European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1993:T064091.19930929 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 29 Septembre 1993 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0640/91 | ||||||||
Numéro de la demande : | 88105342.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | H05K 1/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Nippon | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.4.01 | ||||||||
Sommaire : | 1. L'article 96(2) CBE exigeant que la division d'examen invite le demandeur à présenter ses observations "aussi souvent qu'il est nécessaire", il en ressort implicitement que, dans certains cas, avant de prendre une décision défavorable au demandeur, la division d'examen est juridiquement tenue d'inviter celui-ci à présenter d'autres observations. 2. Vu l'article 113(1) CBE, avant de prendre immédiatement une décision défavorable au demandeur au motif que celui-ci a manqué de bonne foi dans les observations qu'il a présentées antérieurement, la division d'examen est juridiquement tenue de l'inviter à présenter d'autres observations. 3, Une chambre de recours ne peut annuler une décision prise dans un cas donné par une première instance dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation que si elle en vient à la conclusion que dans cette décision, la première instance a exercé son pouvoir d'appréciation sur la base de principes erronés, ou qu'elle n'a pas tenu compte des principes corrects, ou qu'elle a exercé son pouvoir de manière déraisonnable. 4. En principe, la division d'examen n'a pas à apprécier le degré de "coopération" ni la bonne foi du demandeur lorsqu'elle a à décider si elle doit ou non inviter ce demandeur à présenter d'autres observations, en usant à cette fin du pouvoir d'appréciation que lui a conféré l'article 96(2) CBE. L'exercice qu'elle fera de ce pouvoir d'appréciation dépendra essentiellement de la question de savoir si l'on peut raisonnablement espérer que cette invitation permettra d'aboutir par la suite à la délivrance d'un brevet (conclusion allant dans le sens des décisions T 162/82, JO OEB 1987, 533, et T 84/82, JO OEB 1983, 451). |
||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Observations présentées par le demandeur au sujet de la nouveauté Rejet immédiat de la demande pour manque de coopération et de bonne foi de la part du demandeur - Conclusion injustifiée Nécessité d'inviter le demandeur à présenter d'autres observations Exercice déraisonnable du pouvoir d'appréciation |
||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. La présente demande de brevet européen a été déposée le 2 avril 1988. Elle concerne une carte à circuits imprimés ayant une pellicule qui recouvre au moins une partie de la surface externe des conducteurs de circuit de la carte. L'objectif poursuivi par l'invention est l'amélioration de la dissipation de la chaleur dégagée durant l'utilisation de la carte.
La revendication 1 de la demande telle que déposée s'énonce comme suit :
"Carte à circuits imprimés qui forme des conducteurs de circuit sur au moins une face d'une plaque de base, caractérisée en ce qu'une pellicule de rayonnement thermique recouvre au moins une partie de la surface externe des conducteurs de circuit".
II. Le 29 octobre 1990, la division d'examen a envoyé au demandeur une notification dans laquelle elle objectait notamment que la revendication 1 manquait de nouveauté par rapport au document
D1 : New Electronics, Vol. 17, n° 13, juin 1984, page 76.
La division d'examen a estimé qu'une carte à circuits imprimés du type de celle décrite et exposée dans le document D1 est formée par définition de conducteurs de circuit sur au moins une face d'une plaque de base.
Elle a également soulevé des objections à l'encontre de l'ensemble des revendications dépendantes 2 à 9, au motif notamment qu'elles ne répondaient pas à l'exigence d'activité inventive par rapport au document
D2 : FR-A-2 480 488.
La division d'examen ajoutait qu'elle ne voyait pas sur quelle partie de la demande pourrait se fonder une nouvelle revendication susceptible d'être admise.
III. Dans sa réponse datée du 27 février 1991, le demandeur a contesté toutes les objections soulevées à l'encontre des revendications. En ce qui concerne la revendication 1, il a fait valoir que le document D1 ne divulgue pas de conducteurs de circuit, aucun conducteur de circuit n'étant divulgué dans la description ou dans les dessins de ce document ; la figure 1 de D1 montre une plaque comprenant des composants électroniques, mais elle ne montre aucun conducteur de circuit.
