European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1990:T048289.19901211 | ||||||||
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Date de la décision : | 11 Décembre 1990 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0482/89 | ||||||||
Numéro de la demande : | 84401017.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | H02M 3/335 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | TELEMECHANIQUE | ||||||||
Nom de l'opposant : | Siemens Nixdorf | ||||||||
Chambre : | 3.5.02 | ||||||||
Sommaire : | I. Selon l'article 117(1)c) CBE, la production de documents est prévue en tant que mesure d'instruction dans toute procédure devant, entre autres, une division d'opposition ou une chambre de recours. La CBE ne définit pas le terme "documents" et ne contient aucune disposition concernant la valeur probante des documents ainsi produits. De ce fait, il est justifié d'appliquer le principe de la libre appréciation des moyens de preuve. Par conséquent, tout document, indépendamment de son genre, est recevable au cours de la procédure devant l'Office européen des brevets y compris la procédure de recours. La valeur probante d'un tel document dépend, cependant, des circonstances particulières de l'affaire en cause. II. Le principe de la libre appréciation des moyens de preuve s'applique également à l'audition de témoins selon l'article 117(1)d) CBE. La CBE n'exclut pas notamment qu'un employé d'une partie de la procédure puisse être entendu comme témoin. III. Conformément aux principes généralement admis par la jurisprudence de la plupart des Etats contractants, une seule vente suffit pour rendre l'objet de la vente accessible au public au sens de l'article 54(2) CBE, sous réserve que l'acheteur ne soit pas lié par une obligation de confidentialité. Il n'est pas nécessaire de prouver que d'autres personnes ont effectivement eu connaissance de cet objet. |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Défaut de nouveauté par suite d'un usage antérieur Vente sans engagement de confidentialité Documents produits par l'opposant recevables en tant que mesures d'instruction Témoignage d'un employé de l'opposant Nouvelle revendication déposée au cours d'une procédure orale irrecevable |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 84 401 017.3 déposée le 17 mai 1984 et revendiquant la priorité d'une demande de brevet français déposée le 17 juin 1983 a donné lieu le 21 janvier 1987 à la délivrance du brevet européen n° 129 454 sur la base de dix revendications, dont les revendications 1 et 6 s'énoncent comme suit :
"1. Procédé de mesure de l'autonomie disponible d'une alimentation électrique à découpage branchée sur une source externe, ...
6. Dispositif de mise en oeuvre du procédé selon la revendication 1, ce dispositif comprenant une alimentation à découpage ..."
II. Le 21 octobre 1987, l'intimée a fait opposition à ce brevet et a requis sa révocation complète pour défaut de brevetabilité de son objet par rapport à un état de la technique rendu accessible au public par un usage antérieur. Les motifs de l'opposition s'appuyaient sur les documents :
A1: Deux bons de livraison nos 689747 et 690967
A2: Schéma électrique de l'alimentation 3110 de Nixdorf (planches 1 à 6)
A3: Description de l'alimentation 3110, Doc-no. 028, daté 6 janvier 1984, pages 1 à 39.
De plus, avec une lettre datée 17 avril 1989, l'intimée a fourni le document suivant :
A3a: "Tech. Datenblatt" de l'alimentation 3110, Doc-no. 422, daté 18 janvier 1983, pages 1 à 10.
III. Par la décision attaquée, rendue le 5 juillet 1989, la division d'opposition a révoqué le brevet. Elle a considéré que les bons de livraison fournissaient la preuve que l'alimentation 3110 de Nixdorf avait été mise en circulation dans le public avant la date de priorité du brevet attaqué. Elle a aussi considéré que le schéma électrique démontrait que l'alimentation 3110 était identique aux objets des revendications 1 et 6 du brevet attaqué, ce qui n'avait pas été contesté par le titulaire.
IV. Le 22 juillet 1989, la requérante a formé le présent recours contre cette décision de la division d'opposition. Elle a acquitté la taxe de recours le 25 juillet 1989. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 10 novembre 1989. La requérante a fait valoir dans ce mémoire que les bons de livraison ne portaient aucune signature, ni de la part du livreur, ni de la part du destinataire, et n'avaient par conséquent aucune valeur juridique. Par ailleurs, elle a mis en doute la valeur juridique des documents internes (A2 et A3) fournis pour identifier l'alimentation 3110 et a demandé à la Chambre de recours de déclarer que les documents produits par l'intimée, en particulier les bons de livraison, n'étaient pas recevables et ne constituaient pas des preuves d'une divulgation antérieure de l'invention revendiquée.
