European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2020:G000319.20200514 | ||||||||
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Date de la décision : | 14 Mai 2020 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | G 0003/19 | ||||||||
Numéro de la demande : | - | ||||||||
Classe de la CIB : | - | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | - | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | EBA | ||||||||
Sommaire : | Compte tenu des développements qui sont intervenus après les décisions G 2/12 et G 2/13 de la Grande Chambre de recours, l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux prévue à l'article 53b) CBE a un effet négatif sur l'admissibilité des revendications de produit et des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique. Cet effet négatif ne s'applique pas aux brevets européens délivrés avant le 1er juillet 2017, ni aux demandes de brevet européen qui ont été déposées avant cette date et qui sont encore en instance. |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Reformulation de la question de droit soumise oui Recevabilité de la saisine par le Président de l'Office européen des brevets oui, après reformulation Application uniforme du droit oui Question de droit d'importance fondamentale oui Décisions divergentes rendues par deux chambres de recours oui Application de l'article 112(1)b) CBE par analogie non Règles d'interprétation Hiérarchie des normes Dispositions contradictoires non Interprétation dynamique de l'article 53b) CBE oui Incidence de la règle 28(2) CBE sur l'interprétation de l'article 53b) CBE" oui Exclusion de la brevetabilité des revendications de produit ou des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique oui Applicabilité de l'exclusion aux brevets européens délivrés avant le 1er juillet 2017 et aux demandes de brevet européen en instance déposées avant cette date non |
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Exergue : |
- |
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Décisions citées : | |||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Table des matières
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
Questions soumises
Résumé de la saisine
Observations présentées par des tiers (amici curiae)
Déroulement de la procédure devant la Grande Chambre de recours
MOTIFS DE L'AVIS
DISPOSITIONS JURIDIQUES PERTINENTES
PORTÉE ET OBJET DE LA SAISINE
REFORMULATION DES QUESTIONS SOUMISES
RECEVABILITÉ DE LA SAISINE
CONTEXTE DE LA PRÉSENTE SAISINE
G 1/98 variétés végétales
G 2/07 et G 1/08 procédés essentiellement biologiques (revendications de procédé)
G 2/12 et G 2/13 procédés essentiellement biologiques (revendications de produit et revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention)
Jurisprudence mettant en uvre les décisions G 2/12 et G 2/13
INTERPRÉTATION DE L'ARTICLE 53b) CBE
Interprétations grammaticale, systématique et téléologique de l'article 53b) CBE
Accord ultérieur ou pratique ultérieurement suivie
CONSIDÉRATIONS SUPPLÉMENTAIRES
Interprétation historique
Interprétation dynamique à la lumière de la règle 28(2) CBE
POINTS SUPPLÉMENTAIRES
Conformité avec l'article 164(2) CBE
Effets de la nouvelle interprétation de l'article 53b) CBE à l'égard des brevets européens délivrés et des demandes de brevet européen en instance
CONCLUSION
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
Questions soumises
I. Par lettre datée du 4 avril et reçue le 8 avril 2019, le Président de l'Office européen des brevets (ci-après dénommé le "Président de l'OEB") a soumis les questions suivantes à la Grande Chambre de recours (ci-après dénommée la "Grande Chambre") en vertu de l'article 112(1)b) CBE :
1. Eu égard à l'article 164(2) CBE, la signification et la portée de l'article 53 CBE peuvent-elles être clarifiées dans le règlement d'exécution de la CBE sans que cette clarification soit limitée a priori par l'interprétation dudit article donnée dans une décision antérieure des chambres de recours ou de la Grande Chambre de recours ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, l'exclusion de la brevetabilité des végétaux et animaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique, prévue par la règle 28(2) CBE, est-elle conforme à l'article 53b) CBE, lequel n'exclut pas expressément ni n'admet expressément de tels objets ?
Résumé de la saisine
II. Les arguments du Président de l'OEB sur la recevabilité et sur le fond de sa saisine sont résumés ci-dessous :
II.1 Arguments sur la recevabilité de la saisine
II.1.1 La saisine se rapporte à la décision T 1063/18 (non publiée au JO OEB) qui a été rendue par la chambre de recours technique 3.3.04 le 5 décembre 2018, et dans laquelle il a été conclu que la règle 28(2) CBE, telle que modifiée, était contraire à l'article 53b) CBE, tel qu'interprété précédemment par la Grande Chambre dans ses décisions G 2/12 (JO OEB 2016, A27) et G 2/13 (JO OEB 2016, A28) (ci-après conjointement dénommées "G 2/12"). Estimant que la règle 28(2) CBE n'était pas pertinente pour interpréter l'article 53b) CBE, la chambre a fait abstraction de cette disposition en application de l'article 164(2) CBE.
La chambre a ainsi souscrit à l'interprétation, donnée dans la décision G 2/12, de l'exception à la brevetabilité prévue à l'article 53b) CBE et a fait droit au recours formé par le demandeur contre la décision de la division d'examen par laquelle cette dernière avait rejeté la demande de brevet européen n°12756468.0 au motif que l'objet revendiqué tombait sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité prévue par l'article 53b) CBE ensemble la règle 28(2) CBE.
II.1.2 Le Président de l'OEB estime que l'approche adoptée dans la décision T 1063/18 (supra) s'écarte de la jurisprudence concernant la transposition dans la CBE de la Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (ci-après dénommée "directive "Biotechnologie"" ; JO UE 1998 L 213/13 ; JO OEB 1999, 101). Le Président de l'OEB renvoie en particulier aux décisions G 2/07 (JO OEB 2012, 130 ; voir également G 1/08, JO OEB 2012, 206), T 315/03 (JO OEB 2006, 15, points 7.3 et 7.6 des motifs), T 272/95 (du 23 octobre 2002, non publiée au JO OEB, point 4 des motifs), T 666/05 (non publiée au JO OEB, point 75 des motifs), et T 1213/05 (non publiée au JO OEB, point 44 des motifs).
L'approche adoptée dans la décision T 39/93 (JO OEB 1997, 134), à laquelle il est renvoyé dans la décision T 1063/18 (supra), n'a été suivie ou confirmée par aucune des décisions précitées ; de même, dans aucune de ces décisions il n'a été jugé déterminant au regard de l'article 164(2) CBE de savoir si une disposition du règlement d'exécution de la CBE (ci-après dénommé "le règlement d'exécution") était contraire à un article de la CBE, tel qu'interprété par la Grande Chambre dans une décision antérieure. Par conséquent, la décision T 1063/18 (supra) s'écarte de la jurisprudence des chambres de recours et de la Grande Chambre de recours. Ces décisions ont en effet reconnu, à tout le moins implicitement, la compétence conférée par l'article 33(1)c) CBE au Conseil d'administration de l'Organisation européenne des brevets (ci-après dénommé le "Conseil d'administration") pour interpréter les exceptions à la brevetabilité énoncées à l'article 53 CBE en modifiant le règlement d'exécution. La compétence du Conseil d'administration pour interpréter un article de la CBE via une disposition du règlement d'exécution est indépendante de l'interprétation donnée à cet article par la Grande Chambre et n'est pas limitée par l'article 164(2) CBE.
II.1.3 En conclusion, le Président de l'OEB avance que la jurisprudence fait apparaître des divergences sur la question de savoir si, aux fins de l'article 164(2) CBE, un conflit potentiel existe entre l'article 53 CBE et la règle 28(2) CBE, la seconde disposition ayant été adoptée afin de clarifier la signification et la portée de la première. Le conflit entre la règle 28(2) CBE et l'article 53b) CBE, constaté dans la décision T 1063/18 (supra), découle directement de l'approche divergente adoptée par la chambre dans cette affaire eu égard à l'article 164(2) CBE.
Par conséquent, la question 1 est manifestement recevable et la recevabilité de la question 2 devrait découler de la recevabilité de la question 1. Il existe un lien direct entre ces questions, la conformité de la règle 28(2) CBE avec l'article 53b) CBE étant subordonnée à la question de savoir si l'interprétation antérieure dudit article dans la décision G 2/12 est considérée comme faisant obstacle à la clarification de l'article 53b) CBE par le Conseil d'administration.
II.1.4 Dans le cas où il ne serait pas reconnu que la recevabilité de la question 2 découle de la recevabilité de la question 1, cette question devrait été jugée recevable en vertu d'une application par analogie de l'article 112(1)b) CBE. À ce propos, le Président de l'OEB renvoie aux décisions G 1/97 (JO OEB 2000, 322) et G 2/02 (JO OEB 2004, 483), à l'avis G 3/08 (JO OEB 2011, 10), et notamment à l'avis G 4/98 (JO OEB 2001, 131, point 1.2 des motifs).
II.1.5 Le but d'une saisine au titre de l'article 112(1)b) CBE est d'assurer l'uniformité du droit et la sécurité juridique au sein du système du brevet européen. Dans ce contexte, le critère relatif aux "décisions divergentes" énoncé à l'article 112(1)b) CBE permet d'éviter que des questions de droit abstraites soient soumises. Toutefois, la présente saisine ne concerne pas une question de droit abstraite, mais une question concrète qui s'est posée ou qui est susceptible de se poser dans un nombre considérable d'affaires en instance, à savoir dans le cadre de 18 recours en instance dirigés contre des décisions fondées sur la règle 28(2) CBE, ainsi que dans le cadre d'environ 250 procédures d'examen et environ sept procédures d'opposition dans lesquelles l'application de la règle 28(2) CBE est déterminante ou pourrait l'être. Partant, la présente situation est tout à fait comparable à celle où des chambres de recours ont rendu des décisions divergentes et pour laquelle le législateur a prévu un droit de saisine en vertu de l'article 112(1)b) CBE.
II.1.6 Si un droit de saisine est reconnu au Président de l'OEB en cas d'interprétations divergentes de la CBE dans deux décisions des chambres de recours produisant des effets à l'égard des parties concernées, ce droit doit a fortiori lui être reconnu en cas de divergence entre l'interprétation d'un article de la CBE (en l'occurrence l'article 53b) CBE) dans une seule décision d'une chambre de recours et l'application (en l'occurrence l'interprétation) de cet article prévue par une règle de la CBE (en l'occurrence la règle 28(2) CBE) produisant ses effets à l'égard de tous.
En tant que formation la plus solennelle des instances de recours de l'OEB (G 2301/16, non publiée au JO OEB, point 42 des motifs), la Grande Chambre est chargée de statuer et de donner des avis sur des questions de droit d'importance fondamentale afin de garantir l'application uniforme du droit. Une telle question de droit d'importance fondamentale se pose dans la décision T 1063/18 (supra) et nécessite donc une clarification par la Grande Chambre. Une nouvelle saisine de la Grande Chambre est nécessaire et indiquée compte tenu des évolutions du droit intervenues depuis sa décision antérieure G 2/12 (supra) (voir T 297/88, non publiée au JO OEB, point 2.4 des motifs). Les évolutions du droit et les pratiques administratives qui ont suivi la décision G 2/12 et sur lesquelles le Président de l'OEB fonde son argumentation sont abordées plus loin dans le cadre des motifs de la présente décision.
II.2 Arguments sur le fond de la saisine
II.2.1 Il y a lieu de répondre par l'affirmative à la question 1. L'approche correcte en vertu de l'article 164(2) CBE pour apprécier la conformité d'une règle de la CBE mettant en uvre l'article 53 CBE est celle adoptée dans les décisions J 20/84 (JO OEB 1987, 95, point 5 des motifs), J 16/96 (JO OEB 1998, 347, point 2.3 des motifs), T 272/95 (supra, point 4 des motifs), T 315/03 (supra, points 5.1 et 7.7 des motifs), T 991/04 (non publiée au JO OEB, point 6 des motifs), T 666/05 (supra, point 75 des motifs), T 1213/05 (supra, point 44 des motifs), G 9/93 (JO OEB 1994, 891, point 6 des motifs), G 2/06 (JO OEB 2009, 306, point 13 des motifs), G 2/07 (supra, point 2.2 des motifs), et G 2/08 (JO OEB 2010, 456, point 7.1.4 des motifs). Selon l'approche suivie dans ces décisions, une règle qui clarifie la signification et la portée de l'article 53 CBE n'est pas limitée a priori par la jurisprudence antérieure des chambres de recours ou de la Grande Chambre de recours. Le Président de l'OEB en conclut ce qui suit :
a) Le Conseil d'administration a compétence en vertu de l'article 33(1)c) CBE pour mettre en uvre l'article 53 CBE en l'interprétant et en clarifiant sa signification.
b) L'article 164(2) CBE ne permet pas d'exclure ou de limiter a priori l'interprétation et l'application de l'article 53 CBE retenues par le Conseil d'administration au motif qu'elles s'écartent d'une interprétation antérieure donnée audit article par la Grande Chambre.
c) Les décisions de la Grande Chambre ont de facto un effet contraignant découlant de l'article 21 RPCR 2020, mais elles n'empêchent pas en tant que telles une évolution du droit ou de son interprétation.
d) Pour interpréter un article de la CBE, les chambres de recours doivent tenir compte de tous les éléments pertinents à cette fin, y compris d'une modification apportée au règlement d'exécution par le Conseil d'administration.
