European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2001:T116598.20010205 | ||||||||
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Date de la décision : | 05 Fevrier 2001 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1165/98 | ||||||||
Numéro de la demande : | 94905145.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | G01N 33/487 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé et dispositif de transmission sous forme de signal de l'activité biologique d'une matière porteuse à une autre matière porteuse, et de traitement d'un tel signal, et produit obtenu avec un tel procédé | ||||||||
Nom du demandeur : | BENVENISTE, Jacques | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.04 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Caractère suffisant de l'exposé (non) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen N 94 905 145.2 avec le numéro de publication internationale WO-A-94/17406 (EP-A-0 701 695) ayant pour titre : "Procédé et dispositif de transmission sous forme de signal de l'activité biologique d'une matière porteuse à une autre matière porteuse et de traitement d'un tel signal, et produit obtenu avec un tel procédé." a été refusée par la Division d'examen. Celle-ci a décidé que l'invention telle que définie dans les revendications alors débattues n'était pas exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter (article 83 CBE).
II. Le requérant s'est pourvu contre cette décision, a acquitté la taxe de recours et déposé un mémoire exposant les motifs de son recours ainsi que deux nouveaux jeux de revendications.
III. La Chambre a envoyé une notification pour indiquer au Requérant son opinion provisoire quant à la brevetabilité de l'invention.
IV. Le 13 juillet 2000, le requérant a répondu à cette notification et a soumis un nouveau jeu principal de revendications destiné à remplacer les précédents jeux de revendications joints au mémoire d'appel.
La revendication 1, corrigée une première fois par courrier et une deuxième fois à l'audience, pour éliminer deux erreurs évidentes, était libellée comme suit :
"1. Procédé permettant l'obtention dans une matière, ci-après dite "matière réceptrice", de la manifestation d'une activité biologique d'un réactif déterminé, alors que cette matière réceptrice en est physiquement totalement exempte, ce procédé comprenant :
- l'exposition à un capteur de signaux électromagnétiques (5) d'une matière, ci-après dite "matière émettrice", contenant ce réactif, la présence de ce réactif dans la matière émettrice étant détectable par la manifestation d'une activité biologique propre à ce réactif dans un protocole expérimental permettant sa détection dans cette matière réceptrice ;
- l'exposition de la matière réceptrice aux ondes électromagnétiques émises par un émetteur électromagnétique ;
- le capteur et l'émetteur étant reliés entre eux par un circuit (9) de transmission et d'amplification à haut gain permettant (i) l'amplification des signaux électriques produits par le capteur, et (ii) l'alimentation de l'émetteur avec les signaux électriques ainsi amplifiés,
les susdites expositions étant maintenues pendant un temps suffisant pour que puisse aussi être détectée dans la matière réceptrice la manifestation de l'activité biologique propre au susdit réactif, lorsque cette matière réceptrice ainsi traitée est soumise au susdit protocole expérimental."
Les revendications 2 à 12 étaient directement ou indirectement dépendantes de la revendication 1 et avaient trait à des caractéristiques additionnelles du procédé revendiqué. La revendication 13 concernait une utilisation de la matière réceptrice traitée, obtenue par le procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 12 pour la préparation d'une composition pharmaceutique.
V. A l'audience qui a eu lieu le 5 février 2001, deux jeux de revendications ont été soumis en tant que première et deuxième requêtes auxiliaires.