V. Avec sa réponse du 16 mars 1990, l'intimée a fourni les documents suivants :
A4 et A5: Notification d'aptitude à la mise en service (Mitteilung der Betriebsbereitschaft) n° 113751 et 113754.
L'intimée a fait valoir pour l'essentiel que le document A4, en date du 16 mai 1983, portait le même numéro de commande (Auftrags-Nr. 168355100) et le même numéro de machine (Maschinen- Nr. 94) que le bon de livraison n° 690967. Le document A5, signé par le destinataire le 9 juin 1983, portait le même numéro de commande (Auftrags-Nr. 168368200) et le même numéro de machine (Maschinen-Nr. 136) que le bon de livraison n° 689747. Les documents A4 et A5 confirmaient donc la livraison des machines à deux acheteurs différents. Il était impossible que les machines aient été mises en service sans l'alimentation. Les documents A2 et A3 ne servaient qu'à décrire les particularités de l'alimentation 3110. Les modifications qui avaient été apportées au schéma électrique ne concernaient pas des caractéristiques pertinentes dans la présente affaire. De plus, l'intimée a proposé à la Chambre d'entendre M. Friedhelm Römer comme témoin pour confirmer le fait que l'alimentation 3110 était identique à l'objet du brevet attaqué.
VI. A la suite d'une notification de la Chambre de recours établie conformément à l'article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours, l'intimée a fourni les documents suivants:
A6: Facture (Beleg-Nr. 15872, pages 1 à 3)
A7: Note interne de la firme Nixdorf du 30 janvier 1981.
L'intimée a fait valoir pour l'essentiel que l'alimentation 3110 était partie du processeur central. La facture A6, datée du 26 mai 1983, portait le même numéro de commande que le bon de livraison n° 690967 et le document A4. Elle portait le numéro 113751 (FA-Nr.) qui renvoyait au document A4. Le bon de livraison n° 690967 et les documents A4 et A6, pris ensemble, démontraient qu'un système de traitement de texte comportant l'alimentation 3110 avait été livré à la "Bank für Gemeinwirtschaft" à Darmstadt avant la date de priorité du brevet attaqué. La livraison avait été faite sous les conditions usuelles de vente de la firme Nixdorf sans engagement de confidentialité.
VII. Une procédure orale a été tenue le 11 décembre 1990.
a) En ce qui concerne les livraisons prétendues, la requérante a présenté essentiellement les arguments suivants: Il n'était pas possible de vérifier l'authenticité des documents fournis par l'intimée. Il faudrait qu'un tiers, indépendant de l'intimée, confirme leur authenticité, avant qu'ils puissent être regardés comme recevables. En outre, ces documents ne concouraient pas à prouver qu'il y avait vraiment eu les livraisons prétendues par l'intimée.
L'intimée a répété essentiellement les arguments qu'elle avait déjà exposés (voir V et VI ci-dessus), et a produit les originaux des documents concernant la livraison à la "Bank für Gemeinwirtschaft", c'est-à-dire le bon de livraison n° 690967 et les documents A4 et A6. De plus, elle a remis à la chambre un exemplaire des conditions générales de vente de la firme Nixdorf (Bedingungen für Kauf - Stand 5/81), qui s'appliquaient aux deux livraisons. Bien que la garantie fût dépendante d'un contrat de service de Nixdorf, il n'y avait aucun engagement de confidentialité. La référence à un contrat de licence dans le document A4 se rapportait exclusivement au logiciel. L'alimentation 3110 avait donc été rendue accessible au public par ces livraisons, qui avaient eu lieu avant la date de la priorité du brevet attaqué.
b) En ce qui concerne les particularités de l'alimentation 3110, M. Friedhelm Römer, ingénieur de la firme Nixdorf, a été entendu comme témoin par la Chambre de recours. Il a déclaré pour l'essentiel qu'il avait pris part au développement de l'alimentation 3110 pour un système de traitement de texte. Les travaux correspondants avaient été achevés pendant la 36e semaine de 1982. Cette alimentation était la seule qui pouvait être montée dans le châssis de ce système de traitement de texte. Le document n° 225 (document A2) était un schéma électrique de l'alimentation 3110. Toutes les modifications qui avaient été ultérieurement apportées à l'alimentation 3110 étaient indiquées comme telles sur ce schéma. Il avait écrit le document A3, qui décrivait l'alimentation 3110.
c) En ce qui concerne l'objet du brevet attaqué, la requérante a fait valoir pour l'essentiel que cet objet ne constituait pas un système de traitement de texte.
d) Au cours de la procédure orale, la requérante a déposé une nouvelle revendication à titre de requête subsidiaire. Cette revendication s'énonce comme suit :
VIII. La requérante demande l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sans modification, subsidiairement le maintien du brevet sur la base des revendications de sa requête subsidiaire.