II.2.2 Il y a lieu de répondre également par l'affirmative à la question 2 pour les raisons suivantes :
a) Il peut être déduit de la décision G 2/12 (supra) que
i. l'article 53b) CBE n'admet pas expressément la brevetabilité des végétaux ou des animaux obtenus exclusivement par des procédés essentiellement biologiques ;
ii. l'article 53b) CBE est en principe sujet à différentes interprétations en ce qui concerne l'étendue des exceptions à la brevetabilité ;
iii. l'article 53b) CBE peut être clarifié par le biais du règlement d'exécution.
b) À la lumière de ces conclusions, le Conseil d'administration peut, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 33(1)c) CBE, donner à l'article 53b) CBE une interprétation conforme à la directive "Biotechnologie" telle qu'interprétée dans l'avis de la Commission européenne concernant certains articles de la directive "Biotechnologie" (JO UE 2016 C 411/3, ci-après dénommé l'"avis interprétatif de la Commission européenne").
c) En introduisant la règle 28(2) CBE, le Conseil d'administration a appliqué une interprétation de l'article 53b) CBE conforme à l'intention du législateur telle qu'elle ressort de l'"incorporation" de la directive "Biotechnologie" dans la CBE.
d) À la fois la règle 28(2) CBE proprement dite et les développements sur le plan législatif et administratif intervenus dans les États contractants depuis la décision G 2/12 (supra) permettent de conclure que, aux fins de l'article 164(2) CBE, la règle 28(2) CBE doit être considérée comme étant conforme à l'article 53b) CBE, en ce sens que l'article 53b) CBE doit être interprété à la lumière de la règle 28(2) CBE comme excluant également de la brevetabilité les produits issus de procédés essentiellement biologiques.
Observations présentées par des tiers (amici curiae)
III. Par une communication publiée au Journal officiel de l'OEB (JO OEB 2019, A52), la Grande Chambre a donné aux tiers la possibilité de présenter des observations écrites conformément à l'article 10 RPGCR. Elle a reçu les observations suivantes qui ont été publiées sur le site Internet de la Grande Chambre de recours (www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/eba.html) :
(1) G. König, König Szynka Tilmann von Renesse, Partnerschaft mbH, Düsseldorf/München (KSVR), Patentanwälte 24 mai 2019 ;
(2) Institut portugais de la propriété industrielle (PT) 22 mai 2019 ;
(3) Dirk Peter 17 août 2019 ;
(4) Elisabeth Albrecht 4 septembre 2019 ;
(5) Déclarations écrites de 23 052 personnes physiques déposées sous forme normalisée par "Umweltinstitut München e.V." (UIM) ;
(6) Office espagnol des brevets et des marques (ES) 16 septembre 2019 ;
(7) Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne (DE) 10 septembre 2019 ;
(8) Association allemande d'obtenteurs de végétaux (BDP) 17 septembre 2019 ;
(9) Eric Alasdair Kennington 18 septembre 2019 ;
(10) Euroseeds 20 septembre 2019 ;
(11) Maximilian Haedicke 23 septembre 2019 ;
(12) DeltaPatents 23 septembre 2019 ;
(13) Office tchèque de la propriété industrielle (CZ) 20 septembre 2019 ;
(14) L.J. Steenbeek 24 septembre 2019 ;
(15) Julian Cockbain 24 septembre 2019 et 2 novembre 2019, renvoyant à Sigrid Stercks/Julian Cockbain, Exclusions from Patentability, Cambridge University Press 2012 (ISBN 978-1-107-54262-4), pages 5 à 8, 17 et 18 du chapitre 7, et chapitre 9 ;
(16) König, Szynka, Tilmann, von Renesse (KSVR), Patentanwälte 24 septembre 2019 ;
(17) Office belge de la propriété intellectuelle (BE) 24 septembre 2019 ;
(18) Fédération internationale des conseils en propriété intellectuelle (FICPI) 25 septembre 2019 ;
(19) Office autrichien des brevets (AT) 26 septembre 2019 ;
(20) Fédération européenne des mandataires de l'industrie en propriété intellectuelle (FEMIPI) 26 septembre 2019 ;
(21) Office des brevets de la République de Pologne (PL) 26 septembre 2019 ;
(22) Royaume des Pays-Bas (NL) 26 septembre 2019 ;
(23) IP Federation (IPF) 27 septembre 2019 ;
(24) Association des Experts en Propriété Industrielle (VPP) 27 septembre 2019 ;
(25) Institut national de la propriété industrielle (FR) 27 septembre 2019 ;
(26) No patents on seeds! (NPS) 30 septembre 2019 ;
(27) Déclaration signée par 49 organisations et 2 725 particuliers (déclaration commune) 30 septembre 2019 ;
(28) Peter de Lange 30 septembre 2019 ;
(29) Gouvernement danois (DK) 30 septembre 2019 ;
(30) Axel Metzger, Herbert Zech et Charlotte Vollenberg (Metzger/Zech/Vollenberg) 30 septembre 2019 ;
(31) Fritz Dolder 30 septembre 2019 ;
(32) Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets (epi) 30 septembre 2019 ;
(33) Plantum 30 septembre 2019 ;
(34) CropLife International et Association Européenne pour la protection des Cultures (ECPA) 30 septembre 2019 ;
(35) Intellectual Property Owners Association (IPO) 30 septembre 2019 ;
(36) Chartered Institute of Patent Attorneys (CIPA) 30 septembre 2019 ;
(37) Thomas Leconte 1er octobre 2019 ;
(38) Association Internationale des Producteurs de l'Horticulture (AIPH) 1er octobre 2019 ;
(39) Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) 1er octobre 2019 ;
(40) Commission européenne 1er octobre 2019 ;
(41) Olaf Malek, Vossius & Partner (VP) 21 octobre 2019.
III.1 Observations concernant la recevabilité de la saisine
III.1.1 Certains tiers ont, soit explicitement, soit implicitement dans le cadre de leurs arguments sur le fond de la saisine, considéré que la saisine était recevable. Parmi eux figurent des institutions publiques et gouvernementales (AT, BE, CZ, DE, DK, ES, FR, NL, PL, PT), la Commission européenne, des associations d'obtenteurs de végétaux (BDP, Euroseeds, Plantum), des organisations non gouvernementales (NPS), des juristes et des particuliers (Dolder, Metzger/Zech/Vollenberg).
Selon un premier argument, dans le domaine des inventions biotechnologiques, les décisions portant sur des végétaux ont toutes été rendues par la même chambre de recours technique. Par conséquent, la condition relative aux "deux chambres de recours" ne peut jamais être remplie. Cela étant, le législateur ne pouvait pas avoir pour intention d'empêcher le Président de l'OEB de soumettre à la Grande Chambre une question de droit relevant du domaine des inventions biotechnologiques. La disposition pertinente serait sinon privée de son "effet utile" et un domaine technique particulier serait indûment désavantagé.
Selon un deuxième argument, il y a bien des "décisions divergentes" au sens de l'article 112(1)b) CBE, la décision T 1063/18 (supra) étant contraire à une décision précédemment rendue par la même chambre de recours concernant l'affaire T 1208/12 (non publiée au JO OEB), qui s'appuyait sur certains principes fondamentaux énoncés dans la décision G 1/98 de la Grande Chambre (JO OEB 2000, 111). Or, la décision T 1063/18 (supra) ne mentionne même pas l'argumentation suivie dans la décision T 1208/12, si bien que la même chambre de recours, siégeant dans une composition différente, a rendu des décisions divergentes ayant trait à la même question de droit d'importance fondamentale, à savoir celle de l'étendue des exceptions à la brevetabilité prévues à l'article 53b) CBE.
Selon un troisième argument, le but de l'article 112(1)b) CBE est d'assurer l'application uniforme de la CBE et de clarifier les aspects juridiques d'importance fondamentale. Or, la présente saisine est motivée par la nécessité d'obtenir une clarification concernant l'incidence que les évolutions du droit postérieures à la décision G 2/12 (supra) ont pu avoir sur l'interprétation de l'article 53b) CBE.
III.1.2 D'autres tiers ont, explicitement ou à tout le moins implicitement, considéré que la saisine était irrecevable. Parmi eux figuraient des mandataires en brevets, des associations ou des cabinets de mandataires en brevet (O. Malek, CIPA, CNCPI, DeltaPatents, FEMIPI, FICPI, KSVR), des groupes d'intérêts et des associations commerciales (ECPA, IPF, VPP), ainsi que des juristes et des particuliers (M. Haedicke, L.J. Steenbeek).
a) Arguments généraux
La saisine n'est pas justifiée par l'existence de décisions divergentes, et encore moins contradictoires, des chambres de recours. Elle ne concerne pas une question de droit d'importance fondamentale au sens de l'article 112(1) CBE, mais résulte d'une initiative politique du Président de l'OEB et du Conseil d'administration et va à l'encontre de l'effet contraignant des décisions des chambres de recours de manière générale et de la Grande Chambre de recours en particulier. En fait, aucune des décisions citées dans la saisine ne se rapporte à la question de droit spécifique traitée dans la décision T 1063/18 (supra), à savoir celle de la validité de la règle 28(2) CBE au regard de l'article 53b) CBE. Il n'y a dès lors aucun conflit entre la décision T 1063/18 (supra) et la jurisprudence antérieure.
b) Arguments concernant la question 1
Il a été avancé que l'irrecevabilité de la question 1 ne résulte pas de l'existence d'une jurisprudence contraire à la décision T 1063/18 (supra). La question 1 ne se rapporte à cette décision que sur la forme et non sur le fond. Afin de refléter ce qui a effectivement été décidé, il y a lieu de reformuler la question de telle façon que celle-ci cherche à établir si la règle 28(2) CBE est conforme à l'article 164(2) CBE. Or, les chambres de recours n'ont pas rendu de décisions divergentes sur cette question, comme l'exige l'article 112(1)b) CBE.
En outre, la question 1 concerne de fait une question de droit abstraite qui, à ce titre, ne saurait justifier une saisine en vertu de l'article 112(1)b) CBE.
c) Arguments concernant la question 2
La question 1 étant irrecevable, elle ne peut pas fonder la recevabilité alléguée de la question 2 ; il s'ensuit que la question 2 est également irrecevable.
Étant donné que la question 2 se rapporte spécifiquement à l'article 53b) CBE et à la règle 28(2) CBE et que, en dehors de la décision T 1063/18 (supra), aucune affaire ne traite de cette question, il n'y a aucun conflit avec une autre décision susceptible de justifier la saisine. La Grande Chambre a déjà apporté une réponse exhaustive à la question 2 dans sa décision G 2/12 (supra), ce qui exclut toute possibilité d'interpréter différemment l'article 53b) CBE.
L'article 112(1)b) CBE ne peut pas être appliqué par analogie pour rendre la question 2 recevable. L'article 112(1) CBE établit une distinction explicite entre la saisine par une chambre de recours (lettre a) d'une part et la saisine par le Président de l'OEB (lettre b) d'autre part. Ces saisines sont soumises à des conditions différentes qui sont plus restrictives pour le Président de l'OEB que pour une chambre de recours. Ces saisines étant de types différents et ayant des natures juridiques distinctes, il est exclu d'assouplir par analogie l'une quelconque des conditions applicables spécifiquement à une saisine présidentielle.
III.2 Observations sur le fond des questions soumises
III.2.1 Observations en faveur d'une interprétation de l'article 53b) CBE différente de celle retenue dans la décision G 2/12
Un certain nombre de tiers, notamment des institutions publiques et gouvernementales (AT, BE, CZ, DE, DK, ES, FR, NL, PL, PT), la Commission européenne, des associations d'obtenteurs de végétaux (AIPH, BDP, Euroseeds, Plantum), des organisations non gouvernementales (NPS), des juristes et des particuliers (Dolder, Metzger/Zech/Vollenberg), ont avancé qu'il y avait lieu de répondre par l'affirmative aux deux questions soumises à la Grande Chambre.
a) Arguments généraux
L'article 53b) CBE a été interprété de manière erronée dans la décision G 2/12 (supra). Il découle de l'intention du législateur, qui était d'exclure de la brevetabilité les procédés d'obtention de végétaux et d'animaux, qu'aucun brevet ne peut être délivré pour un produit issu d'un tel procédé et que, par conséquent, de tels produits tombent aussi sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 53b) CBE.
b) Arguments concernant la question 1
Il a été avancé que les conclusions formulées par la Grande Chambre dans sa décision G 2/12 (supra) n'empêchaient pas le Conseil d'administration de parvenir à un stade ultérieur à une interprétation différente de l'article 53b) CBE. Compte tenu du manque de clarté de l'article 53b) CBE, il appartient au législateur de décider comment cette disposition doit être interprétée. Le Conseil d'administration a compétence, en vertu de l'article 33(1)c) CBE, pour clarifier des points précis de la CBE en modifiant le règlement d'exécution afin de le rendre conforme à la législation de l'Union européenne. Lorsqu'il a modifié la règle 28 CBE, le Conseil d'administration a respecté le cadre de la CBE et a donné une interprétation contraignante de l'article 53b) CBE. Bien que l'article 53b) CBE puisse être modifié par le Conseil d'administration en vertu de l'article 33(1)b) CBE, cette solution est moins souhaitable que celle qui consiste à interpréter l'article 53b) CBE conformément à la règle 28(2) CBE.