La revendication 1 du premier jeu auxiliaire de revendications était libellée comme suit :
"1. Procédé permettant l'obtention dans une matière, ci-après dite "matière réceptrice", de l'expression de l'activité biologique spécifique d'un réactif qui la possède, lorsque cette activité biologique peut, lors de la mise en oeuvre d'un protocole expérimental approprié, être détectée par son action sur une cible, en l'absence de la production d'une liaison stable entre le réactif et la cible, caractérisé en ce que :
- la matière réceptrice est initialement totalement exempte physiquement dudit réactif, ce procédé comprenant
- l'exposition à un capteur de signaux électromagnétiques (5) d'une matière, ci-après dite "matière émettrice", contenant ce réactif ;
- l'exposition de la matière réceptrice aux ondes électromagnétiques émises par un émetteur électromagnétique ;
- le capteur et l'émetteur étant reliés entre eux par un circuit (9) de transmission et d'amplification à haut gain permettant (i) l'amplification des signaux électriques produits par le capteur, et (ii) l'alimentation de l'émetteur avec les signaux électriques ainsi amplifiés,
les susdites expositions étant maintenues pendant un temps suffisant pour que puisse aussi être détectée dans la matière réceptrice la manifestation de l'activité biologique propre au susdit réactif, lorsque cette matière réceptrice ainsi traitée est soumise au susdit protocole expérimental."
La revendication 1 du deuxième jeu auxiliaire de revendications était libellée comme suit :
"1. Procédé permettant l'obtention dans une matière, ci-après dite "matière réceptrice", de l'expression de l'activité biologique spécifique d'un réactif qui la possède, lorsque cette activité biologique peut, lors de la mise en oeuvre d'un protocole expérimental approprié, être détectée par son action sur une cible, en l'absence de la production d'une liaison stable entre le réactif et la cible, caractérisé en ce que :
- la matière réceptrice est totalement exempte physiquement dudit réactif, ce procédé comprenant
- l'exposition à un capteur de signaux électromagnétiques (5) d'une matière, ci-après dite "matière émettrice", contenant ce réactif ;
- l'amplification des signaux électriques produits par le capteur, à l'aide d'un circuit (9) de transmission et d'amplification à haut gain,
- l'application des signaux électriques amplifiés à un émetteur électromagnétique,
- l'exposition de la matière réceptrice aux ondes électromagnétiques produites par l'émetteur électromagnétique,
les susdites expositions étant maintenues pendant un temps suffisant pour que puisse aussi être détectée dans la matière réceptrice la manifestation de l'activité biologique propre au susdit réactif, lorsque cette matière réceptrice ainsi traitée est soumise au susdit protocole expérimental."
VI. Les arguments présentés par le requérant par écrit et au cours de l'audience en faveur de ce que les conditions de l'article 83 CBE étaient remplies sont les suivants :
i) L'invention pouvait être reproduite sur la base des informations données dans la demande telle que déposée. En effet, on trouvait dans cette demande :
- les caractéristiques des bobines électromagnétiques du capteur et de l'émetteur.
- le circuit d'amplification,
- la concentration de la matière émettrice,
- les durées d'exposition de la matière réceptrice à l'émetteur électromagnétique.
Un ingénieur électronicien pouvait contrôler l'étape d'exposer à un capteur de signaux magnétiques ou électromagnétiques une matière émettrice ainsi que l'étape d'appliquer les signaux électriques amplifiés aux bornes d'un émetteur électromagnétique émettant un champ électromagnétique vers la matière réceptrice. Un biologiste pouvait contrôler si un protocole expérimental est mis en oeuvre pour mettre en évidence une activité biologique liée à une substance active.
ii) Il n'était pas requis pour assurer la suffisance de l'exposé de l'invention que des problèmes éventuellement susceptibles de se poser soient identifiés dans la demande. Par ailleurs, la jurisprudence de l'OEB affirmait clairement que "s'agissant d'apprécier si l'invention est exposée de manière suffisamment claire et complète, il convient d'admettre les tâtonnements dans une mesure raisonnable, par exemple lorsqu'il s'agit d'un domaine encore inexploré..." (T 226/85, JO 1988, 336).
iii) La nature du signal produit par la matière émettrice n'avait pas été déterminée et le signal amplifié ne pouvait pas être mesuré à la sortie de l'amplificateur. Cependant, cela ne voulait pas dire que ce signal n'existait pas. Au contraire, son existence avait été confirmée de façon indirecte grâce à la manifestation constatée de la capacité de la matière réceptrice physiquement exempte de la substance étudiée à se manifester par des propriétés biologiques caractéristiques de la substance étudiée dans un protocole expérimental approprié. Ce résultat n'était obtenu qu'une fois que la matière réceptrice avait été exposée à ce qui avait été amplifié à partir de la matière émettrice par l'intermédiaire du circuit de transmission et d'amplification à haut gain.
