T 0448/96 () of 31.1.2001

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2001:T044896.20010131
Date de la décision : 31 Janvier 2001
Numéro de l'affaire : T 0448/96
Numéro de la demande : 88108458.6
Classe de la CIB : A61K 35/16
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Verfahren zur Herstellung eines hochreinen, virusfreien Antihämophiliefaktors mittels Chromatographie
Nom du demandeur : Centre Régional de Transfusion Sanguine de Lille
Nom de l'opposant : Octapharma AG
Baxter Aktiengesellschaft
Chambre : 3.3.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
Mot-clé : Requête principale - Activité inventive (non)
Requêtes auxiliaires - Extension de l'objet au-delà du contenu de la demande (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0170/87
T 0917/94
T 0863/96
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0292/01

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (titulaire du brevet) a formé un recours contre la décision de la Division d'opposition en date du 15 mars 1996 relative à la révocation du brevet européen EP-0 343 275, ayant pour titre "Verfahren zur Herstellung eines hochreinen, virusfreien Antihämophiliefaktors mittels Chromatographie". En vertu de la règle 3 CBE alors en vigueur, la langue de la procédure avait été changée de l'allemand au français. Les oppositions avaient été formées contre le brevet et fondées sur l'article 100(a) CBE (manque d'activité inventive). La Division d'opposition avait décidé que le motif d'opposition s'opposait au maintien du brevet.

II. En réponse au mémoire exposant les motifs du recours et aux tests comparatifs fournis en annexe par le requérant, les intimés (opposants I et II) ont soumis leurs commentaires.

III. La Chambre a émis une notification selon l'article 11(2) du réglement de procédure des chambres de recours, en réponse à laquelle le requérant a envoyé deux documents additionnels.

IV. Une procédure orale a eu lieu le 31 janvier 2001. La requête principale, remise au cours de la procédure orale, comportait les deux revendications suivantes :

1. Verfahren zur Herstellung eines hochreinen, virusfreien Antihämophiliefaktors (AHF oder Faktor VIII) durch Behandlung mit biokompatiblen organischen Lösungsmitteln/Detergenzien, nach Vorreinigung eines Kryoprezipitäts, indem vor der Befreiung des Kryoprezipitäts von Viren das aufgetaute Kryoprezipität mit 1 bis 3 U/ml Heparin enthaltendem Wasser bei pH 6,5 bis 7,5 extrahiert und mit einer Aluminiumhydroxid-Suspension versetzt wird, und nach Abkühlung auf 10-180C und Einstellen des pH-Wertes auf 6-7 zentrifugiert oder filtriert wird, dadurch gekennzeichnet, dass nach der Entfernung der Viren die Probe einer Gelpermeationschromatographie an Ionenaustauschermaterialien unterworfen wird, wobei das genannte Ionenaustauschermaterial ein DEAE-Copolymerisat aus Oligoethylenglycolen, Glycidylmethacrylaten und Pentaerythroldimethacrylaten ist.

2. Verfahren nach Anspruch 1, dadurch gekennzeichnet, dass die Vorreinigung keine Ethanol-Präzipitation einschliesst.

Les deux requêtes auxiliaires introduites pendant la procédure orale ne différaient de la requête principale que par l'introduction à la fin de la revendication 1 des expressions "...und dass seine spezifische Aktivität über 10 UI/mg ist." (1ère requête auxiliaire) ou "...und dass seine Aktivität über 35 U/ml ist." (2ème requête auxiliaire).

V. Les documents et annexes suivants ont été utilisés dans la procédure de recours :

(1). S.E. Michael et al., Brit. J. Haemat., 1963, Vol. 9, pages 236-244,

(3). EP-A-0 173 242,

(6). Y. Kato et al., Journal of Chromatography, 1982, Vol. 253, pages 219-225,

(10). C.A. Edwards et al., Vox Sanguinis, 1987, Vol. 52, pages 53-59,

(11). B. Horowitz et al., Transfusion, 1985, Vol. 25, pages 516-522,

(12). Y. Kato et al., Journal of Chromatography, 1982, Vol. 245, pages 193-211,

(18). E. Berntorp et al., Eur. J. Haematol., 1988, Vol. 40, pages 205-214,

(19). P.M. Mannucci et al., Haemophilia and von Willenbrand's Disease in the 1990s, J.M. Lusher and C.M. Kessler, editors, Elsevier Science Publishers B.V., 1991, pages 505-511, Annexe 1 (lettre de Behringwerke AG du 18 mai 1993),

Annexe 2 (tableau comparatif des procédés du brevet en cause et des documents (1), (3), (6), (10) et (11)),

Annexe 3 (chronologie des procédés de préparation de FVIII de 1980 à la date de priorité du brevet en cause)

Annexe 4 (dictionnaire Vidal, édition 1989, "Concentré de FVIII très haute pureté"),

Annexe 5 (document provenant du CRTS de Lille en date du 4 février 1992).

