T 0838/95 (Composition cosmétique/L'OREAL) of 9.12.1999

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1999:T083895.19991209
Date de la décision : 09 Décembre 1999
Numéro de l'affaire : T 0838/95
Numéro de la demande : 90400515.4
Classe de la CIB : A61K 7/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition cosmétique de traitement des cheveux contenant une microdispersion de cire
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Nouveauté (oui) - utilisation nouvelle d'une composition connue
Activité inventive (non) - utilisation dans le domaine cosmétique sans autre spécification d'un véhicule connu dans le domaine pharmaceutique
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0006/83
G 0002/88
G 0006/88
T 0036/83
T 0144/83
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. L'intimée est titulaire du brevet européen n 0 394 078 (demande n 90 400 515.4), comportant 19 revendications. Les revendications indépendantes 1, 17 et 19 s'énoncent comme suit :

"1. Utilisation, comme composition cosmétique ou support de composition cosmétique pour cheveux, d'une composition fluide non moussante contenant une dispersion de cire dans un véhicule liquide, dont la phase dispersée est une microdispersion stable de particules solides de dimensions inférieures à 500 nm, lesdites particules contenant une cire ou un mélange de cires et éventuellement une huile à une concentration pouvant aller jusqu'à 30 % en poids, par rapport à la cire, ladite cire ou ledit mélange ayant un point de fusion finissante supérieur à 60o C et inférieur à 100o C et étant capable de former une microdispersion telle que définie ci-dessus, ladite composition contenant, en poids, de 0,1 à 40 % de cire, de 0,01 à 25 % d'au moins un agent émulsionnant non ionique ou anionique et au moins 35 % d'eau, le rapport pondéral cire/émulsionnant pouvant varier de 1 à 30, et ladite composition ne contenant pas d'agent tensioactif cationique.

17. Utilisation, comme composition cosmétique, d'une composition telle que définie dans l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisée par le fait que ladite composition contient de 1 à 20 % de cire, et en particulier de 1 à 10 % de cire.

19. Procédé de traitement cosmétique des cheveux destiné à améliorer la tenue et le volume de la coiffure et/ou à supprimer ou à retarder l'apparition de l'aspect gras de cheveux, caractérisé par la fait que l'on applique, au moins sur la partie des cheveux voisine de la racine, en quantité suffisante pour imprégner les cheveux ou les parties de cheveux à traiter, une composition telle que définie dans l'une quelconque des revendications précédentes, après dilution éventuelle pour que la proportion pondérale de cire soit de 0,1 à 20 %.

II. La requérante a fait opposition à la délivrance du brevet européen susmentionné, demandant la révocation du brevet dans sa totalité pour absence de nouveauté et d'activité inventive (articles 100(a), 54 et 56 CBE). Pour en contester la brevetabilité, elle a cité les documents suivants :

(1) DE-A-2 347 243 (document correspondant à FR-A-2 222 998 cité dans le rapport de recherche)

(2) EP-A-0 167 825

III. Dans sa décision en date du 21 septembre 1995, la Division d'opposition a estimé que les objections soulevées ne s'opposaient pas au maintien du brevet tel que délivré et, en conséquence, a rejeté l'opposition (article 102(2) CBE). Les motifs exposés dans la décision peuvent être résumés comme suit :

- Concernant la nouveauté, parce qu'aucun des documents cités ne précisait l'utilisation d'une composition fluide telle que définie dans la revendication 1 du brevet attaqué comme composition cosmétique ou comme support de composition cosmétique pour cheveux, la division d'opposition était convaincue que l'objet des revendications 1 à 18 était nouveau.

- Comme aucun des documents ne divulguait un procédé de traitement cosmétique des cheveux dans lequel on applique sur les cheveux ladite composition, la Division d'opposition en a conclu que l'objet de la revendication 19 remplissait également les conditions de nouveauté.