D'après le demandeur, l'argument selon lequel toute carte à circuits imprimés comporte par définition des conducteurs de circuit ne pouvait être invoqué pour contester la nouveauté, la définition en question figurant dans un autre document et la divulgation d'un document antérieur devant être considérée isolément lors de l'examen de la nouveauté - cf. décision T 153/85, JO OEB 1988, 1. Le demandeur a conclu à l'admissibilité des revendications telles que déposées.
IV. La demande a été rejetée par décision de la division d'examen en date du 23 avril 1991, pour les motifs énoncés dans la notification en date du 29 octobre 1990, et notamment pour manque de nouveauté de la revendication 1.
Dans cette décision, le rejet de la demande après l'envoi d'une seule notification était justifié comme suit : "... les déclarations du demandeur concernant la manière dont il convient d'apprécier la nouveauté, et la référence faite à la décision T 153/85 sont non seulement considérées comme injustifiées, mais dénotent également un manque réel de coopération et de bonne foi de la part du demandeur. Etant donné qu'il n'y a pas eu d'effort réel pour répondre aux objections soulevées par la division d'examen, la demande doit être rejetée immédiatement (cf. décision T 84/82, JO OEB 1983, 451)."
V. Le demandeur a introduit un recours contre cette décision de rejet. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, il s'est insurgé contre le reproche de manque de coopération et de bonne foi que lui avait adressé la division d'examen, faisant notamment observer qu'il importe pour le bon fonctionnement du système du brevet européen qu'avant toute décision de rejet, les examinateurs et demandeurs puissent débattre à fond des points en litige. Il a sollicité le remboursement de la taxe de recours au titre de la règle 67 CBE au motif que le rejet de la demande était prématuré.
Le demandeur a également contesté l'argument selon lequel l'invention manquait de nouveauté par rapport au document D1. Dans une première requête subsidiaire, il a proposé qu'il soit fait mention dans la revendication 1 d'"une pellicule de rayonnement thermique" ; et dans une seconde requête subsidiaire, il a suggéré de modifier la formulation de la revendication 1 de façon à prendre en compte la divulgation du document D1. Il a également présenté une troisième requête subsidiaire.
VI. Dans une notification en date du 7 mai 1993, la Chambre a suggéré au demandeur que s'il modifiait la revendication 1 de manière à faire ressortir clairement que la pellicule de rayonnement thermique est constituée d'un matériau ayant une conductibilité thermique suffisante pour que la chaleur dégagée dans le conducteur de circuit pendant le fonctionnement soit dissipée de façon efficace, elle ne soulèverait pas l'objection du défaut de nouveauté.
En réponse, le requérant a présenté le 1er juillet 1993 une nouvelle requête à titre principal, portant sur la revendication 1 suivante :
"1. Carte à circuits imprimés (13,17,18) qui forme des conducteurs de circuit (11) sur au moins une face d'une plaque de base (10), caractérisée en ce qu'une pellicule de rayonnement thermique (12) recouvre au moins une partie de la surface externe des conducteurs de circuit (11), la pellicule de rayonnement thermique (12) étant composée d'un matériau suffisamment conducteur thermiquement pour que la chaleur produite dans les conducteurs de circuit (11) pendant l'utilisation de la carte à circuits imprimés soit efficacement dissipée."
Les revendications 2 à 4 devaient être modifiées et faire mention désormais d'une pellicule de rayonnement "thermique". Les revendications 5 à 9 demeuraient inchangées.
Motifs de la décision
1. Modifications
Dans la nouvelle revendication 1 dont il est question ici, (i) l'expression "pellicule de rayonnement thermique" remplace l'expression "pellicule de rayonnement" et (ii) il est spécifié en outre que la pellicule de rayonnement thermique est constituée d'un matériau ayant une conductibilité thermique suffisante pour permettre de dissiper efficacement la chaleur dégagée dans les conducteurs de circuit pendant l'utilisation de la carte à circuits imprimés.
