European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1989:T000289.19890703 | ||||||||
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Date de la décision : | 03 Juillet 1989 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0002/89 | ||||||||
Numéro de la demande : | 82101469.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | C09D 5/44 | ||||||||
Langue de la procédure : | DE | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | BASF | ||||||||
Nom de l'opposant : | Herberts GmbH | ||||||||
Chambre : | 3.3.02 | ||||||||
Sommaire : | 1. Les faits invoqués à l'appui d'une opposition doivent être suffisamment détaillés pour permettre à l'OEB et au titulaire du brevet de comprendre, sans examen supplémentaire, les arguments avancés (confirmation de la décision T 222/85, "Irrecevabilité/PPG", JO OEB 1988, 128). 2. Une opposition est conforme aux dispositions de la règle 55 c) CBE même si elle ne traite pas toutes les caractéristiques de la revendication attaquée. |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Recevabilité de l'opposition Exposé suffisant des motifs de l'opposition |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 82 101 469.3 déposée le 26 février 1982 et revendiquant la priorité d'une demande antérieure allemande en date du 4 mars 1981 a donné lieu le 17 avril 1985 à la délivrance du brevet européen n° 59 895. Celui-ci a trait à des liants pour peintures cationiques pour électrodéposition obtenus par réaction de quatre composants donnés.
II. Par communication en date du 15 janvier 1986, le requérant (opposant) a fait opposition à ce brevet européen en se fondant sur deux antériorités, à savoir un article publié dans la revue "Kollidnyi Zhurnal", volume 35, pages 1100 à 1103, et le fascicule de brevet européen 4 090. Le requérant a en outre indiqué qu'il a également fait opposition au brevet allemand dont la priorité a été revendiquée pour le brevet européen. Aussi, pour plus de commodité, joint-il à titre d'exposé supplémentaire des motifs les cinq pages qui constituent son acte d'opposition au brevet allemand, dont le contenu sert ainsi de base à l'exposé des motifs de l'opposition au brevet européen.
III. Le brevet allemand se distingue du brevet européen en ce que le composant C y est facultatif ("éventuellement"), alors qu'il est obligatoire dans le brevet européen.
IV. Par communication en date du 3 juin 1986, l'intimé (titulaire du brevet) a demandé le rejet de l'opposition et le maintien du brevet tel qu'il a été délivré, et a minutieusement examiné quant au fond les antériorités citées par l'opposant ainsi que les arguments invoqués à l'appui de son opposition. Ce faisant, l'intimé a notamment fait observer que, dans le texte actuel de la revendication 1 du brevet délivré, le composant C, avec 10 à 50 % en poids, était un composant obligatoire du liant selon l'invention.
V. Après que l'opposant eut, par communication en date du 31 octobre 1986, donné un avis détaillé sur le fond en ce qui concerne les arguments du titulaire du brevet, et que celui-ci lui eut répondu par communication en date du 19 décembre 1986, la division d'opposition a, le 24 mars 1987, établi une notification conformément à l'article 101(2) et à la règle 58(1) à (3) CBE. Elle y expose en détail pourquoi, selon elle, l'objet des revendications 1, 2, 3, 9 et 11, ainsi que les procédés de fabrication correspondants ne sont pas nouveaux par rapport à l'état de la technique mentionné et, de ce fait, ne sont pas brevetables conformément à l'article 54 CBE. Par conséquent, dans l'état actuel du dossier, il y aurait lieu de révoquer le brevet. Le titulaire du brevet a été invité à présenter ses observations dans un délai de quatre mois.
VI. En réponse à la notification de la division d'opposition, le titulaire du brevet a rendu un avis sur le fond le 7 juillet 1987, qu'il a étayé par un compte rendu d'essais de neuf pages.
VII. Dans une nouvelle notification en date du 27 novembre 1987, la division d'opposition a indiqué que les essais comparatifs qui lui ont été soumis lui paraissaient importants, de sorte qu'il n'était pas exclu que le brevet puisse être maintenu. Les parties ont été convoquées à une procédure orale fixée au 20 avril 1988, en vue de laquelle elles ont toutes deux présenté des observations détaillées.
VIII. Lors de la procédure orale et dans une notification supplémentaire datée du 9 mai 1988, il a été indiqué qu'il fallait s'attendre au rejet de l'opposition pour irrecevabilité, faute de motifs invoqués à son appui. Etant donné que le composant C est obligatoire dans le brevet européen alors qu'il est facultatif dans le brevet allemand correspondant, l'acte d'opposition au brevet allemand déposé pour motiver l'opposition au brevet européen n'est pas pertinent.