En ce qui concerne l'article 164(2) CBE, deux arguments principaux ont été présentés :
Premièrement, étant donné que l'article 164(2) CBE est muet concernant les décisions des chambres de recours et que différentes chambres de recours et différentes juridictions nationales sont susceptibles de parvenir à des interprétations différentes de la même disposition de la CBE, une clarification des dispositions de la CBE via le règlement d'exécution ne peut pas, et ne devrait pas, être limitée par l'interprétation donnée par une seule chambre de recours.
Deuxièmement, même s'il y avait un conflit manifeste entre une disposition modifiée du règlement d'exécution et une interprétation d'un article de la CBE donnée par la jurisprudence avant l'entrée en vigueur de cette règle modifiée, ce conflit ne saurait être considéré comme une divergence au sens de l'article 164(2) CBE.
c) Arguments concernant la question 2
À la fois la règle 28(2) CBE et les diverses mesures, notamment législatives, adoptées dans un certain nombre d'États contractants, ainsi que dans l'Union européenne depuis 2015 peuvent être considérées comme un "accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions" au sens de l'article 31(3)a) de la Convention de Vienne.
Aux fins d'interpréter l'article 53b) CBE, il doit être tenu compte de l'avis interprétatif de la Commission européenne à la fois pour déterminer l'intention véritable du législateur de la directive "Biotechnologie" et pour prendre acte du fait que des lois nationales ont ultérieurement été adaptées audit avis. Cela ne signifierait pas qu'il y a un conflit entre la règle 28(2) CBE et l'article 53b) CBE. L'intention des États contractants, lors de la modification de la règle 28 CBE, était que l'interprétation exprimée par cette modification soit utilisée comme moyen complémentaire d'interprétation en ce qui concerne l'article 53b) CBE, conformément à la règle 26(1) CBE. En outre, la clarification introduite par la nouvelle règle 28(2) CBE obéit au principe fondamental selon lequel les lois sur les brevets des États contractants doivent être interprétées et appliquées de manière harmonisée.
Par conséquent, est exclu de la brevetabilité tout produit obtenu au moyen d'un procédé essentiellement biologique, qu'il s'agisse d'un végétal, d'un animal ou de parties de végétaux ou d'animaux.
d) Autres observations
Un tiers (J. Cockbain) a instamment demandé à la Grande Chambre de réexaminer sa décision G 1/98 (supra) et de conclure que l'article 53b) CBE doit être interprété comme excluant de la brevetabilité les végétaux de lignée pure et que, par conséquent, la règle 28(2) CBE est valable.
III.2.2 Observations rejetant une interprétation de l'article 53b) CBE différente de celle retenue dans la décision G 2/12
Un certain nombre de tiers, y compris des mandataires en brevets, des associations et des cabinets de mandataires en brevets (E.A. Kennington, T. Leconte, O. Malek, CIPA, CNCPI, DeltaPatents, FEMIPI, FICPI, KSVR), des groupes d'intérêt et des associations commerciales (ECPA, IPF, VPP), ainsi que des juristes et des particuliers (M. Haedicke, L.J. Steenbeek), ont fait valoir qu'il y avait lieu de répondre par la négative aux deux questions soumises à la Grande Chambre.
a) Arguments généraux
L'article 53b) CBE est formulé de manière claire en ce sens qu'il ne prévoit l'exclusion de la brevetabilité que de trois éléments distincts, à savoir : les variétés végétales, les races animales et les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux. Tout ce qui n'est pas énuméré, comme les végétaux et animaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques, est en principe brevetable. Partant, les dispositions pertinentes ne sont pas sujettes à interprétation.
L'avis interprétatif de la Commission européenne ayant pour simple fonction de faciliter l'application de la directive "Biotechnologie", il ne confère pas au Conseil d'administration le pouvoir de modifier la CBE. Cet avis n'a pas force de loi, même au regard du droit de l'Union européenne, et encore moins au regard de la CBE. Le simple fait que des institutions de l'Union européenne et le Conseil d'administration ont jugé bon, sur le plan politique, d'exclure de la brevetabilité les végétaux ou animaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique n'a pas eu pour effet de changer la loi. Même sans la décision G 2/12 (supra), il n'aurait pas été possible juridiquement d'adopter la règle 28(2) CBE.
b) Arguments concernant la question 1
La règle 28(2) CBE représente une tentative de modifier et non de clarifier la signification de l'article 53b) CBE. Selon un principe de droit établi, la hiérarchie des sources du droit ne peut pas être inversée de telle sorte qu'une législation primaire puisse être modifiée par une législation secondaire, à moins qu'une disposition explicite de la loi ne confère la compétence requise pour procéder à une telle modification. Le règlement d'exécution ne peut que clarifier la signification et la portée d'un article de la CBE, et ce uniquement de manière conforme à l'interprétation de cet article donnée dans une décision antérieure de la Grande Chambre.
La CBE donne compétence à la fois aux chambres de recours et au Conseil d'administration pour interpréter les articles de la CBE. Les articles 33 et 164(2) CBE limitent toutefois la compétence du Conseil d'administration à cet égard. Le Conseil d'administration, étant un organe exécutif doté de certains pouvoirs "réglementaires" plutôt que législatifs (M. Haedicke), n'a pas compétence pour interpréter la Convention en introduisant ou en modifiant des dispositions du règlement d'exécution dans un sens contraire à des articles de la CBE. En toute logique, en cas de conflit entre une règle et un article de la CBE, les limites imposées à la compétence du Conseil d'administration empêchent celui-ci d'inverser l'interprétation de cet article retenue précédemment par la Grande Chambre, laquelle représente le pouvoir juridictionnel dans le système de la CBE. L'article 164(2) CBE serait sinon dénué d'objet car l'effet d'une règle nouvelle ou modifiée serait toujours de modifier l'article dans la mesure nécessaire pour éliminer toute divergence. Cela aurait pour effet d'altérer la répartition des pouvoirs au sein de l'OEB au détriment du pouvoir juridictionnel. Or, la séparation des pouvoirs doit être respectée, tout comme le devoir de loyauté ou de coopération loyale qui incombe aux différentes instances au titre de la CBE. C'est donc la jurisprudence qui doit primer en ce qui concerne l'interprétation de la CBE.
Il s'ensuit qu'une réponse affirmative à la question 1 serait en contradiction avec la compétence restreinte conférée au Conseil d'administration par l'article 33(1)c) CBE pour interpréter des articles de la CBE uniquement dans les limites prévues par l'article 164(2) CBE. Une telle réponse reviendrait même à conférer au Conseil d'administration des pouvoirs réservés à une Conférence diplomatique en vertu de l'article 172 CBE.
Les développements intervenus dans l'Union européenne et dans les États contractants, auxquels la saisine fait référence, n'ont pas modifié le cadre juridique applicable après la décision G 2/12 (supra), soit parce qu'ils n'étaient pas de nature législative et n'étaient donc pas contraignants (Union européenne), soit parce qu'ils ne concernaient pas l'ensemble des États contractants.
c) Arguments concernant la question 2
L'article 53b) CBE est une disposition autonome dont la signification et la portée ne peuvent pas être modifiées par une disposition du règlement d'exécution, et qui, en particulier, ne permet pas que la signification et l'étendue des exceptions à la brevetabilité soient élargies.
Étant donné que l'article 52(1) CBE prévoit la brevetabilité des inventions dans tous les domaines technologiques en tant que principe général et que toute limitation de cette règle exige un fondement juridique clair dans la CBE, l'introduction de la règle 28(2) CBE ne peut pas changer, et n'a pas changé, l'interprétation de l'article 53b) CBE donnée dans la décision G 2/12 (supra). L'issue de la décision T 1063/18 (supra) exige soit que le Conseil d'administration supprime la règle 28(2) CBE soit que les États contractants modifient l'article 53b) CBE. Il n'est toutefois pas nécessaire, à l'heure actuelle, de modifier l'article 53b) CBE de façon à limiter les développements futurs en matière de procédés d'obtention. En l'absence d'une modification de la CBE, il convient de faire abstraction de la règle 28(2) CBE en application de l'article 164(2) CBE.
III.3 Observations de nature générale
Un certain nombre de tiers (E. Albrecht, déclaration commune, D. Peter, UIM) ont émis des préoccupations générales au sujet de la brevetabilité des inventions biotechnologiques et ont critiqué la structure institutionnelle et le statut juridique de l'Organisation européenne des brevets.
Un tiers (P. de Lange) n'a pris position que sur certaines questions institutionnelles qui se posent dans le contexte de la première question sans aborder directement la recevabilité de la saisine ou les réponses à apporter aux questions soumises.
Un autre tiers (l'epi), sans proposer de réponse particulière aux questions soumises ou à la question de leur recevabilité, a mis en évidence les différences entre l'interprétation étroite de l'expression "procédé essentiellement biologique" prévue à l'article 2(2) de la directive "Biotechnologie" et la définition plus large formulée dans les décisions G 2/07 et G 1/08 (supra). En outre, il a été demandé à la Grande Chambre d'envisager des mesures transitoires afin de protéger les attentes légitimes découlant de ses décisions antérieures.
Déroulement de la procédure devant la Grande Chambre de recours
IV. La présente procédure étant fondée sur une saisine par le Président de l'OEB en vertu de l'article 112(1)b) CBE, il n'y a pas de parties à la procédure devant la Grande Chambre.
Ayant examiné les arguments présentés par le Président de l'OEB à l'appui de sa saisine ainsi que les diverses observations présentées par des tiers en vertu de l'article 10(1) RPGCR, la Grande Chambre rend à présent son avis sur les questions de droit qui lui ont été soumises, et ce dans le cadre d'une procédure écrite sans la tenue préalable d'une procédure orale.
MOTIFS DE L'AVIS
Dispositions juridiques pertinentes
I. Il sera expressément renvoyé aux dispositions suivantes :
Article 112(1)b) CBE Décision ou avis de la Grande Chambre de recours ;
Article 53b) CBE Exceptions à la brevetabilité ;
Règle 26(1) et (5) CBE Généralités et définitions, ancienne règle 23ter(1) et (5) CBE 1973, insérée dans le règlement d'exécution par décision du Conseil d'administration en date du 16 juin 1999 et entrée en vigueur le 1er septembre 1999 (JO OEB 1999, 437) ;
Règle 27b) CBE Inventions biotechnologiques brevetables, telle que modifiée par la décision CA/D 6/17 du Conseil d'administration en date du 29 juin 2017 (JO OEB 2017, A56) et en vigueur depuis le 1er juillet 2017 ;
Règle 28(2) CBE Exceptions à la brevetabilité, introduite par la décision CA/D 6/17 du Conseil d'administration en date du 29 juin 2017 (JO OEB 2017, A56) et en vigueur depuis le 1er juillet 2017 ;
Articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (Convention de Vienne) ;
Articles premier à 4 de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (directive "Biotechnologie", JO UE 1998 L 213/13 ; JO OEB 1999, 101).
Portée et objet de la saisine
II. Dans un premier temps, avant d'aborder la recevabilité et le fond de la saisine, il y a lieu d'analyser la portée et l'objet des questions soumises ainsi que les arguments soumis à leur appui. Sur le plan de la forme, la présente saisine concerne deux questions, à savoir, premièrement, celle de l'étendue de la compétence conférée au Conseil d'administration pour adopter ou modifier des dispositions du règlement d'exécution afin de donner effet à une interprétation d'un article de la CBE qui est différente de celle donnée dans une décision antérieure des chambres de recours ou de la Grande Chambre de recours (question 1) ; et, deuxièmement, celle de l'interprétation correcte de l'article 53b) CBE suite à l'adoption de la règle 28(2) CBE qui exclut de la brevetabilité les végétaux et animaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique (question 2).
II.1 La question 1, qui est formulée en des termes assez généraux, concerne la notion juridique abstraite de l'articulation entre la CBE et son règlement d'exécution. Elle est également axée sur l'interprétation de la CBE, d'une part par la Grande Chambre dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle telle que prévue aux articles 22(1)a) et b) et 112(1) CBE (interprétation juridictionnelle), et, d'autre part, par une décision du Conseil d'administration agissant en sa qualité d'organe compétent, en vertu de l'article 33(1)c) CBE, pour adopter des dispositions du règlement d'exécution (interprétation réglementaire).
