T 0211/05 () of 30.7.2009

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2009:T021105.20090730
Date de la décision : 30 Juillet 2009
Numéro de l'affaire : T 0211/05
Numéro de la demande : 99947521.3
Classe de la CIB : G11B 20/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 39 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : Méthode de copie évitant la duplication bit à bit de données numériques et dispositif de lecture pour la mise en oeuvre de la méthode
Nom du demandeur : THOMSON multimedia
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.5.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 18
European Patent Convention 1973 R 67
European Patent Convention 1973 R 70(1)
European Patent Convention 1973 R 70(2)
Mot-clé : Décision signée par un directeur à la place du deuxième examinateur
Validité de la décision (non)
Vice substantiel de procédure (oui)
Remboursement de la taxe de recours (oui)
Renvoi à la première instance (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0390/86
T 0243/87
T 0999/93
T 1170/05
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1033/16
T 2020/20

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours a été formé à l'encontre de la décision de la division d'examen rejetant la demande de brevet européen nº 99 947 521.3.

II. La procédure devant la division d'examen s'est déroulée uniquement par écrit, le demandeur n'ayant pas requis de procédure orale.

III. D'après la date manuscrite figurant sur le formulaire OEB 2048.2, la décision de rejet de la demande de brevet a été prise le 27 août 2004. Sur ce formulaire, qui annonce le dispositif de la décision de la division d'examen, figurent les noms et signatures du premier examinateur et du président de la division d'examen. Le nom du deuxième examinateur de la division, par contre, y a été rayé et remplacé par l'inscription manuscrite « i.V. » suivie du nom d'une personne dont la fonction n'est pas mentionnée mais qui s'avère être le directeur de l'unité administrative à laquelle appartenaient les trois membres de la division d'examen. Le directeur a apposé sa signature à l'emplacement prévu pour celle du deuxième examinateur. Le formulaire OEB 2048.2 n'a pas été envoyé au demandeur.

IV. La décision écrite motivée, exposant les motifs du rejet, est datée du 2 septembre 2004 et a été signifiée au demandeur. Elle se présente sur deux formulaires: le formulaire OEB 2007 qui se compose de deux pages de couverture comportant les mentions utiles à l'identification de la décision et de la division d'examen, et le formulaire OEB 2916 comprenant l´exposé même des motifs de la décision. Le motif de la décision était en l'espèce un défaut de nouveauté de l'objet des revendications 1, 10 et 11. Les pages de couverture (formulaire OEB 2007) font figurer la mention du rejet de la demande et portent les noms imprimés des trois membres de la division d'examen ainsi que le sceau officiel de l'office européen des brevets, mais ne sont pas signées. L'exposé des motifs (formulaire OEB 2916) ne porte ni nom ni signature.

V. Avec le mémoire de recours le requérant (demandeur) a déposé une requête principale et des requêtes subsidiaires 1 à 3 comprenant des jeux de revendications modifiées.

VI. Dans une notification officielle datée du 27 octobre 2008, la chambre de recours a d'office attiré l'attention du requérant sur l'absence de signature du deuxième examinateur sur le formulaire OEB 2048.2. La chambre a également informé le requérant de son intention d'annuler la décision attaquée, d'ordonner le remboursement de la taxe de recours et de renvoyer l'affaire à la première instance pour nouvel examen.

VII. Dans sa lettre datée du 22 décembre 2008, le requérant a répondu que n'ayant pas reçu le formulaire OEB 2048.2 avec la décision motivée, il ne soupçonnait pas d'irrégularité dans la signature de la décision et n'avait donc pas pu soulever ce point dans le mémoire de recours. Le requérant a fait savoir qu'il demandait désormais l'annulation de la décision attaquée pour vice de procédure et le remboursement de la taxe de recours. Le renvoi de l'affaire en première instance a également été sollicité pour obtenir la délivrance d'un brevet sur la base de la requête principale présentée avec le mémoire de recours, ou à tout le moins, sur la base d'un jeu de revendications de l'une des requêtes subsidiaires. La requête en procédure orale a été maintenue « pour le cas où la première instance envisagerait de maintenir la décision de rejet de la demande ».

