T 0597/92 (Réaction de réarrangement) of 1.3.1995

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1995:T059792.19950301
Date de la décision : 01 Mars 1995
Numéro de l'affaire : T 0597/92
Numéro de la demande : 81200211.1
Classe de la CIB : C07C 67/475
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : BLASCHIM
Nom de l'opposant : Syntex Pharmaceuticals
Chambre : 3.3.01
Sommaire : Rien dans la CBE n'indique que l'on peut fonder l'existence d'une activité inventive au moyen d'un disclaimer. Un disclaimer n'est admis exceptionnellement, pour éviter la destruction de la nouveauté par une antériorité, que lorsqu'il n'est pas possible de restreindre en termes positifs l'objet d'une revendication en se fondant sur la divulgation initiale, sans nuire indûment à la clarté et à la concision de l'exposé.
Le risque d'une éventuelle contestation de la nouveauté de l'invention devant les tribunaux d'un Etat contractant ne saurait constituer une raison suffisante au send de la CBE pour admettre un disclaimer dés lors que ni les arguments présentés à l'OEB, ni les pièces figurant au dossier ne prouvent que ce risque est réel.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 87(1)
European Patent Convention 1973 Art 107
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
Mot-clé : Requête principale - disclaimer non autorisé lorsque la nouveauté n'est pas concrètement mise en cause
Première requête subsidiaire - nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Solution non évidente
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0009/91
T 0004/80
T 0002/83
T 0433/86
T 0170/87
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/16
T 0653/92
T 0710/92
T 0681/94
T 0716/94
T 0916/94
T 0542/95
T 0052/96
T 0259/96
T 0491/96
T 0571/96
T 0339/98
T 0451/99
T 0507/99
T 0944/99
T 0827/00
T 0002/01
T 0346/01
T 0853/02
T 1028/02

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 81 200 211.1 en date du 23 février 1981, revendiquant la priorité de deux demandes déposées en Italie le 26 février et le 7 août 1980 sous les nos 2 018 780 et 2 404 580, a donné lieu à la délivrance du brevet européen n° 0 035 305, comportant 13 revendications.

II. Trois oppositions ont été formées contre ce brevet, mais deux d'entre elles ont été retirées ; invoquant les motifs énoncés à l'article 100 a) CBE uniquement en ce qui concerne les revendications 1, 2, 3 et 4, le seul opposant restant en lice a demandé la révocation du brevet.

Sur les nombreux documents cités au cours de la procédure d'opposition, quatre seulement sont restés pertinents :

1) Une thèse de doctorat de M. Graziano Castaldi, intitulée "Sintesi di acidi Arilaccetici di interesse farmaceutico : Reazione di -Alo-Alchilarilchetoni e loro Metilchetali con sali di Argento" (Synthèse d'acides arylacétiques présentant un intérêt pharmaceutique : Réactions de cétones d' -haloalkylaryle et de leurs cétals de méthyle avec des sels d'argent (i)).

2) J. Am. Chem. Soc., 93, pp. 711 à 716 (1970) ;

3) Tetrahedron Letters, N 32, pp. 3 013 à 3 016 (1973), et

4) Tetrahedron, 30, pp. 141-149 (1974).

III. Par décision orale en date du 12 mars 1992, dont les motifs ont été publiés le 24 avril 1992, le brevet a été maintenu sous une forme modifiée, conformément à la requête principale présentée par le titulaire du brevet lors de la procédure orale devant la division d'opposition.

La revendication 1 selon la requête principale est libellée comme suit :

"1. Procédé de préparation de produits répondant à la formule générale :

FORMULE

dans laquelle

R est choisi dans le groupe consistant en un atome d'hydrogène et un atome de brome ; et

Y est choisi dans le groupe consistant en un radical alkyle en C1- C6, un radical haloalkyle en C2-C6, et un radical benzyle ; qui consiste à soumettre à réarrangement des produits répondant à la formule générale

FORMULE

dans laquelle

R a la signification indiquée ci-dessus ;

R' est choisi dans le groupe consistant en un radical alkyle en C1- C6 et un radical benzyle ;

R" est choisi dans le groupe consistant en un radical alkyle en C1- C6 et un radical benzyle ;

R' et R" forment ensemble un radical alkylène en C2-C6 qui, avec le groupe

FORMULE

forme un anneau hétérocyclique ;

X représente un atome d'halogène, en présence d'un acide de Lewis, à l'exclusion d'Ag+."