- En ce qui concerne l'activité inventive, la Division d'opposition a considéré que le problème à résoudre résidait dans l'utilisation cosmétique de ladite composition contenant la microdispersion de cire dans le but d'améliorer la tenue et le volume de la coiffure, ou encore de supprimer ou retarder l'apparition de l'aspect gras des cheveux. Alors que les compositions dont l'utilisation dans le domaine cosmétique était revendiquée dans le brevet attaqué, produisaient un effet cosmétique lié à leur utilisation particulière, les documents cités (1) et (2) se référaient à l'utilisation de telles compositions comme véhicules pour des substances médicamenteuses dans le domaine pharmaceutique. Aussi, la Division d'opposition a estimé que l'utilisation cosmétique revendiquée des dites compositions ne découlait pas de manière évidente des documents opposés et que l'objet du brevet attaqué impliquait une activité inventive.

III. La requérante a formé un recours contre la décision de la Division d'opposition. Une procédure orale a eu lieu le 9 décembre 1999.

IV. Dans son mémoire de recours et au cours de la procédure orale la requérante a développé essentiellement les arguments suivants :

- De l'avis de la requérante, bien que les revendications actuelles 1 à 18 du brevet attaqué aient été rédigées comme des revendications d'utilisation, il s'agissait en fait de revendications de compositions en tant que telles. Etant donné que l'art antérieur selon les documents (1) et (2) révélait déjà à l'homme du métier des compositions fluides telles que définies dans la revendication 1 du brevet attaqué, contenant principalement une microdispersion stable de particules solides à base de cire, la requérante a considéré l'enseignement des documents cités comme détruisant la nouveauté des revendications 1 à 18, même si ces documents ne divulguaient pas l'utilisation des dites compositions comme compositions cosmétiques ou comme supports de compositions cosmétiques pour cheveux.

- Pour étayer son argumentation, la requérante s'est référée aux directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB. Selon ces directives (voir C-III, 4.8), si une composition connue se trouvait sous une forme qui la rendait effectivement adaptée à l'utilisation indiquée, bien que, dans la description, elle n'ait pas été prévue pour cette utilisation, la composition perdait son caractère de nouveauté. Dans le cas d'espèce, un homme du métier n'aurait pas douté que les compositions telles que décrites dans l'art antérieur selon les documents 1 et 2 se trouvaient sous une forme qui les rendait parfaitement adaptées à l'utilisation revendiquée, c'est-à-dire à l'utilisation comme composition cosmétique ou support de composition cosmétique pour cheveux.

- En ce qui concerne l'activité inventive de l'objet du brevet en litige, la requérante était d'avis que les cires utilisées dans les compositions cosmétiques selon le brevet, telles que les cires de carnauba, de candelilla et d'alfa, étaient des ingrédients cosmétiques bien connus et que, par conséquent, en l'absence d'effets surprenants ou d'un avantage inattendu, le choix de certaines cires pour l'utilisation cosmétique revendiquée n'était pas susceptible d'étayer une activité inventive.

- En outre, de l'avis de la requérante, l'utilisation dans le domaine des cosmétiques de compositions déjà utilisées dans l'art antérieur avec succès comme véhicules ou excipients pour des substances médicamenteuses dans le domaine pharmaceutique, était évidente pour l'homme du métier.

- La requérante a ensuite fait observer que les compositions cosmétiques obtenues selon le brevet attaqué pouvaient aussi contenir, en plus des cires ou d'un mélange de cires, un ou plusieurs ingrédients cosmétiques secondaires permettant d'obtenir les effets souhaités. Étant donné que l'intimée n'avait pas montré de manière convaincante que les effets désirés étaient, en fait, dus aux compositions telles que définies dans la revendication 1, à savoir à la présence d'une microdispersion de cire ou d'un mélange de cires, ces effets ne pouvaient pas être pris en considération pour démontrer l'existence d'une activité inventive.

V. Au cours de la procédure orale, l'intimée (titulaire) a contesté les arguments de la requérante et ce, essentiellement pour les raisons suivantes :

- En ce qui concerne la nouveauté des microdispersions de cire dont l'utilisation était revendiquée dans le brevet attaqué, l'intimée a affirmé, que de telles microdispersions avaient déjà été décrites dans l'art antérieur. Cependant, selon elle il ne s'agissait pas, dans les documents (1) et (2), de microdispersions stables de cire telles que décrites et utilisées dans le brevet litigieux. A la lecture de l'exposé de l'invention, l'homme du métier pouvait conclure que le choix et la nature des cires utilisées dans le brevet attaqué étaient des caractéristiques essentielles pour la réalisation de l'invention.

