T 0133/85 (Moifications) of 25.8.1987

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1987:T013385.19870825
Date de la décision : 25 Août 1987
Numéro de l'affaire : T 0133/85
Numéro de la demande : 80302390.2
Classe de la CIB : B65H 29/12
G03G 21/00
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Xerox yyyy
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.2.01
Sommaire : 1. Une revendication qui ne reprend pas une caractéristique présentée dans la description de la demande (si on l'interprète correctement) comme une caractéristique essentielle de l'invention, et qui ne concorde donc pas avec la description, ne se fonde pas sur la description comme le prescrit l'article 84 CBE.
2. Si cette caractéristique a été décrite comme une caractéristique essentielle de l'invention dans la demande telle que déposée initialement, une modification apportée à cette description pour lui permettre de servir de fondement à la revendication (cf. point 1 ci-dessus) ne serait pas admissible au regard de l'article 123(2) CBE, car l'objet de la description modifiée s'étendrait au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée - vu qu'il apparaîtrait désormais que cette caractéristique n'était pas essentielle à l'invention.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
Mot-clé : Revendication ne se fondant pas sur la description
Absence dans cette revendication d'un caractèristique essentielle
Extension de l'objet de la demande
Suppression d'une caractéristique essentielle dans la description
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0248/88
T 0748/89
T 0496/90
T 0603/90
T 0770/90
T 0441/92
T 0939/92
T 0012/93
T 0169/93
T 0322/93
T 0556/93
T 0583/93
T 0659/93
T 0189/94
T 0034/95
T 0128/95
T 0482/95
T 0616/95
T 0740/97
T 0895/97
T 0687/98
T 0973/98
T 1151/98
T 0101/99
T 0677/00
T 0732/00
T 0143/04
T 0273/04
T 1211/05
T 2049/10
T 1727/12
T 2001/12
T 1461/14
T 2613/18
T 0056/21

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 80 302 390.2, déposée le 16 juillet 1980 et publiée le 21 janvier 1981 sous le numéro 0 022 680, a été rejetée le 4 janvier 1985 par décision de la Division d'examen. Cette décision a été rendue sur la base des revendications 1 à 10 déposées le 18 juin 1984 ; la Division d'examen a estimé qu'étant donné que le texte modifié des revendications de procédé indépendantes 1 et 3 ne reprenait pas certaines caractéristiques initialement présentées comme des parties essentielles de l'invention, l'objet de la demande s'étendait au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée, contrevenant de ce fait aux dispositions de l'article 123(2) CBE.

II. Lors de l'examen de la demande qui concerne un procédé et dispositif pour la mise en circulation de documents dans une photocopieuse, la Division d'examen avait, dans sa première notification en date du 8 juillet 1982, formulé des objections à l'encontre des revendications telles que déposées initialement, notamment à l'encontre de la revendication de procédé indépendante 10, considérant que l'invention qu'elle revendiquait ne se fondait pas sur la description. En réponse, la requérante avait alors déposé un nouveau jeu de revendications de procédé (1 à 6), dans lequel les revendications 1 et 3 étaient des revendications indépendantes ; puis par la suite, le 18 juin 1984, elle avait déposé un texte légèrement modifié de ces revendications. Lesdites revendications 1 et 3 (dénommées ci-après "revendications A") ont été rejetées le 4 janvier 1985 par décision de la Division d'examen, comme non conformes aux dispositions de l'article 123(2) CBE.

Les motifs principaux du rejet sont exposés au point 1 de ladite décision. En bref, la Division d'examen estimait que le problème résolu par l'invention, selon la description et les revendications initiales, concernait une photocopieuse faisant des photocopies dans un ordre particulier, à savoir : dans la première et dernière mise en circulation des documents en mode photocopie, seuls les documents alternés sont copiés tandis que dans toutes les autres circulations de documents en mode photocopie, tous les documents sont photocopiés. En revanche, dans les revendications 1 et 3, l'ordre dans lequel les photocopies sont faites n'est pas précisé, ce qui a conduit la Division d'examen à conclure que l'objet de ces revendications s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée initialement.

