European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1987:T039086.19871117 | ||||||||
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Date de la décision : | 17 Novembre 1987 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0390/86 | ||||||||
Numéro de la demande : | 80200435.8 | ||||||||
Classe de la CIB : | C10G 47/20 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Shell | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.01 | ||||||||
Sommaire : | 1. Une division d'opposition a le pouvoir de rendre une décision finale sur le fond (en l'occurrence sur la brevetabilité de l'objet de revendications particulières avant d'envoyer une notification établie conformément à la règle 58(4) CBE. 2. Dès lors qu'elle a rendu une décision finale sur des questions de fond, la division d'opposition n'a plus aucun pouvoir de poursuivre l'examen de l'opposition sur ces mêmes questions, pas même en vertu de la règle 58(5) CBE. Les parties ne sont plus autorisées à invoquer d'autres moyens concernant ces questions. 3. Il est obligatoire qu'une décision soit pour le moins rédigée au nom des membres désignés afin de statuer dans la procédure, en reproduisant leur point de vue, et qu'elle soit signée en conséquence. 4a. L'éxposé écrit des motifs d'une décision prononcée au cours d'une procédure orale ne peut être signé que par les membres de l'instance ayant partcipé à cette procédure. Il en va de même si entre le moment où la décision a été prononcée à l'audience et celui où elle est formulée par écrit, se sont déroulées les étapes d'une procédure telle que prévue à la règle 58(4) CBE. 4b. Lorsque la décision formulée par écrit pour faire suite à une décision finale sur le fond qui a été prononcée au cours d'une procédure orale par une division d'opposition est signée par d'autres personnes que celles qui composaient alors cette même division, la décision n'est pas valable. |
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Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Décision prononcée au cours d'une procédure orale Décision formulé par écrit lui faisant suite et signée par des personnes qui n'ont pas statué au cour de la procédure orale Décision non valable |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. Deux opposantes ont formé chacune une opposition au brevet européen n° 19 959. L'opposante I a demandé à recourir à la procédure orale sous certaines conditions. Une procédure orale a été fixée dans les délais et s'est déroulée le 8 octobre 1985 devant la Division d'opposition composée de trois membres. Chacune des trois parties était représentée à la procédure orale, au cours de laquelle des conclusions ont été soumises en leur nom concernant les questions de fond soulevées par les deux opposantes. A l'issue de la procédure orale, le président a prononcé la décision suivante prise par la Division d'opposition :
i) il n'est pas fait droit à la requête principale de la société titulaire du brevet tendant au maintien du brevet dans sa forme non modifiée;
ii) il est fait droit à la requête subsidiaire de la société titulaire du brevet tendant à l'inclusion des caractéristiques de la revendication 2 dans la revendication 1;
iii) la procédure doit être poursuivie par l'envoi d'une notification établie conformément à la règle 58(4) CBE par la Division d'opposition et indiquant le texte dans lequel celle-ci a l'intention de maintenir le brevet.
Le 20 décembre 1985, une notification établie conformément à la règle 58(4) CBE et signée par un agent des formalités, indiquant le texte dans lequel la Division d'opposition avait l'intention de maintenir le brevet, a été dûment émise, accompagnée du procès-verbal de la procédure orale (conformément à la règle 76 CBE) dans lequel figurait le texte de la décision tel qu'énoncé ci-dessus et signé par deux des trois membres de la Division d'opposition devant lesquels s'était déroulée la procédure orale, à savoir le président et le deuxième membre, chargé de rédiger le procès-verbal.
Les opposantes ont l'une et l'autre déclaré dans les délais, respectivement les 13 et 17 janvier 1986, qu'elles n'étaient pas d'accord sur le texte dans lequel il était envisagé de maintenir le brevet et ont en outre persisté à demander que le brevet ne soit pas maintenu du tout.
II. Le 11 septembre 1986, la Division d'opposition a rendu une décision intermédiaire au sens de l'article 106(3) CBE, signée par trois membres de cette division et exposant les motifs pour lesquels la revendication 1 du brevet n'était pas admissible dans sa forme non modifiée et pour lesquels il était fait droit à la requête subsidiaire de la société titulaire du brevetavec maintien du brevet dans sa forme modifiée en conséquence. Ces trois membres signataires n'étaient pas ceux devant lesquels s'était déroulée la procédure orale et, à en juger d'après le dossier de l'affaire, aucun d'entre eux n'avait participé à la procédure, sauf pour signer cette même décision formulée par écrit.