Ainsi, la première question se rapporte à la hiérarchie des normes, les articles de la CBE constituant la législation primaire et le règlement d'exécution la législation secondaire. Elle soulève aussi la question de la répartition des compétences en vertu de la CBE en ce qui concerne l'instance compétente pour interpréter la CBE de manière contraignante. Le principe de séparation des pouvoirs, qui est connu de tous les États contractants et qui régit aussi la CBE, est également pertinent à cet égard.
II.2 La question 2, qui a été structurée de manière à dépendre d'une réponse affirmative à la question 1, concerne la conformité de la règle 28(2) CBE avec l'article 53b) CBE.
Elle vise ainsi à déterminer s'il existe un conflit entre une disposition d'exécution ultérieure (en l'occurrence la règle 28(2) CBE) et la disposition antérieure de rang supérieur de la Convention à laquelle elle se rapporte (en l'occurrence l'article 53b) CBE).
II.3 Selon les arguments présentés par le Président de l'OEB, il a été conclu à tort dans la décision T 1063/18 (supra) que la règle 28(2) CBE était contraire à l'article 53b) CBE, tel qu'interprété dans la décision G 2/12 (supra), et qu'eu égard à l'article 164(2) CBE, c'étaient les dispositions de la Convention qui primaient (point 46 des motifs). Le Président de l'OEB avance au contraire ce qui suit :
i. le libellé de l'article 53b) CBE peut être interprété de différentes manières et, dans sa décision G 2/12, la Grande Chambre a constaté que cet article n'admettait pas explicitement la brevetabilité des végétaux ou des matières végétales obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique (points 71 à 75 de la saisine) ;
ii. l'article 53b) CBE doit être interprété à la lumière de la règle 28(2) CBE et de manière à produire le même effet, tel qu'il est expressément prévu par cette règle, laquelle clarifie d'une manière admissible la signification et la portée de l'article 53b) CBE (points 76 et 77 de la saisine) ;
iii. la décision G 2/12 n'empêche pas de prendre en considération l'intention du législateur de l'Union européenne (point 93 de la saisine) ;
iv. compte tenu de l'intention du législateur de l'Union européenne (points 85 à 92 de la saisine) et de celle du législateur de la CBE, telle qu'elle ressort de l'"incorporation" de la directive "Biotechnologie" dans la CBE (points 78 à 84 de la saisine), l'article 53b) CBE doit être interprété comme excluant de la brevetabilité les produits de procédés essentiellement biologiques (points 94 à 98 de la saisine) ;
v. si l'on se fonde sur cette interprétation de l'article 53b) CBE et eu égard à l'accord ultérieur intervenu entre les États contractants, ainsi qu'à la pratique de ces derniers, la règle 28(2) CBE est tout à fait conforme à l'article 53b) CBE (points 99 à 111 de la saisine) ;
vi. eu égard à l'article 164(2) CBE, la règle 28(2) CBE est conforme à l'article 53b) CBE (point 112 de la saisine).
II.4 Si, au niveau de sa forme, la première question soulève deux aspects, à savoir la question de l'attribution par la CBE de la compétence pour établir la teneur juridique d'un article de la Convention et la question de la hiérarchie des normes, la deuxième question ne laisse subsister aucun doute quant au véritable but de la saisine par le Président de l'OEB. La Grande Chambre est ainsi invitée à réexaminer l'interprétation de l'article 53b) CBE donnée dans sa décision G 2/12 (supra) et, en définitive, à y renoncer et à réinterpréter cette exception à la brevetabilité de telle sorte que la règle 28(2) CBE donne une interprétation concluante de la portée juridique de cet article.
II.5 Le libellé de la question 1 est trop général et imprécis en ceci qu'il touche à un aspect institutionnel qui s'étend bien au-delà de la finalité ultime de la saisine. Telle qu'elle est formulée, cette question appelle une réponse par "oui" ou par "non" afin de couvrir tous les cas de figure concevables susceptibles de découler d'une tentative de façonner par voie réglementaire la teneur juridique d'une disposition de la législation primaire (un article de la CBE) via la législation secondaire (une disposition du règlement d'exécution). Dans les faits, le cas de figure présenté dans la première question, porté à sa conclusion logique, donnerait au Conseil d'administration, en tant qu'autorité compétente en vertu de la CBE pour adopter le règlement d'exécution, carte blanche pour s'écarter de la jurisprudence établie et attribuer un sens particulier à n'importe quel article de la CBE via les dispositions du règlement d'exécution. Cela permettrait de contourner les procédures prescrites pour modifier le texte même de la Convention, à savoir la Conférence diplomatique en vertu de l'article 172 CBE ou le vote unanime du Conseil d'administration en vertu des articles 33(1)b) et 35(3) CBE.
Il est dès lors nécessaire de reformuler la première question afin qu'elle reflète l'objet véritable de la saisine.
II.6 La question 2 contient déjà, sous une forme à peine déguisée, la réponse voulue ; elle indique en effet que l'article 53b) CBE "n'exclut pas expressément ni n'admet expressément" la brevetabilité des végétaux et des animaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique.
Par conséquent, il est également nécessaire de reformuler la deuxième question de façon à ce qu'elle ne reflète pas l'opinion du Président de l'OEB qui est à l'origine de la saisine.
Reformulation des questions soumises
III. Au vu de ce qui précède, la Grande Chambre conclut qu'il est nécessaire de reformuler les questions soumises de sorte qu'elles reflètent les deux points qui suivent.
III.1 Premièrement, les deux questions qui sous-tendent la saisine sont liées. La question de la compétence du Conseil d'administration pour adopter la législation secondaire est une question préliminaire qu'il est nécessaire d'examiner avant de traiter la question de fond liée à la portée juridique de l'article 53b) CBE. Ces deux aspects peuvent être combinés pour faire l'objet d'une question unique.
III.2 Deuxièmement, d'après sa lecture de l'ensemble de la saisine, c'est-à-dire des questions soumises et des arguments présentés, la Grande Chambre estime que l'objet véritable de la saisine peut être paraphrasé comme suit :
i. En ce qui concerne l'exclusion de la brevetabilité des "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux et d'animaux", l'article 53b) CBE ne permet-il qu'une seule interprétation ou offre-t-il une marge d'interprétation plus large ?
ii. L'article 53b) CBE peut-il faire l'objet d'une interprétation dynamique en ce sens que sa signification peut changer au fil du temps ?
iii. Dans l'affirmative, une modification du règlement d'exécution peut-elle donner effet à un changement de signification résultant d'une interprétation dynamique de l'article 53b) CBE ?
III.3 La Grande Chambre estime donc que la formulation ouverte et abstraite de la question unique suivante traduit les véritables enjeux de la saisine par le Président de l'OEB :
Compte tenu des développements intervenus à la suite d'une décision de la Grande Chambre de recours qui donne une interprétation de l'étendue de l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux prévue à l'article 53b) CBE,
cette exclusion peut-elle avoir un effet négatif sur l'admissibilité des revendications de produit ou des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique ?
Recevabilité de la saisine
IV. Pour être recevable en vertu de l'article 112(1)b) CBE, la saisine doit satisfaire aux conditions suivantes :
i. une réponse de la Grande Chambre est nécessaire afin d'assurer une application uniforme du droit ou une question de droit d'importance fondamentale se pose
et
ii. deux chambres de recours ont rendu des décisions divergentes sur cette question.
V. En ce qui concerne la première condition de recevabilité, le Président de l'Office avance que la question de droit soulevée dans la décision T 1063/18 (supra) revêt une importance fondamentale et nécessite une clarification par la Grande Chambre en sa qualité de formation la plus solennelle des instances de recours de l'OEB (point 31 de la saisine).
V.1 Selon le Président de l'OEB, l'importance fondamentale de cette question de droit découle en particulier de trois considérations.
Premièrement, la validité de la règle 28(2) CBE au regard de l'article 164(2) CBE et de l'article 53b) CBE constitue une question de droit d'importance fondamentale, qui en outre ne peut pas être résolue de manière concluante sur la base de la CBE. La non-applicabilité d'une disposition du règlement d'exécution en raison de ce qui est perçu comme un conflit avec un article de la CBE est une question juridique d'importance fondamentale. Dans l'affaire spécifique en cause, cela soulève des questions fondamentales liées à l'interprétation juridique, à savoir celle de l'incidence d'évolutions ultérieures du droit sur l'interprétation de l'article 53b) CBE et celle de l'effet d'une décision antérieure de la Grande Chambre sur le jeu de l'article 164(2) CBE (point 37 de la saisine).
Deuxièmement, il s'agit de questions fondamentales liées à l'uniformité du droit. Le Conseil d'administration a adopté la règle 28(2) CBE afin d'aligner la CBE sur la directive "Biotechnologie". L'importance d'une interprétation et d'une application uniformes d'un droit européen des brevets harmonisé est généralement admise et confirmée par la règle 26(1), deuxième phrase CBE (point 38 de la saisine).
Troisièmement, cette question de droit est pertinente pour plus de 250 affaires similaires en instance devant les divisions d'examen et d'opposition. Il est donc nécessaire que cette question de droit soit réglée au moyen d'une décision de facto contraignante rendue par la Grande Chambre (point 39 de la saisine).
V.2 La Grande Chambre reconnaît les incidences sur le plan institutionnel des différents éléments qui sous-tendent la saisine, à savoir l'intention du législateur d'assurer la conformité de l'approche de l'OEB concernant les conditions de brevetabilité des inventions biotechnologiques avec les développements intervenus dans les différents États contractants et dans l'Union européenne, les principes de droit régissant les conflits de lois (par exemple "lex superior derogat legi inferiori" et "lex posterior derogat legi priori"), ainsi que la pertinence de la saisine pour de nombreuses autres affaires en instance ou à venir devant les instances administratives (divisions d'examen et d'opposition) et devant les chambres de recours.
V.3 Compte tenu de tous ces aspects, la Grande Chambre estime que les éléments qui sous-tendent la saisine concernent une question de droit d'importance fondamentale au sens de l'article 112(1) CBE exigeant une application uniforme du droit.
VI. En ce qui concerne la seconde condition de recevabilité qui s'applique spécifiquement aux saisines par le Président de l'OEB, il est essentiel d'établir clairement ce que signifie l'expression "décisions divergentes" rendues par "deux chambres de recours" et en quoi ces décisions doivent être différentes.
VI.1 S'agissant des "décisions divergentes", la Grande Chambre a estimé dans son avis G 3/08 (supra, points 7 et suiv. des motifs ; voir également G 3/95, JO OEB 1996, 169, point 8 des motifs) que les termes "different/abweichende/divergentes" à l'article 112(1)b) CBE devaient être interprétés à la lumière de l'objet et du but de cette disposition, conformément à l'article 31 de la Convention de Vienne. La compétence conférée au Président de l'OEB pour soumettre des questions de droit à la Grande Chambre a pour but d'uniformiser le droit au sein du système du brevet européen. Eu égard à ce but, la notion de "décisions divergentes" doit être interprétée de façon restrictive, dans le sens de "décisions contradictoires". L'évolution du droit est un autre facteur qui doit être examiné minutieusement. Il s'agit d'un aspect essentiel de l'application du droit inhérent à toute activité juridictionnelle. L'évolution du droit ne peut donc constituer en tant que telle la base d'une saisine parce que la jurisprudence n'évolue pas toujours de façon linéaire, et des approches antérieures peuvent par conséquent être abandonnées ou changées.
VI.2 S'agissant de l'exigence relative aux "deux chambres de recours", la jurisprudence de la Grande Chambre de recours ne fournit pas d'orientation claire.
Dans son avis G 4/98 (supra, point 1.1 des motifs), la Grande Chambre a relevé qu'une divergence entre la pratique de l'Office, d'une part, et la jurisprudence des chambres de recours, d'autre part, ne suffit pas à elle seule à justifier une saisine par le Président de l'OEB, si la pratique administrative de l'OEB en question n'est pas elle-même consacrée par la jurisprudence.
Cependant, la Grande Chambre a également constaté que si le pouvoir du Président de l'OEB de saisir la Grande Chambre devait se définir sur la base d'une interprétation restrictive des termes "deux chambres de recours", fondée sur la structure organisationnelle des chambres de recours, il serait impossible de saisir la Grande Chambre lorsqu'il s'agit de décisions rendues par la seule chambre de recours juridique. Cela aurait pour effet de restreindre à l'excès le champ d'application de l'article 112(1)b) CBE, dans la mesure où des décisions divergentes peuvent également être rendues par cette même chambre (supra, point 1.2 des motifs). De la même manière, des décisions divergentes rendues par une seule et même chambre de recours technique, siégeant dans des formations différentes, peuvent constituer la base d'une saisine recevable par le Président de l'OEB (G 3/08, supra, point 6 des motifs ; voir également G 1/04, JO 2006, 334, point 1 des motifs).