IX. L'intimée demande le rejet du recours, subsidiairement la continuation de la procédure par écrit si la Chambre considère comme recevable la requête subsidiaire de la requérante.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. La requérante a contesté l'authenticité et la valeur juridique des documents A1 à A7 fournis par l'intimée. De l'avis de la requérante, compte tenu du fait qu'il s'agit de documents internes de la firme de l'intimée, il faut qu'un tiers, indépendant de l'intimée, confirme leur authenticité, avant qu'ils puissent être regardés comme recevables.
2.1 Sur ce point, la Chambre rappelle les dispositions de l'article 117(1)c) CBE, selon lesquelles la production de documents est prévue en tant que mesure d'instruction dans toute procédure devant, entre autres, une division d'opposition ou une chambre de recours. La CBE ne définit pas le terme "documents" et ne contient aucune disposition concernant la valeur probante des documents ainsi produits. La Chambre considère, de ce fait, qu'il est justifié d'appliquer le principe de la libre appréciation des moyens de preuve (cf. Singer : "Europäisches Patentübereinkommen", 1989, p. 507 et 510). Par conséquent, tout document, indépendamment de son genre, est recevable au cours de la procédure devant l'Office européen des brevets y compris la procédure de recours. La valeur probante d'un tel document dépend, cependant, des circonstances particulières de l'affaire en cause.
2.2 Le principe de la libre appréciation des moyens de preuve s'applique également à l'audition de témoins selon l'article 117(1)d) CBE. La CBE n'exclut pas notamment qu'un employé d'une partie de la procédure puisse être entendu comme témoin.
2.3 Partant du principe ci-dessus reconnu, la Chambre a, tout d'abord, examiné les documents concernant la livraison à la "Bank für Gemeinwirtschaft", c'est-à-dire le bon de livraison n° 690967 et les documents A4 et A6, ainsi que le document concernant les conditions de vente de la firme Nixdorf (Bedingungen für Kauf - Stand 5/81) et les documents A2, A3 et A3a concernant les particularités de l'alimentation 3110 de la firme Nixdorf.
2.4 Bien que la Chambre partage l'opinion de la requérante, selon laquelle le bon de livraison n° 690967, considéré à part, ne prouve pas qu'il y ait vraiment eu livraison, parce qu'il ne porte aucune signature du destinataire, il faut considérer ce bon de livraison en combinaison avec les documents A4 et A6, qui portent le même numéro de commande (168355100) et concernent la même livraison.
2.5 L'intimée a présenté à la Chambre de recours au cours de la procédure orale les originaux de ces documents. La Chambre ne voit aucune raison de douter de leur authenticité. Ces trois documents, considérés ensemble et en combinaison avec le témoignage de M. Römer, permettent à la Chambre de conclure, avec un degré suffisant de certitude, qu'un système de traitement de texte 8840/5 a été livré par l'intimée à la "Bank für Gemeinwirtschaft" à Darmstadt, le 3 mai 1983 (voir le bon de livraison n° 690967), que le système a été mis en service le 15 ou le 16 mai 1983 (voir le document A4, qui porte la signature de l'administration centrale de la banque) et que l'intimée a envoyé la facture pour cette livraison le 26 mai 1983 (voir le document A6). De plus, il ressort du bon de livraison et de la facture que le système livré comportait une alimentation du type 3110 dans sa version 00. Selon le témoignage de M. Römer, seule une alimentation du type 3110 pouvait être installée dans le châssis du système de traitement de texte. Evidemment, le système ne pouvait pas avoir été mis en service sans sa propre alimentation. Cette livraison, y compris la mise en service, a eu lieu avant la date de priorité du brevet attaqué (17 juin 1983).