L'annexe 1 avait été introduite lors de la procédure d'opposition par l'opposant/intimé II, alors que les annexes 2 à 5 l'ont été par le titulaire/requérant.

VI. Le requérant a considéré que le document (3) représentait l'état de la technique le plus proche et résultait en un FVIII ne présentant qu'une activité spécifique de 5-10 IE/mg de protéine, alors qu'un produit intermédiaire, impropre à l'usage thérapeutique, car contenant de grandes quantités de sucre, de CaCl2 et ayant un pH de 5,5, était dit présenter une activité spécifique de 100 E/mg.

Le problème technique à résoudre en vu du document (3) était la définition d'un procédé permettant d'obtenir un FVIII ayant une activité spécifique élevée. La solution proposée dans le brevet en cause consistait à remplacer la pasteurisation et la résine échangeuse d'ions du document (3) par un traitement avec solvants organiques/détergents et une résine telle que définie dans la partie caractérisante de la revendication 1 et connue sous le nom de FractogelTM. Ce procédé résultait en un produit final, utilisable thérapeutiquement, ayant une activité spécifique de 170 UI/mg de protéine et était considéré comme impliquant une activité inventive pour les raisons suivantes.

En ce qui concerne l'activité spécifique, le FVIII du brevet en cause était au moins 10 fois plus actif que celui décrit dans le document (3). L'annexe 1 était qualifiée de fallacieuse, car elle ne donnait que les valeurs d'un produit intermédiaire obtenu à la sortie de la colonne de chromatographie, mais qui devait encore subir différents traitements pour être utilisé thérapeutiquement (précipitation, dialyse, addition d'albumine), ceci résultant en une perte d'activité spécifique. Une confirmation de cet argument était vue dans l'enseignement du document (19), qui donnait une activité de 3,8 U/mg après addition d'albumine, contre 152-161 U/mg avant addition, au produit de la compagnie Behring supposé être le même que celui décrit dans le document (3). Cet enseignement étant corroboré par celui du document (18), qui dans le Tableau 2 donnait pour le produit "Hemate PTM" de la compagnie Behring une activité spécifique inférieure à 6 IU/mg. Par contre, les essais comparatifs faits par le requérant selon les conditions du brevet en cause démontraient la supériorité du produit final dudit brevet sur les produits obtenus avec les résines échangeuses d'ions du document (3) et leur comparaison avec les résultats de l'annexe 1 conduisaient à la conclusion que le document (3) avait défini des conditions très particulières et très contraignantes permettant d'obtenir de bons résultats intermédiaires même avec des résines peu adaptées à cette séparation.

L'emploi du FractogelTM n'était pas considéré comme évident au vu des enseignements des documents (6) et (12), suggérant plutôt son usage avec des protéines basiques ou de haut poids moléculaire. Ce que confirmait le temps écoulé (6 ans) entre la publication des documents (6) et (12) et le dépôt du brevet en cause pendant lequel aucune utilisation du FractogelTM à la purification du FVIII n'avait été décrite. Le FractogelTM ayant une structure différente des résines mentionnées dans le document (3), il n'était pas possible de prédire son comportement en présence des solvants organiques et détergents utilisés pour l'inactivation des virus. Il était aussi impossible de supposer que le FVIII, connu du document (1) pour être biologiquement inactif à l'état purifié, serait stable, bien que pur, après chromatographie sur FractogelTM.

La pasteurisation utilisée dans le document (3) n'était considérée équivalente au traitement par solvants organiques et détergents que du point de vue fonctionnel, mais sinon elle était estimée être de nature fondamentalement différente et imposer des contraintes importantes sur les étapes subséquentes du procédé par la présence de grandes quantités de sucre influençant le comportement chromatographique du FVIII et de ses principaux contaminants (fibrinogène et fibronectine) et favorisant leur séparation à pH 5.5.