VI.3 On ne voit pas d'emblée si la présente saisine satisfait à l'exigence de décisions divergentes rendues par les chambres de recours, telle que définie dans les affaires G 4/98, G 1/04 et G 3/08 (supra).
Ce qui est toutefois manifeste c'est qu'il existe un conflit entre, d'une part, la décision T 1063/18 (supra), selon laquelle, en ce qui concerne les revendications portant sur un produit végétal obtenu par un procédé essentiellement biologique, l'interprétation de l'article 53b) CBE donnée dans la décision G 2/12 (supra) doit l'emporter sur la règle 28(2) CBE, et, d'autre part, l'intention réglementaire qui sous-tend la règle 28(2) CBE et qui vise à exclure de telles revendications de la brevetabilité.
VI.4 Le Président de l'OEB présente les deux argumentations suivantes à l'appui de la recevabilité de la saisine.
VI.4.1 Premièrement, il fait valoir que la décision T 1063/18 (supra) s'écarte de la jurisprudence antérieure en ce qui concerne la manière dont une disposition du règlement d'exécution est appréciée au regard de l'article 164(2) CBE (points 4 à 18 de la saisine). L'approche adoptée dans cette décision, selon laquelle l'interprétation de l'article 53b) CBE donnée dans la décision G 2/12 (supra) exclurait toute clarification ultérieure du règlement d'exécution s'écartant de cette interprétation, est différente de celle adoptée dans d'autres décisions se rapportant à la directive "Biotechnologie" (par exemple les décisions T 272/95, T 315/03, T 666/05 et T 1213/05 (supra)).
VI.4.2 Deuxièmement, le Président de l'OEB propose d'appliquer l'article 112(1)b) CBE par analogie étant donné que l'effet de la décision T 1063/18 (supra) est comparable à la situation dans laquelle deux chambres ont rendu des décisions divergentes et qu'il ne saurait être présumé que le législateur de la CBE ait délibérément omis la possibilité d'une saisine présidentielle dans le présent cas de figure (points 19 à 30 et 43 de la saisine). Si un droit de saisine par le Président de l'OEB existe en cas d'interprétations divergentes de la CBE dans deux décisions des chambres de recours produisant leurs effets à l'égard des parties concernées, ce droit doit exister a fortiori en cas de divergence entre l'interprétation d'un article de la CBE dans une seule décision d'une chambre de recours et l'application (autrement dit l'interprétation) dudit article prévue par une disposition du règlement d'exécution adoptée par le Conseil d'administration et produisant ses effets à l'égard de tous.
VI.5 En ce qui concerne la première argumentation, pour que les décisions rendues par deux chambres de recours au sens de l'article 21 CBE soient jugées divergentes aux fins de l'article 112(1)b) CBE, elles doivent diverger concernant une question de droit spécifique. La divergence doit porter sur l'évaluation juridique qui fonde les décisions concernées (ratio decidendi). Cela étant, dans son avis G 3/93 (JO OEB 1995, 18, point 2 des motifs ; voir également l'avis G 2/92, JO OEB 1993, 591), la Grande Chambre a conclu à la recevabilité de la saisine même si les décisions citées par le Président de l'OEB divergeaient uniquement en ce que l'une d'entre elles contenait une opinion incidente, la Grande Chambre de recours ayant pour fonction d'assurer l'application uniforme du droit. "Même une opinion incidente peut être cause d'insécurité juridique."
VI.5.1 D'après son évaluation des décisions citées par le Président de l'OEB concernant cet aspect, et compte tenu, entre autres, de l'avis de M. C. Rennie-Smith sur la décision T 315/03 (supra) produit par KSVR Patentanwälte à titre d'amicus curiae, la Grande Chambre relève ce qui suit :
Dans la décision T 315/03 (point 7.3 des motifs), la chambre de recours 3.3.08 a affirmé que l'article 53a) CBE ne contient rien qui exclut ou limite sa propre interprétation ultérieure, que ce soit par la jurisprudence ou par la législation (secondaire) (règle 23quinquies CBE 1973). Cette notion était pertinente pour cette affaire (voir points I à III du sommaire). La chambre a également estimé qu'une règle ultérieure qui s'écarte d'une interprétation particulière d'une disposition juridique par une juridiction n'implique pas en soi un excès de pouvoir (ultra vires) (point 7.3 des motifs) :
"L'intimé a semble-t-il fait valoir que la disposition juridique en question n'était pas simplement l'article 53a) CBE, mais cet article tel qu'interprété dans la décision T 19/90. Cela est non seulement juridiquement impossible on ne saurait combiner une disposition juridique et son interprétation par la jurisprudence pour construire un pouvoir artificiel permettant de juger qu'un acte ou une règle implique un excès de pouvoir mais, même si c'était possible, cela ne ferait aucune différence puisque cette "disposition" fictive ne contiendrait toujours rien qui exclut ou limite une interprétation ultérieure."
Dans la décision T 272/95 (supra, points 4 et 5 des motifs), la chambre de recours 3.3.04 a reconnu que le Conseil d'administration avait modifié le règlement d'exécution à la lumière de la directive "Biotechnologie" en adoptant les règles 23ter à 23sexies CBE 1973, aux fins d'appliquer et d'interpréter les dispositions de la Convention régissant les demandes de brevet européen et les brevets européens portant sur des inventions biotechnologiques. Eu égard à l'article 164(2) CBE, la chambre a examiné la conformité de ces nouvelles règles avec l'article 53a) CBE. À cette fin, elle a renvoyé à la décision G 1/98 de la Grande Chambre (supra, point 5.3 des motifs) concernant l'interprétation de l'article 53b) CBE et a conclu que la règle 23quater CBE 1973, qui se rapportait à l'article 53b) CBE, n'avait qu'une fonction interprétative. Estimant qu'il en allait de même pour les nouvelles règles, dans la mesure où elles se rapportaient à l'interprétation de l'article 53a) CBE, la chambre a appliqué les règles 23quinquies et 23sexies à l'affaire sur laquelle elle devait statuer. Cette approche a été suivie par la même chambre siégeant dans différentes compositions dans les décisions T 666/05 (supra, point 75 des motifs) et T 1213/05 (supra, point 44 des motifs).
VI.5.2 Les décisions susvisées peuvent être interprétées comme reconnaissant qu'une disposition de rang inférieur mais ultérieure du règlement d'exécution peut avoir une incidence sur l'interprétation d'une disposition de rang supérieur de la Convention adoptée antérieurement, et ce indépendamment de toute interprétation particulière donnée à cette dernière disposition dans une décision antérieure d'une chambre de recours.
VI.5.3 Cette approche est conforme à l'article 31(3)a) de la Convention de Vienne, selon lequel il doit être tenu compte de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions. Elle est également étayée par la décision G 2/12 de la Grande Chambre (supra, points VII.4 et VII.6 des motifs).
VI.5.4 Cependant, dans la décision T 1063/18 (supra), la chambre de recours n'a pas suivi cette approche qui aurait consisté à examiner si, au regard de l'article 31(3) de la Convention de Vienne, la règle 28(2) CBE pouvait avoir une incidence sur l'interprétation de l'article 53b) CBE. Au lieu de cela, elle a jugé que la règle 28(2) CBE était contraire à l'interprétation particulière de l'article 53b) CBE donnée dans la décision G 2/12 (supra) avant l'adoption de ladite règle (points 24 à 26 et 46 des motifs), et que le Conseil d'administration n'avait pas compétence pour modifier l'article 53b) CBE via la règle 28(2) CBE (points 31 à 36 des motifs). Par conséquent, la chambre n'a pas tenu compte de la règle 28(2) CBE en application de l'article 164(2) CBE, estimant que cette règle s'écartait de l'interprétation donnée dans une décision antérieure de la Grande Chambre.
C'est dans cet aspect que réside la divergence par rapport aux autres décisions précitées des chambres de recours qui évaluent l'incidence d'une disposition du règlement d'exécution adoptée ultérieurement sur l'interprétation d'une disposition de la Convention.
VI.5.5 Par conséquent, la Grande Chambre estime qu'il y a bien des décisions divergentes rendues par deux chambres de recours concernant la question de savoir si une modification du règlement d'exécution peut avoir une incidence sur l'interprétation d'un article de la CBE.
VI.6 En ce qui concerne la proposition du Président de l'OEB selon laquelle l'article 112(1)b) CBE pourrait être appliqué par analogie, la Grande Chambre formule les observations suivantes, lesquelles sont indépendantes de la conclusion qu'elle a énoncée au point VI.5.5 ci-dessus.
VI.6.1 L'application par analogie dudit article, telle que proposée, ne semble ni plausible ni appropriée.
Le libellé de l'article 112(1)b) CBE, notamment si on le compare avec celui de l'article 112(1)a) CBE concernant les saisines par une chambre de recours, est très clair quant à la condition spécifique aux saisines par le Président de l'OEB selon laquelle des "décisions divergentes" doivent avoir été rendues par "deux chambres de recours". La Grande Chambre ne voit dans l'article 112(1) CBE aucune lacune juridique non intentionnelle qui aurait pu découler des conditions distinctes régissant d'un côté les saisines par les chambres de recours et, de l'autre, les saisines par le Président de l'OEB.
Il n'est dès lors ni possible ni nécessaire d'appliquer l'article 112(1)b) CBE par analogie pour admettre une saisine par le Président de l'OEB concernant des questions de droit en l'absence de décisions divergentes des chambres de recours, et ce indépendamment de leur importance fondamentale ou de la nécessité d'assurer une application uniforme du droit.
VI.6.2 Ces considérations sont conformes à la jurisprudence de la Grande Chambre de recours en ce qui concerne la recevabilité des saisines émanant du Président de l'OEB.
La Grande Chambre confirme sa jurisprudence antérieure, selon laquelle le droit de saisine reconnu au Président de l'OEB doit être interprété dans un sens restrictif. Ce point de vue est exprimé comme suit dans l'avis G 3/08 (supra, points 7.2.4 et suiv. des motifs) :
"7.2.4 ... l'article 112 CBE, à l'instar des dispositions correspondantes dans les ordres juridiques des États contractants, définit les conditions dans lesquelles il est possible d'uniformiser le droit au sein du système du brevet européen en saisissant la Grande Chambre de recours. ... Par conséquent, la Grande Chambre de recours ne statue pas sur des questions de droit abstraites, mais uniquement sur des questions concrètes découlant de décisions divergentes, ainsi que sur des questions de droit spécifiques soulevées dans la saisine ... Il convient de noter que le Président n'est pas partie à la procédure de saisine, puisqu'il ne peut être lésé par les réponses de la Grande Chambre.
7.2.5 Il est donc manifeste que l'interprétation de la CBE relève avant tout de la compétence des chambres de recours. Elles ont normalement la primauté pour interpréter la CBE, et leurs décisions ne peuvent être révisées que dans les conditions strictement définies aux articles 112(1) et 112bis(2) CBE. La Grande Chambre n'a le dernier mot que lorsque ces conditions s'appliquent. L'importance du rôle joué par la Grande Chambre au regard de l'uniformité du droit est clairement mise en évidence par le fait qu'elle n'intervient que si elle a été saisie par les chambres de recours ou par le Président (à l'exception des requêtes en révision prévues par l'article 112bis CBE, qui ne concernent toutefois que des aspects procéduraux et sont d'une portée très limitée), et qu'elle ne constitue donc pas une instance supplémentaire d'un degré supérieur à celui des chambres de recours au sein du système juridictionnel de la CBE. Il découle des critères exhaustifs de recevabilité d'une saisine énoncés à l'article 112(1)a) et b) CBE que la Grande Chambre statue sur des questions de droit spécifiques, et que ni les chambres de recours ni le Président ne sont habilités à la consulter à volonté pour clarifier des questions de droit abstraites. Le Président a la possibilité de faire appel, à cette fin, à un service juridique distinct au sein de l'Office.
7.2.6 Pour les mêmes raisons restrictives, la saisine de la Grande Chambre par le Président est soumise, conformément à l'article 112(1)b) CBE, à une exigence supplémentaire par rapport à une saisine par les chambres de recours, à savoir que deux chambres de recours doivent avoir rendu des décisions divergentes sur une même question de droit (dans le sens déjà mentionné). Le critère relatif aux "décisions divergentes" semble indiquer que le Président n'est autorisé à saisir la Grande Chambre que lorsqu'il existe dans la jurisprudence une divergence ou, mieux, une contradiction qui entrave, voire empêche l'alignement de la pratique de l'Office en matière de délivrance de brevets sur la jurisprudence des chambres de recours. Il est évidemment indifférent qu'un tiers ait pris l'initiative à l'origine de la saisine, pour autant qu'une application divergente du droit peut être objectivement démontré.
