G 0008/91 (Retrait du recours) of 5.11.1992

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1992:G000891.19921105
Date de la décision : 05 Novembre 1992
Numéro de l'affaire : G 0008/91
Décision de saisin : T 0695/89
Numéro de la demande : 84110759.2
Classe de la CIB : C09D 11/10
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : BELL
Nom de l'opposant : Siempelkamp
Chambre : EBA
Sommaire : Le retrait du recours formé par l'unique requérant dans le cadre soit d'une procédure intéressant une seule partie soit d'une procédure inter partes clôt la procédure de recours en ce qui concerne les questions de fond ayant fait l'objet de la décision attaquée rendue en première instance.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 113(2)
European Patent Convention 1973 Art 114(1)
European Patent Convention 1973 R 60(2)
European Patent Convention 1973 R 66(1)
Mot-clé : Effet du retrait du recours
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0009/92
G 0004/93
G 0008/93
G 0009/93
G 0001/99
G 0001/02
G 0003/04
J 0037/97
R 0005/14
R 0004/18
T 0381/89
T 0596/89
T 0309/90
T 0574/91
T 0951/91
T 0006/92
T 0667/92
T 0737/92
T 0958/92
T 1073/92
T 0039/93
T 0168/93
T 0195/93
T 0885/93
T 0525/94
T 0638/94
T 0007/95
T 0253/95
T 0389/95
T 0636/95
T 0772/95
T 0239/96
T 0615/96
T 0157/97
T 0517/97
T 0954/98
T 1026/98
T 1090/98
T 0304/99
T 0635/99
T 0074/00
T 1126/00
T 0079/01
T 0357/01
T 1007/01
T 1098/01
T 0601/02
T 1108/02
T 0257/03
T 0240/04
T 0479/04
T 0991/04
T 1033/04
T 0480/05
T 0752/05
T 0339/06
T 0642/06
T 0911/06
T 1494/06
T 0079/07
T 0350/07
T 0416/07
T 1132/07
T 1705/07
T 0212/08
T 0356/08
T 0646/08
T 0724/08
T 1495/08
T 1799/08
T 1866/08
T 2102/08
T 0025/09
T 0936/09
T 0023/10
T 0566/10
T 1088/11
T 1400/11
T 0247/12
T 0438/12
T 0576/12
T 0935/12
T 0936/12
T 0711/13
T 1213/13
T 1493/13
T 2033/13
T 0613/14
T 0990/15
T 1257/15
T 1647/15
T 2175/15
T 2344/15
T 0395/16
T 0853/16
T 0007/17
T 0882/17
T 1656/17
T 0695/18
T 1287/18
T 1573/18
T 1839/18
T 2035/18
T 2474/19
T 0606/22
T 0943/22
T 2447/22

Rappel de la procédure

I. Dans l'affaire T 357/89 pendante devant la chambre de recours technique 3.3.1, le brevet européen avait été, après opposition, maintenu dans sa forme modifiée par décision intermédiaire de la division d'opposition. L'unique opposant a formé un recours contre cette décision en demandant l'annulation de la décision et la révocation du brevet. Pour motiver son recours, le requérant a invoqué certains documents cités dans la décision de la division d'opposition, ainsi qu'une demande de brevet européen antérieure qui, en vertu de l'article 54(3) CBE, détruisait la nouveauté du brevet attaqué. L'intimé (titulaire du brevet) a alors déposé de nouvelles revendications. Après quoi, le requérant a retiré son recours.

II. Dans les motifs de sa décision en date du 19 août 1991, la chambre de recours 3.3.1 a estimé qu'il était nécessaire que la Grande Chambre de recours détermine si la procédure de recours en instance devant la chambre de recours peut être poursuivie malgré le retrait du recours. En effet, la demande de brevet européen antérieure citée par l'opposant revêt, selon la chambre, de l'importance, et cet avis est partagé apparemment par le titulaire du brevet, puisque celui-ci a soumis de nouvelles revendications. La chambre a également fait valoir que dans l'intérêt du public, il serait souhaitable qu'elle puisse poursuivre la procédure de recours, soit pour maintenir le brevet attaqué, mais uniquement dans sa forme limitée, soit - si besoin est - pour le révoquer.