iv) L'opérabilité du procédé était largement démontrée sur la base des résultats présentés au congrès du FASEB, de la publication Thomas et al., Medical Hypotheses, Vol. 54(1), pages 33 to 39, 2000 et des expériences dont les résultats étaient joints à la lettre du requérant datée du 13. juillet 2000 (annexes IV et V).
v) La situation n'était pas différente de celle observée en biologie classique où l'on admettait l'existence de signaux moléculaires sans en connaître la nature non plus que de la situation observée dans le cas de signaux auditifs que l'oreille (correspondant ici au système biologique utilisé pour mettre en évidence les propriétés de la matière réceptrice après qu'elle ait été exposée aux signaux amplifiés par l'émetteur) reconnaît, bien que leur nature ne soit pas identifiable.
Le fondement du procédé pouvait être considéré comme un phénomène comparable à celui observé dans une réaction catalysée où les produits A et B (ici, les substances émettrice et réceptrice) ne réagissaient qu'en quantités infinitésimales pour donner le produit C à moins que le catalyseur (ici, le circuit de transmission) ne soit présent.
Le procédé revendiqué n'était pas plus surprenant que n'était surprenant (et néanmoins exact) au siècle dernier que la voix humaine puisse être transférée au loin par des moyens électromagnétiques sous une forme indépendante de la personne chez qui elle prenait naissance.
VII. Par ailleurs, au cours de l'audience, le requérant a aussi discuté des caractéristiques du procédé ainsi que des paramètres susceptibles d'en influencer la marche :
- la solubilisation de la matière émettrice dans l'éthanol pouvait dans certains cas empêcher le transfert de l'information résultant dans l'activité biologique testée pour vérifier la bonne marche du procédé. Si un certain pourcentage d'eau était ajouté à la solution alcoolique de la substance émettrice, ce transfert était rétabli.
- La transmission de l'information conduisant à l'observation de l'activité biologique après qu'elle ait été amplifiée pouvait être si fortement perturbée par des influences extérieures que le requérant avait jugé nécessaire dans ses expériences actuelles de blinder la chambre où le transfert de cette information à la substance réceptrice prenait place.
- Dans certains cas, il était nécessaire de filtrer les ondes alternatives qui pouvaient éventuellement transiter via le circuit avant l'émetteur.
- L'état de la cible sur lequel était effectué le test biologique jouait un rôle important dans l'effet observé.
- L'état "activé" de la substance réceptrice avait une durée finie pouvant aller de plusieurs heures à plusieurs semaines.
- Il n'avait pas encore été possible de transférer des activi tés de type enzymatique au moyen dudit procédé.
VIII. Le requérant a conclu à la réformation de la décision de rejet et à la délivrance d'un brevet
- sur la base du jeu principal de revendications soumis le 13 juillet 2000 avec les corrections suivantes : revendication 1, "émettrice" en réceptrice" à la ligne 3 et "réceptrice" en "émettrice" à la ligne 7, ou
- sur la base du premier ou du deuxième jeu auxiliaire de revendications soumis à la procédure orale le 5. février 2001.
Dans le cas où la Chambre serait négative quant à la suffisance de l'exposé de l'invention, il a requis que la Grande Chambre de recours soit saisie de la question soumise à la procédure orale, le 5 février 2001 (voir point 19, ci-dessous), ou
- de surseoir à statuer pendant un délai supplémentaire de six mois.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
Jeu principal de revendications
Article 83 CBE ; exposé de l'invention
2. La revendication 1 (voir paragraphe IV, ci-dessus) a trait à un procédé de transmission de l'activité biologique d'une manière à une autre sous forme de signal, comprenant l'usage de n'importe quelle matière émettrice, n'importe quelle matière réceptrice, n'importe quel appareillage capteur-amplificateur-émetteur, n'importe quel effet biologique qui peut être attribué à la matière émettrice. Elle est donc d'une portée extrêmement large.