7.2.7 Compte tenu de son objet et de son but, le droit de saisine ne va pas jusqu'à autoriser le Président, pour quelque raison que ce soit, à saisir la Grande Chambre afin de substituer la décision d'une instance d'un degré prétendument supérieur aux décisions des chambres de recours relatives à la brevetabilité des inventions mises en uvre par ordinateur ..."
VI.7 Par conséquent, la Grande Chambre estime que la saisine par le Président de l'OEB concerne une question de droit sur laquelle deux chambres de recours ont rendu des décisions divergentes au sens de l'article 112(1)b) CBE.
VII. Il s'ensuit que la saisine par le Président de l'OEB est conforme aux exigences de l'article 112(1)b) CBE et recevable dans les limites de la question reformulée par la Grande Chambre au point III.3 ci-dessus.
Contexte de la présente saisine
VIII. La présente saisine porte à six le nombre de saisines se rapportant à l'interprétation de l'article 53b) CBE, dont quatre ont été examinées dans le cadre d'une procédure commune. Il y a donc lieu à ce stade de présenter un bref récapitulatif des saisines précédentes.
G 1/98 variétés végétales
VIII.1 Dans la décision G 1/98 (supra, points I et II du sommaire), la Grande Chambre de recours s'est penchée sur des questions de droit liées aux revendications englobant mais n'identifiant pas des variétés végétales et aux variétés végétales en tant que produits obtenus par recombinaison génétique.
Il a été répondu comme suit aux questions soumises (sommaire) :
"I. Une revendication dans laquelle il n'est pas revendiqué individuellement des variétés végétales spécifiques n'est pas exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 53 b) CBE, même si elle peut couvrir des variétés végétales.
II. Lors de l'examen d'une revendication relative à un procédé d'obtention d'une variété végétale, les dispositions de l'article 64(2) CBE ne doivent pas être prises en considération.
III. L'exception à la brevetabilité édictée à l'article 53 b) CBE, premier membre de phrase s'applique aux variétés végétales, quel que soit leur mode d'obtention. Par conséquent, des variétés végétales contenant des gènes introduits dans un végétal ancestral par recombinaison génétique sont exclues de la brevetabilité."
G 2/07 et G 1/08 procédés essentiellement biologiques (revendications de procédé)
VIII.2 Dans les affaires G 2/07 et G 1/08 (supra), dites "Brocoli" et "Tomate", examinées dans le cadre d'une procédure commune, les questions de droit soumises à la Grande Chambre concernaient l'interprétation de l'article 53b) CBE. Étant donné que le libellé de la règle 26(5) CBE (ancienne règle 23ter(5) CBE 1973), qui est identique à l'article 2(2) de la directive "Biotechnologie", ne permettait pas d'interpréter l'article 53b) CBE, force était d'interpréter l'exclusion de la brevetabilité des "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" sur la seule base de l'article 53b) CBE. Le terme "végétaux" ne pouvait pas s'entendre au sens de "variétés végétales" qui serait contraire à sa signification. La genèse de cette disposition ne comportait aucune indication suggérant que le terme "végétaux" était censé désigner seulement les "variétés végétales". L'exception concernant les "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" ne saurait donc être comprise en ce sens qu'elle est limitée aux procédés d'obtention de variétés végétales.
Il a été répondu comme suit aux questions soumises (G 2/07 et G 1/08, supra, sommaire) :
"1. Un procédé non microbiologique d'obtention de végétaux qui comporte les étapes consistant à croiser par voie sexuée le génome complet de végétaux et à sélectionner ultérieurement des végétaux, ou un procédé non microbiologique d'obtention de végétaux qui est constitué desdites étapes, est en principe exclu de la brevetabilité comme étant "essentiellement biologique" au sens de l'article 53b) CBE.
2. Un tel procédé n'échappe pas à l'exclusion visée à l'article 53b) CBE au seul motif qu'il contient, en tant qu'étape supplémentaire ou en tant que partie d'une des étapes de croisement et de sélection, une étape de nature technique qui a pour but de permettre ou de soutenir l'exécution des étapes consistant à croiser par voie sexuée le génome complet de végétaux ou à sélectionner ultérieurement des végétaux.
3. Cependant, un tel procédé n'est pas exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53b) CBE s'il contient, dans le cadre des étapes de croisement par voie sexuée et de sélection, une étape supplémentaire de nature technique qui, de façon autonome, introduit un caractère dans le génome ou modifie un caractère dans le génome du végétal obtenu, de telle sorte que l'introduction ou la modification de ce caractère ne résulte pas du mélange des gènes des végétaux choisis pour le croisement par voie sexuée.
4. Lorsqu'il est examiné si un tel procédé est exclu de la brevetabilité comme étant "essentiellement biologique" au sens de l'article 53b) CBE, il importe peu de savoir si une étape de nature technique est une mesure nouvelle ou connue, si elle est insignifiante ou si elle constitue une modification fondamentale d'un procédé connu, si elle se produit ou pourrait se produire dans la nature, ou si l'essence de l'invention réside dans cette étape."
G 2/12 et G 2/13 procédés essentiellement biologiques (revendications de produit et revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention)
VIII.3 La présente saisine fait suite aux affaires G 2/12 et G 2/13 (supra), dites "Tomate II" et "Brocoli II", examinées dans le cadre d'une procédure commune. Comme dans la présente affaire, la Grande Chambre était appelée à se prononcer sur la question de savoir si l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux prévue à l'article 53b) CBE avait un effet négatif sur l'admissibilité des revendications de produit ou des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention, portant sur des végétaux ou des matières végétales (comme un fruit ou des parties de végétaux) qui sont obtenus directement et/ou définis par un procédé essentiellement biologique. Elle a conclu que ce n'était pas le cas.
La Grande Chambre a analysé la signification et la portée de l'article 53b) CBE à la lumière des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne, des différentes méthodes d'interprétation établies (grammaticale, systématique, téléologique et historique), ainsi que de la directive "Biotechnologie". Aucun de ces moyens d'interprétation n'a permis à la Grande Chambre de conclure que l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" couvrait, outre les procédés visés, les produits définis ou obtenus par de tels procédés.
La Grande Chambre a ensuite examiné s'il était apparu, depuis la signature de la Convention, des éléments qui pourraient donner à penser qu'une interprétation grammaticale de la disposition en question serait en contradiction avec les objectifs poursuivis par le législateur. Elle a conclu que les développements dans le domaine des techniques d'obtention de végétaux n'avaient pas incité le législateur de la CBE à modifier l'article 53b) CBE et elle ne voyait pas pourquoi l'intention initiale du législateur lors de la formulation de l'article 53b) CBE perdrait sa raison d'être du seul fait que de nouvelles techniques étaient disponibles dans ce domaine. Selon elle, il découlait également du libellé explicite de l'article 53b) CBE que la protection par brevet d'une revendication de produit ou d'une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention portant sur des végétaux ou des matières végétales obtenus au moyen d'un procédé essentiellement biologique ne pouvait pas être considérée comme un contournement de l'exclusion des procédés en question. Au contraire, élargir la portée de l'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux au point d'y inclure les produits obtenus par de tels procédés aurait pour effet de créer des incohérences dans le système de la CBE, puisque les végétaux et les matières végétales autres que des variétés végétales peuvent de manière générale être protégés par brevet.
Cependant, la Grande Chambre a également souligné que l'examen des considérations d'ordre éthique, social et économique dans le cadre du débat général ne relevait pas de ses fonctions juridictionnelles en tant qu'instance de décision, étant donné qu'elle n'avait pas pour mandat de s'impliquer dans la politique législative.
Aussi la Grande Chambre a-t-elle estimé (sommaires combinés des décisions G 2/12 et G 2/13) que l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux prévue à l'article 53b) CBE n'avait pas d'effet négatif sur l'admissibilité d'une revendication de produit portant sur des végétaux, des matières végétales, comme des fruits, ou des parties de végétaux. Le fait que les caractéristiques d'un procédé contenues dans une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention et portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale définissent un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux n'avait pas pour effet de rendre ladite revendication inadmissible. Le fait que l'unique procédé disponible à la date de dépôt pour obtenir l'objet revendiqué était un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux divulgué dans la demande de brevet n'avait pas pour effet de rendre inadmissible une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale. Dans ces circonstances, il était sans importance que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'article 53b) CBE.
Jurisprudence mettant en uvre les décisions G 2/12 et G 2/13
IX. Dans sa décision finale T 83/05 du 10 septembre 2015 (non publiée au JO OEB), la chambre de recours a appliqué la décision G 2/13 (supra) rendue à la suite de sa décision intermédiaire antérieure du 8 juillet 2013 (JO OEB 2014, A39). La chambre a annulé la décision contestée et a renvoyé l'affaire à la division d'opposition en lui ordonnant de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 5 de la requête principale et d'une description à adapter en conséquence. La revendication 1 portait sur une plante du genre Brassica comestible obtenue selon un procédé de croisement et de sélection. Les revendications 2 et 3 avaient pour objet une portion comestible et la semence d'une plante brocoli obtenue par un procédé défini de la même manière que dans la revendication 1. Les revendications 4 et 5 portaient quant à elles sur une plante brocoli et une inflorescence de brocoli.
X. Dans sa décision finale T 1242/06 du 8 décembre 2015 (non publiée au JO OEB), la chambre de recours a appliqué la décision G 2/12 (supra) rendue à la suite de sa décision intermédiaire antérieure du 31 mai 2012 (JO OEB 2013, 42). L'objet des nouvelles revendications se limitait à des revendications de produit ayant pour objet un fruit de tomate (naturellement) déshydraté. La chambre a estimé que l'objet des revendications selon la requête subsidiaire 1 n'était pas exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53b) CBE. La chambre a annulé la décision contestée et a renvoyé l'affaire à la division d'opposition en lui ordonnant de maintenir le brevet sur la base de ces revendications et d'une description à adapter en conséquence.
XI. Enfin, dans la décision T 1063/18 (supra), qui est à l'origine de la présente saisine par le Président de l'OEB, la chambre de recours a appliqué la décision G 2/12 (supra).
Interprétation de l'article 53b) CBE
XII. La question reformulée est axée sur l'interprétation de l'article 53b) CBE et sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, la compréhension de la portée de cette exception à la brevetabilité a pu changer à la lumière des développements intervenus depuis la décision G 2/12 (supra), et en particulier depuis l'introduction de la règle 28(2) CBE.
XIII. Considérant l'article 53b) CBE de manière isolée, autrement dit sans se référer à la règle 28(2) CBE, la Grande Chambre confirme ses décisions antérieures sur l'affaire G 1/98 (supra), les affaires G 2/07 et G 1/08 (supra) examinées conjointement et les affaires G 2/12 et G 2/13 (supra) examinées conjointement.
Interprétations grammaticale, systématique et téléologique de l'article 53b) CBE
XIV. La question déterminante dans le cadre de la présente saisine consiste à savoir si l'article 53b) CBE exclut de la brevetabilité une revendication de produit ou une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, lorsque le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou que les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique. Lorsqu'elle a analysé l'article 53b) CBE dans sa décision G 2/12 (supra), la Grande Chambre a appliqué les méthodes d'interprétation grammaticale, systématique et téléologique. La Grande Chambre reprend à son compte les conclusions formulées dans la décision G 2/12 sur la base de chacune de ces méthodes.
XIV.1 Selon la jurisprudence constante de la Grande Chambre de recours et des chambres de recours, les principes d'interprétation prévus aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne doivent être appliqués pour interpréter la CBE. Les décisions et avis rendus par les juridictions nationales en matière d'interprétation du droit peuvent également être pris en considération (G 2/12, supra, points V.(2), (3) et (5) des motifs, avec d'autres renvois à la jurisprudence ; Jurisprudence des chambres de recours, 9e édition 2019, III.H.).
XIV.2 Conformément à l'article 31(1) de la Convention de Vienne, la méthode d'interprétation objective vise à déterminer le sens "véritable" de la disposition pertinente et de ses termes juridiques. Le point de départ de l'interprétation est donc le libellé, autrement dit le sens "objectif" quelle que soit l'intention initiale "subjective" des parties contractantes. Il y a lieu, à cette fin, d'examiner les dispositions dans leur contexte de sorte qu'elles soient conformes à l'objet et au but de la CBE. Les travaux préparatoires à la CBE et les circonstances dans lesquelles la CBE a été conclue ne servent que de moyens complémentaires de preuve pour confirmer le résultat de l'interprétation ou ne sont pris en compte que lorsqu'aucun sens raisonnable ne découle de l'application de la règle d'interprétation générale (article 32 de la Convention de Vienne) (G 2/12, supra, point V.(4) des motifs).
XIV.3 L'interprétation grammaticale du libellé de l'article 53b) CBE permet de conclure que, comme il serait en principe possible d'attribuer plusieurs significations à l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux et d'animaux", il y a lieu d'analyser plus avant le sens véritable et voulu de cette expression (G 2/12, supra, point VII.1 des motifs, citant la décision G 1/88, JO OEB 1989, 189, point 2.2 des motifs).