III. C'est pourquoi, la chambre de recours 3.3.1, après avoir analysé la situation juridique créée par la CBE, qui n'est pas sans équivoque, a soumis à la Grande Chambre de recours les questions de droit suivantes :

1. Une chambre de recours technique peut-elle poursuivre une procédure de recours sur opposition après que l'unique requérant, qui était l'opposant en première instance, a retiré son recours ?

2. Dans l'affirmative :

a) Comment faut-il clôre une procédure de recours après le retrait du recours formé par l'unique opposant ?

b) Quels sont les principes déterminants pour décider de poursuivre la procédure de recours ?

c) Quels principes de procédure faut-il appliquer en cas de poursuite de la procédure de recours ?

IV. La procédure portant sur ces questions de droit est pendante devant la Grande Chambre de recours sous le numéro G 7/91.

V. Dans l'affaire T 695/89 pendante devant la chambre de recours technique 3.2.2, la division d'opposition avait rejeté l'(unique) opposition au brevet européen. L'opposant a formé un recours et a requis la révocation du brevet. L'intimé (titulaire du brevet) a alors présenté de nouvelles revendications. Après quoi, le requérant (opposant) a retiré son recours.

VI. Dans les motifs de sa décision en date du 9 septembre 1991, la chambre de recours 3.2.2 a notamment relevé que la CBE ne comporte aucune disposition réglant expressément le retrait du recours et ses effets. Ainsi, la question se pose de savoir si le retrait du recours met automatiquement fin à la procédure de recours indépendamment des faits de l'espèce, de sorte que la décision de l'instance précédente acquiert force de chose jugée, ou bien s'il est encore possible, en principe, de poursuivre la procédure de recours après le retrait du recours formé par l'unique requérant, et à quelles conditions. Du reste, la réponse à cette question est importante, non seulement pour la procédure inter partes, mais aussi pour la procédure intéressant une seule partie. A cet égard, la chambre a notamment évoqué le problème auquel se heurte le titulaire d'un brevet (intimé) qui souhaite, au vu du nouvel état de la technique cité au cours de la procédure de recours, limiter son brevet mais ne peut le faire en raison du retrait du recours par l'opposant (requérant), comme c'est le cas en l'espèce ; le titulaire du brevet a, par suite des insuffisances du brevet relevées par l'opposant dans son mémoire exposant les motifs du recours, présenté de nouvelles revendications qui permettraient à la chambre de maintenir le brevet sous réserve de modifications mineures. Si cette possibilité lui était retirée, le titulaire du brevet risquerait de n'avoir guère d'autres moyens que d'engager la difficile procédure nationale de limitation, qui n'existe pas dans tous les Etats contractants.

VII. La chambre de recours 3.2.2 a soumis à la Grande Chambre de recours les questions de droit suivantes :

1. Le retrait du recours formé par l'unique requérant a-t-il pour effet de clôre la procédure de recours, qu'il s'agisse d'une procédure intéressant une seule partie ou d'une procédure inter partes ?

2. Dans la négative, la chambre de recours doit-elle, en tout état de cause, clôre la procédure de recours par une décision, conformément à la règle 66(2) CBE ?

VIII. La procédure portant sur ces questions de droit est pendante devant la Grande Chambre de recours sous le numéro G 8/91.

IX. Le 4 mai 1992, la Grande Chambre de recours a décidé, en raison de l'analogie des faits, d'examiner au cours d'une procédure commune les questions de droit soumises dans les affaires G 7/91 et G 8/91, conformément à l'article 8 de son règlement de procédure.

X. Les parties aux procédures devant les chambres 3.3.1 (affaire T 357/89) et 3.2.2 (affaire T 695/89) ont eu la possibilité de présenter leurs observations au sujet des questions de droit soumises à la Grande Chambre. Seul a fait usage de cette possibilité l'intimé (titulaire du brevet) dans l'affaire T 357/89 ; dans des observations présentées le 30 juin 1992, il s'est prononcé en faveur d'une poursuite de la procédure de recours en cas de retrait du recours pendant la procédure de recours sur opposition soit par le titulaire du brevet (si le brevet est maintenu dans sa forme modifiée), soit par l'opposant ; en revanche, il s'est déclaré favorable, en cas de retrait du recours, à la clôture de la procédure lorsque celle-ci intéresse une seule partie.

