T 0465/92 (Alliages d'aluminium) of 14.10.1994

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1994:T046592.19941014
Date de la décision : 14 Octobre 1994
Numéro de l'affaire : T 0465/92
Numéro de la demande : 86307485.2
Classe de la CIB : C22F 1/05
Langue de la procédure : EN
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Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : ALCAN
Nom de l'opposant : Alusuisse-Lonza Services AG
Julius & August Erblslöh GmbH & Co.
Vereinigte Aluminum-Werke AG
Hoogovens Groep BV
Chambre : 3.2.02
Sommaire : L'"approche problème-solution" n'est qu'un moyen parmi d'autres pour évaluer l'activité inventive. Par conséquent, il n'est pas impératif d'y avoir recours pour l'appréciation de l'activité au sens de l'article 56 CBE.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 125
European Patent Convention 1973 R 27(1)(c)
Mot-clé : Activité inventive (oui)
Approche problème-solution pas toujours appropriée
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0001/80
T 0020/81
T 0248/85
T 0326/87
T 0246/91
T 0495/91
T 0741/91
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0939/92
T 0169/93
T 0895/93
T 0219/94
T 0703/94
T 0152/95
T 0446/95
T 0492/95
T 0109/96
T 0730/96
T 0062/97
T 0595/97
T 0967/97
T 0515/98
T 0280/00
T 0504/00
T 0926/00
T 0957/00
T 0577/01
T 1034/01
T 1080/01
T 0504/02
T 0152/05
T 1430/08
T 0188/09
T 1117/10
T 1727/14

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n° 222 479 a été délivré le 6 septembre 1989 sur la base de la demande n° 86 307 485.2 déposée le 30 septembre 1986, qui revendiquait la date de priorité du 30 septembre 1985, correspondant à la date de dépôt de la demande GB n 8 524 077. Le brevet tel que délivré comportait 14 revendications, les revendications indépendantes 1 et 8 étant rédigées comme suit :

"1. Lingot d'extrusion en alliage Al-Mg-Si qui contient des particules de Mg2Si, caractérisé en ce que sensiblement tout le magnésium de l'alliage est présent sous forme de particules ayant un diamètre moyen d'au moins 0,1 µm de phase bêta'-Mg2Si et que la phase bêta-Mg2Si est sensiblement absente.

8.Procédé de déformation d'un lingot d'extrusion selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, ce procédé comprend les étapes de :

- coulée d'un lingot d'alliage Al-Mg-Si,

- homogénéisation du lingot,

- refroidissement du lingot homogénéisé à une température comprise entre 250°C et 425°C à une vitesse de refroidissement d'au moins 400°C/h,

- maintien du lingot à une température comprise entre 250°C et 425°C pendant le temps nécessaire pour précipiter sensiblement tout le Mg sous forme de phase bêta'-Mg2Si en absence sensible de phase bêta-Mg2Si,

- refroidissement du lingot."

Il ressort clairement du texte de la revendication 1 et de la description considérée dans son ensemble qu'à la suite d'une erreur d'impression, il est fait référence à la fin de la version anglaise de la revendication 8 à "phase bêta" Mg2Si au lieu de la "phase bêta". Cette erreur apparaissant clairement et étant peu importante, il n'est pas nécessaire de réimprimer le fascicule.

II. Quatre parties ont introduit une opposition fondée sur les motifs visés à l'article 100 a) et b) CBE, en invoquant l'absence de nouveauté (art. 54 CBE), l'absence d'activité inventive (art. 56 CBE) et l'insuffisance de l'exposé (art. 83 CBE). Dans la décision attaquée, il était en particulier fait référence aux documents suivants :

(1) US-A-3 816 190

(5) Revue Metallkunde, vol. 70, 1979, n° 8, pp. 528-535

(6) Mondolfo "Aluminium Alloys : Structure and Properties" 1976, pp. 566-577

(7) Brochure "Continuous Homogenising Equipment for Aluminium Extrusion Logs and Billets" (date de publication non établie) publiée par Hertwich Engineering, Braunau, Autriche, et

(8) Journal of Japan Institute of Light Metals, vol. 26, 1976, pp. 327-335 (en japonais avec une traduction produite par l'intimé IV).

III. Dans sa décision qu'elle a fait connaître oralement le 12 février 1992 et qu'elle a rendue par écrit le 14 avril 1992, la division d'opposition a révoqué le brevet. Bien que l'objection soulevée au titre de l'article 83 CBE ait été retirée lors de la procédure orale et que la revendication 8 ait été considérée comme nouvelle et impliquant une activité inventive par rapport aux antériorités citées, la division d'opposition a conclu à l'absence de nouveauté de la revendication 1 par rapport à l'exposé du document (8), croyant que le chiffre de 0,1 µm indiqué comme longueur des particules de phase bêta'' représentait en réalité leur diamètre : elle a estimé de ce fait qu' une structure de phase bêta' telle que revendiquée devait couvrir un grand nombre de particules en phase bêta''.

IV. Un recours a été introduit contre cette décision le 15 mai 1992, la taxe de recours a été acquittée le même jour et le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 18 août 1992. En même temps que ce mémoire, le requérant a produit une traduction révisée de tout le document (8), traduction précisant certains points. Dans ses observations écrites et lors de la procédure orale qui a eu lieu le 14 octobre 1994, il a fait valoir que c'était à tort qu'il avait été affirmé que la photo 2(b) du document (8) montrait une structure qui détruisait la nouveauté de la revendication 1 : en effet, une expérience de reproduction du procédé suivi pour arriver à cette structure avait été tentée, et les résultats de cette expérience étaient présentés dans un compte rendu établi par Court et Liu que le requérant avait soumis au cours de la procédure d'opposition, par courrier en date du 20 janvier 1992. Ce compte rendu montrait qu'en suivant les étapes indiquées dans le document (8), l'on obtenait une structure composée d'une grande proportion deMg2Si de phase bêta''. Pour remédier au défaut de nouveauté dénoncé par la division d'opposition, qui avait confondu diamètre et longueur des particules de phase bêta'', le requérant a proposé, lors de la procédure orale, de modifier la revendication 1 de manière à préciser que les particules dont le diamètre était indiqué dans la revendication 1 étaient des particules "allongées".