Les différentes étapes du procédé du document (3) formaient donc un tout et la modification d'une étape devait être considérée non pas seulement en soi, mais surtout en fonction de son impact sur le procédé considéré de manière globale.

VII. Les intimés ont aussi considéré le document (3) comme étant l'état de la technique le plus proche. Leurs arguments portaient sur trois aspects majeurs (utilisation du FractogelTM, remplacement de la pasteurisation par traitement avec solvants organiques et détergents, activité spécifique du FVIII) et conduisaient à la conclusion que la solution du brevet en cause était dénuée d'activité inventive.

Le remplacement du DEAE-SepharoseTM du document (3) par le FractogelTM était évident dans la mesure où il s'agissait du même groupe fonctionnel DEAE (seule la matrice était changée) et au vu des enseignements des documents (6) et (12) concernant les avantages du FractogelTM en ce qui concerne la courbe de titration, la capacité d'adsorption, la dimension des pores, la stabilité mécanique et chimique, les propriétés de gonflement et le pouvoir séparateur. Le pH d'élution d'une résine étant lié, entre autre, à la nature même de cette résine, l'homme du métier se serait attendu à devoir déterminer le pH adéquat pour le FractogelTM par une expérimentation de routine.

Le FractogelTM avait bien été décrit dans les documents (6) et (12), mais il n'avait été mis à la disposition de l'industrie qu'en 1984/1986, ceci expliquant l'absence de travaux sur la purification du FVIII avec le FractogelTM jusqu'à la date de dépôt du brevet en cause.

Le remplacement de la pasteurisation par le traitement avec solvants organiques et détergents était aussi évident au vu des documents (10) et (11), car plus sûr, déjà employé avec succès dans le cas du FVIII et efficace contre HTLV, alors que le document (3) ne donnait aucune information sur une éventuelle destruction du HTLV par pasteurisation. L'homme du métier se serait attendu à ce que ce traitement soit sans conséquence sur le FractogelTM, à cause de la stabilité chimique de ce dernier.

L'activité spécifique du FVIII obtenu avec les résines du document (3) était considérée comme étant aussi haute que celle du produit du brevet en cause (annexe 1). La valeur des tests comparatifs soumis par le requérant était fortement mise en doute dans la mesure où les conditions, étant dites être celles du brevet en cause et non pas celles du document (3), ne pouvaient donner un reflet exact des performances atteintes avec les résines du document (3). Pire encore, ces conditions avaient été optimisées par rapport à celles du brevet en cause, puisque les tampons de charge, de lavage et d'élution étaient différents.

En outre, l'activité du produit final du document (3) avait été maintenue artificiellement basse pour des impératifs commerciaux pour respecter les protocoles de traitement qui faisaient alors usage de doses basses. Par ailleurs, les produits OctaviTM (annexe 5) et Octa V.I.TM (document 18) n'étaient pas identiques : en fait, Octa V.I.TM était le précurseur non-chromatographié de OctaviTM, ce qui expliquait les différences d'activité spécifique mentionnées dans ces deux documents. Le même argument s'appliquait aussi au produit Hemate PTM, pour lequel le document (18) et l'annexe 5 donnaient une activité spécifique inférieure à 10 IU/mg, alors que le document (3) donnait selon les intimés une activité spécifique comparable à celle du brevet en cause.

VIII. Le requérant a requis l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet en cause sur la base de la requête principale ou de l'une des 2 requêtes auxiliaires introduites lors de la procédure orale.

IX. Les intimés ont requis le rejet du recours.

Motifs de la décision

Requête principale

1. Activité inventive (article 56 CBE)

La Chambre tient aussi le document (3) pour l'art antérieur le plus proche. Ce document, dont le but est de mettre à la disposition de patients atteints d'hémophilie un FVIII pur et de haute activité, décrit un procédé de préparation dudit FVIII à partir d'un cryoprécipité, comportant plusieurs étapes, notamment un traitement du cryoprécipité par une solution d'héparine et de chlorure de sodium, puis par de l'hydroxide d'aluminium, une inactivation des virus contaminants par pasteurisation, une chromatographie sur résine échangeuse d'ions, telle que le Sephadex, Sepharose et/ou la cellulose portant des groupements DEAE, Ecteola ou QAE, une précipitation par le chlorure de sodium, une addition d'albumine, une dialyse, une stérilisation et finalement une lyophilisation. Les exemples décrivent l'emploi de DEAE-Sepharose 6B ClTM. La pasteurisation est effectuée en présence de stabilisateurs (notamment de sucre) qui influent sur les conditions de la chromatographie subséquente. Ainsi, la charge de la résine doit être de préférence faite à pH 5,5, ce qui permet la fixation du FVIII sur la résine, alors que deux contaminants majeurs (fibronectine et fibrinogène) ne sont pas retenus.