Motifs de la décision

1. Les questions de droit soumises à la Grande Chambre de recours sont importantes sur le fond et ont une grande portée pratique, comme en témoigne ne serait-ce que le nombre de recours retirés ces dernières années. Selon les indications portant sur 1990 et 1991 fournies par le greffe, 95 recours ont été retirés par l'opposant et 39 par le titulaire du brevet dans le cadre de procédures de recours sur opposition. Dans la procédure intéressant une seule partie, 24 recours ont été retirés par le demandeur au cours de cette période.

2. Dans la jurisprudence des chambres de recours, la poursuite de la procédure de recours, après que l'unique requérant a retiré son recours, qu'il s'agisse d'une procédure intéressant une seule partie ou d'une procédure inter partes (technique ou juridique), n'a pas encore été envisagée à ce jour, du moins en ce qui concerne les questions de fond. Habituellement, les membres des chambres prennent simplement acte du retrait du recours, après quoi le greffe notifie aux parties la clôture de la procédure de recours. Des formulaires spéciaux sont prévus à cet effet (OEB Form 3312, 3347, 3348). Dans sa décision, la chambre de recours 3.3.1 a toutefois indiqué qu'en cas de retrait du recours par l'unique opposant, elle envoie actuellement aux parties un avis dont la teneur est la suivante: "A la suite du retrait du recours par le requérant (opposant), et après avoir examiné d'office les arguments invoqués lors de la procédure de recours, la chambre a acquis la conviction que rien ne s'oppose au maintien du brevet. Il est donc inutile de poursuivre la procédure de recours, de sorte que celle-ci est close." Tel que formulé, cet avis donne l'impression qu'en fait, la chambre ne se sent pas liée par le retrait du recours et qu'elle pourrait en principe poursuivre, le cas échéant, la procédure de recours. Cela étant, il semble que la chambre de recours 3.3.1 n'a jamais poursuivi une procédure de recours après le retrait du recours.

3. La jurisprudence susmentionnée des chambres de recours, selon laquelle une poursuite de la procédure de recours après le retrait du recours n'a jamais été prise en considération, est fondée sur une série de décisions différentes. Dans la décision rendue dans l'affaire J 19/82 (JO OEB 1984, 6), la chambre de recours juridique a, dans une procédure intéressant une seule partie, déclaré qu'en règle générale, le retrait d'un recours pendant devant une chambre de recours de l'OEB est permis, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'assentiment de ladite chambre. Cela découle du texte même de la CBE, qui énonce expressément les cas dans lesquels une requête ne peut pas être retirée, par exemple l'interdiction de retirer la requête en examen à l'article 94(2) CBE. Dans ce contexte, la chambre de recours juridique a également renvoyé à la règle 60(2) CBE, qui fixe certaines conséquences du retrait d'une opposition. Dans sa décision T 85/84 (non publiée), la chambre de recours technique 3.4.1 a, dans une procédure inter partes, constaté que le retrait du recours formé par l'unique opposant a pour effet de donner sur le fond force de chose jugée à la décision rendue par la division d'opposition, de sorte qu'il ne reste plus qu'à décider de la répartition des frais (ce qui est une question de procédure). Cet avis se retrouve dans d'autres décisions des chambres de recours (cf. par exemple T 117/86, JO OEB 1989, 401 et T 323/89, Supplément au numéro 6 du JO OEB 1991, 47).

4. Cette longue pratique fondée sur une jurisprudence constante, qui veut qu'après le retrait du recours formé par l'unique requérant la procédure de recours soit considérée comme close pour ce qui concerne les questions de fond, et qui, à la connaissance de la Grande Chambre de recours, n'a encore soulevé aucune objection ni des parties ni du public, ne saurait être, à l'évidence, modifiée sans raisons particulièrement convaincantes. Sinon, la continuité et la prévisibilité de l'activité des chambres de recours par rapport à la procédure de recours risqueraient manifestement d'être mises en question.