VIII. Le 15 avril 2009, la chambre a adressé un courrier au département de première instance pour demander des éclaircissements sur les circonstances dans lesquelles la décision de la division d'examen avait été prise.

IX. Le 15 juin 2009, le directeur de la direction à laquelle appartenaient les trois examinateurs de la division d'examen a fourni les explications suivantes. Le deuxième membre de la division était en congé maladie pour une durée indéterminée lors de la circulation du dossier pour signature de la décision par les trois membres de la division d'examen. Afin de ne pas retarder inutilement la décision de rejet, le directeur a signé le formulaire OEB 2048.2 à la place du deuxième membre de la division, en tant que remplaçant de celui-ci (« i.V. » signifiant « in Vertretung »).

X. Le requérant a présenté les arguments suivants :

Le pouvoir de rejeter une demande doit être exercé personnellement par les examinateurs désignés à cet effet selon l'article 18(2) CBE. Il en découle, selon la décision T 999/93, que pour être juridiquement valable, la décision rendue par une division donnée doit être rédigée au nom des membres désignés pour former la division chargée de statuer sur les questions faisant l'objet de la décision, doit reproduire leur avis et doit comporter leur signature. Puisque le deuxième examinateur n'a pas apposé sa signature sur la décision contestée, celle-ci n'est pas valable et doit être annulée.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Validité de la décision attaquée

2. L'article 18 CBE dispose que « les divisions d'examen sont compétentes pour examiner les demandes de brevets européens » et qu'« une division d'examen se compose de trois examinateurs techniciens » (sauf si la nature de la décision exige que la division d'examen soit complétée par un examinateur juriste). En outre, la référence à la procédure de vote faite à la dernière phrase de l'article 18(2) CBE implique clairement que la décision rendue sur la demande repose sur le vote individuel des examinateurs désignés pour composer la division d'examen en charge de ladite demande.

Il ressort de ces dispositions et du principe « delegatus non potest delegare » que le pouvoir d'examiner une demande de brevet et de statuer sur celle-ci conformément aux articles 96 et 97 CBE 1973 doit à tout moment être exercé personnellement par les examinateurs nommément désignés pour constituer la division d'examen en charge de ladite demande (cf. T 999/93, point 3 des motifs, et pour une division d'opposition T 390/86, JO OEB 1989, 30, point 7 des motifs).

Non seulement ce pouvoir doit être exercé personnellement, mais il doit l'être de cette manière au vu et au su du demandeur et du public (cf. T 390/86, point 7 des motifs). Par conséquent, s'agissant d'une décision écrite de rejet à l'issue d'une procédure qui s'est entièrement déroulée par écrit, c'est-à-dire d'une décision qui n'a pas été prononcée lors d'une procédure orale en présence de tous les membres de la division, le demandeur et le public doivent être en mesure de vérifier que la décision a été rendue par les examinateurs désignés pour composer la division d'examen en charge de la demande.

La règle 70(1) CBE 1973 dispose en ce sens que « toute décision, notification et communication de l'Office européen des brevets doit être revêtue de la signature et de l'indication du nom de l'agent responsable ». La règle 70(2) CBE 1973 autorise cependant une exception à l'exigence de signature en prévoyant que « si les documents mentionnés au paragraphe 1 sont produits par l'agent responsable à l'aide d'un ordinateur, un sceau peut remplacer la signature ».

3. À la connaissance de la chambre, selon la pratique suivie à l'OEB à la date de la décision contestée, en cas de rejet d'une demande de brevet sans procédure orale, tous les membres de la division d'examen devaient apposer leur signature au-dessus de leur nom sur le formulaire OEB 2048.2, sur lequel figure dans la présente affaire le texte suivant:

Décision de la division d'examen

La division d'examen a décidé :

La demande de brevet européen est rejetée en vertu de

l'article 97(1) CBE. Les motifs de la décision sont

exposés dans les pages jointes à la présente (form 2916).