Ce procédé résulte en un produit final ayant une activité spécifique de 5-10 IE/mg (page 8, ligne 5).

2. Bien que le brevet en cause mentionne (colonne 1, lignes 35-44) que son objet est l'obtention d'un FVIII à haute activité spécifique, aucune valeur chiffrée de ladite activité ne peut y être trouvée. Ce n'est que pendant la procédure d'opposition qu'une valeur de 170 UI/mg a été proposée (lettre du 21.12.95, page 13 et annexes 2 et 3 soumises durant la procédure orale devant la Division d'opposition).

3. Le Dictionnaire Vidal, édition 1989 (annexe 4) se rapporte à un concentré de FVIII humain de très haute pureté obtenu par chromatographie par échange d'ions et traitement avec solvants organiques et détergents, présentant une activité spécifique de 100 à 200 UI/mg. Toutefois, rien n'indique qu'il s'agisse du produit du brevet en cause et le nom du requérant n'y est même pas mentionné. L'annexe 5 est un document du requérant en date du 24 février 1992 et introduit un rapport intitulé "UK regional haemophilia centre directors committee". Ce dernier, qui doit être postérieur au 1er août 1990 (date la plus récente qu'il mentionne), indique que le requérant propose 2 produits obtenus par traitement avec solvants organiques/détergents et chromatographie par échange d'ions, dont l'activité spécifique est supérieure à 200 UI/mg. Toutefois, rien n'indique que ces produits, mentionnés dans un document écrit au moins 2. ans, sinon 4, après la date de dépôt du brevet en cause, soient les mêmes que celui dudit brevet.

4. Les tests comparatifs effectués par le requérant sont dits correspondre aux conditions du brevet en cause. Toutefois, cette assertion peut être mise en doute en ce qui concerne les tampons, où des variations de concentration en glycine, citrate de sodium et chlorure de calcium peuvent être notées. De plus, la lysine a été ajoutée dans certains tampons. Il est bien évident que, dans ces conditions, les dits tests comparatifs, qui ne correspondent donc ni au brevet en cause, ni à l'art antérieur, perdent toute leur valeur. Il en va de même des tests soumis dans l'annexe 1 par l'intimé II. Il est évident que ces tests, portant sur les résines échangeuses d'ions utilisées dans le document (3), mesurent l'activité spécifique du FVIII à la sortie de la colonne de chromatographie et ne concernent donc qu'un produit intermédiaire devant encore subir diverses manipulations et impropre à l'usage thérapeutique. Ces tests ne donnent donc aucune information sur l'activité spécifique du produit final et leur valeur est, elle aussi, nulle.

5. Il semble par ailleurs qu'une certaine confusion ait régné, même en 1991 (date de publication du document (19), cité ici en tant qu'opinion d'expert), en ce qui concerne l'activité spécifique des préparations de FVIII, comme l'indique l'annexe 5 (première ligne du paragraphe "Purity of coagulation factor concentrates").

Ceci se voit non seulement par les résultats contradictoires des tests comparatifs mentionnés ci-dessus, mais encore en comparant l'annexe 5, donnant une activité spécifique supérieure à 200 IU/mg pour OctaviTM d'Octopharma, et le document (18) donnant pour le produit Octa v.i.TM une activité spécifique de seulement 4,8 IU/mg. Une telle contradiction pourrait aussi être vue entre les documents (18) et (19) pour le produit d'Octapharma. Ces contradictions ont été expliquées par le fait que ces deux produits ne sont pas identiques, mais l'un est le précurseur non-chromatographié de l'autre. Aucune preuve, toutefois, n'est venue confirmée cette assertion.