Le requérant s'est opposé à ce que la Chambre tienne compte du document suivant, cité par l'intimé I au stade de la procédure de recours :

(9) Metallurgia i Metallovedenie Tsvetnykh Splavov (Metallurgy and Metallography of Nonferrous Alloys) 1982, pp. 223-230 par Elganin et autres (avec une traduction en allemand),

dont l'abrégé en anglais avait été cité en première instance, et il a fait valoir que si ce document devait être admis, il conviendrait, pour être complet, de prendre également en considération un document en anglais publié environ quatre années plus tôt pratiquement par la même équipe, à savoir le document

(11) Isvetnye Metally/Non-Ferrous Metals, "Heterogenising as a way of increasing Aluminium Alloy Ingot Deformability in Extrusion" par Elagin et autres UDC 669.715:621.78.

D'après le requérant, le traitement d'hétérogénéisation selon les documents (9) et (11) visait à faire en sorte qu'une proportion importante de Mg2Si précipite à partir de la solution solide et reste hors de solution pendant le filage. Ce résultat avait effectivement été obtenu, comme le confirmait le tableau des résultats présenté à la page 5 de la traduction (en anglais) du document (9). Les chiffres cités montraient que la résistance à la traction des profilés obtenus à partir de lingots homogénéisés était supérieure de 40% à celle des profilés obtenus à partir de lingots hétérogénéisés, du fait que l'hétérogénéisation telle que divulguée maintenait le Mg2Si sous forme de précipité, c'est-à-dire hors de la solution solide. Cet enseignement était totalement différent de celui de l'invention revendiquée, selon laquelle les particules de Mg2Si étaient si finement divisées que ces composants de l'alliage restaient hors de solution au cours de la déformation initiale, permettant ainsi des vitesses de filage plus élevées, mais entraient ensuite en solution aux températures plus élevées atteintes lorsque le métal passait dans la filière de la presse à filer, ce qui permettait d'obtenir alors au moyen d'un revenu durcissant ultérieur des propriétés mécaniques maximales, sans qu'il soit nécessaire d'effectuer un autre traitement de mise en solution pour faire repasser le Mg2Si en solution solide.

Bien que les documents (9) et (11) suggèrent qu'il serait possible en suivant leur enseignement d'obtenir une augmentation considérable de la vitesse de filage, ce résultat ne pouvait être atteint qu'en faisant subir aux profilés un nouveau traitement de mise en solution pour faire repasser le Mg2Si en solution solide avant durcissement par revenu. Il était clair que les lingots visés dans ces antériorités contenaient à tout moment une proportion considérable de Mg2Si en phase bêta qui n'avait pas été éliminée au cours de l'homogénéisation relativement douce et qui subsistait après le filage. Les documents (9) et (11) ne suggéraient donc aucunement le nouvel enseignement de la présente invention, laquelle visait à mettre pratiquement tout le magnésium de l'alliage sous forme de particules de Mg2Si de phase bêta' avant le filage.

Pour ce qui est de l'activité inventive, ni le document (8), ni les documents Elagin (9) et (11), ni aucun des nombreux autres documents cités ne tendaient à montrer qu'il convenait de faire en sorte qu'avant le filage le lingot se présente sous la forme indiquée dans la revendication de produit 1 ou dans la revendication de procédé 8 (c'est à dire avec le Mg2Si sous forme de phase bêta', à l'exclusion de toute autre forme précipitée).

V. Dans son mémoire produit en réponse le 29 décembre 1992, et également au cours de la procédure orale, l'intimé I a invoqué l'absence de nouveauté des revendications 1 et 8 par rapport à la photo 2(b) du document (8), qui divulguait une structure dans laquelle la plus grande partie du magnésium contenu dans l'alliage avait été précipitée sous forme de particules de Mg2Si de phase bêta'. Il contestait également la nouveauté par rapport aux documents (9) et (11), dans lesquels selon lui l'homogénéisation à température élevée, le refroidissement rapide jusqu'à une température de 350o C, le maintien à cette température pendant une heure, puis le refroidissement, étaient des étapes pratiquement identiques à celles proposées dans le brevet en cause, qui visaient à produire le même effet, c'est-à-dire à faciliter le filage. Ainsi, le produit et le procédé selon l'invention revendiquée ne se distinguaient en rien de ceux qui avaient été divulgués dans ces antériorités.

Selon l'intimé, même si la prétendue invention devait être considérée comme nouvelle par rapport à ces deux antériorités, au motif par exemple que la vitesse de refroidissement indiquée dans la revendication 8 n'avait pas déjà été divulguée en tant que telle ou que le degré d'homogénéisation obtenu en appliquant le traitement qui avait été divulgué n'aurait pas été suffisant pour permettre la mise en solution de la totalité de la phase bêta précipitée, il y aurait lieu néanmoins de conclure que les revendications de produit ou de procédé n'impliquaient pas d'activité inventive, car l'homme du métier, sachant fort bien qu'un refroidissement trop lent produisait des effets indésirables, aurait choisi pour le traitement de l'alliage la température d'homogénéisation adaptée en consultant les manuels communément disponibles en la matière. En particulier, un document cité au cours de l'opposition ("Microstructural Science", 5ème volume, publié par Elsevier (North Holland, New York, 1977, pp. 203 à 208) mentionnait parmi les alliages les plus fréquemment utilisés les alliages visés par la présente invention, et suggérait, à la page 207, une température d'homogénéisation de 600°C.