III. Les 29 octobre et 10 novembre 1986, les deux opposantes ont respectivement formé un recours et acquitté les taxes de recours. L'opposante I a souligné le fait que la décision intermédiaire avait été signée et rendue au nom de trois personnes qui n'avaient ni participé à la procédure orale du 8 octobre 1985, ni instruit l'affaire de quelque manière que ce soit précédemment ; elle a également mis en cause, en l'occurrence, la validité de la décision intermédiaire. Les deux opposantes ont déposé dans les délais leur mémoire exposant les motifs du recours.
Motifs de la décision
1. Les recours répondent aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE. Ils sont donc recevables.
2. Le procès-verbal de la procédure orale indique clairement que la décision de la Division d'opposition concernant les requêtes principale et subsidiaire de la société titulaire du brevet (c.-à-d. la décision quant au fond concernant l'opposition) a été prononcée à l'audience par le président, le 8 octobre 1985, conformément à la règle 68(1) CBE, première phrase, au nom des trois membres qui ont participé à la procédure orale. Les étapes de la procédure se sont ensuite déroulées conformément aux dispositions de l'article 102(3) et de la règle 58(4) CBE.
La règle 68(1) CBE prévoit que lorsque des décisions de cette nature ont été prononcées à l'audience, elles sont "ensuite formulées par écrit et signifiées aux parties". De plus, la règle 68(2) CBE prévoit que "les décisions de l'OEB contre lesquelles un recours est ouvert doivent être motivées...".
Ces conditions définies à la règle 68 CBE viennent de toute évidence s'ajouter à celles de la règle 76 CBE concernant l'établissement d'un procès-verbal de la procédure orale et la remise aux parties d'une copie de ce procès-verbal. Donc, dans un cas tel que celui dont est saisie la Chambre, lorsqu'une décision quant au fond est prononcée à l'audience dans le cadre d'une procédure orale, elle doit être formulée par écrit et signifiée aux parties (règle 68(1) CBE) et motivée par écrit en bonne et due forme (règle 68(2) CBE). Il ressort clairement de la règle 68 CBE et de l'article 108 CBE que le délai de deux mois fixé pour former recours ne commence pas à courir avant que la décision quant au fond prononcée à l'audience n'ait été ainsi formulée par écrit et signifiée aux parties.
Dans la présente espèce, comme le prévoit la règle 68(1) CBE, la décision quant au fond prononcée à l'audience le 8 octobre 1985 devait pour la bonne forme être suivie de la signification de la décision intermédiaire formulée par écrit en date du 11 septembre 1986.
Cette décision formulée par écrit expose les motifs pour lesquels la décision quant au fond prononcée à l'audience n'a pas fait droit à la requête principale mais à la requête subsidiaire de l'intimée, et comporte la décision formelle de maintenir le brevet dans une forme modifiée, dont le texte est celui figurant dans la notification établie conformément à la règle 58(4) CBE.
3. La Chambre a dans un premier temps examiné la question de savoir si la Division d'opposition était habilitée à prononcer à l'audience une décision quant au fond de la nature de celle rendue à l'issue de la procédure orale, c'est-à-dire une décision "finale" sur les questions à trancher (lorsqu'une décision est "finale", elle ne peut être modifiée par la même instance, et lorsqu'elle relève de l'article 106(1) CBE elle est susceptible de recours). La réponse à cette question dépend de l'interprétation de l'article 102 et de la règle 58 CBE.
3.1. Les paragraphes 1 et 2 de l'article 102 CBE prévoient que, si elle l'estime approprié à l'égard des motifs d'opposition invoqués, la division d'opposition peut révoquer le brevet ou rejeter l'opposition. L'article 102(3) CBE concerne le cas où la division d'opposition s'engage dans une voie intermédiaire et est disposée à maintenir le brevet dans une forme modifiée.
Il est évident que l'article 102 CBE s'applique à toute opposition, qu'il y ait ou non procédure orale. Il n'est pas moins évident que, dans le cas d'oppositions où s'appliquent les paragraphes 1 et 2 de l'article 102 CBE, la division d'opposition a, en vertu de la règle 68 CBE, le pouvoir de rendre une décision (finale) au cours de la procédure orale (c.-à-d. soit révoquer le brevet soit rejeter l'opposition).