III. Un recours a été formé le 11 février 1985 ; la taxe correspondante a été acquittée le même jour. Dans le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 4 mai 1985, puis dans une communication ultérieure reçue par l'OEB le 25 novembre 1985, la requérante a fait valoir les arguments suivants :

i) Si l'article 123(3) CBE interdit d'étendre au cours de la procédure d'opposition la portée des revendications du brevet européen qui a été délivré, il s'ensuit qu'il est autorisé d'étendre la portée des revendications d'une demande encore en instance, sous réserve qu'il soit satisfait à certaines conditions.

ii) Les revendications n'ont pas à "avoir d'objet", puisque c'est là la fonction de la description : celle des revendications est uniquement de définir une invention brevetable. Une modification de la portée des revendications ne s'accompagnant pas d'une modification du contenu de la description est sans effet sur l'objet de la demande.

iii) La requérante cite le chapitre C VI, point 5.4 des "Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets", notamment le passage dans lequel il est stipulé que "l'examen à effectuer, pour juger d'une extension de l'objet de la demande, correspond à l'examen de nouveauté indiqué au point IV, 7.2". Elle fait en outre référence à deux décisions antérieures rendues par les chambres de recours technique, à savoir la décision T 52/82 et la décision T 190/83.

iv) Il est dit au point II. 2 de la décision attaquée : "Nul ne conteste que les revendications soumises actuellement auraient été recevables s'il s'était agi des revendications déposées initialement, vu que, même si elles ne se fondaient pas spécifiquement sur la description, elles auraient permis d'introduire ultérieurement les bases nécessaires" ; par cette déclaration, la Division d'examen convient implicitement que le texte actuel de la revendication 1 se fonde sur le document présenté à l'origine.

De plus, la requérante a entre autres présenté à titre de requête subsidiaire un jeu de revendications B comportant une nouvelle revendication 1 indépendante dont le texte correspond pour l'essentiel à la revendication initiale 10 modifiée dans le sens où l'avait suggéré la Division d'examen dans sa notification en date du 8 juillet 1982.

Cette revendication s'énonce comme suit :

IV. Lors de la procédure orale qui s'est tenue le 25 août 1987 à la demande de la requérante, celle-ci a déposé à titre de requête principale une nouvelle revendication indépendante (c) dont le texte s'énonce comme suit :

"Procédé consistant à photocopier sur les deux côtés des feuilles de copie, par remises en circulation dans une photocopieuse (10), un jeu de documents recto en vue d'obtenir des jeux de feuilles de copie recto verso correctement collationnés, les documents étant plusieurs fois remis en circulation pour photocopie dans l'ordre inverse (décroissant) des pages (N à 1), c'est-à-dire en commençant par la dernière feuille (n) du jeu de documents et en finissant par la première feuille, caractérisé en ce qu'il comprend des étapes consistant à :

compter automatiquement le nombre de documents contenu dans le jeu lorsqu'il est mis une première fois en circulation sans être photocopié et que le mode de photocopie recto-verso est sélectionné, afin de déterminer si le nombre de documents est pair ou impair ;

lors de la première mise en circulation des documents en mode photocopie, photocopier suivant un ordre allant de N à 1 soit le dernier document (le Nème) et les documents alternés précédents , soit l'avant-dernier document (N - 1) et les documents alternés précédents, suivant que le nombre de documents est pair ou impair ;

lors de toutes les mises en circulation intermédiaires des documents en mode photocopie, photocopier tous les documents suivant un ordre allant de N à 1 afin d'obtenir des feuilles de copie recto-verso, et lors de la dernière mise en circulation en mode photocopie, photocopier sur les côtés non imprimés du jeu de copies imprimées au recto obtenu lors de la mise en circulation immédiatement précédente en mode photocopie les documents alternés qui n'ont pas été photocopiés lors de la première mise en circulation en mode photocopie."