VI. L'intimé IV n'a pas comparu lors de la procédure orale. Dans sa réponse déposée le 8 mars 1993, il a fait valoir que la division d'opposition n'avait examiné ni son objection relative au défaut de nouveauté de la revendication 1 par rapport à l'exposé des documents (1), (5), (6) et (8), ni ses objections au sujet du défaut d'activité inventive dans le cas des revendications 1 et 8 (pour attaquer la revendication 8, il avait en particulier combiné le document (8) avec le document

(10) US-A-3 222 227

qui avait été cité en première instance et était mentionné dans la description du brevet en cause (p. 2, ligne 30), mais non dans la décision attaquée. Ce document antérieur traitait du problème de l'amélioration de la vitesse de filage pouvant être atteinte pour des alliages Al-Mg-Si et proposait que le Mg2Si se présente sous la forme de particules précipitées petites ou très fines facilement solubles. Le remplacement de la méthode consistant à former de fines particules, divulguée dans le document (10), par l'autre méthode possible exposée dans le document (8) allait de soi. La revendication 8 était également dénuée de nouveauté par rapport au document (5), qui exposait comment obtenir le précipité de Mg2Si de phase bêta'. L'intimé a également contesté la nouveauté par rapport au document (7) concernant les alliages de type 6063, qui présentait dans la courbe "e" de la figure 2 une succession d'étapes de chauffage, maintien à température, refroidissement rapide jusqu'à une température d'environ 330°C, maintien à cette température pendant une durée prolongée, puis à nouveau refroidissement, divulguant ainsi tous les éléments de la revendication 8. L'intimé affirmait en outre qu'au stade du recours la Chambre ne devrait pas accepter la traduction révisée du document (8) mentionnée supra au point IV, ni certaines micrographies électroniques en transmission qui accompagnaient le mémoire exposant les motifs du recours.

VII. Les opposants II et III n'ont pas présenté d'observations écrites à propos du recours et n'ont pas comparu à la procédure orale, bien qu'ils aient été dûment cités.

VIII. Le requérant (titulaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet tel que délivré ou dans le texte correspondant aux requêtes subsidiaires formulées le 28 juin 1993. Les intimés I et IV ont demandé le rejet du recours, et l'intimé IV a demandé en outre que les documents mentionnés supra à la fin du point VI ne soient pas pris en considération durant la procédure de recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Recevabilité de documents produits tardivement

Le document (9) cité au stade de la procédure de recours par l'intimé I était joint au mémoire dans lequel il répondait au requérant. Le requérant avait voulu citer le document (11) dans sa réponse à ce mémoire, mais l'intimé I avait demandé que la Chambre décide à titre préliminaire, lors de la procédure orale, de ne pas prendre en considération ces deux documents durant la procédure de recours. Or, la Chambre les a jugés tous deux recevables, compte tenu de leur pertinence et aussi du fait qu'au stade de la procédure de recours, le document (9) avait été cité suffisamment tôt pour que le requérant ait eu le temps de procéder à d'autres tests s'il l'avait souhaité. En ce qui concerne les documents accompagnant le mémoire exposant les motifs du recours, la Chambre a accepté de les prendre en compte, en dépit des objections qui avaient été formulées par l'intimé IV, car ces objections se fondaient essentiellement sur le fait qu'ils avaient été cités tardivement, alors que, de l'avis de la Chambre, il était raisonnable de les verser au dossier à ce stade de la procédure.

3. Terminologie

L'invention revendiquée a pour objet un alliage contenant du magnésium présent sous la forme de particules Mg2Si en phase bêta. Dans le passage allant de la page 3, ligne 59, à la page 4, ligne 6 de la description du brevet en cause, il est identifié trois formes connues de précipités de Mg2Si, à savoir les phases bêta, bêta' et bêta'', et il est indiqué que ces phases tendent à précipiter à partir d'une solution solide, à des températures de l'ordre respectivement de 400 à 480°C, 300 à 350°C et environ 180°C, les plages réelles de températures dépendant de la composition de l'alliage. Les mailles cristallines correspondantes sont respectivement cubique, hexagonale et hexagonale. Pour ce qui est de la taille respective des particules de ces trois formes de précipités, il est indiqué que les particules de phase bêta sont initialement d'une taille submicroscopique, mais grossissent rapidement ; les particules de phase bêta' ont une longueur de 3 à 4 µm pour une largeur de 0,5 µm, tandis que les particules de phase bêta'' se pésentent sous la forme d'aiguilles de moins de 0,1 µm de longueur. Ces appellations et les plages de tailles indiquées pour les différentes phases bêta correspondent à ce qui a été divulgué dans d'autres documents appartenant à l'état de la technique (cf. par exemple le document (6), page 570).

4. Proposition de modification de la revendication 1

Au début de la procédure orale, le requérant a souhaité introduire le mot "allongé" dans la revendication 1 pour définir les particules de phase bêta' ayant un diamètre moyen d'au moins 0,1 µm, ceci afin de tenter de remédier à l'absence de nouveauté que lui avait reprochée la division d'opposition, laquelle avait interprété la définition de la phase bêta'' comme couvrant des particules d'un diamètre de 0,1 µm. A la page 4, ligne 3 de la description, cette phase est définie comme correspondant à des particules se présentant sous forme d'"aiguilles de moins de 0,1 µm de longueur". La Chambre estime que cette définition est parfaitement claire et s'applique à des aiguilles de la longueur indiquée. Puisqu'il s'agit d'aiguilles, leur diamètre devrait être de l'ordre de 0,01 à 0,001 µm. Il n'y a donc pas recoupement entre les dimensions des phases bêta' et bêta'' telles qu'elles ont été définies. La portée de la revendication 1 étant claire à cet égard et ne couvrant pas les particules de phase bêta'', la modification proposée n'est ni utile ni nécessairepour amener la Chambre à rejeter la présente opposition, et elle est donc irrecevable (cf. T 295/87, JO OEB 1990, 470).

