T 0585/92 (Composition détergente déodorante) of 9.2.1995

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1995:T058592.19950209
Date de la décision : 09 Fevrier 1995
Numéro de l'affaire : T 0585/92
Numéro de la demande : 79300039.9
Classe de la CIB : A61K 7/32
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : UNILEVER PLC, et al
Nom de l'opposant : Bayer AG
PROCTER & GAMBLE
Henkel
Chambre : 3.3.02
Sommaire : 1. Si une administration publie par erreur une demande de brevet avant la date prévue, cette publication anticipée, si malencontreuses et préjudiciables qu'en soient les conséquences, ne constitue pas nécessairement un abus à l'égard du demandeur au sens de l'article 55(1)a) CBE.
2. L'état d'esprit de "l'auteur de l'abus" est un élément important à prendre en considération lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a abus au sens de l'article 55(1)a) CBE.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 55
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 87
European Patent Convention 1973 Art 123
Mot-clé : Exposé suffisant - oui - compte tenu des nouvelles expériences réalisées par le requérant
Revendications claires et fondées sur la description - oui
Priorité - parfaitement admissible
Nouveauté - oui
Activité inventive - oui
Abus évident à l'égard du demandeur - publication anticipée par l'Office brésilien des brevets non considérée comme un tel abus
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0005/83
G 0002/88
G 0009/91
G 0010/91
T 0014/83
T 0173/83
T 0098/84
T 0226/85
T 0292/85
T 0409/91
T 0435/91
T 0112/92
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0436/92
T 0710/94
T 0376/95
T 0377/95
T 0291/97
T 0610/97
T 0042/00
T 0134/00
T 0184/00
T 0499/00
T 0784/00
T 0933/01
T 0252/02
T 0982/02
T 0877/03
T 0453/04
T 0802/04
T 0099/05
T 0572/05
T 0808/05
T 0964/13
T 1608/13
T 1656/17
T 1076/21

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen no 0 003 172, relatif à l'utilisation d'une composition détergente déodorante et à une méthode pour supprimer les odeurs corporelles désagréables, a été délivré sur la base de quinze revendications contenues dans la demande de brevet européen n 79 300 039.9, déposée le 10 janvier 1979, qui revendiquait la priorité de la demande britannique n 1286/78 déposée le 12 janvier 1978.

II. Trois oppositions ont été formées contre le brevet qui avait été délivré. Parmi les nombreux documents cités au cours de l'opposition, les documents qui demeurent pertinents dans le cadre de la présente décision sont les suivants:

BR-A-81-7604601 (1)

GB-A-838 240 (3)

DE-A-2 433 703 (6)

DE-A-2 805 767 (15)

III. La division d'opposition a révoqué le brevet, bien qu'elle ait considéré que l'objet revendiqué était nouveau et impliquait une activité inventive par rapport à l'état de la technique le plus proche, tel que représenté par les documents (1) et (6). Elle a jugé en effet fondée l'objection qui avait été soulevée au titre de l'article 100 b) CBE . ...

IV. Le titulaire du brevet a formé un recours contre ladite décision. Une procédure orale a eu lieu le 9 février 1995.

V. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant a présenté une nouvelle requête principale, ainsi que cinq requêtes subsidiaires. Il a tenté de déposer une sixième requête subsidiaire lors de la procédure orale. Les arguments qu'il a invoqués durant la procédure écrite et au cours de la procédure orale peuvent se résumer comme suit:

Le requérant a accepté d'une manière générale les conclusions de la division d'opposition en ce qui concerne la nouveauté et l'activité inventive. Toutefois, il a fait observer qu'à aucun stade de la procédure l'Office n'avait tranché la question de savoir si la publication anticipée du document (1) par l'Office brésilien des brevets constituait un abus au sens de l'article 55(1)a) CBE.

Le document (1), à savoir la demande déposée au Brésil le 14 juillet 1976, revendiquait initialement la priorité de plusieurs demandes GB, dont la plus ancienne avait été déposée le 15 juillet 1975. Conformément à la loi brésilienne sur les brevets, la demande brésilienne aurait dû être publiée le 16 août 1977, mais le 31 décembre 1976, le demandeur avait renoncé à toutes les priorités qu'il avait revendiquées, ce qui aurait dû retarder la publication de douze mois ; néanmoins, à la suite d'une erreur, la demande avait été publiée le 16 août 1977, c'est-à-dire avant la date de priorité du brevet en litige.