Les revendications 2 à 5 étaient dépendantes de la revendication 1, et les revendications 6 à 13 avaient trait à des cétals pouvant servir de produits de départ dans le procédé revendiqué.

IV. La division d'opposition a essentiellement considéré que la priorité des documents antérieurs ne pouvait pas être valablement revendiquée, sauf en ce qui concerne le mode de réalisation particulier décrit dans la revendication 5, où il est précisé que l'acide de Lewis est du CuCl ; par conséquent, le document (1), publié le 10 avril 1980, c'est-à-dire avant le dépôt de la demande de brevet, représentait bien l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE.

La division d'opposition a néanmoins estimé que l'objet des revendications 1 à 4 était nouveau et impliquait une activité inventive.

Elle a notamment considéré que le document (1) (la thèse de M. Castaldi), dans lequel est décrite une réaction de réarrangement comparable à celle revendiquée lorsqu'elle fait intervenir un sel d'argent actif, représentait l'état de la technique le plus pertinent. Les principales raisons l'ayant amenée à reconnaître qu'il y avait activité inventive sont les suivantes : i) la réaction de réarrangement décrite dans la thèse n'était pas censée entraîner la formation de cétals comme agents intermédiaires, ii) dans le procédé revendiqué, il a été pour la première fois admis que, pour provoquer la réaction de réarrangement en question, on pouvait utiliser non seulement des sels d'argent, mais également d'autres acides de Lewis et iii) pour la première fois, on s'est rendu compte qu'avec ces acides de Lewis, on pouvait employer un agent de réarrangement dans des concentrations inférieures aux proportions stoechiométriques.

Il n'a pas été considéré que les documents 2, 3 et 4 apportaient d'autres informations valables.

V. Le requérant (opposant) s'est pourvu contre cette décision.

La procédure orale, à laquelle le requérant, dûment cité, n'était pas représenté, a eu lieu le 1er mars 1995.

Dans le mémoire exposant les motifs de son recours, le requérant a essentiellement fait valoir que le procédé revendiqué découlait à l'évidence de l'état de la technique ; en effet, i) des réactions du type de celle obtenue en suivant ce procédé, consistant à provoquer le réarrangement de cétals de structure similaire en faisant intervenir des ions (i) d'argent, étaient déjà connues d'après le document (1) (la thèse) ; ii) un homme du métier pouvait se rendre compte que les sels d'argent sont des acides de Lewis et iii) par conséquent, il pouvait lui venir à l'esprit que, pour parvenir à la réaction de réarrangement revendiquée, on pouvait utiliser des acides de Lewis autres que des sels (i) d'argent .

Une note du Professeur R. Gompper a été remise à l'appui de cette argumentation. Dans cette note, comme dans le mémoire exposant les motifs du recours, de nombreux autres documents sont cités à titre de référence.

Le requérant a en outre fait valoir que le déclenchement du réarrangement des -halocétones par la réaction de l'agent de réarrangement avec l'atome d'alphahalogène était un phénomène connu, de même que le fait que les halogénures d'argent sont pratiquement insolubles. Aussi était-il évident que l'on pouvait utiliser comme agent de réarrangement non pas de l'argent mais des acides de Lewis formant des sels plus solubles avec les halogénures, ce qui permettait de conserver le catalyseur sous forme d'une solution et donc d'employer l'agent de réarrangement dans des concentrations inférieures aux proportions stoechiométriques.

Enfin, un essai comparatif avait démontré que l'oxyde de cuivre et l'oxyde d'argent agissent de la même manière et provoquent par catalyse la réaction de réarrangement revendiquée.