5. L'invention revendiquée

5.1 Les alliages en aluminium durci par revenu sont largement utilisés depuis de nombreuses années. Habituellement, à la suite du filage, les profilés subissent les traitements suivants : i) un traitement de mise en solution impliquant le chauffage à une température supérieure à 500°C, variant selon la composition de l'alliage, et le maintien à cette température suffisamment longtemps pour que les composants de l'alliage présents sous la forme de particules précipitées relativement grosses entrent en solution solide ; ii) une trempe à température ambiante pour maintenir les composants de l'alliage en solution solide ; et iii) un réchauffage à une température bien inférieure, de l'ordre de 200°C, à laquelle les composants de l'alliage tendent à précipiter sous la forme de particules submicroscopiques. Ces particules submicroscopiques introduisent de telles contraintes dans le réseau atomique que la résistance mécanique des profilés en est considérablement augmentée.

5.2 La revendication 1 de produit du brevet en cause porte sur un lingot, et la revendication 8 de procédé sur un procédé de fabrication d'un lingot, dans lequel pratiquement tout le magnésium est présent sous la forme de Mg2Si de phase bêta' dans le lingot prêt au filage. Comme il est expliqué à la page 2, lignes 19 à 26, l'invention revendiquée vise à abaisser le plus possible la limite élastique du lingot d'extrusion à température élevée, afin de faciliter au maximum le filage, tout en faisant entrer le Mg2Si en solution solide au fin et à mesure que la température augmente durant le bref intervalle de temps au cours duquel le métal passe dans la filière de la presse à filer. Dès sa sortie de la filière, le métal est trempé et est ainsi prêt pour le durcissement par revenu, sans qu'il soit donc nécessaire de lui faire subir un nouveau traitement thermique de mise en solution entre l'étape de filage et l'étape de durcissement. Comme il est expliqué plus en détail dans la lettre du requérant en date du 5 avril 1994, les alliages de la série 6 000 sont utilisés pour obtenir des profilés peu coûteux et de faible à moyenne résistance mécanique, utilisés en architecture, pour la fabrication par exemple d'encadrements de fenêtres. Il est souhaitable d'effectuer le filage aussi rapidement que possible afin d'optimiser l'utilisation des coûteuses presses à filer et d'éviter les frais d'un traitement de mise en solution effectué après le filage.

5.3 Selon l'invention revendiquée, on parvient à ce résultat sans avoir à recourir aux étapes i) et ii) mentionnées supra, les profilés étant prêts pour le vieillissement par revenu (description du brevet en cause, p. 2, lignes 15 à 26). De l'avis de la Chambre, les nombreux exemples cités montrent de manière convaincante que l'on obtient les effets souhaités, à savoir la facilité de filage et l'obtention d'un profilé prêt au durcissement sans qu'il soit nécessaire de lui faire subir un nouveau traitement thermique de mise en solution, avec un lingot tel que défini dans la revendication 1, produit en suivant les étapes indiquées dans la revendication 8.

5.4 La caractéristique essentielle commune à la revendication 1 de produit et à la revendication 8 de méthode est que pratiquement tout le Mg de l'alliage est présent dans le lingot sous forme de particules de Mg2Si de phase bêta'.

6. L'exposé du document (8) (traduction révisée)

6.1 Les intimés I et IV se sont fondés sur le document (8) pour contester à la fois la nouveauté et l'activité inventive. Comme l'indique son titre, ce document est un compte rendu de recherches sur les effets de la précipitation sur l'aptitude au filage. Plus précisément, à la page 1, dernier paragraphe, il est question de chercher à abaisser la résistance à la déformation afin d'augmenter le rendement au cours du filage.

6.2 A la page 2 de ce document, il est signalé que l'homme du métier savait d'une manière générale qu'il est possible de réduire le durcissement de la solution dû à la présence de Mg et Si en solution solide en faisant précipiter ces éléments sous forme de phase Mg2Si grossière, mais les auteurs ont constaté que dans ce cas, la vitesse de filage critique était abaissée au lieu d'être augmentée, du fait qu'il se formait des criques à la surface du profilé.

6.3 Il est clair que la précipitation de Mg2 Si grossier dont il est question ici, qui entraîne la formation de criques en surface, est une précipitation de particules relativement grosses qui, dans le brevet en cause et dans d'autres documents, sont considérées comme correspondant à la phase bêta. Il est rendu compte des expériences effectuées par les auteurs dans le chapitre intitulé "4. Discussion", commençant à la page 17. Dans ces expériences, décrites notamment par référence à la figure 3, les divers échantillons ont subi un traitement de mise en solution à une température de 575°C pendant 24 heures et une trempe à l'eau, puis ont été réchauffés et maintenus à des températures étagées différant de 50°C les unes des autres, comprises entre 300 et 450°C. La "Photo 2" montre les microstructures obtenues lors des essais effectués sur des lingots de taille réelle. Se fondant sur cette divulgation, l'intimé I a invoqué l'absence de nouveauté de la revendication 1, car la structure montrée sur la photo 2(b) était celle d'un lingot dont la microstructure remplissait toutes les conditions exigées dans la revendication 1 en cause, le Mg2Si étant en phase bêta'.

6.4 En réponse à cet argument, le requérant avait présenté en première instance le compte rendu d'expériences mentionné supra au point IV. Ce compte rendu montrait qu'en suivant toutes les étapes divulguées dans le document (8),on obtenait une microstructure contenant une proportion importante de phase bêta''. Le rapport étant en lui-même convaincant et les intimés n'ayant pas contesté ses conclusions en produisant des contre-expériences, la Chambre reconnaît que la méthode divulguée dans ce compte rendu qui, à la différence de la méthode revendiquée dans la présente espèce, comprend une étape de trempe entre le traitement par mise en solution et la précipitation, pouvait conduire à la microstructure différente dont il est fait état dans le compte rendu. Par conséquent, il n'a pas été prouvé que le document (8) détruit la nouveauté de la revendication 1. Ce document n'affecte pas la nouveauté de la revendication 8, car la succession d'étapes qu'il divulgue est différente.

