T 0077/94 () of 28.4.1998

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1998:T007794.19980428
Date de la décision : 28 Avril 1998
Numéro de l'affaire : T 0077/94
Numéro de la demande : 88401351.7
Classe de la CIB : E01D 19/08
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Complexe d'étanchéité d'ouvrage routier et procédé de revêtement routier étanche de tablier d'ouvrage d'art
Nom du demandeur : Entreprise JEAN LEFEBVRE
Nom de l'opposant : SCREG ROUTES ET TRAVAUX PUBLICS
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Accessibilité au public d'une notice publicitaire
Divulgation par le compte-rendu d'un exposé effectué lors d'un congrès
Usage antérieur par exécution de chantier ou divulgation éventuelle par les documents des appels d'offre ou des dossiers de soumission
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0219/83
T 0153/88
T 0290/88
T 0743/89
T 0082/90
T 0830/90
T 0887/90
T 0267/91
T 0799/91
T 0541/92
T 0818/93
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1017/01
T 1440/04
T 0212/11

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours vise à contester la décision datée du 27. décembre 1994 de la Division d'opposition, qui a révoqué le brevet européen EP-A-0 344 384 pour absence de nouveauté de l'objet de sa revendication 1. Selon cette décision, les caractéristiques du complexe d'étanchéité revendiqué auraient été portées à la connaissance du public avant la date du dépôt du brevet par un prospectus du titulaire du brevet et par une divulgation orale lors d'un congrès.

Une demande de brevet française (FR-A-2 614 048) portant sur la même invention avait été déposée le 16. avril 1987 ; la date de dépôt du présent brevet européen est le 3 juin 1988.

II. La revendication 1 de ce brevet européen sous sa forme délivrée a le libellé suivant :

"Complexe d'étanchéité de tablier d'ouvrage d'art routier, destiné à recevoir une couche de roulement, caractérisé en ce qu'il comporte :

- une couche inférieure constituée d'un mortier comportant environ 10 à environ 15 % de granulat de diamètre inférieur à 80 m et d'environ 7,5 à environ 9,5 % d'un liant bitumineux à base d'élastomères, les pourcentages étant exprimées en poids par rapport au granulat sec,

- une couche supérieure constituée d'un bitume riche en élastomères."

III. Parmi les documents cités en procédure d'opposition, les documents suivants ont joué un rôle durant la procédure de recours :

D1 : Association internationale permanente des congrès de la route (AIPCR) ; XVIIIème Congrès Mondial de la Route, Bruxelles 1987, compte-rendu des travaux du congrès, pages 662 et 663, Comité des Ponts Routiers, M. Rivoire : "Complexe d'étanchéité...".

D2 : Notice technique publicitaire ETANPLAST, août 1987.

D3 : Notice technique publicitaire LIANTS MOBILPLAST ; juin 1980.

D5 : Chaussées d'autoroutes INFOS, n° 7, mai 1987.

D6 : Norme française homologuée NF P 18-321, "Granulats", mai 1982.

D9 : Programme du XVIIIème Congrès Mondial de la Route, Bruxelles, 13-19 septembre 1987.

D10 : Journal "Télégramme de Brest", 25 novembre 1986 ; Article : "Remise en état du pont du Fourestou".

D11 : Lexique des marques, produits, procédés à base de liant hydrocarboné pour chaussée et aires diverses, juin 1985, Service d'études techniques des routes et autoroutes (SETRA).

A : Facture de l'imprimeur de D2 en date du 2. septembre 1987.

B : Note interne datée du 7 octobre 1987 de l'entreprise JEAN LEFEBVRE, signée par M. Rivoire et adressée au directeur, M. Roude, qui l'a paraphée. Objet : Campagne de promotion ETANPLAST.

C : Note interne datée du 4 juillet 1988 de la même entreprise aux directeurs, etc... de centres départementaux,... sur la diffusion d'un dépliant ETANPLAST joint à cette note et signalant sa diffusion dans le numéro de mai 1988 de la Revue Générale des Routes.

D : Notice publicitaire ETANPLAST, mai 1988.

E : Lettre de l'AIPCR, confirmant la diffusion du compte-rendu du 18ème Congrès de la Route en début décembre 1988.

H : Notice publicitaire MICROPLAST, 1987.

I : Résumé des essais du Centre de Recherches Routières de Bruxelles.

J : Article "Complexes étanchéité/roulement réalisés à grande cadence sur les tabliers en béton" du Bulletin de liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, n° 159, janvier/février 1989.

K : Brochure ETANPLAST publiée dans la Revue Générale des Routes, mai 1988.

IV. Durant la procédure de recours, les documents supplémentaires ont été déposés :

D12 : "Etude des sables 0/2...", Bulletin de liaison du Laboratoire central des ponts et chaussées, 176, nov.-déc. 1991, pages 43 et 44.

D13 : Prospectus "COMPOFLEX " de la société SCREG, mars 1987.

F' : Jugement du T.G.I. de Paris, 3ème Chambre, 11 décembre 1991, N° du rôle général : 16.833/89.