Si l'on se reporte aux revendications 2 à 5 et à la description (cf. colonne 1, lignes 44 à 46) telles que déposées, il ne fait aucun doute que la propriété de rayonnement thermique présentée par la pellicule ressort déjà des pièces de la demande telle que déposée. En outre, selon la description initiale (cf. colonne 3, lignes 10 à 13), la pellicule de rayonnement est composée d'un métal ou d'un matériau non organique, par ex. une matière céramique telle qu'un oxyde d'aluminium. Dans l'état de la technique, ces matériaux sont connus comme étant des conducteurs thermiques, et comme les avantages de ces matériaux sont exposés dans la description, lignes 2 à 13 de la colonne 2, la Chambre estime que la modification mentionnée au point (ii) ci-dessus ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée initialement.
La revendication 1 modifiée répond donc aux conditions requises par l'article 123(2) CBE.
2. Nouveauté de la revendication 1
L'article paru dans "New Electronics" (document D1) traite des revêtements épousant les contours, destinés à protéger les cartes à circuits imprimés contre la vapeur d'eau, la saleté, la poussière et la corrosion. Ce revêtement qui épouse les contours recouvre la plaque de base de la carte à circuits imprimés ainsi que les composants montés sur cette plaque, et les matériaux de revêtement peuvent être des matières acryliques, des polyuréthanes, des résines époxy, des polyimides ou des silicones. Compte tenu de la signification que revêt en général l'expression "carte à circuits imprimés" dans l'état de la technique, la Chambre estime comme la division d'examen qu'il ressort implicitement du document D1 que les cartes à circuits imprimés sont pourvues de conducteurs ou de circuits d'interconnexion imprimés sur au moins une des faces de la carte. Lorsque le revêtement épousant les contours est obtenu à la suite d'un enrobage par immersion, comme il est exposé aux lignes 33 à 37 de la colonne 3, il est évident que les deux faces de la carte, et donc également les circuits imprimés, sont recouverts par le revêtement. Il est spécifié que le revêtement est suffisamment mince pour permettre la dissipation de la chaleur produite dans les composants (cf. colonne 1, dernier paragraphe; colonne 2). Néanmoins, les matériaux de revêtement divulgués dans le document sont tous des matériaux d'isolation thermique qui n'améliorent ni ne facilitent l'évacuation de la chaleur des conducteurs. Ainsi, le silicone utilisé comme matériau de revêtement est connu pour avoir une conductivité thermique d'environ 20x10-2 W/mk. Si une dissipation de chaleur est possible, c'est uniquement grâce à la faible épaisseur du revêtement et non pas en raison des propriétés thermiques du matériau de revêtement. La pellicule de rayonnement thermique revendiquée et divulguée désormais dans la demande en litige est constituée au contraire d'un matériau d'une conductivité thermique suffisante pour que la chaleur produite dans les conducteurs de circuit pendant le fonctionnement de la carte à circuits imprimés soit effectivement dissipée. La carte à circuits imprimés revendiquée est donc nouvelle au sens de l'article 54(1) CBE par rapport aux cartes à circuits imprimés connues divulguées dans le document D1.
3. Activité inventive
Le problème technique qu'entend résoudre la demande de brevet est celui de la dissipation efficace de la chaleur produite dans les conducteurs imprimés, de manière à ce qu'ils ne soient pas surchauffés lors de leur utilisation (cf. colonne 1, lignes 20 à 37).
Le revêtement épousant les contours selon le document D1 vise à protéger la carte à circuits imprimés et les composants électroniques montés sur cette plaque des effets nocifs qu'exercent l'humidité, la saleté et la corrosion sur leurs caractéristiques électriques, et les matériaux de revêtement utilisés à cette fin sont connus pour avoir des propriétés d'isolation thermique. Ce document ne porte donc pas sur le problème de la dissipation de la chaleur produite dans les conducteurs imprimés, et il ne suggère pas le recours à un matériau de revêtement qui soit un conducteur thermique.
Le document D2 quant à lui concerne un matériau adhésif conducteur thermique destiné à fixer un composant électronique à un puits thermique, et il ne suggère pas l'utilisation dudit matériau dans un conducteur de circuits imprimés.