6.5 Pour ce qui est de l'activité inventive qu'impliquent les revendications 1 et 8 par rapport au document (8), la question qui se pose est de savoir si ce document pourrait suggérer l'obtention d'une structure dans laquelle pratiquement tout le Mg2Si se présente sous la forme de particules de phase bêta', comme le prévoient les deux revendications indépendantes 1 et 8.

6.6 Si l'on considère donc à présent l'enseignement pratique du document (8), les auteurs de ce document ont estimé à la page 18 (centre de la page) que la vitesse de filage critique était inversement proportionnelle à la résistance à la déformation des lingots traités par précipitation. Plus la résistance à la déformation est faible, plus il y a lieu de réduire la vitesse de filage pour éviter la formation de criques de surface. Cet inconvénient est souligné à la page 19, dernier paragraphe, où l'auteur, se référant à d'autres publications, explique qu'il est connu que bien que les lingots traités par précipitation résistent moins à la déformation, on n'obtient pas de plus grandes vitesses de filage en raison des problèmes tenant à la qualité de surface du profilé. Une critique est formulée à la page 20 sous le titre "5. Conclusion". Loin de suggérer que la solution pourrait consister à former à des précipités de dimension inférieure, les auteurs indiquent dans le dernier paragraphe de ce document que des criques peuvent se former en surface, même lorsque la taille des particules de Mg2Si est inférieure à celle qui conduit à une diminution de la résistance à la déformation du lingot, et ils concluent en conseillant expressément aux hommes du métier de continuer à utiliser des lingots trempés à l'eau ou refroidis par air forcé, dans lesquels les atomes de soluté sont maintenus en solution solide afin d'obtenir le meilleur compromis entre la vitesse de filage et la qualité de la surface.

6.7 En bref, après avoir étudié en détail les traitements thermiques par précipitation appliqués afin d'améliorer le rendement de filage, les auteurs du document leur dénient en conclusion toute utilité. Le document (8) ne saurait donc mettre l'homme du métier sur la voie des inventions faisant l'objet des revendications 1 ou 8.

7. L'exposé des documents (9( et (11)

7.1.1 Le document (9), cité pour la première fois par l'intimé au stade de la procédure de recours, et le document (11) produit en riposte par le requérant, proviennent pratiquement de la même équipe de chercheurs dirigée par Elagin ; le document (11), cité comme document (3) dans le document (9), a été publié environ quatre ans plus tôt. Ces deux documents peuvent être examinés simultanément, car non seulement l'un d'eux fait référence à l'autre, mais encore les solutions qu'ils proposent sont pratiquement les mêmes.

7.1.2 Ces deux antériorités posent en l'occurrence à la Chambre un problème très particulier, car elles divulguent en substance un procédé presque identique à celui qui fait l'objet de la revendication 8, tandis que les résultats que les auteurs prétendent avoir obtenus sont très différents de ceux revendiqués dans le brevet en cause. Bien entendu, l'intimé I a fait valoir que les conditions de mise en oeuvre du procédé étant identiques pour le fond, l'invention revendiquée était dénuée de nouveauté, ou du moins n'impliquait aucune activité inventive, tandis que le requérant a souligné que les effets obtenus étaient totalement différents, ceci afin de montrer que l'objection soulevée pour ces deux motifs n'était pas fondée.

7.1.3 L'intimé I a plus particulièrement attiré l'attention sur l'enseignement du document (9) (à la p. 2 de la traduction anglaise) : selon ce document, les lingots, après avoir subi un traitement de mise en solution, ont ensuite été maintenus pendant une à deux heures à la température de stabilité minimum de la solution solide, c'est-à-dire exactement dans les mêmes conditions que celles qui, selon le brevet en cause, entraînent l'obtention d'un précipité en phase bêta'. La nécessité d'un refroidissement rapide permettant de passer de la température d'homogénéisation à la température d'hétérogénéisation est soulignée à la page 8 (dernier paragraphe) de la traduction. Les chiffres réels concernant les durées et les températures pour ce traitement sont indiqués dans le tableau figurant à la page 72 du document (11), dans lequel est mentionné un traitement de mise en solution appliqué pendant 4 heures à une température de 520°C, suivi d'un refroidissement rapide et d'une hétérogénéisation durant une heure à 350°C. Ce traitement étant identique ou presque à celui appliqué dans le brevet en cause et étant mis en oeuvre pour des alliages (AD 33 et AD 35) de la même composition, l'intimé a fait valoir que les effets obtenus devaient être identiques.

7.1.4 Le requérant a souligné au contraire que ces documents portaient sur ce que leurs auteurs appelaient l'"hétérogénéisation". La température d'homogénéisation de 520°C ne suffisait pas pour dissoudre entièrement les éléments d'alliage précipités, comme le confirment d'autres passages de l'exposé des documents (9) et (11), dans lesquels l'accent est mis sur la taille relativement grande des particules précipitées. Cet aspect a été souligné dans le document (11) à la page 72 (au bas de la page) et dans le document (9), à la page 3, où il est indiqué que le diamètre des particules est de l'ordre de 1 à 5 µm, ainsi qu'à la page 4, dernier paragraphe, où il est question des "particules grossières libérées au cours de l'hétérogénéisation", et également, de manière peut-être plus marquante, par la comparaison expérimentale à la page 5 des résistances à la traction des profilés trempés à l'eau, obtenus les uns à partir de lingots homogénéisés, les autres à partir de lingots hétérogénéisés. Les chiffres qui étaient donnés montraient que la résistance à la traction des profilés obtenus à partir de lingots homogénéisés en alliages AD 33 et AD 35 était de 30 à 40 % plus élevée, ce qui confirmait que les grosses particules de phase bêta n'étaient pas remises en solution au cours du filage, contrairement aux petites particules de phase bêta' selon l'invention revendiquée.