L : Extrait du livre de P. Herschkorn, "Couches de roulement", page 94, presses de l'Ecole nationale des ponts et chaussées.

M : "Réalisation des enrobés en couche mince...", document SETRA-LCPC, déc. 1979, du Ministère des transports.

N : Arrêt de la Cour d'appel de Paris, 4ème Chambre, 8. mars 1994, N° du Répertoire : 92/010789.

O : Extrait de la loi n. 78-753 du 17 juillet 1978 (J.O. du 18 juillet 1978), Titre Ier : "De la liberté d'accès aux documents administratifs".

P : Arrêté du 30 octobre 1980 (J.O. numéro complémentaire, 22 nov. 1980, p. 10143) "Communication au public des documents administratifs émanant des communes."

Les documents référencés à l'aide d'une seule lettre proviennent de la requérante - titulaire du brevet -, tandis que les documents référencés D suivi d'un chiffre ont été fournis par l'intimée - opposante. Parmi les documents techniques ci-dessus, les documents D12 et J ont été publiés après la date de dépôt du brevet en cause. La requérante a admis le caractère d'antériorité du document D3.

Les noms MOBILPLAST, MICROPLAST, COMPOFLEX et ETANPLAST sont des marques déposées.

V. Une procédure orale a eu lieu le 28 avril 1998 devant la Chambre de recours.

La requérante a requis l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet européen en faisant valoir les arguments suivants :

Sur l'accessibilité au public de D2 :

En mars 1987, des pourparlers étaient déjà en cours entre la requérante et l'entreprise BOUYGUES, maître d'oeuvre de la réfection du pont de l'île de Ré. Au cours des mois suivants, le choix de la requérante comme entreprise sous-traitante pour les travaux de réfection s'avérait presque certaine. Devant l'importance de cet ouvrage, qui allait constituer un lancement promotionnel bien supérieur à celui des chantiers précédemment réalisés, M. Rivoire, directeur technique de l'entreprise requérante, a alors envisagé de reporter la campagne publicitaire du nouveau produit ETANPLAST, objet du brevet européen ici en cause. Toutefois, sa participation active en tant que conférencier au "Congrès mondial de la route" de septembre 1987 avait été programmée bien auparavant, et il ne pouvait pas la décommander ; c'est pourquoi, lors de son exposé durant ce congrès, il n'a décrit le produit que de façon très succincte, s'étendant surtout sur les résultats obtenus. Certes, entre la réception des premiers prospectus D2 en début septembre 1987 et sa note interne C proposant le report de la campagne de promotion du produit, il s'est écoulé environ un mois, mais ce laps de temps demeure relativement court. De toute façon, l'impression d'un nouveau dépliant publicitaire sur le même produit ETANPLAST (document D) avec un contenu plus succinct que celui de D2, et sa publication en mai 1988 dans la Revue Générale des Routes (document E) n'auraient eu aucune signification, si la notice précédente D2 avait déjà été distribuée auparavant. Durant la période précédant mai 1988, l'entreprise requérante n'était pas encore très certaine du succès commercial et technique de son produit. Il lui manquait un chantier d'envergure, où elle aurait pu mettre en évidence de façon claire la rapidité de pose du complexe d'étanchéité, de même que l'étanchéité obtenue et les propriétés mécaniques du complexe posé. Elle hésitait à s'engager sur la voie d'un brevet européen, avant d'être assurée d'avoir des débouchés à l'étranger. Elle a donc attendu le succès du grand chantier de l'île de Ré (44.000 m2, recouverts en mai 1988) pour prendre sa décision. Le dépôt de la demande de brevet européen a été effectué en juin 1988 - malheureusement au delà du délai de priorité de la demande correspondante de brevet français. La présomption que D2 aurait été distribué durant le mois de septembre 1987 n'est donc pas cohérente avec l'ensemble de ce contexte. De toute façon, il appartient à l'intimée d'apporter la preuve certaine de la date à laquelle le document D2 a été obtenu par elle-même pour certifier une accessibilité de ce document au public. Or, l'intimée n'a fourni aucune preuve; elle émet seulement des suppositions.

Quant aux usages antérieurs par pose du produit au cours de différents chantiers :

Aucune preuve d'un accès du public sur ces chantiers n'a été fournie, et, de fait, au moment de la pose du complexe d'étanchéité, un tel accès était interdit. Cette pose était effectuée par l'entreprise requérante elle-même et, seuls, le maître d'ouvrage et éventuellement, certains agents de la collectivité territoriale - tous tenus au secret selon les documents O et P - pouvaient accéder au chantier. Sur le chantier, le complexe ETANPLAST, une fois posé, était aussitôt recouvert par la couche de roulement. D'autre part, sa composition ne pouvait être déterminée qu'au moyen d'analyses de laboratoire. Or, comme l'indique le jugement de la Cour d'appel de Paris (document N), un prélèvement d'un revêtement routier est interdit, de même qu'est illicite toute obtention de documents techniques provenant des appels d'offre ou des dossiers de soumissions. L'attestation de la mairie de Brest cité dans ce jugement confirme qu'officiellement la loi sur ce point avait été respectée. L'obtention de tels documents, soit par des voies détournées, soit de façon accidentelle, constituerait donc un abus et ne peut, par conséquent, permettre de prouver une accessibilité au public.