3. Selon la jurisprudence des chambres de recours de l'Office européen des brevets (T 19/90, JO 1990, 476), ce n'est pas parce qu'une revendication est de vaste portée que l'on peut considérer de ce seul fait que la demande ne satisfait pas aux conditions énoncées à l'article 83 CBE (nécessité d'exposer l'invention de manière suffisamment claire et complète). Cependant, il a aussi été établi (T 435/91, JO 1995, 188) que la condition d'exposé suffisant de l'invention peut uniquement signifier que l'ensemble de l'objet qui est défini dans les revendications doit pouvoir être exécuté par l'homme du métier sans expérimentation excessive ni apport inventif. Par ailleurs, il est stipulé dans la décision T 226/85 (voir paragraphe VI, ci-dessus) que, "s'agissant d'apprécier si l'invention est exposée de manière suffisamment claire et complète, il convient d'admettre des tâtonnements dans une mesure raisonnable, par exemple, lorsqu'il s'agit d'un domaine encore inexploré... Toutefois, l'homme du métier doit pouvoir disposer d'indications adéquates tirées de la description ou de ses propres connaissances générales qui le conduiront nécessairement et directement au succès...".
4. Pour évaluer si les exigences de l'article 83 CBE sont remplies, il est nécessaire de déterminer dans quelle mesure les enseignements prodigués dans la demande répondent aux critères ci-dessus énoncés.
5. Dans la description (page 1, dernier paragraphe), la nature qualitative de la matière émettrice n'est pas limitée. En ce qui concerne l'aspect quantitatif, dans l'exemple décrit aux pages 15 à 17, ayant trait à l'ovalbumine et à l'endotoxine en tant que matières émettrices, la concentration de ces substances est de 10-8 moles/litre mais il est aussi envisagé à la page 7, paragraphe 5 que la matière émettrice puisse être utilisée à des concentrations homéopathiques. La matière émettrice n'est donc définie ni de manière qualitative ni de manière quantitative.
6. Dans la partie générale de la description, pages 5 à 7, des propriétés avantageuses de l'appareillage capteur-amplificateur-émetteur sont décrites et les caractéristiques structurelles de cet appareillage selon l'un des modes de réalisation de l'invention sont divulguées de la page 10 à la page 12, donnant à l'homme du métier la possibilité de le construire. Cependant, l'exemple de mise en oeuvre du procédé fait totalement abstraction des étapes de capture, d'amplification et d'émission si bien que la description ne donne pas d'indication quant aux paramètres d'utilisation de l'appareillage une fois construit (à l'exception du temps d'exposition avantageux de la matière réceptrice à l'émetteur).
7. La bonne marche du procédé est vérifiée en mettant en évidence le fait que la substance réceptrice possède une activité biologique de la substance émettrice. Cette activité biologique est spécifique de la substance émettrice (ou de la substance réceptrice "activée") dans le sens où elle n'est pas observée en absence de la substance émettrice (ou de la substance réceptrice "activée") mais elle n'est pas forcément spécifique d'une substance émettrice donnée (ou de la substance réceptrice activée correspondante) dans le sens où elles seules produiraient l'effet observé : l'accélération du rythme cardiaque des coeurs de cobayes est ainsi observée aussi bien avec l'ovalbumine qu'avec l'endotoxine. Il apparaît donc que le choix de l'activité biologique retenue parmi toutes les activités biologiques qui peuvent être attribuées à une substance est lui aussi laissé à l'appréciation de la personne du métier.
