European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1994:T054192.19940125 | ||||||||
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Date de la décision : | 25 Janvier 1994 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0541/92 | ||||||||
Numéro de la demande : | 88400396.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | F16D 23/14 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | B | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Perfectionnements aux tubes-guides disposés entre la boîte de vitesses et l'embrayage d'un véhicule et aux joints équipant de tels tubes-guides | ||||||||
Nom du demandeur : | Hutchinson | ||||||||
Nom de l'opposant : | Firma Carl Freudenberg | ||||||||
Chambre : | 3.2.01 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Examen de l'opposition - recevabilité (non) Nouveauté - usage antérieur - caractère confidentiel (oui) Admissibility of opposition - not contested by the patentee - examination (yes) Admissible opposition (no) Novelty - public prior use (no) |
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Exergue : |
La chambre est tenue d'examiner, en vertu de l'article 101(1), la recevabilité de l'opposition formée, même si le défaut de recevabilité n'a pas été invoqué par le breveté pendant l'opposition, ni pendant le recours. Un projet d'équipement transmis par un sous-traitant à son client n'est pas dans la pratique courante, communiqué aux entreprises concurrentes ni, par suite, au public. Jusqu'à preuve contraire, cet usage antérieur doit donc être considéré comme n'étant pas public. |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. L'intimée est titulaire du brevet européen n 0 284 457 (n de dépôt : 88 400 396.3).
La revendication 1 du brevet s'énonce comme suit :
"1. Tube-guide épaulé destiné à recevoir la portion de l'arbre de transmission d'un véhicule, disposée entre la boîte de vitesses et l'embrayage, composé d'un premier tronçon tubulaire (1) propre à recevoir intérieurement le roulement (2) de sortie de la boîte et d'un second tronçon tubulaire épaulé (3) comprenant un bout de cylindre (4) relativement court emmanché jointivement dans le premier tronçon (1) et contenant un joint à lèvre lui-même composé d'une armature rigide (12) et d'une garniture élastique (15) et un bout de cylindre (5) relativement long et de plus petit diamètre que le précédent, propre à recevoir extérieurement le roulement de la butée d'embrayage, ces deux bouts étant raccordés l'un à l'autre par une collerette intermédiaire (6), la face cylindrique interne du premier tronçon comprenant un ressaut annulaire (7) de butée axiale, caractérisé en ce que l'armature rigide (12) du joint à lèvre présente une forme telle qu'elle soit interposée axialement sans jeu entre le ressaut (7) du premier tronçon (1) et la collerette (6) du second tronçon (3) et en ce que la garniture élastique (15) dudit joint comprend des portions (16, 18, 19) interposées entre ladite armature rigide (12) et les deux tronçons tubulaires (1, 3) de façon à assurer l'étanchéité entre ces deux derniers."
II. La requérante a fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen en cause.
Pour contester l'activité inventive, elle a opposé un usage antérieur fondé sur un croquis D1 portant sur un joint d'étanchéité et un dessin d'atelier D2 portant sur un joint d'étanchéité modifié, qui aurait été établi à partir du croquis D1. Le croquis D1 et le dessin d'atelier D2 ont été versés au dossier dans le délai d'opposition.
Après l'expiration du délai de neuf mois, la requérante a déposé une déclaration dans laquelle le signataire affirmait sous la foi du serment qu'il était l'auteur du croquis D1 et que le croquis en question avait été adressé sans obligation de secret à la société cliente TORRINGTON en Angleterre, avant la date de priorité du brevet européen en cause.
IV. Par décision en date du 14 avril 1992, la Division d'opposition a rejeté l'opposition et maintenu le brevet européen tel que délivré. Elle a estimé que l'invention revendiquée ne résultait pas à l'évidence de l'usage antérieur invoqué, qu'elle présentait en conséquence l'activité inventive requise et que, dès lors, il était inutile d'examiner si l'usage antérieur invoqué avait été rendu accessible au public.
V. Par lettre reçue le 12 juin 1992, la requérante (opposante) a formé un recours contre la décision de rejet de l'opposition, simultanément réglé la taxe correspondante et déposé un mémoire dûment motivé.
VI. Par notification en date du 4 octobre 1993, la Chambre de recours a estimé que :
- l'opposition formée ne satisfaisait pas aux conditions de la règle 55(c) CBE et n'était donc, semble-t-il, pas recevable ; et
- l'usage antérieur allégué n'avait pas été, selon toute vraisemblance, rendu accessible au public.