Dans le cas d'une opposition où s'applique la première partie de l'article 102(3) CBE, ce même article prévoit également qu'elle (la division d'opposition) décide de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié pour autant que :
a) (conformément à la règle 58(4) CBE) il est établi que le titulaire du brevet est d'accord sur le texte dans lequel la division d'opposition envisage de maintenir le brevet, et que
b) la taxe d'impression a été acquittée dans le délai prescrit.
En vertu de ces dispositions, la règle 58(4) CBE prévoit que "avant de prendre la décision de maintenir le brevet européen dans sa forme modifiée, la division d'opposition notifie aux parties..." son intention de le faire et les invite à présenter leurs observations ; et aux fins de cette règle, une "notification établie conformément à la règle 58(4) CBE" est généralement émise.
Toutefois, les dispositions de l'article 102(3) et de la règle 58(4) CBE évoquées ci-dessus n'excluent pas qu'une division d'opposition puisse, au cours d'une procédure d'opposition, rendre une décision intermédiaire (finale) concernant une question de fond soulevée par l'opposition, avant l'envoi d'une notification établie conformément à la règle 58(4) CBE. Ce que la règle 58(4) CBE interdit à une division d'opposition c'est de "prendre la décision de maintenir le brevet européen" dans une forme modifiée sans informer préalablement les parties du texte modifié dans lequel elle envisage de maintenir le brevet ni les inviter à présenter leurs observations. Néanmoins, ni l'article 102(3) ni la règle 58(4) CBE ne peuvent empêcher la division d'opposition de rendre des décisions sur des questions de fond faisant l'objet de l'opposition, avant d'envoyer une notification établie conformément à la règle 58(4) CBE et avant de "prendre la décision de maintenir le brevet dans sa forme modifiée". La division d'opposition peut par exemple, au cours d'une procédure d'opposition, prendre (soit en la prononçant à l'audience soit en la formulant par écrit) une décision intermédiaire (finale) selon laquelle telle proposition de modification va à l'encontre de l'article 123 CBE. De même, la Chambre estime qu'une division d'opposition peut au cours d'une procédure d'opposition rendre une décision intermédiaire (finale) selon laquelle, par exemple, la revendication principale du brevet attaqué ne peut être maintenue. Une telle décision intermédiaire quant au fond n'est pas en fait une décision de maintien du brevet dans sa forme modifiée, mais est préalable à cette dernière.
La prise de décisions intermédiaires quant au fond de cette nature au cours de la procédure d'opposition est souhaitable tant pour faire avancer la procédure vers son issue que, dans certains cas particuliers auxquels fait allusion l'article 106(3) CBE, pour permettre à une partie de se pourvoir contre une décision de cette nature avant la clôture de la procédure d'opposition.
A ce propos, il est évidemment souhaitable (dans des circonstances semblables) que la division d'opposition et les chambres de recours procèdent en règle générale de la même manière. C'est en fait l'objet de la règle 66(1) CBE, qui prévoit que "à moins qu'il n'en soit disposé autrement, les dispositions relatives à la procédure devant l'instance qui a rendu la décision faisant l'objet du recours sont applicables à la procédure de recours". En ce qui concerne la procédure devant les chambres de recours, il est de pratique courante que la décision de la chambre correspondant aux cas prévus aux paragraphes 1, 2 ou 3 de l'article 102 CBE soit prononcée à l'issue de la procédure orale.
Lorsqu'une chambre rend une décision correspondant au cas prévu à l'article 102(3) CBE, c'est-à-dire qu'elle décide de maintenir le brevet dans une forme modifiée, il faut, conformément à la décision T 219/83 "Zéolites/BASF", JO OEB 1986, 211, examiner dans chaque cas d'espèce la question de savoir s'il convient ou non d'envoyer une notification écrite établie conformément à la règle 58(4) CBE avant de fixer la forme définitive du texte.