8. Autrement dit, à chaque étape du procédé, la personne du métier est amenée à faire ses propres choix techniques. Pour la Chambre, cela revient à dire que la demande divulgue un principe, celui de transmettre l'activité biologique d'une matière à une autre sous forme de signal. Donc, la suffisance de l'exposé ne peut être acceptée que dans deux cas : si ce principe peut être mis en application quelques soient les conditions expérimentales choisies ou bien, si, lorsque des difficultés sont rencontrées, la personne du métier est à même de les résoudre sans effort indu ou apport inventif.
9. A l'audience, le requérant a porté à la connaissance de la Chambre des points de nature techniques qui ne sont pas mentionnés dans la demande (voir paragraphe VII, ci-dessus) : la bonne marche du procédé dépend, en particulier, de la nature de l'agent solubilisant la matière émettrice, d'influences extérieures agissant dans la période de transfert des signaux amplifiés de la substance émettrice à la substance réceptrice, de l'état de la cible utilisée dans le test biologique. Par ailleurs, la durée d'activation de la substance réceptrice est variable et il n'a pas encore été possible de transférer des activités de type enzymatique.
10. De cette présentation découle la conclusion que l'hypothèse selon laquelle le procédé est fonctionnel dans n'importe quelles conditions est fausse. La suffisance de l'exposé dépend donc de ce que la personne du métier puisse tirer de ses propres connaissances générales ou de la description, des indications adéquates pour remédier sans effort indu aux problèmes auxquels elle aura éventuellement à faire face.
11. Selon le requérant, la base physique de l'effet observé est inconnu, le signal émis pouvant par exemple représenter les fréquences émises par les atomes et les liaisons chimiques formant la molécule d'intérêt, le récepteur percevant la somme des composantes d'une fréquence moléculaire plutôt que sa globalité. Ainsi, la personne du métier ne peut-t-elle se servir de ses connaissances générales pour pallier d'éventuelles difficultés.
12. Par ailleurs, le requérant a expliqué à la Chambre qu'il n'était pas possible de vérifier séparément la bonne marche de chacune des étapes du procédé, en particulier, qu'il n'était pas possible de mesurer l'information amplifiée avant qu'elle ne soit transférée à la substance réceptrice, le résultat du test biologique étant le seul résultat observable. En absence d'enseignements dans la demande relatifs aux conditions expérimentales susceptibles d'influencer la bonne marche du procédé (voir point 9, ci-dessus), la personne du métier laissée à elle-même pour effectuer le choix des paramètres expérimentaux (voir point 8, ci-dessus) et n'obtenant pas le résultat final désiré n'a donc que la possibilité de faire varier au hasard les conditions expérimentales qui lui sembleraient pouvoir avoir une influence sur le procédé en espérant arriver par chance à faire fonctionner le dit procédé.
13. La Chambre estime que ce genre d'expérimentation demande des efforts indus et/ou un apport inventif incompatibles avec les exigences de l'article 83 CBE. En cela, elle rejoint l'opinion émise par la Chambre de recours compétente dans l'affaire T 32/85 (décision du 5 juillet 1986 ; voir, en particulier les points 4 et 5) où il a été conclu que dans le cas où seul le résultat final d'un procédé est mesurable, le fait que l'homme du métier ne puisse établir que par approximations successives le choix de paramètres à effectuer pour aboutir au succès n'était pas admissible sous l'article 83 CBE.
14. Le requérant a aussi cité deux publications et deux rapports d'expérimentation (voir paragraphe VI, iv) ci-dessus) comme évidence que l'invention peut être exécutée sur la base de l'exposé dans la demande. Ces documents ont trait à des travaux du requérant lui-même. Cependant, l'article 83 CBE exige que l'invention soit reproductible par un homme du métier. L'expression "un homme du métier" est et a toujours été interprétée dans la jurisprudence relative à l'article 83 CBE comme signifiant une personne du métier autre que celle requérant l'octroi d'un brevet. Cette interprétation est entièrement partagée par la Chambre. En conséquence, les documents présentés ne sont pas considérés comme appropriés à démontrer la suffisance de l'exposé de l'invention dans la demande.