VII. La requérante n'a pas déposé d'observations en réplique à la notification de la Chambre de recours.
Elle demande l'annulation de la décision attaquée et la révocation complète du brevet européen en cause.
VIII. L'intimée (titulaire du brevet) sollicite le rejet du recours.
Elle approuve les motifs exposés dans la notification de la Chambre de recours.
Au surplus, elle fait valoir que même si l'usage antérieur allégué portant sur un simple joint avait été public, il n'aurait pas été suffisant pour antérioriser la présente invention relative à l'étanchéité d'une portion épaulée spéciale d'un tube-guide.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 CBE ; il est recevable.
2. Sur l'obligation pour la Chambre d'examiner la recevabilité de l'opposition formée :
Pas plus dans la procédure d'opposition que pendant celle du recours, l'intimée (titulaire du brevet) n'a soutenu l'irrecevabilité de l'opposition formée et c'est seulement à l'occasion du recours que la Chambre, dans sa notification en date du 4 octobre 1993 a pris position sur la recevabilité.
Il y a donc lieu d'examiner si la Chambre pouvait, de sa propre initiative, considérer la recevabilité de l'opposition formée en recours alors que cette question n'avait pas été débattue en première instance ni soulevée lors de la procédure de recours par l'intimée (titulaire du brevet).
L'article 101(1) CBE dispose que l'opposition est examinée, "si elle est recevable". L'examen au fond de l'opposition ne peut donc avoir lieu qu'après que la question de la recevabilité a été examinée, et seulement dans le cas où l'opposition est reconnue recevable.
Et à l'inverse, si l'opposition est irrecevable, la procédure d'examen au fond ne s'ouvre pas ; et une Chambre de recours ou une Division d'opposition ne peut non plus sur le fondement de l'article 114(1) CBE, procéder d'office à l'examen quant au fond de l'opposition (voir décision T 328/87, JO OEB 1992, 701 ; point 4 des motifs).
Il s'ensuit que la Chambre est tenue d'examiner la recevabilité de l'opposition formée, même si ce motif n'a pas été soutenu par le titulaire du brevet.
3. Sur la recevabilité de l'opposition formée :
3.1. Pour qu'une opposition soit recevable, l'acte d'opposition doit, en vertu de la règle 55(c) CBE comporter :
(i) une déclaration précisant la mesure dans laquelle le brevet européen est mis en cause par l'opposition ;
(ii) une indication des motifs sur lesquels l'opposition se fonde ;
(iii) ainsi qu'une indication des faits et justifications invoqués à l'appui de ces motifs.
Selon la décision T 328/87 susvisée, la troisième condition (iii) énoncée à la règle 55(c) CBE est, dans le cas d'une opposition fondée sur un usage antérieur, satisfaite, s'il est possible de déterminer :
a) la date de l'usage antérieur, ce qui revient à s'interroger sur son existence même avant la date de dépôt dont bénéficie le brevet européen en cause ;
b) l'objet de l'usage, ce qui revient à vérifier si le dispositif ayant fait l'objet de l'usage antérieur est identique ou similaire à celui faisant l'objet du brevet européen en cause ; et
c) toutes les circonstances qui l'ont rendu accessible au public, par exemple le lieu et le mode d'exploitation.
3.2. L'acte d'opposition comportait la déclaration suivante (après traduction dans la langue de la procédure) :
L'annexe 1 montre un croquis établi le 3 mars 1986 qui, sans obligation de secret, a été soumis à notre cliente TORRINGTON en Angleterre. Ce croquis a pu, par suite, sans l'intervention d'un tiers, être rendu public. L'annexe 2 montre le dessin d'atelier de TORRINGTON qui résulte de ce croquis et qui a été établi environ un an plus tard, le 16 février 1987.
Comme justification invoquée à l'appui de l'usage antérieur, la requérante a versé au dossier avant l'expiration du délai d'opposition, le croquis D1 et le dessin d'atelier D2. L'attestation sous la foi du serment de l'auteur du croquis D1 a été produit après l'expiration du délai d'opposition. Elle ne peut pas être pris en considération dans l'appréciation de la recevabilité étant donné que l'acte d'opposition ne comporte aucune indication sur cette attestation. En effet, la règle 55(c) CBE n'impose que de l'indiquer et non de la fournir, ceci pouvant se faire en cours de procédure.