VI. Dans ses conclusions écrites ainsi que lors de la procédure orale devant la chambre de recours, l'intimé (titulaire du brevet) a soutenu que le procédé revendiqué impliquait une activité inventive dans la mesure où i) aucun des procédés décrits dans les documents cités n'utilisait comme produits de départ des cétals identiques à ceux employés dans le procédé revendiqué, ni ne faisait intervenir les mêmes produits de réaction et ii) aucun de ces documents ne suggérait que le sel d'argent employé dans le procédé décrit dans la thèse agissait comme un acide de Lewis et que l'on pouvait le remplacer par toute une classe de composés, a fortiori par l'un des sels de métaux énumérés dans la revendication 1 selon la première requête subsidiaire.

L'intimé a enfin allégué que puisqu'il n'était pas évident que l'on pouvait remplacer le sel d'argent par un autre produit chimique, les données fournies par le requérant à titre de comparaison n'étaient pas pertinentes.

VII. Les deux opposants qui avaient retiré leur opposition mais étaient de droit parties à la procédure en vertu de l'article 107 CBE n'ont fait aucun commentaire devant la Chambre de recours, et n'ont pas formulé la moindre requête.

VIII. Le requérant a maintenu ce qu'il avait demandé par écrit, à savoir l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.

L'intimé quant à lui a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu soit sur la base des revendications présentées à titre de requête principale lors de la procédure orale devant la division d'opposition, soit sur la base de l'un des jeux de revendications selon l'une des deux requêtes subsidiaires présentées durant la procédure orale le 1er mars 1995.

IX. La revendication 1 selon la première requête subsidiaire est libellée dans les mêmes termes que la revendication 1 selon la requête principale, à ceci près qu'à la fin, les mots "en présence d'un acide de Lewis autre que Ag+" ont été remplacés par :

"en présence d'un acide de Lewis agissant comme un catalyseur et choisi parmi les sels organiques et inorganiques du cuivre, du magnésium, du calcium, du zinc, du cadmium, du baryum, du mercure, de l'étain, de l'antimoine, du bismuth, du manganèse, du fer, du cobalt, du nickel et du palladium".

X. A l'issue de la procédure orale, la Chambre a annoncé qu'elle avait décidé de maintenir le brevet sur la base de la première requête subsidiaire.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Etant donné que l'opposition formée par le requérant contre le brevet litigieux ne concernait que les revendications 1 à 4, il n'est pas possible d'examiner ici les revendications de produit 6 à 13 ; la Chambre n'en a d'ailleurs pas le droit. Comme la modification de la revendication dépendante 5 selon la requête principale ou selon la première requête subsidiaire découlait de la nécessité pour l'intimé de trouver une réponse adéquate aux arguments développés par l'opposant, à un moment où la situation en matière d'antériorité était incertaine, la Chambre doit également vérifier si la revendication 5 remplit les conditions fixées par la CBE (cf. G 9/91, JO OEB 1993, 408, notamment les points 7, 10 et 11 de l'exposé des motifs).

3. Requête principale

L'objet de la revendication 1 a été restreint par un disclaimer indiquant qu'il est exclu que le procédé revendiqué puisse être mis en oeuvre en présence d'ions (i) d'argent.

Toutefois, d'après la jurisprudence constante des chambres de recours, un disclaimer ne peut être admis que dans des circonstances assez exceptionnelles, lorsqu'il s'agit de conférer un caractère de nouveauté à l'objet d'une revendication se recoupant avec l'état de la technique, même si rien dans la demande initiale ne sert de support à l'élément exclu (cf. décisions T 4/80, JO OEB 1982, 149, et T 433/86 en date du 11 décembre 1987, non publiée dans le JO de l'OEB) ; en dehors de ces cas d'exception, un disclaimer ne peut en aucune façon être utilisé pour rendre inventif l'objet d'une revendication, car cela reviendrait en fait à ajouter une nouvelle caractéristique (négative) constituant un élément non mentionné dans la demande initiale, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 123(2) CBE (cf. décision T 170/87, JO OEB 1989, 441). Par conséquent, comme il a déjà été constaté dans la décision T 4/80, la formulation d'un disclaimer n'est admise exceptionnellement, àpour éviter la destruction de la nouveauté par une antériorité, que lorsqu'il n'est pas possible de restreindre en termes positifs l'objet d'une revendication en se fondant sur la divulgation initial sans nuire indûment à la clarté et à la concision de l'exposé. Il est donc clair que lorsque du fait de la divulgation d'une technique antérieure, il est nécessaire de supprimer certains éléments d'une revendication, le titulaire du brevet doit normalement utiliser des caractéristiques techniques positives.