7.2 Conséquences de la citation des documents (9) et (11), s'agissant de la nouveauté de l'activité inventive

7.2.1 Pour ce qui est de la nouveauté de la revendication 1, la Chambre est convaincue qu'aucun des deux documents ne divulgue de microstructure dans laquelle le Mg2Si serait présent en phase bêta', à l'exclusion pratiquement des autres phases. En ce qui concerne la nouveauté de la revendication 8, il serait certes possible de soutenir que des étapes de procédé identiques doivent avoir des effets identiques, mais la Chambre constate que les procédés ne sont en fait pas parfaitement identiques, car dans l'étape du traitement de mise en solution à 520°C selon le tableau figurant à la page 72 du document (11), la température se situe dans la partie inférieure du domaine de températures prévu dans la seconde étape du procédé selon la revendication 8, étape consistant à "homogénéiser le lingot". Bien que les températures de maintien pendant l'étape de précipitation qui ont été indiquées dans le brevet en cause ne se distinguent pas de celles qui ont été divulguées dans les documents 9 et 11, il est indéniable que les microstructures obtenues selon ces documents ne sont pas les mêmes que celles prévues dans la revendication 8. La Chambre ne s'aventurera pas à chercher les raisons de cette différence surprenante entre les effets de traitements pratiquement équivalents décrits, les uns, dans lesdites antériorités, les autres, dans le brevet en cause.

7.2.2 L'intimé I a fait valoir que si l'homme du métier constatait que l'homogénéisation n'était pas complète à 520°C, il saurait certainement qu'il est possible de remédier à cet inconvénient en augmentant la température de manière à parvenir à l'homogénéisation souhaitée. Toutefois, alors que dans les deux revendications 1 et 8 du brevet en cause, il est fait état de l'obtention d'une microstructure dans laquelle le Mg2Si est présent en phase bêta', l'objectif poursuivi dans ces deux documents est d'obtenir des particules grossières de phase bêta qui ne soient pas dissoutes au cours du filage. Par conséquent, si l'homme du métier avait suivi les instructions données dans ces documents et avait constaté que le lingot obtenu avait la microstructure revendiquée dans le brevet en cause, il en aurait vraisemblablement conclu qu'il n'avait pas réussi à mettre véritablement en application l'enseignement de ces documents. La Chambre est donc convaincue que ces deux antériorités qui dissuadent clairement l'homme du métier de chercher à obtenir du Mg2Si de phase bêta', ne rendent pas évidentes les inventions qui font l'objet des revendications 1 et 8.

8. Objections soulevées par l'intimé IV

8.1 Dans sa réplique écrite, l'intimé IV a contesté la nouveauté de la revendication 8 par rapport aux documents (1), (5), (7) et (10), et nié qu'elle implique une activité inventive par rapport au document (10). Il a fait valoir l'absence de nouveauté de la revendication 1 par rapport non seulement au document (8) examiné en détail supra, mais également par rapport aux documents (1), (5) et (6).

8.2 Il est question dans le document (1) d'une méthode de traitement thermique des alliages d'aluminium visant à améliorer les caractéristiques de filage des alliages Al-Mg-Si. A cette fin, il est proposé une étape d'homogénéisation à une température de 570 à 580oC, suivie d'une étape de refroidissement jusqu'à 230- 270oC à une vitesse d'au moins 100°C/h, et il est cité comme exemple une vitesse de refroidissement d'environ 320°C/h (colonne 2, ligne 35). A la colonne 1, ligne 35, il est expliqué de manière apparemment contradictoire que le Mg et le Si sont ségrégés sous la forme de "particules extrêmement fines", mais qu'ils ne sont pas entièrement dissous par chauffage, ce qui semble indiquer que les particules ne peuvent être dans la phase bêta'' aisément soluble. Compte tenu des vitesses de refroidissement effectivement divulguées, il semblerait, eu égard au diagramme "Mg2Si Continuous Cooling Transformation Diagramm" (courbe de transformation à refroidissement continu de Mg2Si), produit par le requérant en même temps que le mémoire exposant les motifs du recours, que la microstructure comprendrait très probablement à la fois un mélange des phases bêta et bêta', ce qui expliquerait pourquoi les particules n'ont pas été dissoutes. L'enseignement de ce document diffère sensiblement de l'invention revendiquée, qu'il s'agisse de la vitesse de refroidissement proposée ou de l'absence de toute étape de maintien aux alentours d'une température de 300°C. Contrairement à ce qui a été prétendu, le document 1 ne détruit donc pas la nouveauté de l'invention faisant l'objet des revendications 1 et 8.

8.3 En ce qui concerne la nouveauté de la revendication 1 par rapport aux documents (5) et (6), la Chambre estime que la nouveauté d'un lingot d'extrusion d'une composition et d'une microstructure déterminées par rapport à un échantillon de laboratoire selon un document antérieur, échantillon ayant la même composition et la même microstructure, ne peut pas plus être contestée que ne saurait l'être la nouveauté de tout autre article commercial sous prétexte que sa matière première est connue. Il n'est donc plus possible de maintenir les objections relatives à l'absence de nouveauté par rapport au document (5) (fig. 3b, page 531) et au document (6) (fig. 3.4.3(b), page 568), dont il a été prétendu qu'ils divulguaient des échantillons de laboratoire dont la composition et la microstructure étaient couvertes par la présente revendication 1. Ayant fait cette constatation, la Chambre n'a pas à trancher la question controversée de savoir si, dans le document (6), la microstructure est en phase bêta', comme il est indiqué dans la légende de la photomicrographie, ou en phase bêta'', comme l'affirme le requérant. Comme il est indiqué que la précipitation a eu lieu à 450K (c'est-à-dire 177°C) et qu'un grossissement de 40 000 était nécessaire pour faire apparaître la microstructure, la Chambre serait prête à accepter les arguments avancés par le requérant s'il lui fallait trancher cette question.