2.6 En ce qui concerne les conditions dans lesquelles le système a été livré, la Chambre ne voit aucune raison de douter que la livraison ait fait suite à une vente faite sous les conditions habituelles de vente de la firme Nixdorf, qui n'impliquent aucun engagement de confidentialité, comme le montre le document "Bedingungen für Kauf" remis à la Chambre lors de la procédure orale. Quant à l'authenticité de ce document, la Chambre considère qu'il n'est guère imaginable que l'intimée ait présenté à la Chambre des conditions de vente qui ne correspondraient pas à la réalité, d'autant qu'il s'agit ici d'un document qui doit être bien connu des clients de la firme Nixdorf. Quant à la référence relative à un contrat de licence mentionnée dans le document A4, la Chambre accepte comme véridique l'explication donnée par l'intimée que cette référence concerne uniquement le logiciel comme il est habituel dans les contrats de ce type.
2.7 En ce qui concerne les particularités de l'alimentation 3110, le témoin M. Römer a déclaré qu'il avait participé à la mise au point de cette alimentation. Il a déclaré que le document A2 montre le schéma électrique de l'alimentation 3110 ainsi développée. Il a également déclaré qu'il était l'auteur du document A3 qui décrit l'alimentation 3110. La Chambre note que toutes les planches du document A2 et la page 1 du document A3a portent sa signature. En outre, la Chambre note que les documents A2, A3 et A3a concernent l'alimentation du type 3110 dans sa version 00, c'est-à-dire celle qui a fait l'objet de la livraison à la "Bank für Gemeinwirtschaft" à Darmstadt. Bien que les documents A2 et A3 soient postérieurs à la date de priorité du brevet contesté, il est indiqué sur chaque planche du document A2 que le plan initial a été établi en novembre 1982 (avant la date de priorité du brevet contesté). La Chambre ne voit aucune raison de mettre en doute les affirmations du témoin en ce qui concerne la conformité de l'alimentation 3110, vendue avant cette date de priorité, avec celle représentée et décrite dans les documents A2, A3 et A3a (sous réserve de quelques modifications de détails qui ont été apportées ultérieurement et qui sont clairement indiquées comme telles).
2.8 Pour les raisons données ci-dessus, la Chambre de recours considère que l'intimée a apporté une preuve suffisante qu'une alimentation du type 3110.00 conformément aux documents A2, A3 et A3a a été vendue, sans engagement de confidentialité, à la "Bank für Gemeinwirtschaft" à Darmstadt avant la date de priorité du brevet attaqué.
3. De l'avis de la Chambre, conformément aux principes généralement admis par la jurisprudence de la plupart des Etats contractants, une seule vente suffit pour rendre l'objet de la vente accessible au public au sens de l'article 54(2) CBE, sous réserve que l'acheteur ne soit pas lié par une obligation de confidentialité. Il n'est pas nécessaire de prouver que d'autres personnes ont effectivement eu connaissance de cet objet. La Chambre considère que ce principe s'applique également au cas présent, où l'objet a été vendu à une banque, même si la garantie était subordonnée à la signature d'un contrat de service du vendeur.
3.1 La Chambre, en laissant ouverte la question de savoir si l'intimée a apporté une preuve suffisante en ce qui concerne la livraison prétendue selon le bon de livraison n° 689747, conclut, en conséquence, que l'alimentation 3110.00 de la firme Nixdorf a été rendue accessible au public avant la date de priorité revendiquée dans le brevet attaqué. Elle est donc comprise dans l'état de la technique selon l'article 54(2) CBE.
4. Jusqu'à la procédure orale, la requérante n'a jamais contesté la conclusion de la division d'opposition, suivant laquelle le schéma électrique de l'alimentation 3110.00 (document A2) montrait un dispositif selon la revendication 6 du brevet attaqué, qui met en oeuvre le procédé selon la revendication 1 du brevet attaqué.
4.1 ...
4.2 Bien que le schéma électrique montre quelques modifications apportées postérieurement à la date de priorité du brevet attaqué, la Chambre note que ces modifications ne concernent pas les parties correspondant à l'objet des revendications 1 et 6 du brevet attaqué tel qu'il a été délivré.
4.3 La Chambre considère donc que le dispositif selon la revendication 6 ainsi que le procédé selon la revendication 1 du brevet attaqué tel qu'il a été délivré, ne sont pas nouveaux par rapport à l'alimentation 3110.00 de la firme Nixdorf.
4.4 Il en résulte que le brevet attaqué ne peut être maintenu comme délivré.
6. Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.