Quant à la divulgation orale lors du congrès déjà cité :

Selon la preuve E, le compte-rendu D1 n'a été publié qu'un an et deux mois après la tenue du congrès. Souvent, durant une si longue période, le texte est, avant publication, renvoyé pour approbation à l'auteur de la conférence, qui retouche le texte, éventuellement en y apportant des informations complémentaires selon les circonstances. Dans le cas présent, cela n'offrait aucun danger, puisque la publication de D1 était prévue postérieurement au dépôt du brevet. Il n'y a donc aucune certitude que le compte-rendu en question rapporte fidèlement ce qui a pu être dit au cours de la conférence. L'intimée n'a par ailleurs fourni aucun témoin qui puisse certifier les propos de M.. Rivoire lors de son exposé.

Quant à l'activité inventive impliquée :

Le prospectus D, ou encore l'article de journal D10, peuvent chacun représenter l'art antérieur le plus proche. Le problème posé était de réaliser en un temps record un complexe d'étanchéité efficace. Le document D ne donne que l'indication d'une structure bicouche "MICROPLAST plus MOBILPLAST". Le document D11 montre qu'à l'époque, le terme MOBILPLAST couvrait une variété de produits, soit en tant que liants d'enrobés, soit comme feuilles préfabriquées qui étaient posées manuellement. Il était, par ailleurs, connu que la meilleure étanchéité était obtenue par un liant. Quant au MICROPLAST, il était surtout connu comme un enrobé de roulement à forte macrorugosité. Le document H signale seulement un "filler" (pourcentage de fines) de 2 % et des sables, qui pour leur part contiennent aussi des fines. Toutefois, aucun de ces deux documents ne fait référence à un complexe d'étanchéité. L'antériorité D13, quant à elle, concerne les couches de roulement et ne fournit aucune suggestion en direction d'un emploi de l'un ou l'autre de ces couches en couche sous-jacente. Jusqu'à la présente invention, l'étanchéité était essentiellement réalisée par application manuelle soit de feuilles bitumeuses, soit de résines, et ce directement sur le tablier de l'ouvrage d'art. La présente invention a donc constitué une innovation importante.

En ce qui concerne les dosages, les documents publiés à l'époque de la présente invention signalaient un maximum de 7 % pour le liant bitume, voir à ce sujet les documents M et H. Le document D13 ne donne qu'un exemple isolé, qui en plus ne correspond pas à l'invention, car malgré un pourcentage de fines de l'ordre de 13 % et celui du liant de 7 à 8 %, la compacité obtenue n'est que de 93 à 97 % au lieu des 98 % de l'invention. A l'époque, on savait que si on augmentait la quantité de liant, cela risquait d'affecter la cohésion et d'augmenter le fluage des enrobés, surtout dans le cas de trafic de poids lourds. Or, la présente invention en utilisant un liant à élastomère a au contraire augmenté la cohésion. Le document comparatif I montre l'influence des éléments constitutifs du complexe ainsi que celle des fourchettes données pour la compacité et l'étanchéité obtenus, tandis que le document J souligne l'innovation importante apportée par le produit et le procédé, qui s'y attache. Ceci a été reconnu par les spécialistes du domaine technique concerné (prix de l'innovation 1988). Le pont de l'île de Ré a pu être recouvert en dix jours, alors que les techniques antérieures auraient exigé au moins trois mois.

VI. L'intimée, pour sa part, a requis le rejet du recours en présentant les arguments suivants :

L'enchaînement lui-même des faits montre que le document D2 avait été rendu accessible au public : au mois de septembre 1987, l'entreprise requérante, et en particulier son directeur technique, M. Rivoire, savaient que, par le dépôt en avril 1987 d'une demande de brevet français, le produit et le procédé étaient protégés. Les événements qui suivent sont la marque évidente d'une stratégie commerciale et industrielle, qui visait à mettre en exploitation le plus vite possible l'invention en cause. Six chantiers avaient déjà été réalisés, notamment le premier, celui du pont Forestou à Brest, dès décembre 1986. Du coup, des documents publicitaires D2 au nombre de 5.250 ont été imprimés en août 87 et fournis dès début septembre à la requérante, d'autant plus qu'un congrès important devait se tenir deux semaines plus tard, impliquant environ 1900 participants. Ces documents devaient servir de support publicitaire à l'exposé de M. Rivoire, car c'est la vocation même de ce genre de documents que d'être distribués le plus vite possible. Il semble difficile d'imaginer qu'une notice publicitaire, disponible, n'ait pas été utilisée immédiatement, et qu'en particulier elle n'ait pas été diffusée pendant le congrès, alors que la requérante y tenait un stand. Au moins deux personnes connues de la société intimée se souviennent d'avoir pris des exemplaires du prospectus D2 à ce stand. La production d'un exemplaire dans la procédure précédente et de deux autres exemplaires devant la Chambre constitue aussi, en soi, un fait positif. La note interne de M. Rivoire est postérieure aux faits ci-dessus décrits et elle ne peut donc servir de justification pour une absence de diffusion. Il y a d'ailleurs lieu de remarquer que cette note ne mentionne guère les prospectus D2. La campagne de promotion visée dans cette note devait donc concerner des opérations différentes, plus importantes que la seule diffusion d'un prospectus. Il ne faut pas oublier que même si l'entreprise requérante pensait à effectuer un dépôt européen, elle avait encore deux mois de répit et n'avait donc aucune raison de s'inquiéter d'une divulgation prématurée. Il y a donc, clairement en l'espèce, un enchaînement logique de faits, qui prouve une accessibilité au public de la notice D2.