IX. Par la décision attaquée en date du 19 octobre 1988, la division d'opposition a rejeté l'opposition pour irrecevabilité, conformément à la règle 56 CBE. Vu l'importance variable du composant C selon qu'il s'agit du brevet allemand ou du brevet européen, les motifs invoqués à l'appui de l'opposition sont insuffisants, car les faits mentionnés ne se rapportent pas à l'objet du brevet européen. Il n'existe aucun lien de causalité entre les moyens de l'opposition et la revendication en vigueur, de sorte qu'il est impossible de comprendre immédiatement l'exposé des motifs et son bien-fondé. Aussi y-a-t-il lieu de rejeter l'opposition pour irrecevabilité conformément à la décision T 222/85 (JO OEB 1988, 128). Le fait que cette décision n'a été rendue qu'à un stade déjà avancé de la procédure n'est pas opposable, étant donné que la règle 56(1) CBE ne prévoit pas de moment auquel une décision sur la recevabilité d'une opposition doit être rendue.
X. Dans le recours qu'il a formé contre la décision de la division d'opposition, l'opposant fait valoir que son opposition en date du 15 janvier 1986 remplit toutes les conditions énoncées à la règle 55(c) CBE et qu'elle est donc recevable. Conformément à cette disposition, il a cité deux antériorités et précisé pourquoi elles faisaient obstacle au brevet attaqué. Son exposé a d'ailleurs été bien compris tant par le titulaire du brevet que par la division d'opposition, puisque tous deux se sont penchés sur le fond des motifs de l'opposition sans examen supplémentaire, et sans éprouver le moindre doute.
XI. Le requérant conclut à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la procédure devant la division d'opposition, l'intimé au rejet du recours et, à titre subsidiaire, au renvoi devant la division d'opposition.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncés aux articles 106, 107 et 108, ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. Aux termes de la règle 56(1) CBE, la division d'opposition rejette l'opposition comme irrecevable si elle constate qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de la règle 55(c) CBE. En vertu de la règle 55(c) CBE, l'acte d'opposition doit comporter une déclaration précisant la mesure dans laquelle le brevet européen est mis en cause par l'opposition, les motifs sur lesquels l'opposition se fonde ainsi que les faits et justifications invoqués à l'appui de ces motifs. De l'avis de la division d'opposition, l'opposition datée du 15 janvier 1986 ne remplit pas cette dernière condition.
3. Dans sa décision T 222/85 (JO OEB 1988, 128), la Chambre a estimé que la condition selon laquelle il y a lieu d'indiquer les faits et justifications invoqués à l'appui de l'opposition n'est remplie que si l'exposé des faits et justifications pertinents est suffisant pour permettre à la division d'opposition et au titulaire du brevet de pénétrer l'argumentation et le fond de la cause de l'opposant en relation avec les motifs de l'opposition sans autre examen. Tel n'est pas le cas lorsque l'opposant cite seize documents sans indiquer les passages de ces documents qui portent atteinte à la nouveauté de l'invention revendiquée ou à son caractère inventif. La division d'opposition et l'intimé ne voient guère alors par où commencer l'examen des allégations de l'opposant. Un tel exposé des motifs conduit à inviter la division d'opposition à effectuer d'office de nouvelles recherches dans ces antériorités, dans l'espoir que celle-ci en viendrait alors à formuler d'elle-même des arguments contre la brevetabilité sur la base de ses constatations. Or cette tâche incombe à l'opposant, et non pas à l'OEB.
4. La Chambre souligne expressément qu'elle s'en tient à sa décision T 222/85. C'est toutefois à tort que la division d'opposition s'en prévaut, le cas présent n'étant pas comparable avec celui ayant fait l'objet de la décision T 225/85.
En l'espèce, l'opposant invoque deux antériorités à l'appui de son opposition. Or, contrairement au cas ayant fait l'objet de la décision T 222/85, il ne se contente pas de mentionner les deux antériorités, mais les examine en détail dans un mémoire de cinq pages, dans lequel il cite, en précisant la page, la ligne, la figure ou le tableau, les passages des documents qui lui paraissent importants. Un tel exposé des motifs satisfait à l'exigence de la règle 55 c) CBE, selon laquelle il y a lieu d'indiquer les faits et justifications invoqués à l'appui des motifs.