3.2. La Chambre fait observer que, selon la règle 58(5) CBE, en cas de désaccord d'une partie sur le texte figurant dans la notification établie conformément à la règle 58(4) CBE, "l'examen de l'opposition peut être poursuivi". La Chambre considère, pour les motifs exposés ci-dessous, qu'il convient d'interpréter ce membre de phrase en ce sens que toute poursuite de l'examen au titre de la règle 58(5) CBE doit se limiter à traiter la question du désaccord sur le texte proprement dit.
Le rôle des règles 58(4) et (5) CBE est de mettre en oeuvre l'article 102(3)a) CBE. L'envoi d'une notification établie conformément à la règle 58(4) CBE vise essentiellement à informer les parties que la division d'opposition "envisage de maintenir le brevet ainsi modifié" et à établir par là en premier lieu que le titulaire du brevet est d'accord sur le texte proposé. En application de l'article 102(3)a) CBE (eu égard à l'article 113(2) CBE), il doit être établi que le titulaire du brevet est d'accord sur le texte proposé, avant que ne soit rendue la décision en bonne et due forme de maintenir le brevet dans un texte modifié.
De toute évidence, l'examen des motifs d'opposition quant au fond est normalement déjà achevé avant l'envoi d'une notification établie conformément à la règle 58(4) CBE, dans le cadre de la procédure prévue par l'article 101 CBE et les règles correspondantes qui en assurent la mise en oeuvre, à savoir les règles 57 et 58(1),(2) et (3) CBE. A condition qu'une décision quant au fond n'ait pas été précédemment rendue concernant les points litigieux faisant l'objet de l'opposition, une division d'opposition a toujours le pouvoir d'examiner les motifs d'opposition relatifs au fond après l'envoi d'une notification établie conformément à la règle 58(4) CBE ; mais si ce pouvoir peut être exercé conformément à l'article 101 CBE et, le cas échéant, conformément à l'article 114(1) CBE, il ne peut néanmoins l'être au titre de la règle 58(5) CBE, et il ne saurait en être fait usage qu'exceptionnellement.
Bien que la règle 58(4) CBE assure l'égalité de traitement des parties dans la mesure où les opposants de même que le titulaire du brevet sont invités à présenter leurs observations s'ils ne sont pas d'accord sur le texte, elle doit être interprétée dans son contexte et en particulier dans le contexte de l'article 102(3)a) CBE. C'est ainsi que toute observation de cette nature présentée en vertu de la règle 58(4) CBE, que ce soit par le titulaire du brevet ou par un opposant, doit se limiter à des propositions relatives à l'énoncé du texte et à la question de son admissibilité quant à la forme.
L'interprétation de la règle 58(4) et (5) CBE exposée ci-dessus est compatible avec l'interprétation du mot "désaccord" dans le contexte de la règle 51(4) CBE (avant sa modification entrée en vigueur le 1er septembre 1987) qui est examinée au point 4 de la décision J 22/86 "Désaccord/MEDICAL BIOLOGICAL", JO OEB 1987, 280.
4. Eu égard aux considérations contenues dans le point 3 ci-dessus, la Chambre estime que, dans la présente espèce, la Division d'opposition avait de toute évidence le pouvoir de rendre la décision énoncée sous I telle qu'elle a été prononcée à l'audience. Dès qu'elle a été rendue, lors de la procédure orale du 8 octobre 1985, elle a revêtu le caractère de décision finale concernant les questions de fond qui faisaient l'objet de la procédure d'opposition (c.-à-d. i) et ii) sous I). La décision indiquait également (point iii)) comment la procédure devait être poursuivie. C'est ainsi qu'il a été décidé que la revendication 1 n'était pas admissible mais que le brevet pouvait être maintenu à condition que l'objet de la revendication 2 devienne celui de la revendication principale et que le texte soit modifié en conséquence (c.-à-d. conformément à la requête subsidiaire).