VI. ...

Les intimés ont contesté les arguments avancés par le requérant au sujet de la publication anticipée de la demande brésilienne par l'Office brésilien des brevets (document 1). Bien que cette publication ait eu lieu par erreur, les intimés n'ont pas considéré que cette erreur constituait un "abus évident" au sens de l'article 55(1)a) CBE.

VIII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur la base des pièces correspondant à la requête principale déposée le 3 août 1992 ou à l'une quelconque des requêtes subsidiaires 1, 2, 6, 3, 4 ou 5, qui ont toutes été déposées le 3 août 1992, à l'exception de la troisième requête subsidiaire (dénommée "requête subsidiaire 6").

Les intimés ont demandé le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Modifications (requête principale)

3. Exposé suffisant de l'invention (article 83 CBE)

4. Revendications claires et fondées sur la description (article 84 CBE)

5. Priorité (article 87 CBE)

6. Abus (article 55 CBE)

6.1 La décision T 173/83, publiée au JO OEB 1987, 465, avait à dessein posé sans la trancher la question de savoir si les termes "le dépôt de la demande de brevet européen" figurant à l'article 55(1) CBE et "la date du dépôt de la demande de brevet européen" figurant à l'article 89 CBE revêtent un sens différent d'un point de vue juridique, comme le voudraient les règles d'interprétation des législations et traités (cf. la discussion relative à la Convention de Vienne dans la décision G 6/83, JO OEB 1985, 67). La Chambre observe toutefois que le raisonnement juridique détaillé qui avait été développé dans la décision susmentionnée (cf. point 5 des "motifs") tendait à montrer - bien que la chambre compétente n'ait pas jugé utile de tirer une telle conclusion - que ces termes revêtent en fait un sens différent.

6.1.1 Si la Chambre est tout à fait d'accord pour reconnaître que pour des raisons d'harmonisation, comme l'a fait valoir le représentant de l'un des opposants, l'OEB devrait suivre automatiquement une décision d'une juridiction nationale suisse qui serait elle aussi parvenue à la conclusion exposée ci-dessus, elle ne peut admettre pour autant que l'harmonisation des législations sur les brevets devrait conduire à adapter les dispositions de la CBE, même ambiguës, pour tenir compte des conclusions qui ont pu être tirées dans certains cas particuliers par des juridictions nationales des Etats contractants.

6.2 Toutefois, dans la présente affaire, pour pouvoir conclure à la non-opposabilité de la divulgation, il suffit de décider si la publication effectuée par erreur par l'Office brésilien des brevets constitue en droit un abus évident au sens de l'article 55(1) CBE. A cet égard, les intimés ont allégué que l'Office brésilien des brevets étant une administration d'un Etat souverain, il peut, tout comme son gouvernement, agir comme il l'entend à l'égard des demandes de brevets déposées auprès de ses services. Ainsi, les gouvernements souverains et leurs administrations étant totalement libres d'agir à leur guise, cette publication erronée n'avait, a priori, "rien de répréhensible". En réponse à une question posée par la Chambre à l'un des intimés, celui-ci a allégué que d'un point de vue juridique, tout abus évident au sens de l'article 55(1) CBE impliquait un acte répréhensible, mais que comme l'on n'avait pas affaire en l'occurrence à un acte répréhensible, la demande de brevet brésilien devait être considérée comme comprise dans l'état de la technique.

6.3 Le requérant a réfuté cet argument en alléguant que l'Office brésilien des brevets devait se conformer à la loi brésilienne, et que comme la publication par erreur de la demande de brevet enfreignait cette loi, elle constituait un acte répréhensible. Sans le dire expressément, le requérant reconnaissait par là-même implicitement que tout abus évident au sens de l'article 55(1) CBE implique un acte répréhensible, comme l'avait affirmé un des intimés.