En ce qui concerne les chantiers, ils constituent avant tout un élément de l'enchaînement logique précédemment décrit, car ils montrent que l'entreprise requérante avait avant tout une stratégie commerciale. L'interdiction d'accès aux chantiers n'est pas discutée, mais la note de M. Rivoire montre que l'entreprise requérante était en contact technique avec l'entreprise BOUYGUES. Elle a donc du lui fournir des documents techniques sur son produit. Or, le caractère confidentiel de cette transmission de documents n'a pas été prouvé.

En ce qui concerne l'exposé de M. Rivoire, il est surprenant de prétendre que le document D1 ne le reflète pas ou encore en dirait plus. Un compte-rendu reste un compte-rendu. L'orateur d'une conférence, dont la durée est d'environ vingt minutes, voire plus avec les réponses aux questions des auditeurs, en dit nécessairement plus que le simple contenu des deux pages de D1. M. Rivoire savait que le produit était protégé et il n'avait donc aucune raison de restreindre ses informations techniques.

Outre son absence de nouveauté vis-à-vis de D2, le complexe revendiqué n'implique pas non plus une activité inventive : en mars 1988, le document D enseigne de poser à l'aide de machines un complexe d'étanchéité bicouche avec, comme couche inférieure, un enrobé fin MICROPLAST et comme couche supérieure une membrane au liant MOBILPLAST. Or l'homme du métier savait déjà ce qu'il convenait d'entendre sous ces deux noms de marques, voir à ce sujet les documents D11 et H. Partant de là, le problème posé, tel qu'il est défini dans la description du brevet en cause, demeure banal et il est, en fait, déjà résolu par la solution du document D.

Le complexe selon la revendication 1 du brevet en cause se distingue uniquement par une information plus précise portant sur la couche inférieure, à savoir deux plages données de certains de ses constituants, l'une concernant les fines et l'autre le liant. Les taux revendiqués de fines restent dans les normes usuelles à l'époque de l'invention, car, aux 2 % déjà divulgués par le document H, il convient d'ajouter les fines des sables de l'enrobé selon ce document. Or ces sables constituent près de 46 à 56 % de l'enrobé fin en question. Les sables en question contiennent en général de 13 à 31 % de fines, comme le montre la page 12 du document D12, qui est un rapport technique sur les sables. Certes, ce rapport D12 n'est pas une antériorité au sens du droit des brevets, mais il n'en divulgue pas moins des données sur les sables, qui restent constantes quelle que soit l'époque considérée. Les calculs, basés sur ces données, montrent que la proportion totale de fines correspond à la fourchette revendiquée. Il n'y a donc pas de nouveauté sur cette plage de fines.

Quant à la proportion de liant revendiquée, elle est très proche de celle divulguée par le document H (6,7 %) et à l'intérieur des plages (6,5 à 25 %) fournies par le document D11 pour les quatre types différents de liant d'enrobage de type MOBILPLAST.

En plus, le choix de ces deux pourcentages dans la composition d'un enrobé fait partie du travail routinier de l'homme du métier dans ce domaine, qui savait déjà à l'époque que pour obtenir une bonne étanchéité d'un enrobé, les quantités de liant et de fines devaient être augmentées. Le document D13 montre que des enrobés équivalents à celui de la présente invention étaient déjà sur le marché. Catalogués comme "infiniment imperméables", ils contenaient 13 % de fines et un liant dosé à 7 ou 8 %, ce qui correspond aux fourchettes revendiquées. La compacité indiquée est, en outre, de 97, soit à l'intérieur des valeurs 96 à 98 de la présente invention. Par suite, l'enrobé de la couche inférieure selon la revendication 1 du brevet en cause ne présente aucune originalité. Quant aux essais comparatifs du document I, ils ne peuvent être pris en compte, car ils ont été effectués de façon non contradictoire et sur la base de formulations critiquables en soi des micro-bétons employés pour ces essais.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Divulgation antérieure éventuelle par les chantiers et les documents D1 et D2

2.1. Les chantiers et leurs documents

Les chantiers en question sont ceux mentionnés sur le prospectus D2, notamment la réfection du pont du Fourestou à Brest confirmée par l'article de journal D10. Il s'y ajoute le chantier du pont de l'île de Ré. Tous ces chantiers ont été réalisés avant le 3. juin 1988, qui est la date de dépôt du brevet européen en cause, ce brevet ne pouvant pas bénéficier du droit de priorité selon l'article 87 CBE du fait d'une date de dépôt postérieure de plus de douze mois à la date du dépôt de la demande française.