15. Enfin, pour démontrer que le procédé revendiqué n'est pas plus surprenant que d'autres procédés généralement acceptés par la communauté scientifique (voir paragraphe VI, v), ci-dessus), le requérant a fait référence à un certain nombre de situations analogues. Cette approche qui semble destiner à établir la crédibilité de l'invention ne prodigue aucune information susceptible d'infléchir le raisonnement qui a amené la chambre à conclure à l'insuffisance de la description (points 2 à 13, ci-dessus).
16. Pour ces raisons, la Chambre conclut que les conditions de l'article 83 CBE ne sont pas remplies en relation avec le procédé de la revendication 1. La requête principale est refusée.
Premier et second jeux de requêtes auxiliaires
Article 83 CBE ; exposé de l'invention
17. Le premier jeu de revendications auxiliaire contient une revendication 1 remaniée pour préciser le type de test biologique envisagé. Dans le deuxième jeu de revendications auxiliaire, la revendication 1 a, en outre, été modifiée de telle manière que l'amplification des signaux émis par la matière émettrice et l'application de signaux ainsi amplifiés à l'émetteur soient mentionnées en tant qu'étapes du procédé revendiqué (voir paragraphe V, ci-dessus). Il n'en reste pas moins que le procédé revendiqué reste le même que celui de la revendication 1 de la requête principale (voir paragraphe IV, ci-dessus). En conséquence, le raisonnement qui a conduit à la conclusion d'insuffisance de l'exposé de l'invention en ce qui concerne la requête principale vaut également pour les deux requêtes auxiliaires.
18. Les premier et second jeux de requêtes auxiliaires sont refusés parce que les conditions de l'article 83 CBE ne sont pas remplies.
Question à la Grande Chambre de recours
19. Pour le cas où la Chambre de recours serait d'un avis négatif quant à la possibilité d'exécuter l'invention sur la base de la demande de brevet, le requérant a requis que la Grande Chambre de recours soit saisie de la question suivante :
"Est-il loisible à une chambre de recours de contester la suffisance de description d'une demande de brevet européen bien que les éléments présumés manquants de la description ne peuvent pas être définis par la Chambre, alors que :
1) les inventeurs affirment que les éléments décrits permettaient à l'homme du métier de reproduire l'expérience décrite au sens de l'article 83 CBE,
2) de ce fait, les inventeurs paraissent privés de moyens de défense à l'encontre d'objections non formulées par la Chambre."
20. Conformément à l'article 112(1)a) CBE, afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose, la chambre de recours, soit d'office, soit à la requête de l'une des parties, saisit en cours d'instance la Grande Chambre de recours lorsqu'une décision est nécessaire à ces fins.
21. La question mentionnée ci-dessus reflète la préoccupation que le Requérant semble avoir quant à la possibilité pour des tiers d'apprécier la nature de l'invention. Ce faisant, elle présente une relation évidente avec la substance technique même de l'invention. Elle n'est donc pas assimilable à une question dont la réponse permettrait d'assurer une application uniforme du droit, pas plus qu'à une question de droit d'importance fondamentale. En conséquence, la requête de saisir la Grande Chambre de recours est refusée.
Requête de surseoir à la décision pour une période de six mois
22. Cette requête a été soumise par le requérant pour avoir le temps d'effectuer des expériences pour confirmer que le procédé revendiqué fonctionne. Au cours de la procédure orale, la Chambre a établi que la description de la demande de brevet ne donne pas des enseignements suffisants pour que l'objet des revendications 1 des trois jeux de revendications déposés puisse être exécuté sans effort indu. Attendu que l'article 83 CBE stipule que la suffisance de l'exposé doit exister dans la demande de brevet elle-même, cet exposé ne saurait être complété par des expériences effectuées quelques sept ans après le dépôt de la demande. En conséquence, la requête de surseoir à la décision est refusée.
DISPOSITIF
Pour ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête en saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.
2. La requête de surseoir à décider est rejetée.
3. Le recours est rejeté.