5. La pratique actuelle est conforme au principe général de procédure prévoyant la libre disposition de l'instance, principe selon lequel une administration ou un tribunal ne peut normalement poursuivre une procédure dès lors que l'acte de procédure qui a donné lieu à celle-ci (par exemple le dépôt d'un acte de recours) a été retiré, à moins que le droit procédural en autorise expressément la poursuite. Des exemples de telles exceptions prévues par la CBE ont été donnés dans la décision de la chambre de recours juridique évoquée au point 3 supra. Dans sa décision, la chambre de recours 3.2.2 a donné un exemple de disposition d'exception analogue dans le droit national, à savoir l'article 24, 1er alinéa, troisième phrase de la loi suédoise sur les brevets, qui dispose que le recours de l'opposant peut être examiné même après avoir été retiré, lorsque des motifs particuliers le justifient. A la connaissance de la Grande Chambre de recours, il n'existe aucune disposition d'exception analogue dans les autres Etats parties à la CBE depuis la suppression de l'article 34, III, 2 de l'ancienne loi allemande sur les brevets.

6. La chambre de recours 3.3.1 a, dans sa décision, abordé la question de savoir s'il ne serait pas possible d'appliquer au retrait d'un recours la disposition d'exception prévue à la règle 60(2) CBE, relative à l'effet du retrait de l'opposition, en liaison avec la règle 66(1) CBE, en se livrant à une interprétation extensive de ces dispositions. La chambre 3.2.2 a, dans sa décision, soulevé elle aussi la question de l'application à la procédure de recours de la disposition d'exception prévue à la règle 60(2) CBE. Les deux chambres ont toutefois exprimé des réserves quant à une telle application de cette disposition.

7. La Grande Chambre de recours partage ces réserves. S'il est vrai que le renvoi, figurant à la règle 66(1) CBE, aux dispositions relatives à la procédure devant l'instance qui a rendu la décision faisant l'objet du recours n'exclut pas formellement la règle 60(2) CBE, cela ne signifie pas pour autant que la possibilité de poursuivre d'office la procédure après le retrait de l'opposition, prévue expressément pour la procédure d'opposition seulement, doive nécessairement être aussi appliquée à la procédure de recours. Il importe de régler cette question conformément à la logique de la CBE. A cet égard, le caractère différent, d'un point de vue juridique, des deux procédures s'oppose à une telle application de la règle 60(2) en liaison avec la règle 66(1) CBE. Alors que la procédure d'opposition est une procédure purement administrative, il y a lieu de considérer la procédure de recours comme une procédure relevant du contentieux administratif, où toute dérogation aux principes généraux du droit procédural, comme par exemple la règle qui permet à toute personne de disposer de l'instance, doit être motivée bien plus rigoureusement que dans la procédure administrative. Par ailleurs, il convient d'examiner la disposition d'exception de la règle 60(2) CBE dans le contexte particulier de la procédure d'opposition après délivrance du brevet prévue par la CBE ("post-grant opposition"). Dans une telle procédure, des raisons objectives incitent à conserver une possibilité de contrôle général par rapport aux nouvelles justifications et aux nouveaux faits invoqués par l'opposant, qui n'ont pas pu être pris en considération par la division d'examen avant la délivrance du brevet. Cette particularité de la procédure d'opposition après délivrance ne constitue évidemment pas un motif suffisant pour appliquer de manière générale la disposition d'exception de la règle 60(2) CBE à la procédure de recours.