La Chambre a objecté que le contenu de la revendication s'étend au-delà de la description, étant donné que la revendication ne précise pas avec suffisamment de clarté que l'on photocopie soit le dernier document ainsi que les documents recto alternés précédents si le nombre de documents est pair, soit l'avant-dernier document ainsi que les documents recto alternés précédents si le nombre de documents est impair (en d'autres termes, ce sont toujours les documents pairs qui sont photocopiés et stockés). La requérante a répliqué qu'à son avis elle avait le droit de faire couvrir par la revendication à la fois le cas de figure dans lequel les pages paires sont photocopiées et stockées et celui dans lequel les pages impaires sont photocopiées et stockées.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE ; il est donc recevable.

2. L'article 84 CBE dispose entre autres que les revendications doivent se fonder sur la description.

En vertu de cet article, une objection peut donc être formulée à l'encontre d'une revendication si elle est définie d'une manière tellement vaste qu'elle ne se fonde pas sur la description de l'invention. En réponse à cette objection, le demandeur peut soit limiter la portée de la revendication, soit modifier la description, en se conformant aux dispositions de l'article 123(2) CBE.

Dans la présente espèce, une telle objection a été formulée en vertu de l'article 84 à l'encontre des revendications initiales 1 et 10.

Dans la description déposée initialement, la portée de l'invention décrite était relativement limitée. Après une introduction d'ordre général présentant différents systèmes à photocopier connus, il était fait expressément référence à un brevet US (Adamek) concernant un système de reproduction sur deux faces qui est également un système de reproduction à pré-collationnement. Il ressort clairement du texte figurant en haut de la page 3 que la présente invention constitue une amélioration par rapport au brevet Adamek :

"La présente invention constitue une amélioration par rapport au brevet Adamek n° 4 116 558, car elle permet de photocopier et de stocker automatiquement des copies à numéro de page pair de documents recto dans un plateau tampon à copies recto verso de manière à éviter à la sortie une inversion variable ou la photocopie d'une page blanche lorsqu'un nombre impair de documents recto est photocopié en recto verso, ce que le brevet en question présente comme souhaitable, et car elle réalise cette opération avec cette difficulté supplémentaire que les documents sont photocopiés dans l'ordre inverse (décroissant) des pages au moyen d'un type différent de système de circulation de documents."

En d'autres termes, il est indiqué au tout début de la description que l'invention se caractérise essentiellement par un dispositif grâce auquel les documents photocopiés puis temporairement stockés sur un plateau tampon sont toujours les documents numérotés pairs, que le nombre de documents à photocopier recto verso soit pair ou impair. Ce dispositif permet d'éviter l'inversion et la photocopie d'une page blanche lorsqu'il s'agit de photocopier un nombre impair de documents.

Plusieurs pages sont ensuite consacrées à une description plus détaillée du procédé et du dispositif conformément à l'invention ; à partir de la page 11, la description de la nature de l'invention comporte à nouveau des limitations.

Ainsi, différents passages figurant aux pages 12, 13, 16 et 17 font tous référence au fait que le "présent système" permet d'éviter une inversion et une photocopie supplémentaires de pages blanches.

Il ressort donc clairement de la description initiale (si on l'interprète correctement) que l'invention se caractérise essentiellement en ce que dans ce système, seules les pages paires sont acheminées vers le plateau tampon.

Or, la revendication de procédé initiale 10 (et en fait la revendication initiale 1 concernant le dispositif) est libellée de manière à couvrir des procédés par lesquels on photocopie le dernier document (n) et les documents recto alternés précédents, une fois que l'on a déterminé que le jeu comporte un nombre impair de documents, ce qui aboutirait à ce que les pages impaires soient photocopiées et stockées sur le plateau tampon. Dans toutes les mises en circulation intermédiaires du jeu de documents en mode photocopie, la dernière feuille (n) serait photocopiée, côté non imprimé du verso, et toutes les feuilles auraient à être inversées une fois de plus pour obtenir à la sortie des jeux recto-verso correctement collationnés.