8.4 Le document (7), invoqué pour objecter le défaut de nouveauté de la revendication 8, appartient à une catégorie de documents différente de celle des études scientifiques dont il a été question jusqu'à présent. Il s'agit d'une brochure publicitaire décrivant certains fours d'homogénéisation en continu. La partie la plus pertinente de ce document est la courbe "e" du diagramme 2 à la page 5 présentant la succession d'étapes de traitement suivantes ; chauffage jusqu'à environ 550°C ; maintien à cette température pendant environ quatre heures ; refroidissement très rapide jusqu'à environ 330oC ; maintien à cette température pendant 3,5 heures ; puis refroidissement jusqu'à la température ambiante. Ce procédé est donc très proche de celui qui fait l'objet de la revendication 8, si ce n'est qu'il n'est pas indiqué de composition d'alliage dans ce diagramme 2. A la page précédente, il est montré des microstructures pour illustrer l'influence de la vitesse de refroidissement sur la microstructure des billettes homogénéisées en alliage AA 6063, alliage dont la composition relève de la définition donnée dans la revendication 1. Le traitement décrit est le suivant : a) trempe à l'eau, b) refroidissement par air forcé et c) refroidissement à l'air statique, étapes correspondant respectivement aux courbes "d", "c" et "b" du diagramme 2. Il n'est rien indiqué au sujet de la composition que pourrait avoir un alliage à traiter conformément à la courbe "e". Alors que les courbes "d", "c" et "b" représentent les conditions dans lesquelles s'effectue habituellement le refroidissement, la courbe "e" est l'illustration schématique d'un mode de refroidissement plus complexe. Comme il n'a pas été établi expressément de lien entre la courbe "e" et l'alliage identifié à la page précédente, la Chambre estime que l'homme du métier considérerait que cette courbe suggère de manière générale le type de traitement auquel les alliages d'aluminium pourraient être soumis, et qu'elle ne propose pas concrètement de soumettre utilement les alliages de la composition identifiée à la page précédente à un mode de refroidissement correspondant aux durées et aux températures indiquées sur la courbe "e". La Chambre en conclut par conséquent que l'exposé du document (7) est trop vague et général pour que l'on puisse y voir une divulgation claire et indubitable de l'objet de la revendication 8, ce qui serait nécessaire pour qu'il puisse être constaté que cette revendication manque de nouveauté (cf. décisions T 56/87, JO OEB 1990, 188, et T 450/89, point 3.11, 15 octobre 1991, non publiée au JO). Bien qu'il n'ait pas été allégué que le document (7) rendait évidente l'invention revendiquée, il convient d'ajouter, pour être complet, qu'une telle objection n'aurait pas été retenue, car l'homme du métier aurait considéré que le diagramme 2 de ce document donnait des indications générales sur le type de traitement thermique pouvant être mis en oeuvre avec les fours décrits dans le document, sans suggérer aucun traitement déterminé. Le document (7) pouvait tout au plus amener l'homme du métier à considérer que les fours en cause peuvent être utilisés avec n'importe quel mode de refroidissement.

8.5 Le document (10) a été cité pour contester à la fois la nouveauté de la revendication 8 et l'activité inventive qu'elle implique. Dans ce document, où il est question de la facilité de filage des alliages d'Al-Mg-Si, il est souligné qu'il est préférable de procéder au filage à des températures inférieures et à des vitesses supérieures à celles que l'on avait choisies jusqu'ici (colonne 1, lignes 39 et 45), plutôt que de réduire la pression de filage. C'est ce que confirme notamment le premier tableau figurant à la colonne 8, qui montre que des pressions de rupture plus élevées sont nécessaires pour le groupe A, correspondant aux profilés fabriqués selon l'invention, qui, par ailleurs, avaient d'une manière générale des propriétés supérieures à celles des profilés du groupe de contrôle B, comme le montrent les autres tableaux. Il est proposé à la colonne 3, lignes 5 à 10 de maintenir le Mg et le Si en solution ou "présents sous la forme d'un fin ou très fin précipité de Mg2Si facilement soluble". Cette indication est précisée dans le passage allant de la colonne 4, ligne 75 à la colonne 5, ligne 2 : les particules petites ou fines y sont définies comme des particules d'une taille allant d'environ 0,03 micron jusqu'à des tailles submicroscopiques, peut-être 0,01 micron ou moins. Il apparaît donc clairement que l'objectif poursuivi est de conserver le Mg soit en solution solide, soit sous la forme d'un précipité de Mg2Si en phase bêta''. Dans l'invention revendiquée, en revanche, on évite la présence de formes de phase bêta'', et la pression de filage nécessaire est réduite. Ainsi, le document (10) propose de parvenir à une microstructure totalement différente de celle que l'on souhaite obtenir dans la revendication 8. Il ne porte pas atteinte à la nouveauté de la revendication 8 et ne peut nullement conduire à l'invention.

8.6 Pour répondre brièvement à l'objection selon laquelle l'invention serait évidente par rapport aux documents (8) et (10) considérés en combinaison, la Chambre dira que s'il est vrai que, comme il a été indiqué supra au point 6.3, le document (8) évoque, sans la recommander, la précipitation d'une phase grossière de Mg2Si ou de phase bêta, tandis que le document (10) recommande l'utilisation de particules en phase bêta'' beaucoup plus finement divisées, l'homme du métier ne pourra être amené par ces solutions divergentes à opter pour la solution aristotélicienne du juste milieu en s'orientant vers une forme de phase bêta' de taille intermédiaire. Par conséquent, la combinaison de ces deux documents ne peut conduire à l'invention.