Par conséquent, la Chambre estime que les antériorités citées ne rendent pas évident l'objet de la revendication 1, et que celui- ci implique une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.
4. Requête en remboursement de la taxe de recours
La règle 67 CBE dispose que le remboursement de la taxe de recours est ordonné lorsqu'il est fait droit au recours par la chambre de recours, si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure.
5. Comme il est indiqué aux points 1 et 2 ci-dessus, la demande est admissible compte tenu des modifications que le demandeur a apportées à la revendication 1 dans la requête qu'il a présentée à titre principal le 1er juillet 1993 ; il peut donc être fait droit au recours.
6. D'après l'article 96(2) et la règle 51(3) CBE, "s'il résulte de l'examen que la demande de brevet européen et l'invention qui en fait l'objet ne satisfont pas aux conditions prévues par la CBE", la division d'examen doit adresser au demandeur une notification "motivée", indiquant, "s'il y a lieu, l'ensemble des motifs qui s'opposent à la délivrance du brevet européen". En outre, l'article 96(2) CBE dispose que la division d'examen "invite le demandeur, dans les conditions prévues par le règlement d'exécution et aussi souvent qu'il est nécessaire, à présenter ses observations ...".
La question se pose de savoir ce qu'il faut entendre par l'expression "aussi souvent qu'il est nécessaire" utilisée à l'article 96(2) CBE. En particulier, lorsque la division d'examen a envoyé une seule notification et que le demandeur y a répondu en formulant des observations, dans quels cas est-il "nécessaire" que la division d'examen envoie une nouvelle notification ?
6.1 La Chambre est d'avis qu'il ressort implicitement du terme "nécessaire" qui a été utilisé dans ce contexte précis que, dans certains cas, avant de rendre une décision, la division d'examen est juridiquement tenue d'inviter le demandeur à présenter d'autres observations. Ainsi, avant de rendre une décision fondée sur des motifs au sujet desquels le demandeur n'a pas encore pu prendre position (article 113(1) CBE), la division d'examen est juridiquement tenue d'inviter celui-ci à présenter d'autres observations, et si, en pareilles circonstances, elle ne lui adresse pas une telle invitation, il y a vice substantiel de procédure au sens de la règle 67 CBE.
6.2 En revanche, dans les cas où il n'existe pas une telle obligation juridique, les termes "aussi souvent qu'il est nécessaire" utilisés à l'article 96(2) CBE signifient que la division d'examen peut, avant de rendre une décision, apprécier cas par cas s'il y a lieu ou non d'inviter le demandeur à présenter d'autres observations (interprétation en accord avec la décision T 162/82, JO OEB 1987, 533).
Comme il a été expliqué dans cette décision, la division d'examen doit user de son pouvoir d'appréciation pour inviter le demandeur à présenter d'autres observations lorsque l'on peut raisonnablement espérer que cette invitation permettra d'aboutir par la suite à la délivrance du brevet, une fois par exemple que des modifications appropriées auront été apportées. Par contre, comme il est dit dans la même décision et également dans la décision T 84/82, JO OEB 1983, 451, si l'on ne peut raisonnablement espérer que la demande pourra aboutir à la délivrance d'un brevet après l'envoi d'une nouvelle invitation, il se peut dans certains cas qu'il n'y ait pas lieu d'envoyer une telle invitation avant de rendre une décision portant rejet de la demande. Comme il est indiqué dans la décision T 162/82, l'article 96(2) CBE "n'exclut pas que des notifications puissent être adressées au demandeur dans d'autres circonstances", mais il ne fait pas obligation à la division d'examen "d'envoyer des notifications qui pourraient être jugées superflues d'un point de vue raisonnable et objectif".
Dans le cas où l'examinateur estime à la lumière des premières observations présentées par le demandeur en réponse à l'invitation qui lui a été adressée que la demande a peu de chances d'aboutir à la délivrance d'un brevet et doit être rejetée, les Directives recommandent à l'examinateur de ne pas rejeter immédiatement la demande, mais d'avertir d'abord le demandeur que sa demande risque d'être rejetée, s'il n'avance pas d'autres arguments plus convaincants ou n'apporte pas les modifications voulues.