Lors de la poursuite de la procédure, comme indiqué à la fin du point I ci-dessus, les deux opposantes ont déclaré qu'elles n'étaient pas d'accord sur le texte. Immédiatement après sa déclaration de désaccord, l'opposante I a également présenté par écrit des "motifs" ; ceux-ci, sans rapport avec la question de savoir si le texte modifié qui avait été notifié en application de la règle 58(4) était absolument conforme à la décision de maintenir le brevet dans un texte correspondant à la requête subsidiaire, tenaient plutôt lieu encore d'arguments en vue de ne pas maintenir le brevet du tout. De même, l'opposante II a allégué que la nouvelle revendication principale du texte modifié ne devait pas être maintenue, pour des motifs relatifs au fond. L'ensemble de ces "motifs" et de ces moyens invoqués par les opposantes I et II se rapportaient à des questions sur lesquelles la Division d'opposition avait déjà statué définitivement en rejetant les conclusions des opposantes. Après le prononcé de la décision sur des questions de fond à l'audience, la Division d'opposition n'avait plus aucun pouvoir de poursuivre l'examen de l'opposition sur ces mêmes questions, pas même en vertu de la règle 58(5) CBE. Les moyens invoqués par les opposantes étaient donc superflus et irrecevables au cours de cette partie de la procédure poursuivie devant la Division d'opposition.
5. L'autre question dont la Chambre a été saisie avec le recours est celle de savoir si la décision de la Division d'opposition était valable compte tenu des faits exposés au point II ci-dessus.
Bien que la règle 70 CBE dispose que "toute notification de l'OEB doit être revêtue de la signature et de l'indication du nom de l'agent responsable", rien dans la règle 68 CBE ou à quelque autre endroit que ce soit de la Convention ne prescrit expressément qu'une décision rendue par une première instance de l'OEB (c.-à-d. une décision susceptible de recours) doit être signée par le ou les agents responsables.
Afin de statuer sur la question de la validité de la décision formulée par écrit en date du 11 septembre 1986, soulevée par l'opposante I comme indiqué au point III ci-dessus, la Chambre doit se guider sur les principes fondamentaux qu'il convient d'appliquer.
6. L'article 15 CBE énumère les diverses instances instituées à l'OEB "pour l'application des procédures prescrites" par la CBE.
Une décision rendue par une instance de l'OEB, relative à la délivrance ou au maintien d'un brevet européen, telle que la décision rendue dans la procédure d'opposition concernée dans le présent recours, est une décision ayant un effet contraignant immédiat sur les droits civils des parties et du public dans les Etats contractants désignés. Le pouvoir dont est investie une instance de l'OEB de rendre une décision, ainsi que le fondement juridique de cette décision découlent de la CBE.
7. Dans le cas de la procédure d'opposition, l'article 19(1) CBE prévoit que les "divisions d'opposition sont compétentes pour examiner les oppositions aux brevets européens" ; l'article 19(2) CBE dispose qu' "une division d'opposition se compose de trois examinateurs techniciens..." puis précise les relations à respecter dans cette composition. Il ressort à l'évidence de ces dispositions qu'une procédure d'opposition à l'encontre d'un brevet européen donné doit toujours être conduite et donner lieu à une décision rendue par trois examinateurs techniciens désignés nommément pour l'opposition en cause (dans certains cas, la division d'opposition peut être complétée par un examinateur juriste). C'est ainsi qu'il est prévu qu'au moins deux des trois examinateurs ne doivent pas avoir participé à la procédure de délivrance du brevet et que l'un de ces deux examinateurs assure la présidence. Il est également spécifié que "la procédure orale est de la compétence de la division d'opposition elle-même", c'est-à-dire qu'elle se déroule devant les trois examinateurs techniciens désignés nommément pour constituer la division d'opposition appelée à instruire l'opposition en cause.
En outre, l'allusion à la procédure de vote qui est faite dans la dernière phrase de l'article 19(2) CBE démontre clairement que la décision rendue sur l'opposition repose sur le vote individuel des examinateurs désignés pour constituer une division d'opposition donnée.
De toute évidence, l'article 19 CBE signifie que le pouvoir d'examiner une opposition et de statuer sur celle-ci en vertu des articles 101 et 102 CBE doit être exercé à tout moment personnellement par les examinateurs désignés à cet effet.
De plus, en vertu du principe "delegatus non potest delegare", le pouvoir dont est investie une instance de l'OEB, en l'occurrence une division d'opposition, de rendre une décision doit non seulement être exercé personnellement mais encore être exercé de cette manière au vu et au su des parties et du public. C'est ce qui découle clairement des dispositions des articles 113(1) et 116 CBE.