8.7 La Chambre est donc convaincue que les objections concernant l'absence de nouveauté et d'activité inventive sont dénuées de fondement.

9. Distance à prendre par rapport à l'approche problème-solution

9.1 En l'espèce, pour l'appréciation de l'activité inventive, la Chambre a évité l'approche "problème-solution". Dans certaines décisions (T 1/80, JO OEB 1981, 206, et T 20/81, JO OEB 1982, 217 et surtout T 248/85, JO OEB 1986, 261), des chambres sont allées jusqu'à laisser entendre que l'OEB devait absolument adopter cette approche pour l'examen de l'activité inventive. On peut donc considérer que bien que la Chambre en l'occurence ne s'écarte de cette jurisprudence que dans la mesure où elle n'accepte pas totalement l'interprétation antérieure qui a été donnée de certaines dispositions de la Convention, elle est tenue à cet égard d'exposer les motifs de cette divergence, conformément à l'article 15.1 du règlement de procédure des chambres de recours.

9.2 La Chambre considère qu'il n'est pas justifié en droit d'imposer aux instances de l'OEB une méthode déterminée pour l'appréciation de l'activité inventive au sens de l'article 56 CBE, cet article ne donnant aucune indication quant à la méthode à utiliser. La règle 27(1)c), sur laquelle est censée se fonder l'approche "problème-solution", régit exclusivement la formulation de la description et non l'appréciation de l'activité inventive au sens de l'article 56 CBE. L'approche "problème-solution" devrait donc être considérée comme une approche parmi d'autres, chaque approche ayant ses avantages et ses inconvénients.

9.3 Dans la procédure d'opposition comme dans la procédure de recours, un opposant ne devrait pas être tenu de choisir une ou plusieurs antériorités qu'il juge plus proches de son invention que les autres, ce qui l'exposerait au risque de voir son opposition rejetée si l'instance saisie n'est pas d'accord avec ce choix. Par ailleurs, en vertu d'un principe généralement admis en matière de procédure dans tous les Etats contractants, une partie à un litige est libre d'adopter plusieurs tactiques d'attaque ou de défense. L'OEB est tenu de respecter ce principe, conformément à l'article 125 CBE. Par conséquent, lorsque, comme c'est le cas ici, le brevet a été maintenu malgré une opposition fondée sur un choix d'antériorités raisonnable, les deux parties sont en droit d'attendre de la chambre de recours qu'elle examine une par une toutes les questions qui se posent. Une chambre manquerait à ses obligations envers les parties et le public si la décision rendue par elle aurait pu être différente si le document choisi comme représentatif de l'état de la technique le plus proche avait été différent.

9.4 En l'espèce, la plupart des sept antériorités dont il a été discuté en détail ci-dessus apportent différentes solutions à un problème qui est exactement le même que celui résolu par la présente invention, à savoir celui du traitement thermique de lingots d'Al-Mg-Si en vue d'améliorer la vitesse et la facilité du filage qui suivra. Les solutions avancées dans ces antériorités sont différentes les unes des autres, si bien que pour trancher la question de l'activité inventive, il importe uniquement de savoir si ces documents peuvent ou non donner l'idée d'adopter un procédé comportant les étapes qui ont été revendiquées.

9.5 Il n'y pas lieu de discuter en détail ici des avantages et des inconvénients de l'approche "problème-solution", sauf à observer que cette approche s'appuyant sur les résultats de recherches effectuées par une personne qui connaît l'invention, constitue une démarche essentiellement rétrospective, si bien que dans certains cas, il convient de n'y recourir qu'avec prudence. Un autre inconvénient est qu'elle peut conduire à développer un raisonnement compliqué, en plusieurs étapes, alors que les faits plaidant pour ou contre l'existence d'une activité inventive sont clairs. Ainsi, lorsqu'une invention porte sur un objet entièrement nouveau, il peut suffire de constater qu'il n'existe pas d'état de la technique proche de l'invention, plutôt que de bâtir un problème en se fondant sur ce que l'on considère arbitrairement comme correspondant à l'état de la technique la plus proche.

9.6 L'appréciation de l'activité inventive conformément à l'article 56 CBE est une question de jugement. Comme le montrent certaines décisions des chambres de recours, l'approche "problème- solution" peut impliquer l'exercice d'un jugement lorsqu'il s'agit de décider ce qui doit être considéré comme étant le problème "objectif". Une fois ce problème identifié, il pourra dans certains cas n'être pas nécessaire d'exercer après beaucoup de jugement pour trancher la question de l'évidence. Toutefois, l'analyse du problème et de sa solution ne rend pas superflu l'exercice d'un jugement pour l'appréciation de l'activité inventive; elle a plutôt pour effet de déplacer l'exercice de ce jugement en l'appliquant non plus à la tâche fixée par l'OEB, mais à une autre tâche qui n'est pas prévue par l'article 56 CBE. A cet égard, la Chambre relève une tendance encourageante dans certaines décisions récentes non publiées, dans lesquelles il a été souligné que l'appréciation de l'activité inventive ne devrait pas conduire à bâtir de toutes pièces des problèmes techniques artificiels et irréalistes, mais devrait normalement partir du problème technique identifié comme tel dans le brevet en cause (cf. décisions T 495/91, 20 juillet 1993 ; T 246/91, 14 septembre 1993 ; et T 741/91, 22 septembre 1993).

10. Conclusion

Pour les motifs indiqués supra, la Chambre rejette les objections soulevées au titre des articles 54 et 56 CBE, et considère comme brevetable l'objet des revendications 1 et 8. Il en va de même pour les revendications dépendantes 2 à 7 et pour les revendications 13 et 14, qui se fondent sur la revendication 1, ainsi que pour les revendications 9 à 12, qui se fondent sur la revendication 8.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est maintenu tel qu'il a été délivré.

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