Le formulaire OEB 2048.2 n'a pas été envoyé au demandeur, mais il pouvait être consulté librement par inspection publique sur le site internet de l'OEB (cf. article 128 et règle 94 CBE 1973 et décision du Président de l'OEB en date du 6 juin 2003, JO OEB 2003, 370).

Les motifs de la décision, quant à eux, sont exposés sur le formulaire OEB 2916 joint en annexe au formulaire OEB 2007. Ce dernier consiste en deux pages de couverture sur lesquelles figurent entre autres le dispositif de la décision, les noms imprimés des trois membres de la division d'examen et le sceau officiel de l'OEB. Le formulaire OEB 2007, généré par ordinateur, ne comporte pas de signature manuscrite, conformément aux dispositions de la règle 70(2) CBE 1973. De cette manière le demandeur et le public ont été informés officiellement des noms des membres de la division ayant pris la décision, le sceau remplaçant les signatures sur le formulaire OEB 2007.

4. Les informations relatives à la composition des divisions d'examen sont inscrites dans des bases de données internes de l'OEB. Ces bases de données tiennent de fait lieu de registre de la composition des divisions d'examen puisque les noms des membres d'une division imprimés automatiquement par ordinateur sur divers documents officiels, entre autres sur le formulaire OEB 2007, sont générés sur la base des informations figurant dans ces bases de données. Dans la présente affaire, d'après les informations inscrites dans les bases de données internes de l'OEB, la composition de la division d'examen est restée inchangée pendant toute la phase d'examen jusqu'au dépôt du recours. Les trois examinateurs nommément désignés aux dates de la prise de la décision et de la signification des motifs étaient ceux dont les noms sont imprimés sur le formulaire OEB 2007 envoyé avec les motifs de la décision.

Le directeur de l'unité administrative à laquelle appartenaient les trois membres de la division d'examen n'a donc à aucun moment fait partie de la composition de la division d'examen telle qu'elle figurait dans les bases de données de l'OEB, avait été communiquée au demandeur et avait été mise à la connaissance du public.

Aucun élément probant ne permet non plus de conclure que le directeur aurait décidé de se désigner deuxième examinateur de la division, mais que ce changement dans la composition n'aurait pas été inscrit dans les bases de données de l'OEB pour une raison inconnue. Le directeur avait certes le pouvoir de changer la composition de la division d'examen composée d'examinateurs de sa direction et de se désigner lui-même deuxième membre de la division puisque, à la connaissance de la chambre, il était également qualifié pour siéger en tant qu'examinateur. Mais pour la chambre il ressort des circonstances qu'il n'a pas choisi d'exercer ce pouvoir dans la présente affaire. En effet, l'inscription manuscrite « i.V. » (signifiant « par intérim ») sur le formulaire OEB 2048.2 daté du 27 août 2004, l'absence du nom du directeur sur le formulaire OEB 2007 daté du 2 septembre 2004 et les explications du directeur dans son courrier daté du 15 juin 2009, tous ces éléments concordent pour établir que dans les faits le directeur a signé le formulaire OEB 2048.2 en remplacement du deuxième membre de la division d'examen en congé maladie, mais sans préalablement changer la composition de la division d'examen. Cette conclusion est par ailleurs corroborée par le fait que la composition de la division d'examen a été changée ultérieurement le 28 janvier 2005, soit environ cinq mois après la date à laquelle la décision de rejet a été prise, et que cette fois-ci le changement a été inscrit dans les bases de données internes conformément à la procédure normale suivie à l'OEB.

Pour ces raisons, la chambre conclut que le directeur ne faisait pas partie de la composition de la division d'examen. Il ne pouvait donc pas se prévaloir du pouvoir conféré aux membres de la division d'examen pour participer au processus de décision et pour signer le formulaire OEB 2048.2.