Dans la présente espèce, le document (1) ne divulgue pas un procédé comparable à celui présenté dans la version actuelle, non modifiée, de la revendication 1 sur la base de laquelle le brevet a été délivré ; aussi ne peut-on pas considérer que ce document est destructeur de nouveauté. Le disclaimer n'a donc pas eu pour but d'exclure un élément connu d'après ledit document (1), mais de conférer un caractère inventif au procédé décrit dans la revendication modifiée, par rapport au procédé déjà connu ; or, la Chambre est d'avis que rien dans la CBE n'autorise une telle approche.

L'intimé soutient qu'en règle générale, les disclaimers de ce type devraient néanmoins être admis, même lorsque la nouveauté de l'objet de la revendication non modifiée n'est pas contestée. En d'autres termes, ils devraient être admis même lorsqu'ils ont uniquement pour but de conférer un caractère inventif à l'objet revendiqué. Une telle démarche peut, selon lui, se justifier, car les chambres de recours ne doivent pas s'en tenir uniquement aux conclusions, documents et arguments qui leur sont soumis dans le cadre de la procédure de recours, mais doivent également envisager l'avenir probable du brevet européen, lequel est appelé à se transformer en un faisceau de brevets nationaux ; les chambres de recours doivent notamment tenir compte du fait que des actions en contestation de la nouveauté, basées sur des documents n'ayant jamais été communiqués auparavant dans le cadre de la procédure devant l'OEB ou une chambre de recours, pourraient éventuellement être engagées devant les tribunaux d'un Etat contractant. En d'autres termes, les disclaimers du type de celui qu'il cherche à faire admettre devraient être autorisés de manière à éviter tout risque de contestation de la nouveauté de l'objet du brevet fondée sur des éléments non portés à la connaissance de l'OEB.

La Chambre est bien consciente du fait que si l'intimé met tant d'empressement à asseoir la validité de son brevet, c'est parce que celui-ci pourrait être attaqué devant les tribunaux d'un ou de plusieurs Etats contractants. Une telle volonté, au demeurant compréhensible, ne saurait, quelle que soit la base juridique invoquée, influer sur les délibérations et l'opinion des chambres de recours, qui sont tenues d'agir en toute indépendance (cf. décisions G 9/91 et G 10/91), et doivent par conséquent toujours statuer en se référant uniquement aux conclusions, documents et arguments qui leur ont été soumis dans le strict cadre de la procédure de recours. Aussi la thèse de l'intimé doit-elle être rejetée d'emblée.

4. Première requête subsidiaire

4.1 Modifications

Le jeu de revendications selon la première requête subsidiaire diffère de celui sur la base duquel le brevet a été délivré par l'indication, dans la revendication 1, que l'acide de Lewis "agit comme un catalyseur" et que seuls peuvent être employés comme acides de Lewis les sels organiques et inorganiques de métaux d'un groupe donné. La revendication 2, indépendante dans la demande initiale, a été transformée en une revendication dépendante, et il est précisé que le seul dérivé cuivreux utilisable comme acide de Lewis suivant la revendication 5 est le CuCl.

Il est clair que le fait d'avoir introduit une restriction quant aux acides de Lewis susceptibles d'être utilisés, d'avoir transformé une revendication indépendante en une revendication dépendante et précisé que les acides de Lewis servent de catalyseurs n'a pas pour effet d'étendre la protection conférée par le brevet.