Les textes légaux français (documents 0 et P) disposent que les administrations de l'Etat français, les collectivités territoriales, les établissements publics ou encore des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d'un service public, sont tenus de ne pas communiquer au public "les documents fournis par les entreprises parties à une procédure de conclusion de marchés publics et contenant des éléments techniques et financiers". Ceci s'applique donc aux administrations communales et aux directions départementales de l'équipement (DDE) ou équivalents, qui sont chargés en France de l'entretien ou de la réalisation des routes et des ouvrages d'art. Après expiration du délai de présentation des offres, celles-ci ne sont pas publiées et ne sont ouvertes à l'inspection publique que sur requête auprès d'une Commission d'accès aux documents administratifs et après accord de celle-ci. Cette commission est elle aussi tenue de ne pas communiquer les secrets en matière commerciale et industrielle des entreprises adjudicataires de marchés publics. Le fait que ces textes légaux, selon les dires de l'intimée, ne figureraient pas dans le Code de marchés publics, importe peu, car ce code n'est pas un document exhaustif de recueil de textes. L'intimée a fait valoir que les appels d'offre des marchés publics sont accessibles au public et peuvent contenir des informations, notamment sur les solutions techniques retenues. Toutefois, l'intimée n'a prouvé que cela a été le cas dans la présente affaire, alors que c'était son rôle et non celui de la requérante, et, de plus, la Chambre ne saisit pas comment un dossier d'appel d'offre, qui s'adresse à toute entreprise de travaux publics intéressée, pourrait contenir des spécifications techniques d'un complexe d'étanchéité propre à une entreprise donnée. En conclusion, les caractéristiques techniques du complexe d'étanchéité en cause dans la présente affaire ne pouvaient être rendues accessibles au public par les dossiers ou documents relatifs aux chantiers ci-dessus.

L'intimée a fait valoir qu'une distinction devait être faite entre les textes et leur application, et qu'en l'occurrence, dans le milieu concerné des travaux publics, les règles de confidentialité souvent n'étaient pas respectées. Durant la procédure orale devant la Chambre de recours, elle a précisé que c'est par un simple coup de téléphone qu'elle avait pu obtenir d'une administration communale certains documents de l'entreprise requérante, signalés dans l'arrêt de la Cour d'appel de Paris (document F'). Par suite, pour l'intimée, la faute en incombait à l'administration ou à son employé qui avait effectué la communication des documents, mais il n'en demeurait pas moins qu'il y avait eu de ce fait divulgation. La Chambre ne peut souscrire à cette prise de position. Certes, s'il y avait eu divulgation de l'invention, la Chambre aurait pu s'interroger sur l'application de l'article 55(1) CBE, qui dispose qu'une divulgation de l'invention n'est pas prise en considération si elle n'est pas intervenue plus tôt que six mois avant le dépôt de la demande de brevet européen et si elle résulte directement ou indirectement d'un abus évident à l'égard du demandeur. Dans le cas présent, le document D2 ne spécifie pas les fourchettes de valeurs présentes dans la revendication 1 et ne peut donc être considéré comme divulguant l'invention. De plus, l'intimée n'a pu préciser la date à laquelle ce document lui est parvenu.

Enfin, le fait, souligné pour la première fois par l'intimé durant la procédure orale devant la Chambre, que l'entreprise requérante ait nécessairement dû communiquer à l'entreprise BOUYGUES, maître d'oeuvre pour le chantier de l'île de Ré, les spécifications techniques de son complexe d'étanchéité, ne peut pas non plus constituer une divulgation de l'invention : la requérante a en effet précisé devant la Chambre que, pour ce chantier, son rôle était celui d'un sous-traitant. En conséquence, une obligation contractuelle, même tacite, d'obligation de secret existait entre les deux sociétés (cf. les décisions des Chambres de recours T 799/91 du 3.02.1994, T 541/92 du 25.01.1994, non publiées ; dans un contexte plus général, T 830/90, JO OEB 1994, p. 713 ; T 887/90 du 06.10.1993. et T 818/93 du 02.04.1996, non publiées).

Quant aux chantiers eux-mêmes, ils n'étaient pas ouverts au public - tout au moins durant la pose des enrobés. L'extrait de journal selon le document D10 montre que les journalistes n'ont eu accès au chantier du pont du Fourestou à Brest qu'antérieurement à la pose du complexe d'étanchéité. De plus, sur chaque chantier, cette pose ne pouvait constituer en soi un fait de divulgation, car seule une analyse en laboratoire du complexe déposé permettait d'en connaître la composition. Or, sur les chantiers, le complexe revendiqué, un fois posé, était aussitôt recouvert par la couche d'enrobé de roulement, et le prélèvement d'un échantillon sur un ouvrage d'art public est interdit. Par suite, les chantiers mentionnés sur les notices D2 ou D, de même que le chantier sur le pont de l'île de Ré, ne constituaient pas une divulgation par usage antérieur. Durant la procédure orale, ce point n'a plus été contesté par l'intimée.

