Ainsi qu'il vient d'être exposé, l'Office a, en vertu de l'article 114(1), le pouvoir de se saisir d'un nouveau moyen de preuve ou document, pour autant que ce nouveau moyen puisse être soumis à la discussion des parties, en raison du caractère contradictoire de la procédure. En effet, l'article 113(1) dispose que "les décisions de l'Office ne peuvent être fondées que sur les motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position". Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, l'exigence posée à l'article 113(1) est satisfaite dès lors que les parties ont eu le temps nécessaire pour prendre effectivement position sur les moyens de preuve ou documents introduits dans la procédure.
Lorsque le nouveau moyen de preuve est un document de brevet ou un ouvrage technique, une interruption de l'audience d'une courte durée s'avère, en règle générale, suffisante pour permettre à la partie, contre laquelle ce moyen de preuve est opposé, de fournir ses explications.
Il n'en est pas de même lorsque le moyen de preuve invoqué consiste en des essais comparatifs. En effet, ainsi qu'il est exposé dans la décision T 122/84 JO OEB 87, 177 (point 14.2 des motifs), la fourniture de compte-rendus d'essais ne suffit pas en règle générale à prouver de manière définitive que l'homme du métier ne peut pas reproduire l'invention exposée dans le brevet européen. Il ne serait guère justifié de révoquer un brevet, au seul motif que l'invention ne peut pas être réalisée si l'on ne donne pas également au titulaire du brevet la possibilité de vérifier les résultats des essais invoqués par un opposant et de procéder à de nouveaux essais pour confirmer la reproductibilité de l'invention que celui-ci avait mis en cause. Dans ce cas, il convient d'ajourner la procédure orale de manière à donner au titulaire du brevet la possibilité matérielle de vérifier les résultats proposés et de produire de nouveaux essais pour confirmer la reproductibilité de l'invention.
Dans le cas d'espèce, la requérante a soutenu, dans son mémoire de recours, qu'elle avait attiré l'attention de la division d'opposition sur le caractère fallacieux des courbes de mesure n 2 portant sur une paire de pneumatiques avant et arrière, l'un avec une pression de 3,5 bars et l'autre avec une pression bien plus faible de 2,3 bars. Elle a fait valoir à bon droit qu'une telle différence de pression ne correspond nullement à des conditions réalistes de test. Ainsi, la requérante (titulaire du brevet) a pu réellement prendre position sur ces essais et fournir ses explications, sans avoir à produire de contre-essais.
Il y a lieu d'ajouter que la requérante n'a pas, à l'appui de son recours, versé au dossier de nouveaux essais pour mettre en cause les courbes de mesure n 2 et n 5 puisqu'il était manifeste que ces essais n'étaient pas probants. Elle n'a pas non plus demandé de report de la procédure orale pour lui permettre de vérifier dans ses propres laboratoires les résultats de ces essais.
6.4. Il s'ensuit que la division d'opposition a retenu un motif et des essais invoqués à l'appui de ce motif sur lesquels le titulaire du brevet a pu fournir ses explications, de sorte que l'exigence posée à l'article 113(1) a été satisfaite.
Le droit d'être entendu n'ayant pas été violé, il n'y a pas eu en l'espèce, de vice substantiel de procédure justifiant le remboursement de la taxe de recours.
7. La division d'opposition n'a pas pris position dans sa décision, sur l'autre motif d'opposition invoqué, à savoir le défaut de brevetabilité.
Afin que la question de la brevetabilité puisse être, s'il y a lieu, examinée par les deux instances en évitant ainsi la perte d'une instance, la Chambre faisant usage du pouvoir qui lui est conféré par l'article 111(1) CBE, décide par conséquent de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition pour l'examen de la brevetabilité, en conformité avec la requête correspondante de la requérante.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.
3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.