- Au contraire, les cires telles qu'utilisées dans le documents (1) et (2) n'étaient pas aptes à la préparation de microdispersions stables. Lors de la procédure orale, la requérante a déclaré en outre qu'elle estimait superflue une discussion à ce sujet, car le brevet attaqué n'envisageait rien d'autre que l'utilisation de microdispersions stables de cire bien connues en tant que compositions cosmétiques. Etant donné qu'aucun des documents cités dans la procédure ne divulguait l'utilisation de telles microdispersions dans le but revendiqué, l'objet des revendications du brevet attaqué était en tout cas nouveau.

- S'agissant de l'activité inventive, l'intimée a soutenu que l'enseignement des documents (1) et (2) ne la mettait pas en cause, car l'homme du métier ne pouvait trouver dans les documents cités aucune suggestion pour utiliser des microdispersions de cire comme compositions cosmétiques ou supports de compositions cosmétiques et cela pour deux raisons principalement :

- La première raison découlait de la nature même du problème que se proposait de résoudre le brevet attaqué, à savoir l'obtention d'un effet cosmétique, en vue notamment d'améliorer la tenue et le volume de la coiffure, ou encore de supprimer ou retarder l'apparition de l'aspect gras des cheveux. Outre le fait que les documents cités ne concernaient que des méthodes de traitement thérapeutique du corps humain, les microdispersions de cire avaient été utilisées dans (1) et (2) uniquement comme véhicules pour le transport des substances médicamenteuses.

- La seconde raison tenait au fait que, dans l'art antérieur selon les documents (1) et (2), une substance médicamenteuse devait être ajoutée au véhicule contenant une microdispersion de cire pour obtenir un effet (thérapeutique), alors que dans le brevet en cause la microdispersion même était l'agent cosmétique.

VI. La requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Catégorie des revendications indépendantes 1 et 17

2.1. Comme l'indique le préambule des revendications indépendantes 1 et 17, celles-ci concernent l'utilisation comme composition cosmétique des compositions telles que définies dans ces revendications. Cependant, la requérante a fait valoir dans son mémoire de recours et de nouveau lors de la procédure orale que les revendications 1 et 17 telles que rédigées dans le brevet délivré devaient être interprétées comme portant sur compositions per se.

2.2. Il existe deux types fondamentaux de revendications, à savoir les revendications portant sur une chose (par exemple: produit, composition, dispositif) et les revendications portant sur une activité physique (par exemple : méthode, procédé, utilisation). Ces deux types fondamentaux de revendications sont parfois désignés comme constituant les deux catégories possibles de revendications. Dans la décision G 6/83 (JO OEB 1985, 67), la Grande Chambre de recours a estimé qu'il relevait en principe de l'appréciation du déposant de qualifier une activité physique soit de procédé d'exécution - comportant une série d'étapes (voir présente revendication 19) - soit d'utilisation ou d'application d'une substance (composition) dans un but déterminé pouvant également inclure une série d'étapes (voir présentes revendications 1 et 17). Pour la Grande Chambre, les deux types de revendications étaient objectivement de même valeur.

2.3. La rédaction des revendications 1 et 17 dans le brevet attaqué (utilisation, comme composition cosmétique, d'une composition telle que définie ...........) ne laisse pas le moindre doute sur le fait qu'elles portent sur une activité physique ayant pour l'objet l'utilisation de compositions bien définies dans un but déterminé, à savoir en tant que compositions cosmétiques.

3. Portée de la revendication 17

Bien que la revendication 17 comporte une référence à la revendication 1 en ce qui concerne la définition des compositions dont l'utilisation est revendiquée, il s'agit toutefois sans aucun doute d'une revendication indépendante.

En effet, la revendication 17, au contraire de la revendication 1, ne fait plus référence à l'utilisation cosmétique pour les cheveux. Elle a donc une portée plus large que les revendications 1 et 19. Quant a son libellé, il implique l'utilisation, en général, des compositions telles que définies dans la revendication 1 comme composition cosmétique, donc dans n'importe quel contexte.

C'est donc de la revendication 17, la plus large, qu'il convient d'examiner, en premier lieu, la brevetabilité.