De plus, étant donné qu'il était spécifié dans la demande initiale que les acides de Lewis utilisés agissent comme des catalyseurs (cf. page 3, lignes 3 à 7), et que les sels inorganiques et organiques des métaux spécifiques utilisés dans la réaction de réarrangement selon les revendications 1 et 5 étaient décrits aux lignes 15 à 20 ainsi qu'à la ligne 24 de la page 3, on ne peut pas considérer que des éléments nouveaux ont été ajoutés par rapport au contenu de la demande initiale.

Les revendications 3 et 4 sont identiques aux revendications 3 et 4 du brevet. Elles n'ont été ni modifiées, ni remises en cause par le requérant.

Les conditions requises par l'article 123(2) et (3) CBE sont donc remplies.

4.2 Priorité

Dans le brevet litigieux, il est revendiqué la priorité des demandes de brevet italiennes n° 2 018 780 et 2 404 580 en date du 26 février 1980 et du 7 août 1980.

En vertu de l'article 87(1) CBE, un demandeur ne peut jouir d'un droit de priorité découlant d'une demande de brevet antérieure que si celle-ci se rapporte à la même invention ; par conséquent, pour décider si le brevet litigieux peut revendiquer la priorité de l'un des documents susmentionnés, il convient de déterminer si les documents de priorité décrivent bien tous la même invention, en d'autres termes, si leur objet est le même que celui décrit dans le jeu de revendications. Le principal critère à cet égard est de se demander si l'invention revendiquée est pour l'essentiel divulguée dans ces documents de priorité, soit de manière explicite, soit par des allusions directes et sans ambiguïté dans le texte, considéré dans son ensemble, de l'un de ces documents.

Tout comme le procédé revendiqué, la demande de brevet italienne n° 2 018 780 porte sur une réaction de réarrangement, mais d'après ce document, seule la présence d'un sel de cuivre monovalent est nécessaire pour provoquer cette réaction (cf. page 4, dernier paragraphe ; page 6, deuxième et dernier paragraphe ; page 7, lignes 2 à 5 et 9 à 11 ; exemples 9 à 31, ainsi que les revendications 1 et 17) ; il n'est pas mentionné que l'on peut également utiliser un sel cuivrique ou le sel d'un autre métal.

Qui plus est, contrairement au procédé selon la revendication 1, les deux demandes de brevet italiennes ne précisent absolument pas que le radical naphtyle peut être remplacé dans sa position 5 par du brome.

Compte tenu de ces différences, la Chambre ne saurait considérer que le procédé revendiqué "se rapporte à la même invention" que celle décrite dans les documents de priorité (article 87(1) CBE). Le brevet en litige ne peut donc pas revendiquer la priorité de ces deux documents.

Par voie de conséquence, le document (1), rendu accessible au public le 10 avril 1980, faisait partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE ; ce fait n'a plus été contesté durant la procédure de recours.

4.3 Nouveauté

De tous les documents cités pendant les procédures d'opposition et de recours, le seul à traiter du réarrangement de cétals de 2-halo- 1-(2'-naphtyl)-propanone en acide 2-(6'-méthoxy-2'-naphtyl) propionique et en un ester de cet acide est le document (1).

Toutefois, comme ce document ne traite que de réactions de réarrangement en présence de sels (i) d'argent (voir par exemple page 32, lignes 1 et 2, ainsi que le dernier paragraphe), sans mentionner la présence de sels d'autres métaux, on ne peut pas considérer qu'il détruit la nouveauté de la revendication 1, qui ne prévoit pas l'utilisation de sel d'argent. Le requérant n'a plus contesté ce point.

4.4 Activité inventive

4.4.1 Le brevet litigieux porte sur un procédé pour obtenir de l'acide 2-(6'-méthoxy-2'-naphtyl) propionique et des esters de cet acide par le réarrangement d'un cétal de 2-halo-1-(6'-méthoxy-2'- naphtyl)-propanone (cf. page 2, lignes 3 et 4).

Le document (1) ayant été considéré comme faisant partie de l'état de la technique (voir point 4.2 ci-dessus), les parties n'ont plus contesté que la réaction de réarrangement en présence d'ions d'Ag+ qu'il décrit constituait l'état de la technique le plus proche.