Si l'on suppose que le produit Hemate PTM mentionné dans le document (18), qui est dit provenir de la compagnie Behring et être obtenu par pasteurisation (wet-heated), et le produit de la même compagnie mentionné dans le document (19) comme étant obtenu par chromatographie sur résine échangeuse d'ions, sont le même que celui du document (3), alors les documents (18) et (19) seraient en contradiction avec l'annexe 1 et le document (3). En effet, aussi bien les documents (18) que (19) ne mentionnent qu'une activité spécifique très basse pour ce produit (inférieure à 10 UI/mg), à la différence du document (3), selon les dires des intimés, et de l'annexe 1. La non-identité des produits dénommés Hemate PTM a été avancée pour expliquer cette contradiction. Mais, ici aussi, aucune preuve n'est venue confirmer cette assertion. Par ailleurs, il paraît étonnant que le document (18), publié en 1988, fasse référence à un produit Hemate PTM qui ne soit qu'un précurseur du FVIII du document (3), dont la date de priorité est 31 août 1984.

6. En ce qui concerne l'activité du FVIII telle que décrite dans le document (3), le requérant et les intimés étaient en désaccord au sujet de la forme sous laquelle ledit document (3) devait être considéré. Il est incontestable que seule la forme "A" dudit document était disponible pour l'homme du métier à la date de priorité du brevet en cause. C'est donc cette forme qui doit être prise en considération pour les questions d'activité inventive. Toutefois, cette conclusion n'a que très peu d'importance dans la mesure où le paragraphe présent à la page 8 (lignes 23-29) de la version "A", mais qui a été supprimé dans la version "B", ne peut se rapporter qu'à un produit intermédiaire, impropre à une utilisation thérapeutique. Ceci découle de manière évidente du fait que ce produit est dit avoir une activité spécifique d'environ 100 E/mg protéine, alors que l'activité spécifique du produit final est dite (page 7, ligne 35 à page 8, ligne 6) être de 5 à 10 IE/mg.

Par ailleurs, ce passage n'est, en fait, d'aucune utilité et n'a aucune signification, car l'activité spécifique y est exprimée en "E/mg" et non pas en "IE/mg", comme dans le reste de ce document. Or, aucune correspondance entre ces deux unités différentes n'est indiquée et rien ne laisse supposer qu'il s'agisse d'une erreur typographique.

7. En conséquence, l'activité spécifique est, dans ce contexte, un paramètre douteux, ne permettant pas une comparaison sérieuse du brevet en cause et de l'art antérieur, et ne peut, en conséquence, être utilisée valablement dans la procédure présente comme critère de jugement de la brevetabilité. Le problème technique (ou sa solution, d'ailleurs) ne peut donc s'y référer et doit donc être défini comme étant la mise à la disposition de l'homme du métier d'une alternative au procédé du document (3) pour la production de FVIII à l'échelle industrielle, rendant le dit procédé, par exemple, plus simple ou plus efficace ou intégrant dans ledit procédé les développements les plus évidents de la technique.

La solution de ce problème technique étant le procédé défini dans les deux revendications du brevet en cause.

8. La Chambre considère que le procédé du document (3) doit être vu dans sa globalité, c'est-à-dire comme un tout composé de différentes étapes susceptibles d'être modifiées. Les dites modifications pouvant porter sur une seule étape ou sur plusieurs à la fois, le nombre d'étapes pouvant être modifiées simultanément dépendant des alternatives offertes par l'état de la technique. Dans la mesure où ces changements pourraient toucher plusieurs étapes à la fois, la combinaison des enseignements de plus de deux documents serait justifiée. La question est de savoir si ces modifications dans leur ensemble découlaient de manière évidente de l'art antérieur et si elles pouvaient éveiller chez l'homme du métier une espérance raisonnable de succès. L'espérance de succès étant, dans le cas de plusieurs modifications simultanées, en partie liée à l'estimation que l'homme du métier pouvait faire à la date de priorité du brevet en cause de la probabilité de compatibilité des modifications entre elles. Dans le cas de la solution apportée par le brevet en cause, l'analyse de l'activité inventive se résume donc à apporter une réponse aux trois questions suivantes :

i) Le remplacement de la pasteurisation et des résines échangeuses d'ions du document (3) par le traitement aux solvants organiques/détergents et le FractogelTM s'imposait-il à l'évidence pour l'homme du métier ?

ii) La compatibilité de ces deux modifications était-elle raisonnablement prévisible ?

iii) L'homme du métier pouvait-il s'attendre à obtenir ainsi un FVIII biologiquement actif ?