Du fait qu'elle n'est pas limitée à l'acheminement des seules pages paires vers le plateau tampon, cette revendication 10 ne concorde donc manifestement pas avec la description initiale et ne se fonde pas sur elle, ce qui appelle une objection au regard de l'article 84 CBE. La Division d'examen l'a clairement signalé au point 4a) de sa première notification, en date du 8 juillet 1982. Bien qu'il ne soit pas fait explicitement référence à l'article 84 CBE dans cette notification, le problème a été clairement soulevé ; de l'avis de la Chambre, l'objection formulée par la Division d'examen se fondait manifestement sur l'article 84 CBE.

Pour éviter cette objection, il convient d'apporter une modification consistant à restreindre la portée de la revendication 10 (et également de la revendication 1). Nulle part dans la description initiale de l'invention, il n'était question d'un système dans lequel les documents impairs étaient photocopiés et stockés : bien au contraire, la photocopie et le stockage des documents pairs étaient présentés comme essentiels pour obtenir l'avantage annoncé selon l'invention. L'autre solution qui aurait consisté à modifier la description pour qu'elle puisse servir de fondement à une revendication aussi étendue était donc exclue puisqu'une telle modification aurait inévitablement eu pour effet d'étendre son objet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée, et aurait impliqué l'introduction dans la description de modes de réalisation dans lesquels ce sont les pages à numéro impair qui sont acheminées vers le plateau tampon. Or de toute évidence, aucun mode de réalisation de ce type n'était exposé dans la demande initiale considérée dans son ensemble ; l'introduction de tels modes de réalisation aurait donc été contraire à l'article 123(2) CBE.

3. En réponse à l'objection formulée par la Division d'examen dans sa première notification, la requérante a déposé un nouveau jeu de revendications (cf. ci-dessus, point II), comprenant notamment les revendications indépendantes 1 et 3, lesquelles, légèrement modifiées par la suite, correspondaient aux revendications A, qui ont été rejetées par décision en date du 4 janvier 1985, pour les motifs exposés ci-dessus au point II. La Chambre relève cependant que dans une notification en date du 29 avril 1983, antérieure à la décision, l'objection soulevée à l'encontre des revendications 1 et 3 n'était pas formulée dans les mêmes termes que dans la décision proprement dite : en effet, il était déclaré dans la première phrase de la notification : "les revendications indépendantes 1 et 3 ... ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 123(2) CBE, leur portée étant plus large que celle des revendications principales initiales." Bien que cette affirmation ait été quelque peu tempérée dans la suite de la notification, il semble néanmoins qu'elle ait amené la requérante à penser que les revendications A avaient été rejetées essentiellement parce que la Division d'examen considérait que l'article 123(2) CBE interdisait une extension de la portée des revendications. Le premier argument avancé par la requérante, que ce soit dans le mémoire exposant les motifs du recours (cf. paragraphe III ci-dessus) ou au début de ses explications orales, était donc que l'article 123(2) CBE n'interdit pas nécessairement l'extension de la portée des revendications au cours de la procédure d'examen.

4. Au cours de la procédure orale, la Chambre avait expliqué qu'elle considérait que le texte de l'article 123(2) CBE n'interdit pas fondamentalement d'élargir la portée d'une revendication au cours de la procédure d'examen de façon à étendre la protection (à la différence de l'article 123(3) CBE qui précise de manière claire et nette qu'il n'est pas permis de modifier une revendication de façon à étendre la protection, interdiction qui ne s'applique toutefois que durant la procédure d'opposition). Sauf dans le cas de la procédure d'opposition, il est donc possible d'élargir la portée d'une revendication (c'est-à-dire d'étendre la protection qu'elle confère) notamment pendant l'examen d'une demande, sans contrevenir aux dispositions de l'article 123(2) CBE, à condition que l'objet introduit pour la première fois dans les revendications du fait de cette modification ait déjà fait partie du contenu de la demande initiale telle qu'elle avait été déposée. (cf. à cet égard le point 5 ci-dessus).