8. Dans sa décision, la chambre de recours 3.2.2 a indiqué que l'application du principe de l'examen d'office visé à l'article 114(1) CBE pouvait servir de base juridique à la poursuite de la procédure de recours en cas de retrait du recours. C'était du reste aussi l'avis de l'intimé dans l'affaire T 357/89. Toutefois, la chambre 3.2.2 s'est elle-même demandée si ce principe de l'examen d'office constitue une telle base juridique puisqu'il est limité à l'examen des faits. La Grande Chambre de recours estime quant à elle que l'article 114(1) CBE ne confère pas le pouvoir de poursuivre la procédure de recours après le retrait du recours. C'est ce qui découle de la construction juridique de la CBE. Si l'article 114(1) CBE était d'une manière générale applicable à des situations de retrait de ce genre, la disposition d'exception de la règle 60(2) CBE précitée serait sans objet pour ce qui est du retrait de l'opposition. En outre, le retrait du recours ne doit pas être considéré comme une demande au sens de l'article 114(1), deuxième partie de la phrase, CBE à laquelle ne serait pas limité l'examen des faits par l'OEB ; il constitue au contraire un acte de procédure qui ne requiert pas l'assentiment de la chambre de recours concernée (cf. point 3 supra).

9. Les deux chambres de recours, tout comme l'intimé dans l'affaire T 357/89, ont considéré qu'une clôture de la procédure de recours par suite du retrait du recours pourrait aller à l'encontre de l'intérêt du public. Il serait intolérable et incompatible avec les objectifs de la procédure de délivrance des brevets que la chambre doive se résigner à voir "de ses propres yeux" qu'une décision de maintien du brevet rendue en première instance, dont le "mal-fondé" a été reconnu, acquiert force de chose jugée par suite du retrait du recours. Ceci serait contraire à la protection du public.

10. Ce point de vue appelle les remarques suivantes :

10.1 Le système du brevet européen protège l'intérêt du public principalement en permettant à toute personne de faire opposition au brevet dans un délai de neuf mois à compter de la date de publication de la mention de la délivrance du brevet européen. En principe donc, il faut admettre que le brevet ne gêne pas ceux qui n'ont pas fait opposition. Ainsi, vouloir poursuivre la procédure de recours en cas de retrait du recours formé par l'unique opposant (ou par le titulaire du brevet, lorsque le brevet a été maintenu dans sa forme modifiée) uniquement pour tenir compte de l'intérêt de ceux qui n'ont pas fait opposition n'est pas conforme à l'idée de base du système du brevet européen. En tout état de cause, il y a lieu de considérer que la possibilité, évoquée au point 7 supra, de poursuivre exceptionnellement la procédure d'opposition après le retrait de l'opposition est suffisante. Dans cet ordre d'idées, il est rappelé qu'une action en annulation peut être engagée devant les tribunaux nationaux.

10.2 L'argument selon lequel une chambre de recours doit se résigner, dans certains cas, à voir "de ses propres yeux" qu'une décision de première instance entachée d'erreurs acquiert force de chose jugée par suite du retrait du recours, ne justifie pas une dérogation au principe de la libre disposition de l'instance. D'une part, en effet, il n'est guère fréquent que la décision de la première instance soit aussi nettement entachée d'erreur. D'autre part, il importe de bien garder à l'esprit, comme l'a relevé la chambre de recours 3.2.2, que si la partie lésée par la décision de la première instance ne fait pas usage de son droit de recours ou ne respecte pas le délai imparti pour former un recours ou déposer le mémoire en exposant les motifs, cette décision reste en vigueur, qu'elle soit juste ou erronée. En principe, il n'appartient pas aux chambres de recours de procéder à un examen général des décisions rendues en première instance, qu'un tel examen ait été requis par les parties ou non ; bien au contraire, les chambres de recours ont pour tâche de traiter les recours recevables et pendants devant elles.

10.3 Les remarques ci-dessus ne sont en aucun cas contraires au principe en vertu duquel, dans toute la mesure du possible, l'Office européen des brevets ne délivrera et ne maintiendra en vigueur des brevets européens que si ceux-ci sont jugés valables, comme l'a relevé la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 1/84 (cf. JO OEB 1985, 299, point 3 des motifs, sous "La question posée"). Cependant, il importe que les efforts déployés pour atteindre cet objectif restent dans le cadre des principes de procédure généralement reconnus lorsqu'il n'existe pas de motifs graves justifiant une disposition d'exception, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il faut bien être conscient aussi que toute disposition d'exception de ce genre conduit souvent, comme le montre l'expérience, à des complications procédurales et risque de comporter un certain arbitraire.