9. Les documents (6) et/ou (12) représentent, non seulement, une étude approfondie des propriétés du FractogelTM, mais encore une comparaison avec d'autres résines en usage à cette époque. Ainsi, la figure 1 du document (6) et la figure 3 du document (12) démontrent que le FractogelTM n'a quasiment pas de pouvoir tampon entre pH 4 et 10, ce qui n'est pas uniquement avantageux pour la chromatographie de protéines basiques, mais aussi pour l'utilisation de cette résine à un pH voisin de la neutralité. Il ressort du tableau III du document (6) que la capacité d'adsorption des protéines est comparable à celle des résines utilisées alors pour les protéines de petits poids moléculaires et bien supérieure dans le cas des protéines de hauts poids moléculaires. Les figures 4 et 5 du document (6) et la figure 8 du document (12) démontrent que le FractogelTM peut être utilisé dans des domaines de pH et de force ionique étendus. Les figures 6 et 7 du document (6) ainsi que les figures 14 à 26 du document (12) démontrent l'excellence du FractogelTM, et sa supériorité sur les autres résines étudiées, en ce qui concerne le pouvoir séparateur. Le tableau I du document (12) démontre que le rendement de l'élution des protéines du FractogelTM est quasiment de 100%. Les excellentes stabilités chimique et thermique du FractogelTM peuvent être déduites des figures 9 et 10 du document (12). L'homme du métier aurait donc, à la date de priorité du brevet en cause, conclu des documents (6) et (12) que tous les paramètres importants rendant compte de la performance d'une résine échangeuse d'ions sont en faveur du FractogelTM, dont l'utilisation à la place des résines mentionnées dans le document (3) s'imposait à l'évidence.

10. Le document (10) concerne le FVIII et l'inactivation des virus qui peuvent le contaminer par traitement avec des solvants organiques et des détergents et indique (abrégé) que ledit traitement n'altère pas de manière significative ledit FVIII. Il est même précisé aux pages 53 (2ème colonne) et 57 (2ème colonne) que le FVIII est obtenu avec un haut rendement et peu ou pas de dénaturation. L'inactivation des virus est au moins de 4 ordres de grandeurs (page 55, 2ème colonne) et conduit à l'inactivation totale du virus NANBH dans 13 lots de FVIII commercialisés (page 53, 2ème colonne). L'inactivation du HTLV, dont l'importance à la fin des années 80 n'était pas niable, est dite être totale en 20. minutes de traitement (page 58, 1ère colonne). Par ailleurs, il est indiqué (page 53, 2ème colonne) que l'inactivation thermique des virus dans les dérivés de sang n'a été que partiellement un succès. Un enseignement similaire peut être obtenu du document (11), qui précise à la page 520 (colonne de gauche) que le traitement avec solvants organiques et détergents n'entraîne pas la dissociation du complexe entre FVIII et vWf, son stabilisateur naturel. L'homme du métier, à la date de priorité du brevet en cause, aurait donc été amené à conclure à la lecture des documents (10) et/ou (11) que, au moins dans l'inactivation des virus contenus dans les dérivés de sang, le traitement par solvants organiques et détergents est plus efficace que la pasteurisation et, de plus, permet de détruire le HTLV, sans dissocier le FVIII du vWf. Ici encore, le remplacement de la pasteurisation par le traitement avec solvants organiques et détergents se serait imposé à l'évidence.

11. Au vu des conclusions tirées à partir des documents (6) et/ou (12) et (10) et/ou (11), l'homme du métier aurait donc répondu positivement à la première question posée plus haut, au point 8.