2.2. Divulgation par D1

Selon le moyen de preuve E, le compte-rendu du 18ème Congrès mondial de la route n'a été publié qu'en décembre 1988, soit plus de six mois après le dépôt du brevet en cause, et un an et deux mois après la tenue de ce congrès. Si un compte-rendu est théoriquement censé reproduire les dires de M. Rivoire lors de son exposé durant ce congrès, il peut aussi en dire plus, surtout après un si longue période et tenant compte du fait que sa publication était prévue postérieurement au dépôt européen. Par conséquent, rien ne certifie que la document D1 constitue une reproduction fidèle de la conférence de M. Rivoire (décision T 153/88 en date du 09.01.1991. des Chambres de recours de l'OEB).

2.3. Divulgation par D2

A la chaîne logique de faits mise en avant par l'intimée pour prouver une diffusion de D2, cette chaîne comprenant :

- l'exécution de chantiers dès décembre 1986 avec présence de journalistes,

- le dépôt d'une demande de brevet français en avril 1987,

- l'impression de 5250 notices publicitaires D2 en août 1987 et leur livraison juste avant la tenue du congrès tenu à Bruxelles,

- l'exposé de M. Rivoire durant ce congrès, auquel environ 1900 personnes participaient,

- la similitude des figures de D1 et D2,

- la proposition effectuée seulement en octobre 1987 d'un report d'une campagne de promotion sans mention des prospectus D2,

- l'absence de preuve d'une destruction de ces prospectus D2,

- le choix tardif d'effectuer un dépôt européen,

- et la possession par l'intimée d'une, voire plusieurs prospectus D2,

à cette chaîne donc, il peut être opposé une autre chaîne logique en sens contraire, qui pour sa part comprend :

- l'absence de divulgation de l'invention durant l'exécution des chantiers,

- l'absence de preuve d'une distribution effective de la notice D2, notamment durant le congrès, et ce malgré la présence des 1900 participants,

- l'absence de preuve sur le contenu effectif de l'exposé de M. Rivoire,

- la note interne de M. Rivoire en vue d'un report de la campagne de promotion, paraphée par le directeur général de l'entreprise requérante,

- l'impression et la publication d'une autre notice publicitaire, au contenu plus succinct, et ce avant le dépôt européen,

- et le dépôt européen lui-même, effectué malgré la perte du délai de priorité.

Certes, cette deuxième chaîne apparaît être moins riche en faits précis et moins cohérente que la première, mais la Chambre doit tenir compte du fait que le succès plus rapide que prévu d'un nouveau produit peut amener une entreprise, plus habituée à agir au niveau national qu'international, à hésiter et à être obligée de modifier sa stratégie, lorsqu'elle s'aperçoit qu'une extension internationale est possible, avec toutes les contraintes financières que cela impose. Vu a posteriori, une certaine incohérence s'ensuit. L'important dans le cas présent est qu'un doute sur une distribution effective de la notice publicitaire est créé, résultant de cette opposition entre deux chaînes d'événements ou faits, chacune apparemment plausible.

L'argument de l'intimée, qu'une notice publicitaire a vocation d'être distribuée et que, par suite, sa date de diffusion suit immédiatement sa date d'impression, ne constitue qu'une supposition de principe, qui demande une confirmation, car elle est souvent contredite dans la réalité. Aussi, les jurisprudences, qu'elles soient française ou européenne, tendent à exiger la preuve d'une diffusion effective des prospectus ou brochures publicitaires. Dans le cas présent, il semble illogique de vouloir diffuser une notice D au contenu plus succinct, si la notice D2 avait déjà été diffusée auparavant. Dans une de ses premières réponses écrites durant la procédure de recours, la requérante a invoqué le "souvenir" d'une mise à la disposition du public de la notice D2 sur le stand tenu par la société requérante durant le congrès de septembre 1987 à Bruxelles. Les doutes de la Chambre sur la réalité d'une diffusion de D2 n'en ont été que davantage renforcés, car un souvenir est par nature fragile et sujet à caution. Dans une de ces dernières notifications, la Chambre a en conséquence invité l'intimée à préciser la date et les circonstances de l'accessibilité au public de ce document et à en fournir des moyens de preuve. Durant la procédure orale devant la Chambre, l'intimée, bien qu'elle ait cité nommément deux personnes de sa société qui auraient ramassé des exemplaires D2 sur le dit stand, n'a fourni aucune attestation ou déclaration de celles-ci, arguant du peu d'empressement des gens de ce secteur des travaux publics à effectuer de telles déclarations en raison de leurs liens commerciaux ou professionnels.