Il convient cependant de noter qu'en l'occurrence, les revendications A modifiées qui ont été rejetées par décision de la Division d'examen n'avaient pas seulement pour effet d'étendre la protection, mais conduisaient en outre à étendre l'objet de la la demande au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée (cf. point II supra) (ce qui a été le motif du rejet).

En réponse aux considérations développées par la Chambre au début de la procédure orale, la requérante a soumis à titre de requête principale une nouvelle revendication C, en renonçant à défendre les revendications qui avaient été rejetées par décision de la Division d'examen.

Requête principale

5. Le texte de la revendication déposée au cours de la procédure orale (revendication C) figure au point IV ci-dessus. Pour juger de l'admissibilité de cette revendication modifiée, il importe de faire la distinction entre une objection soulevée en vertu de l'article 84 CBE et une objection soulevée en vertu de l'article 123(2) CBE.

L'article 84 CBE stipule notamment que les revendications d'une demande de brevet européen doivent se fonder sur la description. Pour qu'un brevet puisse être délivré, tout fascicule de demande de brevet doit incontestablement satisfaire à cette exigence, qu'il ait été proposé ou non d'apporter des modifications à la description et aux revendications pendant que la demande était en instance.

Il convient de faire clairement la distinction entre l'exigence posée par l'article 84 CBE au sujet des revendications d'une demande et la disposition de l'article 123(2) CBE.

L'article 123(2) CBE, à la différence de l'article 84 CBE, ne régit bien entendu que l'admissibilité d'une modification proposée pendant que la demande est en instance (ou pendant une opposition), et n'est donc pas applicable si aucune modification n'est proposée.

Il résulte toutefois de ce qui précède que s'il est proposé de modifier une demande (soit la description, soit les revendications), il convient d'examiner si la demande ainsi modifiée satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE et de l'article 84 CBE.

L'exigence posée par l'article 123(2) CBE diffère nettement de celle posée par l'article 84 CBE, tant par la forme que par le fond.

S'agissant de l'article 84 CBE, il est à noter que la description et les revendications d'une demande de brevet remplissent des fonctions différentes. La fonction première de la description est de permettre à l'homme du métier d'exécuter l'invention en conséquence. Celle des revendications est de définir, en indiquant les caractéristiques techniques de l'invention, l'objet de la demande pour lequel la protection est recherchée (règle 29 CBE) ; la protection effective (c'est-à-dire le monopole) que confère un brevet délivré dans chaque Etat désigné est en conséquence déterminée par référence aux revendications, comme le prévoit l'article 69 CBE, cette détermination incombant en dernier ressort aux juridictions desdits Etats.

Ainsi, l'exigence formulée à l'article 84 CBE selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description est importante en ce sens qu'elle garantit que le monopole conféré par un brevet délivré correspond d'une manière générale à l'invention telle qu'elle a été décrite dans la demande, et que les revendications ne sont pas rédigées en termes à ce point généraux qu'elles couvrent des champs d'application ne relevant pas de l'invention telle que décrite dans la demande. En revanche, l'article 84 CBE admet de toute évidence (comme le montre l'utilisation du mot "se fonder") que l'objet de la protection demandée puisse être défini en termes plus généraux, comparé à la description qui a un caractère spécifique. La question de savoir dans quelle mesure l'on peut autoriser cette généralisation des revendications par rapport à la description, eu égard aux dispositions de l'article 84 CBE, est une question de degré qui doit être tranchée cas par cas, en fonction notamment de la nature de l'invention décrite.