3.3. Dans le cas d'espèce, les critères a) et c) ci-dessus ne sont pas remplis. En effet, le croquis D1 porte une date manuscrite qui est celle du 3 mars 1986. Une telle date est, selon l'acte d'opposition, celle de l'établissement du croquis. L'acte d'opposition ne fournit aucune indication sur la date à laquelle cet envoi a effectivement eu lieu et ne mentionne aucun justificatif permettant d'en établir la date. Dans la déclaration déposée après le délai d'opposition, il est affirmé sous la foi du serment que le croquis D1 a été adressé à la société cliente avant le 24 février 1987 qui est la date de priorité dont bénéficie le brevet européen en cause.
Même si l'on prenait en considération cette déclaration dans l'appréciation de la recevabilité, on saurait simplement que le croquis D1 établi le 3 mars 1986 a été transmis avant la date de priorité du brevet européen en cause. En fait, cela revient à alléguer que l'envoi du croquis est antérieur à la date de priorité sans préciser la date effective d'envoi.
La troisième exigence (critère c) ci-dessus) n'est pas non plus satisfaite. En effet, les faits allégués, à savoir l'envoi d'un croquis sans obligation de secret à une société cliente, ne sont pas suffisamment précisés dans l'acte d'opposition ; au surplus aucune indication des justifications appropriées, telles que par exemple lettre d'accompagnement du croquis D1, échange de courriers à ce sujet entre les deux sociétés, noms et adresses de témoins, etc. ne figurent dans l'acte d'opposition.
Il s'ensuit que l'acte d'opposition ne satisfaisait pas, à l'expiration du délai de neuf mois, aux deux critères a) et c) précités et par suite, à la troisième condition de la règle 55(c) CBE.
Force est donc de constater que l'acte l'opposition est entaché d'une insuffisance irrémédiable et qu'il y a donc lieu de rejeter l'opposition comme irrecevable conformément à la règle 56(1) de la CBE et, par suite, le recours formé.
4. Sur l'accessibilité au public de l'usage antérieur allégué
Bien que, en l'espèce, l'examen quant au fond de l'opposition ne soit pas ouvert, la question de l'accessibilité de l'usage à des tiers a été débattue aussi bien en opposition qu'en recours. La Chambre désire faire à ce sujet les observations suivantes :
4.1. Pour qu'un usage antérieur puisse être opposé dans l'appréciation de la nouveauté ou de l'activité inventive, il faut qu'il fasse partie de l'état de la technique défini à l'article 54 paragraphe 2 CBE. Selon cette définition, l'état de la technique comprend "tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen".
4.2. On considère qu'un dispositif a été rendu accessible au public par un usage antérieur, s'il avait été possible à des membres du public de prendre connaissance de ce dispositif et si ce dernier n'était soumis à aucune mesure visant à préserver son caractère confidentiel.
Il convient aussi de préciser que selon la jurisprudence des Chambres de recours, la méthode habituellement appliquée en la matière consiste à rechercher la probabilité des faits allégués, c'est-à-dire de déterminer si ces faits ont eu plus de chance de se produire que de ne pas se produire (voir par exemple décision T 953/90 du 12 mai 1992, point 2.3 des motifs).
Dans le cas d'espèce, la requérante qui fabrique des joints d'étanchéité a, par l'envoi du croquis D1 soumis à sa cliente, la société TORRINGTON, un projet de joint d'étanchéité. Un tel joint se trouvait, à la date d'envoi du croquis, en l'état d'étude préparatoire ou d'avant- projet, puisqu'il s'agissait d'un simple croquis ne portant aucune indication. Il y a eu également échange de propositions entre ces deux sociétés, étant donné que la société TORRINGTON aurait adressé à la requérante un dessin d'atelier (document D2) lequel, bien qu'établi à partir du croquis D1 porte sur un joint substantiellement différent. Au surplus, il ressort du dossier d'examen que la société TORRINGTON fabrique entre autres, des tubes- guides mettant en oeuvre des joints d'étanchéité.
La requérante agissant, par conséquent, en qualité de sous-traitante a soumis à la société TORRINGTON un projet de joint d'étanchéité destiné à équiper un tube-guide.
Il apparaît improbable que ce projet d'équipement ait été rendu public. Pas plus la société TORRINGTON que la requérante n'avaient en effet intérêt à le divulguer. Dans la pratique courante, les projets d'équipement portant sur des organes ou dispositifs sont gardés secrets dans le but de ne pas les rendre accessibles aux entreprises concurrentes et ainsi aux membres du public. En l'absence de preuve contraire, cet usage antérieur doit donc être considéré comme n'étant pas public.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.