Le doute de la Chambre n'a donc guère été levé. Comme le doute doit profiter au breveté, l'accessibilité au public de la notice D2 ne peut être reconnue (décisions T 219/83, JO OEB 1986, p. 211 ; T 290/88 du 4.12.1990 ; T 267/91 du 28.04.1992 ; T 82/90 du 23.07.1992 et T 743/89 du 27.01.1992, ces quatre dernières non publiées).

Par suite, les documents D1 et D2 ne font pas partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE.

3. La nouveauté du complexe d'étanchéité selon la revendication 1 n'a pas été mise en cause au regard des autres documents formant antériorités selon cet article. Après étude de ces documents, la Chambre reconnaît que ce complexe est bien nouveau.

4. L'art antérieur le plus proche est représenté par le contenu de la seconde notice publicitaire D publiée en mai 1988 et décrivant de façon succincte la présente invention. Selon ce prospectus, le complexe d'étanchéité ETANPLAST de la société requérante est destiné à recouvrir les tabliers de grands ouvrages routiers et se compose de deux couches superposées, à savoir un "enrobé fin MICROPLAST recouvert d'une membrane au liant MOBILPLAST".

La première couche, qui est la couche inférieure, a pour fonction de reprofiler la surface de pose et d'assurer une première étanchéité, cette dernière étant ensuite renforcée par l'apport de la couche supérieure. Un chantier de pose d'un revêtement d'ouvrage d'art comprenant ce complexe comporte les étapes suivantes : pose préliminaire d'un vernis ou d'une couche d'accrochage sur le tablier de l'ouvrage d'art, épandage de la première couche d'enrobé fin MICROPLAST du complexe à l'aide d'un finisseur, compactage, pose de la membrane supérieure MOBILPLAST au moyen d'une répandeuse thermofluide, sablage et, enfin, pose de la couche de roulement. Il en ressort que le complexe est entièrement posé à l'aide de machines connues en soi.

5. Les documents D11, D3 et H révèlent qu'à la date de dépôt du brevet européen en cause, les noms MICROPLAST et MOBILPLAST recouvraient les produits suivants :

MICROPLAST : Un enrobé fin 0/3 à 0/4 au liant modifié MOBILPLAST, destiné à réaliser un tapis ou enrobé mince (2 à 3 cm) de roulement, notamment en combination avec un cloutage. Un exemple de composition type est donné par le document H : 42 % de gravillons 2/6, 46 % de sable 0/2, 10 % de sable roulé 0/5, 2 % de filler, avec incorporation de 6,7 % de liant MOBILPLAST. La compacité obtenue est d'environ 93 à 94.

MOBILPLAST : Famille de liants composés de bitume 40/50 ou 60/70 dans lequel deux additifs compatibles entre eux sont introduits, à savoir un copolymère (EVA), qui apporte élasticité et adhésivité, et une résine, qui assure la cohésion, tout en réduisant la susceptibilité thermique. Usages : Liant pour des enrobés de 4 à 10 cm ayant une grande résistance à la fatigue ou pour des tapis minces ; enduits ou produits d'étanchéité à l'état pur ou en feuilles pour ouvrages d'art. Plusieurs types de liants, référencés A, B, C, D .. sont catalogués en fonction de leurs teneurs complémentaires en bitume et additifs, le pourcentage d'additifs variant de 25 % (type A) à 6,5 % (type E).

6. La revendication 1 du brevet attaqué mentionne une couche supérieure constituée d'un bitume riche en élastomères. La description du brevet ne fournit aucune indication sur la signification du terme "riche", si bien que d'après ce qui précède, aucune différence ne peut être vue entre cette caractéristique de la revendication 1 et l'information de la notice D, selon laquelle cette couche est constituée d'une membrane au liant MOBILPLAST. Par ailleurs, le liant MOBILPLAST, décrit ci-dessus, correspond à la définition du liant ("liant bitumineux à base d'élastomères") entrant dans la composition de la couche inférieure du complexe selon la revendication 1.

Par suite, le complexe selon la revendication 1 se distingue des données de la notice D uniquement par les plages respectives de pourcentages en "fines" ("granulats inférieurs ou égaux à 80 m", selon la norme D6) et en liant de la couche inférieure.

7. Selon la description du brevet litigieux, la présente invention vise à obtenir un complexe d'étanchéité de conception simple, présentant des caractéristiques techniques satisfaisantes, et qui soit peu sensible aux conditions atmosphériques.