5. La question demeure toutefois, si le directeur avait le pouvoir de signer la décision, non pas en tant que membre de la division, mais par intérim au nom du deuxième examinateur alors dans l'incapacité de le faire.

Dans l'affaire T 1170/05 (points 2.3 à 2.5 des motifs), la chambre a considéré que dans la situation exceptionnelle où un membre d'une division d'examen est dans l'incapacité (en l'espèce pour cause de décès) de signer la décision motivée sous forme écrite après que la décision ait été rendue à l'issue d'une procédure orale, il convient d'accepter que la décision écrite soit signée par le président de la division au nom du membre empêché, pour autant que les motifs de la décision reflètent le point de vue auquel est parvenue la division au complet lors de la délibération à la fin de la procédure orale. Deux autres chambres ont exprimé des opinions similaires pour des divisions d'opposition dans les affaires T 390/86 (point 7 des motifs) et T 243/87 (point 4 des motifs).

Dans chacune des affaires T 1170/05, T 390/86 et T 243/87, la décision avait été rendue lors d'une procédure orale en présence de tous les membres de la division. La question qui se posait n'était donc pas de savoir si la décision de rejet avait été prise par la division au complet, mais seulement si l'exposé des motifs pouvait être considéré comme reflétant le point de vue de tous les membres de la division.

Dans la présente affaire, la situation est fort différente car il n'y a pas eu de procédure orale, et donc pas de décision annoncée lors d'une procédure orale en présence de tous les membres de la division d'examen. D'après le formulaire OEB 2048.2, la décision contestée a été prise le 27 août 2004 en l'absence du deuxième examinateur. Contrairement aux affaires précitées, il ne peut donc être établi que la décision de rejet a été prise par les trois membres composant la division d'examen. La signature du directeur au nom du deuxième examinateur n'a pas de valeur juridique à cet égard parce qu'il n'existe aucune disposition dans la CBE 1973 autorisant un directeur à signer au nom d'un membre d'une division d'examen dont il ne fait pas partie. Une telle autorisation n'est pas implicite dans la fonction du directeur en tant que supérieur hiérarchique de l'examinateur. Comme déjà exposé par la chambre au point 2 ci-dessus, la dernière phrase de l'article 18(2) CBE implique que la décision rendue sur la demande repose sur le vote individuel des examinateurs désignés pour constituer une division d'examen donnée. En outre, la signature du directeur ne saurait être considérée comme une garantie que le deuxième examinateur a pleinement participé au processus de décision et que les motifs de la décision reflètent le résultat des délibérations de la division dûment composée.

6. La chambre en conclut que la décision attaquée, faute d'avoir été prise par la division d'examen au complet conformément à sa composition officielle n'est pas valable et doit être annulée.

Observations additionnelles de la chambre

7. Concernant la manière dont la division d'examen aurait pu procéder pour parvenir à une décision juridiquement valable dans la présente affaire, la chambre observe qu'il aurait suffit soit d'attendre que le deuxième examinateur se rétablisse, soit de le remplacer officiellement en tant que membre de la division d'examen, puis de statuer dans cette composition modifiée tout en s'assurant que les noms des membres ayant pris part à la décision figurent bien dans les bases de données internes de l'OEB et, par conséquent, aussi sur le formulaire OEB 2007 portant le sceau officiel de l'office européen des brevets remplaçant les signatures.

Remboursement de la taxe de recours

8. La chambre estime que la participation à la prise de décision d'une personne non habilitée ainsi que le non-respect dans la présente affaire du principe que le pouvoir d'examiner une demande de brevet doit être exercé personnellement et, de surcroît, qu'il doit l'être de cette manière au vu et au su du demandeur et du public, constituent un vice substantiel de procédure en ce notamment qu'ils méconnaissent le droit à être entendu par la division d'examen au complet (article 113(1) CBE 1973). En raison de ce vice substantiel de procédure il est équitable d'ordonner le remboursement de la taxe de recours conformément à la règle 67 CBE 1973.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.

3. Il est fait droit à la requête en remboursement de la taxe de recours.

Quick Navigation