6.3 Par ailleurs, la Chambre estime que si un requérant conteste l'exercice qu'une première instance a fait de son pouvoir d'appréciation à propos d'une question de procédure, la chambre de recours n'a pas à examiner tous les faits et circonstances de l'espèce comme le ferait la première instance, ni à faire savoir si elle aurait exercé son pouvoir d'appréciation de la même façon que la première instance. Si dans certains cas la CBE exige qu'une première instance exerce un pouvoir d'appréciation, cette instance doit jouir d'une certaine liberté pour exercer ce pouvoir d'appréciation, sans qu'il y ait ingérence de la part des chambres de recours. De l'avis de la Chambre, une chambre de recours ne peut annuler la décision prise par une première instance dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation que si elle en vient à la conclusion que, dans cette décision, la première instance a exercé son pouvoir d'appréciation sur la base de principes erronés, ou qu'elle n'a pas tenu compte des principes corrects, ou qu'elle a exercé son pouvoir de manière déraisonnable.
7. Dans la présente espèce, la division d'examen a rejeté la demande après l'envoi d'une seule notification, à laquelle le demandeur a répondu en faisant part de ses observations ; le demandeur n'a pas été invité à présenter d'autres observations, et n'a pas été averti que sa demande serait vraisemblablement rejetée. Une telle façon de procéder n'est pas en soi contraire à la CBE si la décision de rejet n'est fondée que sur des motifs au sujet desquels le demandeur a pu prendre position. Or, pour justifier sa décision de rejeter sur-le-champ la demande, la division d'examen a fait valoir pour seule raison que les déclarations du demandeur concernant la manière dont il convient d'apprécier la nouveauté et la référence faite à la décision T 153/85 "sont non seulement considérées comme injustifiées, mais dénotent également un manque réel de coopération et de bonne foi de la part du demandeur", et que, vu "qu'il n'y a pas eu d'effort réel pour répondre aux objections soulevées par la division d'examen, la demande doit être rejetée immédiatement", eu égard à la décision T 84/82 (citée plus haut). La demande a donc été rejetée immédiatement au motif que le demandeur avait fait preuve d'un "manque réel de coopération et de bonne foi". La division d'examen n'a peut-être pas mesuré la gravité pour le demandeur d'une telle conclusion.
8. Abstraction faite pour l'instant du reproche concernant le manque d'esprit de coopération, l'affirmation selon laquelle le demandeur ou son mandataire a manqué de bonne foi est une accusation grave si elle est justifiée. Le cas échéant, pour un mandataire, la constatation d'un manque de bonne foi de sa part peut avoir une incidence sur sa situation professionnelle, si cette constatation est justifiée.
De l'avis de la Chambre, en application du principe juridique généralement admis selon lequel une partie a le droit d'être entendue en toute objectivité avant que soit rendue une décision concluant à un manque de bonne foi de sa part ou de la part de son mandataire, toute instance de l'OEB est juridiquement tenue de permettre à cette partie ou à son mandataire de présenter des observations.
8.1 En outre, dans le cas d'une procédure au titre de l'article 96(2) CBE, il a été montré ci-dessus au point 6.1 qu'avant de prendre une décision défavorable portant rejet immédiat de la demande au motif que le demandeur a manqué de bonne foi, la division d'examen est tenue par l'article 113(1) CBE d'inviter le demandeur à présenter d'autres observations.
8.2 Pour cette simple raison, la Chambre est amenée à conclure que la décision par laquelle la division d'examen avait constaté dans cette affaire un manque de bonne foi de la part du demandeur, sans donner à celui-ci l'occasion de répondre ou de présenter ses observations, est entachée d'un vice substantiel de procédure au sens de la règle 67 CBE.
9. En décidant de rejeter sur-le-champ la demande pour le motif précité, la division d'examen n'a manifestement pas respecté l'article 113(1) CBE, qui lui faisait obligation d'inviter le demandeur à présenter ses observations. D'autre part, bien que prétendant exercer son pouvoir d'appréciation conformément à la décision T 84/82, la division d'examen a exercé ce pouvoir sans tenir compte des principes énoncés au point 6.2 ci-dessus.