A la différence de l'article 84, l'article 123(2) CBE ne doit jouer que lorsqu'il est proposé d'apporter une modification aux revendications ou à la description. Pour qu'une modification puisse être admise, il ne faut pas que l'objet de la demande une fois modifiée "s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée". A l'évidence, cette disposition vise à empêcher l'extension de l'objet d'une demande de brevet après la date de dépôt. Par contre, l'article 123(2) CBE autorise la reformulation de l'objet de l'invention, si cet objet reste le même que celui qui était initialement contenu dans la demande telle que déposée à l'origine. En dehors de la procédure d'opposition (à laquelle s'applique l'article 123(3) CBE), cette simple reformulation pourrait consister à étendre la portée des revendications par rapport à leur formulation initiale. A cet égard, l'image utilisée dans la décision T 190/83, en date du 24 juillet 1984 (citée par la requérante) dans laquelle la demande initiale est comparée à un réservoir où le demandeur peut puiser pour modifier la demande, apparaît bien choisie. Toutefois, en vertu de l'article 123(2) CBE, la demande initiale devrait être considérée comme un réservoir dont la contenance ne peut être augmentée après la date de dépôt.

Etant donné que l'article 123(2) CBE vise à interdire l'introduction d'informations après la date de dépôt, il a été considéré dans des décisions antérieures des chambres de recours que l'examen de la conformité aux dispositions de l'article 123(2) CBE "équivaut fondamentalement à un examen de nouveauté" - cf. notamment la décision T 201/83 "Alliages de plomb/SHELL" (JO OEB 1984, 481, point 3). Tout en reconnaissant que dans le cas où il est proposé une modification, l'application des dispositions de l'article 123(2) CBE fait intervenir des considérations qui sont fondamentalement les mêmes que dans le cas de l'examen de la nouveauté d'une revendication, la Chambre estime néanmoins que la prudence s'impose pour l'application des dispositions régissant l'examen de la nouveauté dans des cas où il y a lieu de procéder à l'examen prévu à l'article 123(2) CBE - c'est-à-dire de vérifier si l'interdiction de modifier (une demande ou un brevet) "de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée" a bien été respectée. C'est toujours à cette formulation qu'il convient en définitive de se référer dans chaque cas particulier.

A cet égard, la requérante a fait valoir le point 2 de la décision T 52/82 "Dispositif d'envidage/RIETER" (JO OEB 1983, 416), où il est déclaré que la Chambre a à examiner seulement si la revendication se fonde sur le document initial. Comme on vient de le rappeler, ce n'est pas ce qu'exige en fait l'article 123(2) CBE. D'après la Chambre, exiger par analogie un tel "fondement" dans le cadre de l'application de l'article 123(2) CBE n'est pas forcément une exigence appropriée. Elle estime en effet que cette démarche par analogie pourrait dans certains cas induire en erreur, étant donné que l'exigence énoncée à l'article 123(2) CBE a incontestablement plus de liens avec l'exigence de la nouveauté qu'avec l'exigence selon laquelle les revendications doivent "se fonder" sur la description, posée à l'article 84 CBE. Il est possible de "fonder" une notion vaste sur des bases de portée plus restreinte.