4. État de la technique le plus proche

4.1. L'état de la technique le plus proche, de l'avis de la Chambre, illustré par le document (2), décrit des suspensions aqueuses colloïdales formées de nanogranulés contenant un mélange de lipides (cires) et de substances tensioactives qui se présentent sous forme d'agrégats solides à température ambiante avec une granulométrie de 50. à 1000 nanomètres, en particulier de 80 à 800 nanomètres (voir particulièrement page 4, lignes 6-10 ; page 14, lignes 13-33, revendication 1).

Plus précisément, l'exemple 5 du document (2) a pour objet une microdispersion constituée de :

- 6g (2,8 % par rapport au poids total de la composition) de tristéarine (cire à base de tristéarate de glycérol, point de fusion 72o C) et

- 2g (0,94 % par rapport au poids total de la composition) de PhospholiponeR 100-H (agent émulsionnant non ionique à base de lécithine) dispersés dans une phase (véhicule) liquide d'une quantité de

- 200ml (94 % par rapport au poids total de la composition) d'eau,

- le rapport pondéral cire/émulsionnant ayant la valeur de 3,

- la dimension (diamètre moyen) des particules solides ayant la valeur de 100 à 400 nanomètres.

L'exemple 6 du document (2) a pour objet une microdispersion constituée de :

- 10g (4,7 % par rapport au poids total de la composition) de distéarate de propylène glycol (cire, point de fusion 68o C) et

- 2g (0,94 % par rapport au poids total de la composition) de PhospholiponeR 100-H (agent émulsionnant non ionique à base de lécithine) dispersés dans une phase (véhicule) liquide d'une quantité de

- 200ml (94 % par rapport au poids total de la composition) d'eau,

- le rapport pondéral cire/émulsionnant ayant la valeur de 5,

- la dimension (diamètre moyen) des particules solides ayant la valeur de 100 nanomètres.

4.2. Les compositions exposées dans les exemples 5 et 6 du document (2) ne se distinguent pas, du point de vue

- de la proportion et de la nature des cires,

- de la proportion et de la nature des émulsionnants,

- de la proportion d'eau constituant la phase (véhicule) liquide,

- du rapport pondéral cire/émulsionnant,

- de la granulométrie (dimension des particules solides), et

- de leur procédé de préparation (voir (2), page 14, lignes 13-33 ; page 17, ligne 27 à page 19, ligne 7) des microdispersions telles que définies dans la revendication 1 du brevet attaqué.

4.3. Cependant, l'intimée, contrairement à l'avis de la requérante, a allégué lors de la procédure orale que le document (2) divulguait des suspensions ou dispersions instables, alors qu'il s'agissait dans le brevet attaqué de microdispersions thermodynamiquement stables et indéfiniment diluables dans l'eau sans agrégation et sans sédimentation des particules en suspension. Elle s'est référée à la page 3, lignes 23 à 24 du brevet attaqué où il est dit "qu'il est possible d'obtenir avec certaines cires des microdispersions stables" et en a conclu que les cires utilisées dans le document (2) n'étaient pas qualifiées pour l'obtention des microdispersions stables. La Chambre ne peut adhérer à ce point de vue.

En effet, contrairement aux conclusions de l'intimée, il y a lieu de souligner les points suivants :

- les cires utilisées dans les exemples 5 et 6 du document (2) rentrent dans la définition de la cire exposée dans la revendication 1 du brevet attaqué (voir page 20, revendication 1, lignes 29 à 31 : "ladite cire ou ledit mélange ayant un point de fusion finissante supérieur à 60o C et inférieur à 100o C et étant capable de former une microdispersion telle que définie ci-dessus") ;

- il en est de même pour l'agent émulsionnant utilisé dans les exemples 5 et 6 du document (2) (voir la définition de l'agent émulsionnant exposée dans la revendication 1 du brevet attaqué, lignes 32 à 34 : "un agent émulsionnant non ionique ou anionique <.................> et ladite composition ne contenant pas d'agent tensioactif cationique") ;

- il est en outre indéniable que les compositions divulguées dans le document (2) sont obtenues conformément au procédé de préparation tel qu'il est décrit dans le brevet attaqué pour la préparation de microdispersions de cire (voir page 2, lignes 23- 30).