Qui plus est, la Chambre estime que la division d'examen a fait dans la présente affaire un usage déraisonnable de son pouvoir d'appréciation, car rien dans la lettre du mandataire du demandeur datée du 27 février 1991 ne peut justifier le reproche de "manque de coopération et de bonne foi". Cet exercice déraisonnable qu'a fait la division d'examen de son pouvoir d'appréciation, en se fondant sur des principes erronés, doit également pour cette raison être considéré comme entaché d'un vice substantiel de procédure au sens de la règle 67 CBE.
10. En réalité, la constatation faite par la division d'examen d'un "manque de coopération et de bonne foi de la part du demandeur" semble avoir sa source dans une fausse conception de la manière dont un demandeur doit répondre aux objections soulevées par une division d'examen dans sa première notification. Pour réfuter les objections soulevées par la division d'examen et défendre le texte de sa demande telle que déposée, le demandeur (agissant ou non par l'entremise d'un mandataire) est en droit de faire valoir n'importe quels arguments (d'ordre juridique ou technique). Il peut en outre soumettre à titre subsidiaire une ou plusieurs requêtes, avec un certain nombre d'arguments à l'appui, le cas échéant, mais ce n'est pas une obligation.
Si la division d'examen juge peu convaincants les arguments avancés au nom du demandeur, elle peut bien sûr les rejeter (et rejeter la demande après l'envoi d'une seule notification si les circonstances le justifient). Mais le fait d'avoir présenté des arguments peu convaincants ne peut être considéré comme un "manque de coopération" ou de "bonne foi" de la part du demandeur. Le demandeur ou son mandataire ne sont pas obligés de "coopérer" avec la division d'examen en ce sens qu'ils devraient obligatoirement reconnaître le bien-fondé des objections que celle-ci leur oppose. Le demandeur peut avoir intérêt à obtenir un brevet dont le texte confère une étendue déterminée de la protection, le mandataire ayant alors pour tâche d'avancer des arguments pour défendre le texte qui a été déposé ; la division d'examen, quant à elle, a pour seule mission de délivrer un brevet satisfaisant aux conditions exigées par la CBE. Dans une telle situation, la "coopération" au sens défini plus haut n'est pas possible, et l'OEB n'est pas en droit d'attendre du demandeur une telle coopération.
De même, il se peut qu'un demandeur fasse valoir de bonne foi des arguments juridiques ou des faits peu convaincants à l'appui de sa demande. En général, un demandeur ne peut être accusé de manquer de bonne foi que dans des circonstances très exceptionnelles (par exemple, s'il tente délibérément d'induire en erreur la division d'examen pour ce qui est des faits de la cause).
Au point II du sommaire et au point 7 de la décision T 84/82 citée au point 6.2 ci-dessus, il est rappelé que les demandeurs doivent faire preuve d'esprit de "coopération" et se montrer de "bonne foi" pour permettre à l'OEB de remplir sa mission, qui est de mener l'examen quant au fond avec soin, compétence et célérité. Bien que l'OEB doive pouvoir compter sur la bonne foi en général des parties à une procédure devant l'Office et sur une coopération raisonnable de leur part pour ce qui est des questions de procédure, l'on ne peut tirer argument de la décision T 84/82 pour justifier le rejet immédiat d'une demande après l'envoi d'une seule notification préalable, au motif que le demandeur n'a pas fait preuve de la coopération et de la bonne foi nécessaires. La Chambre estime que normalement la division d'examen n'a pas en principe à apprécier le degré de "coopération" ni la bonne foi du demandeur lorsqu'elle doit user du pouvoir d'appréciation que lui a conféré l'article 96(2) CBE pour décider si elle doit ou non inviter le demandeur à présenter d'autres observations. Les considérations qui devraient prévaloir à cet égard ont été développées ci-dessus aux points 6.1 et 6.2.
11. En outre, de l'avis de la Chambre, il est équitable de rembourser la taxe de recours dans la présente espèce.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la division d'examen est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la division d'examen pour délivrance d'un brevet sur la base de la requête principale présentée le 1er juillet 1993.
3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.