Ce document traite des réactions de réarrangement d'un 1-(6'- méthoxy-2'-naphtyl)-2 halo-propanone en présence d'un ion d'argent en vue de l'obtention d'acide 2-(6'-méthoxy-2'-naphtyl) propionique ou d'esters de cet acide, comme décrit au deuxième paragraphe de la page 58, combiné avec l'avant-dernier composé indiqué au tableau 9 de la page 59 du document (1).

4.4.2 Donc, si l'on part du document (1), on peut considérer que le problème à résoudre était de trouver un autre procédé pour préparer de l'acide 2-(6'-méthoxy-2'-naphtyl) propionique ou des esters de cet acide.

4.4.3 Ce problème est résolu en transformant la cétone en un cétal ; cette réaction de réarrangement est conduite en présence d'un sel de métal, comme indiqué dans la revendication 1. Au vu des exemples fournis dans le brevet litigieux, la Chambre estime que le procédé revendiqué représente une manière crédible de résoudre le problème posé.

4.4.4 Un rapide examen de la liste des documents sur les réactions entraînant le réarrangement des cétones d' -haloalkylaryle, qui figure au dernier paragraphe de la page 30 du document (1), montre clairement que, i) en présence d'ions (i) d'argent, les cétals de cétones secondaires d' -haloalkylaryle comme ceux servant de produits de démarrage dans le procédé revendiqué sont réarrangés de manière sélective, sans solvolyse, et que, ii) on n'observe pas cette sélectivité lorsque les cétones sont traitées avec des ions (i) d'argent.

Il ne saurait donc être surprenant qu'un homme du métier souhaitant transformer une cétone du type de celles décrites au tableau 9 du document (1) afin d'obtenir un acide 2-(6'-méthoxy-2'-naphtyl) propionique, ou un ester de cet acide, et éviter toute autre réaction, comme par exemple une solvolyse, transforme la cétone en un cétal avant de lancer la réaction de réarrangement.

4.4.5 La dernière question à trancher est de savoir si, pour l'homme du métier, il était ou non évident que l'on pouvait utiliser comme agent de réarrangement non pas du sel (i) d'argent, mais l'un des sels de métaux mentionnés dans la revendication 1.

Le requérant a fait valoir en substance que c'est bel et bien ce qu'aurait fait l'homme du métier, car il se serait rendu compte que le sel d'argent utilisé dans la réaction de réarrangement décrite par le document (1) était un acide de Lewis et qu'il était probable que d'autres acides de Lewis tels que les sels de métaux employés dans le procédé revendiqué conviendraient pour favoriser le réarrangement.

Cependant, aucun des documents cités lors des procédures d'opposition et de recours ne décrit ni même ne suggère une réaction de réarrangement de cétones d' -haloalkylaryle dans laquelle l'agent de réarrangement utilisé aurait été choisi parce que c'est un acide de Lewis, y compris en ce qui concerne les réactions faisant intervenir un sel d'argent.

Plus précisément, le document (1) avait pour objet de vérifier s'il est possible d'obtenir des esters en faisant réagir des cétones d' -haloalkylaryle avec des sels (i) d'argent (cf. page 32, lignes 1 et 2) ; or rien, que ce soit dans la partie descriptive ou dans la partie expérimentale de ce document, ne suggère que l'on pourrait utiliser des agents autres que des sels (i) d'argent ; cela n'a de toute évidence jamais été dans les intentions de l'auteur de la thèse, dans laquelle il est indiqué notamment que "les informations obtenues ont permis de définir une méthode générale (c'est la Chambre qui souligne) pour réaliser la synthèse d'esters arylacétiques à partir de cétones d' -haloalkylaryle primaires et secondaires et des cétals méthyle de cétones primaires" (page 4, lignes 1 à 5)". De plus, toutes les réactions de réarrangement décrites dans la littérature concernant le réarrangement de cétones d' -haloalkylaryle citée aux pages 19 à 30 du document (1), ainsi que dans les documents (2), (3) et (4), font intervenir des ions d'argent ; il n'est suggéré nulle part qu'elles pourraient être obtenues au moyen d'un autre produit chimique (voir le résumé page 711 du document (2), le paragraphe allant du bas de la page 3 014 jusqu'au début de la page 3 015 du document (3), et le résumé page 141 du document (4)).