Les essais comparatifs selon le document I, portant sur quatre formulations différentes possibles d'une couche inférieure, montrent que les enrobés de reprofilage généralement utilisés avant la présente invention avec 9. % de fines et 6,2 % de liant (formule 1 de ces essais), ne présentent une compacité que de 91 % et ne sont pas imperméables. Par contre, des enrobés à plus de 10. % de fines et 7,5 % de liant (formules 2 à 4 des essais) ont une compacité d'environ 98 % et sont considérés comme "infiniment imperméables", selon les critères utilisés dans ce domaine technique. Une comparaison entre les formules 2 à 4 des essais révèle que la présence d'élastomères dans le liant de la formule 4 ne joue aucun rôle sur les propriétés de compacité et d'étanchéité de l'enrobé. En revanche, des essais de compression répété, qui évaluent une autre propriété des enrobés, à savoir leur résistance à l'orniérage, permettent de constater que l'emploi d'élastomères selon l'invention compense l'instabilité mécanique (tendance à la déformation permanente, donc à l'orniérage) qui résulte de l'augmentation en pourcentage des fines et du liant. Autrement dit, l'instabilité d'un enrobé riches en fines et en liant est corrigée selon l'invention par un additif de cohésion, tel que les élastomères. L'intimée a critiqué les conditions de ces essais, arguant de la présence de 15. % de sable roulé dans la formule 2, qui aurait pour effet de diminuer la cohésion. Toutefois, elle n'a fourni aucun essai contradictoire, qui aurait infirmé les résultats d'ensemble des essais selon le document I ou permis de confirmer ses critiques.

8. Aucun document de l'art antérieur cité ne divulgue ou ne suggère un tel enrobé pour la couche inférieure du complexe en question :

8.1. Il convient de remarquer, en préliminaire, qu'aucune des antériorités citées ne fournit des fourchettes de pourcentages de l'un ou l'autre de ces deux composants - fines et liants - de l'enrobé et donc suggère encore moins une association de plages de valeurs de ces deux composants. Pour étayer ses arguments, l'intimée a du extraire de plusieurs antériorités des valeurs ou des exemples isolés en vue de démontrer la banalité - à ses yeux - des plages revendiquées. Une telle démarche, qui résulte d'une approche a posteriori, ne peut servir à prouver l'absence d'une activité inventive.

8.2. Certes, la notice D elle-même indique déjà que la couche inférieure est formée d'un enrobé fin. Implicitement, ceci implique un pourcentage relativement élevé de sables et donc de fines. A partir de formulations isolées données dans les documents cités, il semble apparaître que, dans des enrobés fins, la teneur en fines peut au moins varier entre 7 à 16 %, mais rien ne prouve que des valeurs supérieures ou inférieures ne puissent pas être utilisées.

L'exemple type d'un enrobé MICROPLAST selon le document H donne un pourcentage de fines ("Filler") de 2 % et une teneur totale en sables de 56 %. Les fines de ces sables doivent certes être ajoutées pour obtenir la teneur totale en fines de l'enrobé,, mais, même si cette teneur finale tombait à l'intérieur de la plage revendiquée (10 à 15 %), ce qui n'est pas démontré (le document D12, dont l'intimée s'est servi pour justifier ses calculs, a été publié postérieurement à la date de dépôt du brevet en cause et ne peut donc être pris en considération), il n'en demeure pas moins qu'aucune suggestion en direction d'une détermination d'une plage appropriée ne ressort de ce document. Quant à la teneur en liant mentionnée dans ce document H, elle est extérieure au domaine correspondant revendiqué.

8.3. L'intimée s'est aussi appuyée sur le document D13 pour montrer qu'antérieurement à la présente invention une famille de couches minces "infiniment imperméables" et à haute compacité, appelée COMPOFLEX, était connue et comportait 13 % de fines, c'est-à-dire une valeur à l'intérieur de la plage revendiquée. Ce document D13, qui est un prospectus publicitaire, concerne en fait un tapis mince de surface, autrement dit une couche de roulement, et cette couche est surtout présentée comme une couche anti-fissures. Cet objectif ne correspond pas à celui de la présente invention. De plus, l'homme du métier ne reçoit de ce document aucune suggestion d'employer la couche spécifique, qui y est décrite, comme sous-couche d'un complexe d'étanchéité bi-couche. Il n'a donc aucune raison de faire un rapport entre la couche décrite dans ce document et la couche inférieure MICROPLAST du document D.

De plus, la teneur en liant indiquée pour la couche bitumeuse décrite dans ce document D13 n'est que de 7 à 8. %, donc juste aux environs de la valeur basse de la plage en liant revendiquée. Or aucune précision n'est donnée sur le liant employé, et notamment aucun liant aux élastomères n'est divulgué ni même envisagé, si bien que l'idée de la compensation mise en relief au point 7 ci-dessus ne ressort pas de l'enseignement de ce prospectus D13. De ce fait, l'homme du métier, qui chercherait à connaître la composition réelle de l'enrobé MICROPLAST, présenté comme tel par la notice D, n'a pas de raison particulière de considérer les compositions et pourcentages de l'enrobé selon D13.

9. En conclusion, l'homme du métier, partant du document D qui décrit de façon succincte la présente invention, ne peut parvenir à l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué à l'aide des autres antériorités citées. Cet objet implique donc une activité inventive au sens de l'article 56 CBE. Il en est de même pour la revendication de procédé indépendante, qui exige la pose du complexe selon la revendication 1.

DISPOSITIF

Pour ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet européen tel que délivré.

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