XIV.4 L'interprétation systématique de l'article 53b) CBE vise à établir la signification de cette disposition dans son propre contexte, ainsi qu'en tenant compte de sa place et de sa fonction au sein d'un ensemble cohérent de dispositions juridiques connexes. La Grande Chambre réaffirme la conclusion qu'elle a formulée dans la décision G 2/12 (supra, point VII.2 de motifs, citant la décision G 1/88, supra, point 3 des motifs ; G 9/92, JO OEB 1994, 875, point 1 des motifs ; G 4/95, JO OEB 1996, 412, points 4 et 5 des motifs ; G 1/98, supra, point 3.10 des motifs ; G 3/98, JO OEB 2001, 62, point 2.2 des motifs ; et G 4/98, supra, point 4 des motifs) et selon laquelle l'interprétation systématique de l'article 53b) CBE ne permet pas de conférer à l'exclusion des procédés un sens large au point d'exclure également de la brevetabilité les revendications de produit ou les revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention.
XIV.5 En ce qui concerne l'interprétation téléologique de l'article 53b) CBE au regard de son but, des valeurs qui le sous-tendent, ainsi que des objectifs poursuivis sur le plan juridique, social et économique, la Grande Chambre confirme également sa conclusion formulée dans la décision G 2/12 (supra, point VII.3 des motifs, citant la décision G 1/88, supra, point 5 des motifs ; G 1/03, JO OEB 2004, 413, point 2.1.1 des motifs ; et G 6/91, JO OEB 1992, 491, point 8 des motifs) selon laquelle l'objet et le but de l'exception à la brevetabilité prévue à l'article 53b) CBE ne ressortent pas de manière suffisamment évidente pour pouvoir déterminer si cette disposition appelle une interprétation restrictive ou extensive.
XIV.6 Il s'ensuit qu'aucune des différentes méthodes d'interprétation prévues à l'article 31(1) de la Convention de Vienne ne permet de conclure que l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" couvre clairement, outre les procédés visés, les produits définis ou obtenus par de tels procédés.
Accord ultérieur ou pratique ultérieurement suivie
XV. En vertu de l'article 31(3)a) et b) de la Convention de Vienne, il doit être tenu compte de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions et de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité.
À cette fin, le Président de l'OEB s'appuie sur
i. la règle 26 CBE (points 80 à 84 de la saisine) ;
ii. l'avis interprétatif de la Commission européenne concernant l'intention du législateur de l'Union européenne lors de l'adoption de la directive "Biotechnologie" (points 85 à 99 de la saisine) ;
iii. les développements d'ordre législatif et administratif intervenus dans les États contractants depuis la décision G 2/12 (supra) (points 100 à 111 de la saisine).
XV.1 En ce qui concerne la règle 26 CBE (ancienne règle 23ter CBE 1973), la Grande Chambre a affirmé dans sa décision G 2/12 (supra, point VII.4(1) des motifs) que la règle 26(5) CBE pouvait être considérée comme un accord ultérieur ou une pratique ultérieurement suivie. La règle 26(1) CBE prévoit que la directive "Biotechnologie" doit être utilisée comme moyen complémentaire d'interprétation des dispositions pertinentes de la CBE (voir G 2/06, supra, point 16 des motifs), mais elle n'a pas pour effet d'incorporer officiellement ladite directive dans le système juridique de la CBE.
XV.1.1 La Grande Chambre prend acte de l'argument du Président de l'OEB selon lequel l'intention du législateur de la CBE était d'aligner la CBE sur la directive "Biotechnologie" (point 94 de la saisine). Le Président de l'OEB fait également observer que sur les 19 États contractants au moment de l'adoption de la règle 26(1) CBE, 15 étaient les mêmes États membres de l'Union européenne qui venaient d'adopter la directive "Biotechnologie". Il en déduit que le législateur de la CBE avait la même intention que le législateur de l'Union européenne. De l'avis du Président de l'OEB, cela signifie en outre, aux fins de la question en cause, que le législateur de la CBE avait reconnu le fait qu'au regard de la règle 26(1) CBE, l'article 53b) CBE doit être interprété à la lumière de cette intention du législateur et que les produits (végétaux et animaux) obtenus exclusivement au moyen de procédés essentiellement biologiques ne sont pas brevetables.
XV.1.2 Cependant, de l'avis de la Grande Chambre, même si, en adoptant la règle 26(1) CBE, le législateur de la CBE avait eu l'intention d'aligner la CBE sur la directive "Biotechnologie", cette directive en soi ne mène pas directement à la conclusion, formulée par le Président de l'OEB, selon laquelle l'intention du législateur de la CBE était que l'article 53b) CBE soit interprété comme excluant de la brevetabilité les produits (végétaux ou animaux) obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique.
Comme il a déjà été expliqué dans la décision G 2/12 (supra, points VII.4.(2) et (3) des motifs), l'exception à la brevetabilité prévue à l'article 53b) CBE est formulée de manière identique à l'article 4(1)b) de la directive "Biotechnologie". L'article 4(2) de cette directive dispose que les "inventions portant sur des végétaux ou des animaux sont brevetables si la faisabilité technique de l'invention n'est pas limitée à une variété végétale ou à une race animale déterminée ". L'article 3 de la directive "Biotechnologie" autorise la brevetabilité des "inventions nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle, même lorsqu'elles portent sur un produit composé de matière biologique ou en contenant, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d'utiliser de la matière biologique".
XV.1.3 Ainsi, ni la règle 26 CBE proprement dite ni le texte même de la directive "Biotechnologie", à laquelle la règle 26(1) CBE renvoie, ne conduisent directement à une interprétation de l'article 53b) CBE qui étendrait l'exclusion des procédés en question aux produits de tels procédés.
XV.2 En 2016, la Commission européenne a émis un avis concernant l'interprétation de la directive "Biotechnologie"(supra) en réaction à la décision G 2/12 (supra), dans lequel elle a estimé que l'intention du législateur de l'Union européenne lors de l'adoption de la directive "Biotechnologie" était d'exclure de la brevetabilité les produits (végétaux/animaux et parties de végétaux/animaux) obtenus par un procédé essentiellement biologique.
XV.2.1 La Grande Chambre a connaissance des travaux préparatoires relatifs à l'avis interprétatif de la Commission européenne, mentionnés dans l'introduction dudit avis, notamment de la Résolution du Parlement européen du 17 décembre 2015 sur les brevets et les droits d'obtention végétale, (2015/2981(RSP)), P8_TA(2015)0473) invitant la Commission européenne à clarifier le champ d'application et l'interprétation de la directive "Biotechnologie" concernant l'interdiction de la brevetabilité de produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques. De même, la Grande Chambre prend note des résolutions du Parlement européen du 10 mai 2012 sur le brevetage des procédés essentiellement biologiques (2012/2623(RSP), T7-0202/2012) et du 19 septembre 2019 sur la brevetabilité des plantes et des procédés essentiellement biologiques (2019/2800(RSP), P9_TA(2019)0020).
La Grande Chambre prend également note du rapport du groupe d'experts de la Commission chargé d'étudier l'évolution et les implications du droit des brevets dans le domaine de la biotechnologie et du génie génétique (E02973) en date du 17 mai 2016 (Ref. Ares(2016)5165507 - 12/09/2016), ainsi que des conclusions du Conseil de l'Union européenne sur l'avis interprétatif de la Commission européenne et sur la protection juridique des inventions biotechnologiques (JO UE 2017 C 65/2), entérinant ledit avis et engageant les États membres de l'Union européenne, en leur qualité de membres de l'Organisation européenne des brevets, à plaider pour que la pratique de l'OEB soit alignée sur lesdites conclusions.
XV.2.2 En ce qui concerne la nature juridique de l'avis interprétatif de la Commission européenne, les précisions suivantes figurent dans le texte même de l'avis :
"[...] le présent avis décrit le point de vue de la Commission sur la brevetabilité des produits dérivés de procédés essentiellement biologiques (régie à l'article 4 de la directive).
[...] Le présent avis a pour but de faciliter l'application de la directive et ne préjuge pas des futures positions que pourrait adopter la Commission à ce sujet. Seule la Cour de justice de l'Union européenne est habilitée à interpréter le droit de l'Union."
Il ressort clairement de cette limitation que l'avis interprétatif de la Commission européenne n'est pas juridiquement contraignant, mais qu'il représente un document interne visant à réduire le risque d'interprétations juridiques divergentes et à promouvoir une application et une mise en uvre harmonisées du droit de l'Union européenne (ci-après dénommé "droit de l'Union") par les institutions européennes et les États membres de l'Union européenne.
Les avis de la Commission européenne ne figurent pas sur la liste des instruments juridiques de l'Union européenne qui constituent les sources secondaires du droit de l'Union (article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), version consolidée de 2016). Cette liste ne mentionne en tant qu'actes juridiques contraignants que les règlements, les directives et les décisions, tandis que les recommandations et les avis ("opinions" en anglais) sont décrits comme étant non contraignants. Quant aux avis de la commission européenne ("Notices" en anglais), il n'en est fait aucune mention. Ceux-ci, à l'instar des résolutions, des déclarations et des programmes d'action, représentent d'autres moyens d'action pour façonner l'ordre juridique de l'Union européenne, mais ne sont pas considérés comme des actes juridiques.
XV.2.3 En tout état de cause, l'avis interprétatif de la Commission européenne n'entrave aucunement l'interprétation de la directive "Biotechnologie" par l'instance compétente de l'Union européenne. L'interprétation juridiquement valable et contraignante du droit de l'Union, qu'il s'agisse de dispositions du droit primaire, par exemple de traités, ou de dispositions du droit secondaire (droit dérivé), par exemple de règlements et de directives, relève de la compétence exclusive de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui a la primauté en matière d'interprétation du droit de l'Union (article 19(3)b) du Traité sur l'Union européenne (TUE), version consolidée de 2016, ensemble l'article 267 TFUE).
À ce jour, la CJUE n'a rendu aucune décision sur l'exception à la brevetabilité concernant les animaux, les végétaux ou les matières végétales obtenus au moyen d'un procédé essentiellement biologique ni sur l'interprétation de l'article 4 de la directive "Biotechnologie".
XV.2.4 Indépendamment de ces éléments, en tant qu'organisation internationale indépendante jouissant de son propre ordre juridique autonome, l'Organisation européenne des brevets n'est pas directement liée par le droit de l'Union. Par conséquent, il est d'autant plus vrai qu'un avis juridiquement non contraignant concernant l'interprétation de la directive "Biotechnologie", émis par la Commission européenne en réaction à des décisions de la Grande Chambre portant sur l'interprétation d'une disposition de la CBE, en l'occurrence l'article 53b) CBE, ne fait pas partie du droit de la CBE.
XV.3 Le Président de l'OEB fait référence à des développements d'ordre législatif et administratif qui sont intervenus dans les État parties à la CBE et qui devraient être pris en compte lors de l'interprétation de l'article 53b) CBE.
XV.3.1 Dans les législations nationales de 10 des 38 États contractants, les produits végétaux ou animaux obtenus au moyen de procédés essentiellement biologiques sont exclus de la brevetabilité.
Cette exception à la brevetabilité avait déjà force de loi dans trois États contractants avant que la décision G 2/12 (supra) ne soit rendue :
Allemagne, article 2a(1) point 1 de la Loi allemande sur les brevets de 1936 (Patentgesetz), telle que publiée le 16 décembre 1980, article 2a, point 1, introduit en octobre 2013 ;
Pays-Bas, article 3(1), lettres c et d de la Loi néerlandaise sur les brevets de 1995 (Rijksoctrooiwet 1995), telle qu'en vigueur depuis le 5 juin 2008 ; et
Italie, sous réserve de conditions supplémentaires, article 45.4.b du code italien de la propriété industrielle (IIPC, Decreto Legislativo 10 febbraio 2005, n. 30 Codice della proprietà industriale), tel que modifié en 2010.
Sept États contractants ont modifié leurs lois à la suite de cette décision :
Autriche, article 2(2) de la Loi autrichienne sur les brevets de 1970 (Patentgesetz), dans la version publiée au Journal officiel le 1er août 2016 ;
Belgique, article XI.5 §1er, 3°, du Code de droit économique (Dispositions relatives au droit d'obtenteur) 2013, modifié avec effet au 1er juin 2019 ;
France, article L. 611-19, I 3°bis, du code de la propriété intellectuelle, tel que modifié par l'article 9 de la Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ;
Norvège, Section C chapitre IV 2a.3.2 des Directives relatives à l'examen de l'Office norvégien de la propriété industrielle, bien que la section 1(4) de la Loi norvégienne sur les brevets (Lov om patenter (patentloven) av 15. desember 1967 nr 9), telle que modifiée en dernier lieu en 2013, ne traite pas des produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques ;
Pologne, article 29(1)ii) de la Loi polonaise du 30 juin 2000 sur le droit de la propriété industrielle (IPL), tel que modifié par l'article 1(4) de la Loi du 16 octobre 2019 (Journal des lois 2019. Pos. 2309) ;
Portugal, article 52(3)c) du code portugais de la propriété industrielle de 2018 (Código da Propriedade Industrial - IPC), Décret-Loi 110/2018 du 10 décembre 2018, entré en vigueur le 1er juillet 2019 ; et
Serbie, article 9(3) de la Loi sur les brevets de 2011, dans la version du 16 décembre 2018.