6.4 De l'avis de la Chambre, même si la publication de la demande de brevet avait enfreint la loi brésilienne, cette infraction ne constituait pas forcément en soi un abus évident à l'égard du demandeur. Tous les gouvernements, ainsi que leurs administrations, peuvent être amenés à porter atteinte à certains droits de la personnalité, et notamment à des droits commerciaux comme ceux dont il est question dans la présente espèce. Toutefois, toute infraction à la législation nationale, et en particulier à la loi brésilienne sur les brevets, ne constitue pas nécessairement un abus commis à l'égard des droits du demandeur. En d'autres termes, le respect ou le non-respect de la législation nationale n'est pas un élément important, et encore moins un élément décisif à prendre en considération lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a abus évident à l'égard des droits du demandeur au sens de l'article 55(1)a) CBE. En effet, le terme "abus", tel qu'il est employé à l'article 55 CBE, ne désigne pas soit une simple atteinte aux droits du demandeur, soit une violation caractérisée de ces droits : les deux termes ne se recouvrent pas. Si l'on peut admettre que tout abus à l'égard des droits d'un demandeur implique également une atteinte à ces droits ou une violation de ces droits, l'inverse n'est pas forcément vrai. Dans le cas d'un abus, comme la Chambre va l'expliquer ci-après, l'état d'esprit de l'auteur de l'abus est un élément décisif.

6.5 L'état d'esprit de l'auteur de l'abus doit avoir été, sinon provoqué, tout au moins influencé par la relation personnelle particulière que l'auteur de cet abus entretient avec le demandeur. Normalement, en cas de divulgation non autorisée d'informations, il existe entre celui qui donne l'information confidentielle et celui qui la reçoit une obligation de secret, dont le non-respect peut entraîner des poursuites judiciaires. Cette confidentialité peut tenir aux circonstances dans lesquelles s'est effectuée la divulgation ou, comme c'est le plus souvent le cas, elle peut découler d'un accord exprès de confidentialité ou de secret. Dans les deux cas, celui qui reçoit l'information connaît ou devrait connaître les conséquences juridiques et commerciales probables d'une divulgation non autorisée. Devrait être considérée comme un abus commis à l'égard du détenteur de l'information une divulgation qui aurait ainsi été effectuée soit avec une véritable intention de nuire (en l'occurrence, de provoquer un dommage commercial), soit avec une pleine connaissance (cf. connaissance présumée) des dommages qui seraient causés ou qui risqueraient vraisemblablement d'être causés. La situation est toutefois différente lorsque celui qui divulgue l'information qu'il a reçue n'entretient aucune relation personnelle ou contractuelle particulière avec celui qui lui a divulgué des informations, et est seulement tenu d'une manière générale envers le public de ne pas divulguer les informations qu'il a reçues. Si malencontreuses ou préjudiciables que puissent être dans ce cas les conséquences d'une divulgation par inadvertance ou du fait d'une erreur caractérisée, l'auteur de la divulgation ne connaît pas suffisamment ou ne peut être réputé connaître suffisamment ces conséquences et n'a donc pas agi avec la négligence coupable qui serait nécessaire pour qu'il puisse être considéré qu'il a commis un abus évident au sens de l'article 55(1)a) CBE.

6.6 Dans la présente affaire, comme l'a confirmé la déclaration de M. Tong, la divulgation par l'Office brésilien des brevets était imputable à une "erreur regrettable", et des erreurs regrettables ou de simples fautes ne sauraient, comme nous l'avons signalé plus haut, être qualifiées d'"abus", et encore moins "d'abus évident", ce qui est le critère prévu à l'article 55(1)a) CBE pour qu'un acte puisse être qualifié de répréhensible. Pour toutes ces raisons, la Chambre estime que la publication de la demande brésilienne ne résultait pas d'un abus évident à l'égard du demandeur ou de son prédécesseur en droit, et qu'en conséquence, cette demande est bien comprise dans l'état de la technique au sens des articles 54 et 56 CBE.

7. Problème et solution

8. Nouveauté ...

9. Activité inventive ....

10. La Chambre ayant décidé de faire droit à la requête principale du requérant, il n'y a plus lieu d'examiner les requêtes subsidiaires.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la première instance, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet sur la base de la requête principale et, le cas échéant, de modifier la description en conséquence.

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