Par conséquent, lorsqu'une procédure orale telle que prévue à l'article 116 CBE se déroule dans le cadre d'une procédure d'opposition, il doit être fait en sorte que la décision qui sera rendue soit fondée sur les motifs ou les preuves sur lesquels les parties ont eu toute possibilité de présenter leurs observations. A cette fin, il est évident que la procédure orale doit se dérouler devant tous les examinateurs désignés et que lorsqu'une décision est prononcée à l'audience celle-ci doit l'être en présence de tous ces examinateurs. De même, s'agissant d'une décision formulée par écrit et exposant les motifs de la décision antérieurement prononcée à l'audience, les parties et le public doivent pouvoir conclure de la décision écrite qu'elle a été rendue par les examinateurs désignés pour constituer la division d'opposition qui a prononcé la décision à l'audience.
Il peut arriver sans doute que la décision formulée par écrit ne puisse pas être signée par chacun des membres désignés (par exemple en cas de maladie). Néanmoins la Chambre considère que, compte tenu des principes évoqués plus haut, pour que la décision d'une division donnée soit valable, elle doit obligatoirement avoir été rédigée au nom des membres désignés pour constituer la division appelée à statuer sur le ou les points faisant l'objet de la décision, reproduire leur point de vue et être signée en conséquence.
A l'OEB, dans le cadre de la procédure d'opposition, une décision formulée par écrit telle que la décision intermédiaire en cause est rendue accompagnée du formulaire 2339 ; c'est ce formulaire qui est signé par les membres de la division d'opposition. L'original du formulaire signé est versé au dossier de l'opposition ouvert à l'inspection publique et authentifie la décision qui lui est jointe. Des copies de la décision écrite, mentionnant le nom des membres ayant signé le formulaire 2339, sont adressées aux parties.
8. Dans la présente affaire, la procédure orale s'est déroulée en présence des trois examinateurs désignés en vue de constituer la division d'opposition pour statuer sur les questions soulevées dans cette opposition, et le président a prononcé sa décision sur ces mêmes questions lors de cette procédure orale, en présence des deux autres examinateurs. Le formulaire 2339, accompagnant la décision formulée par écrit, a été signé par trois personnes qui n'avaient pas été désignées pour constituer la division d'opposition en question à la date de la procédure orale, qui n'avaient pas le pouvoir de statuer et qui n'ont pas rendu la décision sur l'opposition. La présence de leur signature sur la décision formulée par écrit indique à première vue que la décision expose leur opinion plutôt que l'opinion des examinateurs désignés pour statuer sur l'opposition et qui ont effectivement rendu la décision à l'issue de la procédure orale. La Chambre considère que cette décision écrite n'est pas valable étant donné la composition différente de la division d'opposition l'ayant signée et qu'elle doit être annulée comme étant dépourvue d'effet juridique.
La décision formulée par écrit en date du 11 septembre 1986 étant dépourvue d'effet juridique, il s'ensuit qu'il n'a pas été satisfait à la règle 68(1), deuxième phrase, étant donné que la décision sur le fond prononcée à l'audience le 8 octobre 1985 n'a pas été ensuite valablement formulée par écrit. En conséquence, la Chambre estime que la décision sur le fond rendue le 8 octobre 1985 doit être considérée comme nulle et dépourvue d'effet juridique.
En outre, vu les circonstances de l'affaire, la procédure orale s'étant déroulée il y a plus de deux ans et la décision formulée par écrit (non valable) datant d'il y a plus d'un an (près d'une année après la décision prononcée à l'audience), la Chambre considère qu'il ne peut désormais être satisfait correctement aux exigences de la règle 68(1) CBE et que la décision sur le fond est par conséquent irrémédiablement nulle et non avenue.
En conséquence, l'opposition doit faire l'objet d'un nouvel examen.
10. Considérant ce qui précède, il y a lieu de faire droit au recours introduit par les deux requérantes pour des raisons de forme. S'agissant du remboursement des taxes de recours, la Chambre estime que les faits examinés ci-dessus constituent un vice substantiel de procédure et qu'il serait donc sans aucun doute équitable de rembourser les taxes de recours aux deux requérantes.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision prononcée à l'audience par la Division d'opposition le 8 octobre 1985 et la décision formulée par écrit en date du 11 septembre 1986 sont annulées.
2. Les taxes de recours doivent être remboursées aux deux requérantes.
3. L'affaire est renvoyée à la Division d'opposition pour nouvel examen.