C'est pourquoi la Chambre souscrit au raisonnement de la requérante selon lequel les mêmes causes produisent les mêmes effets et que donc, selon une règle d'expérience, un même procédé conduit à un même produit.

Il est, de plus, précisé dans le document (2) que les suspensions qui y sont décrites, sont stables (voir page 15, ligne 3).

Par conséquent, la Chambre estime que l'intimée n'a pas fourni de preuves suffisantes à l'appui de son allégation selon laquelle il existerait une différence entre les microdispersions telles que définies dans le brevet litigieux et celles telles que décrites dans le document (2).

4.4. Selon le document cité, il est proposé d'utiliser les compositions connues dans le domaine pharmaceutique comme véhicule ou excipient pour des substances médicamenteuses qu'il est souhaitable d'appliquer par voie orale (voir page 1, lignes 1-4) dans le but d'améliorer leur résorption et leur biodisponilibité sur le site d'action (voir page 3, lignes 7-20).

5. Nouveauté

5.1. Conformément aux décisions G 2/88 (JO OEB 1990, 93) et G 6/88 (JO OEB, 1990, 114), l'objet de la revendication 17 est nouveau au sens de l'article 54 CBE si l'effet technique, à savoir l'effet cosmétique, sur lequel se fonde l'utilisation revendiquée dans le brevet attaqué n'a pas déjà été rendu antérieurement accessible au public.

5.2. Il ne ressort pas, en l'occurrence, de l'enseignement technique du document (2) que les compositions divulguées dans (2) produisaient un effet cosmétique. Par contre, dans la première phrase de la description du document (2) il est expressément question d'utilisation des compositions contenant une microdispersion de nanogranulés de lipides comme système de support contenant des substances médicamenteuses pour administration par voie orale (voir page 1, lignes 1 à 4). Par ailleurs, à la page 3, lignes 7 à 11, il est fait état du problème et de l'importance d'obtenir des particules solides de lipides chargées de substances médicamenteuses et ayant une granulométrie propre qui permette leur transport à travers la paroi intestinale. À cet effet il est proposé d'utiliser des microdispersions de cire telles que décrites dans ce document comme compositions pharmaceutiques, plus précisément comme véhicules ou excipients pour des substances médicamenteuses qu'il est souhaitable d'appliquer par voie orale (voir page 1, lignes 1-4) dans le but d'améliorer leur résorption et leur biodisponibilité sur le site d'action (voir page 3, lignes 11-20).

5.3. La Chambre peut en conclure que l'utilisation des compositions telles que définies dans la revendication 1 en tant que compositions cosmétiques n'est pas divulguée dans l'état de la technique. La solution proposée revendiquée dans la revendication 17 est donc nouvelle (article 54 CBE).

6. Problème et la solution

6.1. Dans la mesure où le document (2) constitue l'état de la technique le plus proche, on peut considérer que le problème que l'invention se propose de résoudre consiste à découvrir et proposer pour certaines compositions connues, à savoir les compositions fluides contenant principalement une microdispersion stable de particules solides à base de cire telles que décrites dans le document (2), une nouvelle utilisation.

6.2. La revendication 17 correctement interprétée comme indiqué au point 3 ci-dessus est très large et la solution qui y est proposée couvre l'utilisation, en général, des compositions telles que définies dans la revendication 1 en tant que compositions cosmétiques , ce qui implique n'importe quel effet cosmétique et englobe n'importe quelle voie et quel mode d'administration.

6.3. Il ressort de la description du brevet attaqué que diverses applications de cires dans le domaine cosmétique sont connues depuis longtemps, soit sous forme de substances naturelles (animales ou végétales), soit sous forme de substances synthétiques (voir page 2, lignes 6 à 15). Il est donc légitime de conclure que l'utilisation selon la revendication 17 de microdispersions de cire telles que définies dans la revendication 1 permet aussi d'obtenir un quelconque effet cosmétique et, par conséquent, effectivement de résoudre le problème technique mentionné ci-dessus. A cet égard, la Chambre note que la requérante qui, en tant qu'opposante, a la charge de la preuve, n'a versé au dossier aucune information technique ou preuve infirmant les résultats exposés dans le brevet attaqué.