Un exemple tiré du domaine de la chimie est ce qui permettra d'illustrer le mieux la distinction entre l'exigence posée par l'article 123(2) CBE et celle énoncée à l'article 84 ("doivent se fonder sur"). Si la description d'une demande telle qu'elle a été déposée expose la préparation d'un nouveau composé chimique ayant des propriétés particulières, il sera normalement tout à fait possible de considérer qu'une revendication telle que déposée, définissant ce composé ainsi que certains homologues supérieurs, se fonde sur la description en question et qu'elle satisfait donc aux dispositions de l'article 84 CBE, dans la mesure où l'homme du métier n'a aucune raison de douter du bien-fondé d'une telle généralisation. Cependant, si à la fois la description et les revendications de la demande telle qu'elle a été déposée se limitent à la préparation d'un seul composé donné ayant des propriétés spécifiques, il serait alors contraire à l'article 123(2) CBE de proposer une modification visant à introduire des homologues supérieurs soit dans les revendications, soit dans la description, soit dans les deux, vu que l'objet de la demande modifiée (où l'on aurait introduit des homologues supérieurs) s'étendrait au-delà du contenu de la demande telle que déposée (limitée à ce seul composé). En revanche, si la description telle que déposée initialement expose la préparation à la fois du composé et de certains homologues supérieurs, mais que la revendication telle que déposée initialement se limite à ce seul composé, une modification étendant la portée de la revendication de manière à intégrer ces homologues supérieurs serait permise en vertu de l'article 123(2) CBE, car l'objet de la demande modifiée ne s'étendrait pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée. (Il ne serait toutefois pas possible au cours d'une procédure d'opposition d'apporter une telle modification, visant à étendre la portée d'une revendication, en raison de l'interdiction énoncée à l'article 123(3) CBE.)

6. Compte tenu des considérations développées ci-dessus et des circonstances propres à la présente espèce, il y a lieu manifestement d'examiner en l'occurrence si la demande fondée sur la revendication C modifiée - proposée par la requérante à titre de requête principale - répond à la fois aux exigences de l'article 123(2) et de l'article 84 CBE.

Dans la mesure où la revendication C prévoit de faire des photocopies dans un ordre déterminé, qui est en conformité avec la description initiale, elle n'appelle pas d'objection au titre de l'article 123(2) CBE comme celle qui avait été émise à l'encontre des revendications A dans la décision du 4 janvier 1985.

Toutefois, la revendication C ne se limite pas à un système dans lequel seuls les documents numérotés pairs sont photocopiés et stockés sur un plateau-tampon. C'est précisément parce que les revendications initialement déposées ne comportaient pas cette limitation que la Division d'examen avait à l'origine émis une objection, en vertu de l'article 84 CBE (cf. point 2 ci-dessus). La Chambre considère que c'est à juste titre que la Division d'examen avait soulevé cette objection à l'encontre des revendications initialement déposées, et estime pour cette même raison que la revendication C ne peut être admise, puisqu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 84 CBE.

Selon la Chambre, il est clair en outre que toute modification apportée à la description en vue de servir de base à la revendication C ne serait pas admissible au regard de l'article 123(2) CBE, car son objet s'étendrait nécessairement au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée : l'invention couvrirait alors des systèmes dans lesquels des pages à numéro impair seraient photocopiées et stockées, ce qui serait contraire à la description déposée initialement qui précise clairement que ce sont les pages à numéro pair qui sont photocopiées et stockées (cf. point 2 ci-dessus).

La requête principale est par conséquent rejetée.

Requête subsidiaire

7. S'agissant de la revendication 1 proposée dans le jeu de revendications B présenté à titre de requête subsidiaire, on notera qu'elle correspond pour l'essentiel à la revendication 10 déposée initialement, modifiée dans le sens où l'a suggéré l'examinateur ; elle pourrait donc éventuellement aboutir à la délivrance d'un brevet. Cependant, étant donné que la Division d'examen n'a pas étudié cette revendication en détail, la Chambre estime que la démarche à suivre afin de respecter les droits du demandeur est de faire examiner la brevetabilité de cette revendication par la première instance. La Chambre estime que dans ces conditions elle n'est pas habilitée à trancher la question, mais fait usage des pouvoirs que lui confère l'article 111(1) CBE pour renvoyer l'affaire devant la Division d'examen afin qu'elle poursuive la procédure.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 4 janvier 1985 est annulée.

2. La requête principale de la requérante est rejetée.

3. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour poursuite de l'examen de la demande sur la base de la revendication 1 du jeu de revendications B présenté à titre de requête subsidiaire.

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