Dans ces conditions, la Chambre estime que le requérant n'a pas démontré que l'un quelconque des documents antérieurs suggérait qu'un produit autre que les sels (i) d'argent pouvait convenir pour le réarrangement des cétals utilisés comme produits de départ conformément au procédé revendiqué.

4.4.6 Il n'a jamais été contesté que les ions (i) d'argent sont des acides de Lewis ni que, par conséquent, un homme du métier aurait pu assimiler la réaction de réarrangement faisant intervenir du sel (i) d'argent, telle que décrite à la page 58 du document (1), à une réaction avec un acide de Lewis. Toutefois, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, il ne suffit pas, pour démontrer le caractère évident du procédé revendiqué, d'affirmer qu'un homme du métier aurait pu considérer à la lecture du document (1) que le sel (i) d'argent est un acide de Lewis, encore faut-il démontrer de façon crédible que c'est bien ainsi que l'homme du métier aurait interprété ce document (cf. T 2/83, JO OEB 1984, 265).

Comme, dans la présente espèce, l'état de la technique ne donne pas le moindre indice quant à la possibilité d'utiliser un autre agent que le sel d'argent pour faciliter le réarrangement des cétones d' -haloalkylaryle ou de leurs cétals, la seule chose que l'homme du métier pouvait déduire de ce document était que la présence d'ions d'argent est nécessaire à la conduite de la réaction de réarrangement ; la Chambre ne voit pas pourquoi l'homme du métier aurait interprété ce document comme signifiant que, dans cette réaction, l'ion (i) d'argent agit comme un acide de Lewis.

Par voie de conséquence, la Chambre estime qu'il n'était pas évident que l'on pouvait, dans la réaction décrite à la page 58 du document (1), remplacer le sel (i) d'argent par un acide de Lewis quelconque, ni a fortiori par le sel de l'un des métaux spécifiques mentionnés dans la revendication 1 du brevet litigieux.

4.4.7 Dans la mesure où la seule conclusion possible de ce qui précède est qu'à la date de dépôt de la demande sur la base de laquelle le brevet litigieux a été délivré, il n'était pas évident que l'on pouvait remplacer le sel (i) d'argent utilisé dans la réaction décrite dans le document (1), les données fournies à titre de comparaison pour montrer que l'oxyde de cuivre et l'oxyde d'argent peuvent de la même manière faciliter la réaction revendiquée ne constituent pas une preuve valable de l'absence d'activité inventive, comme l'affirme le requérant.

4.4.8 En réponse aux arguments développés par la division d'opposition pour expliquer sa décision de maintenir le brevet sous une forme modifiée, le requérant, dans ses conclusions écrites, a cité un grand nombre de documents portant sur l'utilisation de sels d'argent et d'autres agents dans les réactions de réarrangement en général ; ces références ont également été citées dans la déclaration du Professeur R. Gompper. Mais, comme aucun de ces documents n'était plus pertinent que les documents (1) à (4), il n'en n'a pas été tenu compte lors de la procédure de recours.

4.4.9 En conclusion, la Chambre estime que le procédé visé dans la revendication 1 selon la première requête subsidiaire n'était pas évident eu égard aux documents cités comme représentant l'état de la technique.

La brevetabilité des revendications de procédé 2 à 5, qui dépendent de la revendication 1, découle de la brevetabilité de cette première revendication.

5. Les motifs invoqués à l'appui de l'opposition ne font par conséquent pas obstacle au maintien du brevet sous une forme modifiée selon la première requête subsidiaire.

Il n'est donc pas nécessaire d'examiner la deuxième requête subsidiaire.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision de la division d'opposition est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant la division d'opposition afin que le brevet soit maintenu sur la base de la première requête subsidiaire et que les modifications éventuellement nécessaires soient apportées à la description.

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