5. Le fait que l'exposé des motifs de l'opposition n'aborde pas le composant C du liant revendiqué parce que l'opposant a produit, à l'appui de son opposition, une copie de son acte d'opposition au brevet allemand, selon lequel ce composant est facultatif, n'affecte en rien la recevabilité de l'opposition, mais pourrait être déterminant pour apprécier l'opposition sur le fond - autrement dit, pour apprécier son bien-fondé. La Chambre réaffirme le principe qu'elle avait posé dans sa décision T 222/85, à savoir qu'il importe de distinguer entre la notion de respect des conditions énoncées à la règle 55(c) CBE et celle du bien-fondé de l'opposition. Or, en l'occurrence, la division d'opposition n'a pas tenu compte de cette distinction. Un opposant est parfaitement en droit d'attaquer un brevet pour une substance obtenue par réaction de quatre composants, en essayant de prouver que les composants A, B et D sont connus ou qu'ils n'impliquent pas une activité inventive, pour en conclure que le brevet dans son ensemble doit être révoqué. Si une telle opposition est, comme en l'espèce, étayée par un exposé des faits suffisant d'où il ressort que l'absence alléguée de nouveauté ou d'activité inventive découle de certains documents dont les passages pertinents sont cités, sa recevabilité ne saurait faire de doute. La question de savoir si cet exposé suffit à révoquer le brevet, comme le demande l'opposant, est tout autre. Elle revient à s'interroger sur le bien-fondé de l'opposition ; en effet, l'opposition peut fort bien aboutir sans que le composant C doive être pris en considération.
Mais il se pourrait aussi que, même en admettant la justesse des moyens d'opposition, la brevetabilité ne fasse aucun doute, l'invention résidant précisément dans le caractère obligatoire de l'addition du composant C. Ce sont là des questions concernant le bien-fondé de l'opposition, qui n'affectent en rien sa recevabilité, car une opposition ne saurait être irrecevable au motif que les faits invoqués ne sont pas concluants et ne peuvent donc fonder la révocation du brevet.
En conséquence, il y avait lieu d'annuler la décision attaquée.
6. Aux termes de la règle 67 CBE, le remboursement de la taxe de recours est ordonné lorsqu'il est fait droit au recours par la chambre de recours, si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure. En l'espèce, ces conditions sont remplies. Pour fonder l'irrecevabilité de l'opposition, la division d'opposition a invoqué l'absence de tout lien de causalité entre les moyens d'opposition, selon lesquels le composant C est une caractéristique facultative, et le brevet délivré, de sorte qu'il était impossible de comprendre immédiatement l'exposé des motifs. Cette constatation est en soi déja erronée, car, comme indiqué plus haut, peu importe, pour la recevabilité de l'opposition au sens de la règle 55(c) CBE, qu'un opposant ait analysé l'ensemble des caractéristiques d'une revendication.
En outre, en constatant dans la décision attaquée que l'acte d'opposition ne peut être compris immédiatement, la division d'opposition prend manifestement le contre-pied de l'attitude qu'elle avait adoptée au cours de la procédure d'opposition menée devant elle depuis plus de deux ans déjà. La Chambre ne peut tout simplement pas comprendre comment il est possible de conduire une procédure d'opposition sur le fond pendant plus de deux ans - comme en témoignent les notifications quant au fond en date du 24 mars et du 27 novembre 1987 - sans avoir prétendument compris en quoi consistait le contenu de l'exposé de l'opposant. Le titulaire du brevet n'avait pas, lui non plus, de difficultés à comprendre les arguments de l'opposant quant au fond. De même, la Chambre ne peut concevoir qu'il ait pu y avoir de telles difficultés de compréhension.
Enfin, la Chambre a déjà fait observer dans sa décision T 222/85 que dans l'intérêt public la procédure d'opposition doit être menée aussi rapidement que possible. Tel est également le but des dispositions de la règle 55(c) CBE. Appliquer ces dispositions en vue de clore une procédure pour des raisons de forme après l'avoir menée quant au fond à un stade où une décision peut être rendue revient à inverser le sens de ces dispositions ; en effet, les règles de procédure ne sont pas une fin en soi, mais visent à permettre de rendre une décision rapide et aussi juste que possible.
Pour ces raisons, la Chambre estime qu'il est équitable d'ordonner le remboursement de la taxe de recours, même si le requérant ne l'a pas demandé.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la division d'opposition en date du 19 octobre 1988 est annulée.
2. Il est ordonné le remboursement de la taxe de recours.