7. Activité inventive

7.1. La question qui se pose pour l'appréciation de l'activité inventive est de savoir si, pour un homme du métier, l'utilisation comme composition cosmétique de microdispersions telles que décrites dans le document (2) découle d'une manière évidente de leur utilisation connue dans le domaine pharmaceutique.

Il convient donc tout d'abord de noter que le domaine pharmaceutique et le domaine cosmétique doivent être considérés comme immédiatement voisins. En effet, les problèmes techniques que l'homme du métier vise à résoudre sont souvent très semblables et se rapportent à des préparations contenant un ou plusieurs agents actifs permettant leur administration par une voie appropriée dans le but d'obtenir soit un effet cosmétique, soit un effet thérapeutique.

7.2. A cet égard il faut attirer l'attention sur les cas bien connus et assez fréquents évoqués au cours de la procédure orale, dans lesquels les préparations cosmétiques et pharmaceutiques peuvent avoir des formulations galéniques susceptibles de se recouper et dans lesquels, en outre, il peut être difficile de marquer la différence entre l'effet thérapeutique et l'effet cosmétique des substances ou compositions mises en oeuvre.

Mentionnée à titre d'exemple, l'affaire T 36/83 (JO OEB 1986, 295) concernait aussi bien des préparations pharmaceutiques que des préparations cosmétiques contenant le peroxyde de thénoyle comme substance pharmacologiquement active et comme médicament ou comme agent actif cosmétique. Lesdites préparations (pharmaceutique ou cosmétique) pouvaient avoir des formulations semblables, sinon identiques.

L'affaire T 144/83 (JO OEB 1986, 301), portait sur un procédé de traitement du corps humain à des fins cosmétiques comprenant l'administration par voie orale d'un produit chimique (naltrexone) ayant simultanément un effet cosmétique, à savoir l'amélioration de l'apparence physique d'un mammifère, et un effet thérapeutique visant au traitement de l'obésité. Selon les motifs de cette décision, "Il faut admettre que le traitement esthétique du corps humain ou animal, seul objet revendiqué dans la présente demande, est un adjuvant à l'utilisation thérapeutique, sans qu'il y ait une nette distinction dans certains cas" (voir point 4 des motifs).

7.3. D'une part, compte tenu de ce qui précède, il est parfaitement justifié d'attendre d'un homme du métier qu'il consulte l'état de la technique aussi bien dans le domaine pharmaceutique que dans le domaine cosmétique où se posent dans une large mesure des problèmes identiques ou semblables, et que cet état de la technique lui soit familier.

D'autre part, étant donné qu'il était déjà connu d'obtenir un effet cosmétique par administration par voie orale de produits chimiques (voir point 7.2 ci-dessus), l'homme du métier n'aurait pas été détourné d'une utilisation cosmétique par cette voie. Il aurait d'ailleurs trouvé dans la liste des substances destinées à être incorporées aux compositions selon le document (2), par exemple, la vitamine A qui est connue de l'homme du métier pour ses utilisations tant cosmétique que thérapeutique (voir page 6, ligne 10). L'utilisation de microdispersions de cire, par exemple, en tant qu'excipients ou véhicules pour des substances cosmétiques tombe dans la revendication 17 portant sur l'utilisation cosmétique générale de telles microdispersions. L'intimée n'a pas été en mesure de réfuter cette conclusion.

7.4. Ainsi, l'homme du métier confronté au problème très peu spécifique de découvrir et proposer une nouvelle utilisation des microdispersions stables à base de cire telles que décrites dans le document (2), aurait, grâce à ses connaissances générales de base et grâce a ses connaissances dans des domaines techniques connexes, envisagé leur utilisation dans le domaine le plus proche, à savoir dans le domaine cosmétique.

7.5. La Chambre donc estime que la solution au problème énoncé, fournie dans la revendication 17 de portée très générale, découle de manière évidente de l'état de la technique et des connaissances techniques générales de l'homme du métier et qu'elle ne saurait donc être considérée comme impliquant une activité inventive (art. 56 CBE).

7.6. Puisque la revendication 17 n'est pas brevetable et qu'un jeu de revendications ne peut être considéré que dans son ensemble, il est inutile d'examiner la brevetabilité des autres revendications. En l'absence d'autres requêtes, le brevet doit donc être révoqué dans sa totalité.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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