11.1 Enfin, en ce qui concerne l'argument de la chambre de recours 3.2.2, selon lequel le titulaire du brevet (intimé) a intérêt à poursuivre la procédure de recours après le retrait du recours formé par l'unique opposant pour pouvoir obtenir une limitation du brevet (cf. VI supra), il convient d'abord de rappeler que, dans sa décision en date du 29 novembre 1991 rendue dans l'affaire G 2/91 (JO OEB 1992, 206), la Grande Chambre de recours a déclaré que, selon les principes généralement admis en matière de procédure, seul le requérant peut décider du maintien du recours qu'il a formé, et que les parties à la procédure au sens de l'article 107, seconde phrase CBE (comme, par exemple, le titulaire du brevet/intimé en l'espèce) ne disposent pas d'un droit propre pour poursuivre la procédure de recours si le requérant retire son recours (point 6.1 des motifs). A la question, laissée en suspens dans la décision précitée, de savoir s'il est possible de poursuivre d'office la procédure de recours, il y a lieu, également dans le cas présent, de répondre par la négative. Dans une procédure relevant du contentieux administratif, il est difficile, compte tenu du rôle des chambres de recours en tant qu'instances responsables du déroulement de ladite procédure, de poursuivre la procédure de recours après le retrait du recours dans le seul but de permettre une éventuelle amélioration de la situation juridique de l'intimé, lorsque celui-ci est le titulaire du brevet. Une telle dérogation au principe de la libre disposition de l'instance, qui, du reste, ne manquerait pas de créer diverses complications sur le plan du droit procédural (cf. par exemple la question 2 b) et c) dans l'affaire G 7/91), supposerait qu'en principe, les chambres de recours seraient investies envers les titulaires de brevet d'une responsabilité disproportionnée et plus grande qu'envers les opposants. Or, la CBE ne comporte aucune disposition étayant une telle conception. Si celle-ci était entérinée, la confiance dans l'objectivité et l'impartialité des chambres de recours, notamment dans des cas limites, pourrait être mise en question ce qui, bien entendu, doit être évité. A cet égard, il convient également de relever que, dans la pratique, rien n'empêche le titulaire du brevet qui est convaincu de la nécessité ou du caractère souhaitable d'une limitation de son brevet de procéder à une telle limitation. Celle-ci peut, dans certains Etats contractants, être effectuée dans une procédure intéressant une seule partie. De plus, il est normalement possible, dans le cadre d'un procès en annulation ou en contrefaçon, de renoncer à la protection par le brevet pour des objets non valables. En conséquence, le maintien d'un brevet quelque peu trop étendu n'entraîne en aucun cas une perte de droit définitive pour le titulaire du brevet.

11.2 A cet égard, l'on pourrait ajouter que le retrait du recours de l'unique opposant annule l'effet suspensif du recours prévu à l'article 106(1) CBE, de sorte que la décision de la division d'opposition acquiert force de chose jugée pour ce qui concerne les questions de fond. La chambre de recours n'est plus ensuite habilitée à examiner le brevet au sens de l'article 113(2) CBE. Les dispositions de cet article relatives à l'acceptation du texte du brevet par le titulaire du brevet ne sont donc pas applicables.

12. En résumé, il n'existe aucun motif valable pour abandonner ou modifier la pratique actuelle des chambres de recours, selon laquelle la procédure de recours, qu'il s'agisse d'une procédure intéressant une seule partie ou d'une procédure inter partes, doit être considérée comme close par suite du retrait du recours de l'unique requérant en ce qui concerne les questions de fond ayant fait l'objet de la décision attaquée rendue en première instance. En conséquence, il est inutile de répondre aux questions n° 2 soumises dans les deux affaires.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

La question de droit soumise à la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 8/91 reçoit la réponse suivante :

Le retrait du recours formé par l'unique requérant dans le cadre soit d'une procédure intéressant une seule partie, soit d'une procédure inter partes clôt la procédure de recours en ce qui concerne les questions de fond ayant fait l'objet de la décision attaquée rendue en première instance.

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