12. En ce qui concerne l'interaction de ces deux modifications, la Chambre considère que chaque protéine et chaque résine échangeuse d'ions demandent des conditions particulières de chromatographie, car la fixation de la protéine sur la résine et, partant, son élution de celle-ci dépendent des interactions électrostatiques (entre les charges portées par la résine et par la protéine) et non-ioniques (entre les résidus non-chargés de la protéine et la matrice de la résine). Ces conditions doivent être déterminées pour chaque couple "protéine-résine" par des expériences de routine basées sur le principe de "l'essai et de l'échec" conduisant de manière progressive au succès. L'information donnée par le document (10) sur la non-altération de l'activité biologique du FVIII suite au traitement par solvants organiques et détergents aurait poussé l'homme du métier à se libérer du joug de l'utilisation de stabilisateurs (sucre et concentrations importantes de CaCl2), devenus inutiles, et donc de la nécessité de faire la chromatographie à pH 5,5 (peu compatible avec une utilisation thérapeutique et la stabilité du FVIII). Toutefois, ceci aurait eu pour conséquence le fait que l'homme du métier n'aurait pu profiter des avantages décrits dans le document (3) concernant la séparation du FVIII et de ses contaminants principaux (fibronectine et fibrinogène). La Chambre considère que l'homme du métier aurait malgré tout choisi cette voie, à cause de l'excellent pouvoir séparateur du FractogelTM décrit dans les documents (6) et/ou (12) et aussi à cause de la possibilité ainsi obtenue de définir un procédé plus simple, diminuant le nombre de manipulations, donc moins coûteux à l'échelle industrielle et, ainsi, probablement plus favorable au maintien de l'intégrité structurale et fonctionnelle du FVIII. L'homme du métier n'aurait pas eu de doute quant à la compatibilité du FractogelTM et des solvants organiques et détergents, car les documents (6) et/ou (12) démontrent que le FractogelTM a une haute stabilité chimique. La Chambre considère donc que la deuxième question posée plus haut (point 8) doit aussi recevoir une réponse positive.

13. L'homme du métier ne se serait sans doute même pas posé la question de la conservation de l'activité biologique du FVIII après traitement avec solvants organiques et détergents et chromatographie sur FractogelM au vu des enseignements des documents (10) ou (11) démontrant que ledit traitement ne détruit pas l'activité biologique du FVIII qui est toujours associé à son stabilisateur naturel, le vWf, et des documents (6) ou (12) indiquant que le FractogelTM est particulièrement adapté à la chromatographie de molécules de poids moléculaires élevés, comme celle résultant de l'association du FVIII avec le vWf. L'homme du métier aurait donc, selon l'opinion de la Chambre, donné une réponse positive à la troisième question (cf. point 8).

14. La Chambre considère donc que l'homme du métier, à la date de priorité du brevet en cause, considérant le procédé décrit dans le document (3) dans sa globalité, et cherchant une alternative à ce procédé, serait venu de manière évidente, au vu de l'art antérieur, à la conclusion, que les deux étapes d'inactivation des virus et de chromatographie devaient être changées. Il aurait alors combiné les enseignements des documents (6) ou (12) avec ceux des documents (10) ou (11) et les aurait introduit dans le procédé du document (3).

La requête principale ne satisfait donc pas les conditions de brevetabilité requises par l'article 56 CBE.

Première requête auxiliaire (article 123(2) CBE)

15. La caractéristique technique ajoutée à la revendication 1 de la première requête auxiliaire n'a aucune base dans la demande de brevet telle que déposée. Même si elle devait être conçue comme un "disclaimer" introduit pour démarquer ledit brevet du document (3), comme l'a indiqué le requérant, elle entrerait en conflit avec l'abondante jurisprudence des chambres de recours sur ce point qui démontre qu'un tel "disclaimer" ne peut être utilisé que pour rendre un enseignement inventif nouveau par rapport à un art antérieur qui l'anticipe de manière accidentelle. Ceci implique qu'un "disclaimer" ne peut être utilisé dans le cadre d'une objection de manque d'activité inventive (T 170/87 (JO 1989, 441), T 863/96 (du 4 février 1999), T 917/94 (du 28 octobre 1999)).

La requête n'est pas acceptable en vertu de l'article 123(2) CBE.

Deuxième requête auxiliaire (article 123(2) CBE)

16. La caractéristique technique introduite dans la revendication 1 de la deuxième requête auxiliaire a été prise d'un exemple spécifique (voir ex. 4) et utilisée hors du contexte des conditions particulières dudit exemple pour préciser la valeur inférieure de l'activité spécifique sans qu'il y ait dans la partie générale de la description un fondement pour cette limitation telle que formulée dans ladite revendication. Ce qui n'est pas compatible avec les conditions de l'article 123(2) CBE. La requête n'est donc pas acceptable.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. Le recours est rejeté.

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