XV.3.2 La Grande Chambre prend note de ces développements d'ordre législatif et administratif dans un quart environ des États contractants, qui ont pour effet que les animaux, les végétaux ou les matières végétales obtenus exclusivement par des procédés essentiellement biologiques ne peuvent plus être protégés par un brevet national. Le Président de l'OEB avance également que des développements comparables sont prévus dans deux autres États contractants (la Croatie et la Finlande) et que tous les États contractants qui sont des États Membres de l'Union européenne ont déclaré vis-à-vis de l'Union européenne que leur droit et pratique nationaux sont conformes à l'avis interprétatif de la Commission européenne (point 104 de la saisine). Cela étant, de tels développements n'équivalent pas à un accord ultérieur intervenu entre "les" États contractants (à comprendre dans le sens de "tous les" États contractants) au sujet de l'interprétation ou de l'application de l'article 53b) CBE, comme l'exige l'article 31(3)a) de la Convention de Vienne. Elles ne constituent pas non plus une pratique ultérieurement suivie dans l'application de la CBE par laquelle serait établi l'accord "des" États contractants (à comprendre là aussi dans le sens de "tous les" États contractants) à l'égard de l'interprétation de l'article 53b) CBE, comme l'exige l'article 31(3)b) de la Convention de Vienne.
Considérations supplémentaires
Interprétation historique
XVI. Conformément à l'article 32 de la Convention de Vienne, il peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31 : a) laisse le sens ambigu ou obscur, ou : b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (voir J 8/82, JO OEB 1984, 155, point 13 des motifs ; J 4/91, JO OEB 1992, 402, point 2.4.2 des motifs ; T 128/82, JO OEB 1984, 164, point 9 des motifs ; G 1/98, supra, point 3.4 et suiv. des motifs ; G 2/07 et G 1/08, supra, point 4.3 des motifs et G 2/12, supra, point VII.5.(1) des motifs).
XVII. La Grande Chambre a déjà abordé à plusieurs reprises la question de la genèse de l'article 53b) CBE et, conformément au principe de droit international généralement admis, tel que reconnu à l'article 32 de la Convention de Vienne, a fait appel à des documents relatifs à la genèse de la CBE en tant que moyen complémentaire pour interpréter cette disposition de la CBE.
La Grande Chambre confirme à cet égard les conclusions qu'elle a formulées dans ses décisions G 1/98 (supra, points 3.4 et suiv. des motifs, notamment les points 3.6 et 3.7), G 2/07 et G 1/08 (supra, point 6.4.2.2 des motifs) et G 2/12 (supra, points VII.5.(2) à (5)) selon lesquelles lorsque l'on cherche à déterminer, selon l'approche historique, quels types de procédés inventifs devraient, le cas échéant, être exclus de la brevetabilité, les travaux préparatoires ne démontrent aucunement qu'il était prévu d'exclure un produit qui est caractérisé par son procédé de fabrication mais dont la protection est demandée indépendamment de ce procédé (ou de tout autre procédé).
Interprétation dynamique à la lumière de la règle 28(2) CBE
XVIII. Comme indiqué plus haut, la Grande Chambre, dans sa composition actuelle, fait siens à la fois les conclusions et les motifs de la décision G 2/12 (supra). Cependant, cela ne veut pas dire que la décision G 2/12 a réglé une fois pour toutes la question de la signification de l'exception à la brevetabilité prévue par l'article 53b) CBE, car il peut apparaître à un stade ultérieur des éléments ou des développements qui étaient inconnus au moment où la décision a été rendue, qui étaient sans pertinence pour cette affaire ou qui n'ont pas été pris en considération pour d'autres raisons.
XIX. La chambre de recours ayant rendu la décision T 1063/18 (supra, points 31 à 36 des motifs) a conclu que l'adoption de la règle 28(2) CBE ne constituait pas un nouveau développement devant être pris en compte pour interpréter l'article 53b) CBE, notamment parce que le Conseil d'administration n'avait pas compétence pour "modifier" cet article via le règlement d'exécution. La conclusion de cette chambre semble partir de la prémisse que, dans sa décision G 2/12 (supra), la Grande Chambre a donné une interprétation définitive de l'étendue de l'exception à la brevetabilité, que seule une modification officielle du texte même de l'article 53b) CBE pourrait invalider.
XX. Or, cette prémisse, qui n'est étayée ni par la CBE proprement dite ni par un quelconque principe général de droit, est trop stricte, sachant que l'article 53b) CBE a été reconnu comme étant sujet à différentes interprétations et que, de plus, une règle adoptée ultérieurement qui s'écarte d'une interprétation particulière d'un article de la CBE, donnée par une chambre de recours, n'implique pas en soi un excès de pouvoir ("ultra vires") (voir T 315/03, supra, point 7.3 des motifs).
Une interprétation particulière donnée à une disposition juridique ne peut jamais être considérée comme étant gravée dans le marbre, la signification de la disposition étant susceptible de changer ou d'évoluer au fil du temps. Il s'agit là d'un aspect inhérent à l'évolution constante du droit à mesure que des décisions sont rendues par les instances juridictionnelles, et qui, dans le contexte de la jurisprudence des chambres de recours, est reflété à l'article 21 RPCR 2020, selon lequel une chambre de recours doit saisir la Grande Chambre si elle a l'intention de s'écarter d'une décision ou d'un avis antérieurs de la Grande Chambre. Une telle saisine ultérieure serait dénuée d'objet si la Grande Chambre n'avait pas la possibilité, ne serait-ce qu'en théorie, de réviser la décision ou l'avis qu'elle a précédemment rendu sur la question de droit concernée.
La question de savoir si un changement d'interprétation apporté par une règle est conforme aux principes relevant d'un État de droit, en ce sens qu'il reste dans les limites juridiques posées par l'article correspondant, est une question distincte.
XXI. Par conséquent, l'interprétation de l'étendue de l'exception à la brevetabilité prévue par l'article 53b) CBE, à laquelle la Grande Chambre est parvenue dans sa décision G 2/12 (supra), peut encore faire l'objet de développements ultérieurs, ceux-ci pouvant être d'ordre juridique, voire pratique ou factuel.
XXII. Dans les affaires G 3/98 (supra, 76 et suiv., point 2.5 et suiv. des motifs.) et G 2/12 (supra, point VIII.1.(1) des motifs), la Grande Chambre a fait référence à une approche supplémentaire pour interpréter un terme ou une disposition juridique de la CBE, à savoir, l'"interprétation dynamique". Cette méthode d'interprétation pourrait entrer en jeu là où sont apparus des éléments, depuis la signature de la Convention, qui seraient susceptibles de justifier l'hypothèse selon laquelle l'interprétation littérale du libellé de la disposition est en contradiction avec les objectifs poursuivis par le législateur. Elle pourrait donc donner un résultat qui diverge du libellé des dispositions.
XXIII. L'article 53b) CBE est resté inchangé depuis la première édition de la CBE, bien que des modifications significatives aient été apportées dans le cadre de la révision qui a eu lieu en l'an 2000. Sa finalité législative demeure valable (voir à ce propos G 2/07 et G 1/08, supra, point 6.4.2.2 des motifs, également cité dans la décision G 2/12, supra, point VIII.1.(2) des motifs).
XXIV. Cependant, même si ni les États contractants, en application de l'article 172 CBE, ni le Conseil d'administration, en application de l'article 33(1)b) CBE, n'ont officiellement modifié l'article 53b) CBE de façon à ce que l'exclusion des procédés en question couvre aussi les animaux, les végétaux et les matières végétales obtenus au moyen d'un procédé essentiellement biologique, la Grande Chambre, dans le cadre de sa présente interprétation de l'article 53b), ne saurait faire abstraction de la décision par laquelle le Conseil d'administration a introduit un nouveau paragraphe 2 dans la règle 28 CBE.
XXV. À ce propos, la Grande Chambre a conscience de l'argument avancé par certains tiers dans leurs observations (amici curiae), notamment par M. Haedicke, selon lequel, lors de l'adoption de la règle 28(2) CBE, le Conseil d'administration, en sa qualité d'organe compétent pour adopter la législation secondaire (le règlement d'exécution), a manqué à son devoir de loyauté envers les instances juridictionnelles (les chambres de recours et notamment la Grande Chambre de recours) ou à son devoir de coopération loyale avec ces instances. Il a été avancé en outre que toute tentative d'établir une interprétation particulière d'un article de la CBE par voie réglementaire exige une modification officielle du texte même de l'article en question.
Ces notions font partie des principes établis d'un État de droit qui sous- tendent la séparation des pouvoirs. Par ailleurs, le droit constitutionnel allemand prévoit un autre principe dit du "caractère essentiel" ("Wesentlichkeitsprinzip"), selon lequel les décisions d'ordre législatif sur des questions d'importance fondamentale ou essentielle sont du seul ressort du pouvoir législatif (parlement). Selon ce principe, les organes administratifs ne doivent pas prendre des décisions de cette nature via des règlements administratifs.
XXV.1 L'Organisation européenne des brevets, en tant qu'organisation intergouvernementale instituée en vertu du droit international par des États- nations (les États contractants), conformément à leurs structures constitutionnelles respectives, est elle aussi soumise aux principes sous- jacents à un État de droit (voir G 3/08, supra, point 7.2.1, qui renvoie également à la jurisprudence de la Grande Chambre de recours et des chambres de recours).
Au niveau national, tous les États contractants ont souscrit sur le fond aux principes qui sous-tendent un État de droit, malgré des différences de traditions constitutionnelles.
XXV.2 Cependant, la portée précise et la mise en uvre de ces principes doivent refléter la nature et la structure organisationnelle spécifique de l'Organisation européenne des brevets. La structure de l'Organisation européenne des brevets est définie à l'article 4(2) CBE, qui prévoit deux organes, à savoir l'OEB et le Conseil d'administration, la tâche de délivrer des brevets européens devant être exécutée par l'OEB sous le contrôle du Conseil d'administration (article 4(3) CBE). À cet égard, à la fois l'OEB et le Conseil d'administration ont une fonction exécutive. De surcroît, le Conseil d'administration est l'organe compétent pour adopter la législation secondaire conformément à l'article 33 CBE. Les chambres de recours se voient conférer les fonctions de juridiction indépendante dans le système du brevet européen (articles 21 à 23 CBE ; G 6/95, JO OEB 1996, 649, points 2 et suiv. des motifs) ; même si elles représentent une unité organisationnelle distincte dotée d'une autonomie organisationnelle et managériale renforcée (CA/43/16 Rév.1), elles ne constituent pas pour autant un organe de l'Organisation européenne des brevets en vertu de l'article 4(2) CBE, mais sont intégrées structurellement à l'OEB en vertu de l'article 15 CBE.
Il importe toutefois de noter que l'Organisation européenne des brevets n'a pas de parlement équivalant au pouvoir législatif comme dans l'ordre constitutionnel des États contractants.
XXV.3 Compte tenu de la structure organisationnelle et de la constitution particulières de l'Organisation européenne des brevets, l'avis émis par des tiers, selon lequel l'adoption par le Conseil d'administration de la règle 28(2) CBE était en violation de la doctrine de la séparation des pouvoirs, ainsi que du principe du "caractère essentiel", est sans fondement.
XXV.3.1 Premièrement, indépendamment de tout devoir général de loyauté incombant à l'ensemble des organes et des instances les uns à l'égard des autres, la Grande Chambre ne saurait déduire de la doctrine de la séparation des pouvoirs une interdiction générale concernant l'adoption d'une disposition de la législation secondaire, en l'occurrence la règle 28(2) CBE, relative à l'interprétation d'une disposition de la législation primaire, en l'occurrence l'article 53b) CBE, donnée par une instance juridictionnelle, en l'occurrence la Grande Chambre. Cet argument ne touche même pas au véritable point de droit qui sous-tend la question reformulée, lequel ne se rapporte pas à la règle 28(2) CBE mais à la possibilité d'une nouvelle interprétation de l'article 53b) CBE proprement dit par la Grande Chambre en tant qu'instance juridictionnelle indépendante et compétente à cet égard en vertu de l'article 112(1) CBE.
XXV.3.2 Deuxièmement, l'Organisation européenne des brevets n'ayant pas de parlement, le principe du "caractère essentiel" ne peut pas être directement appliqué. Même si ce principe était interprété comme signifiant qu'il serait du seul ressort des États contractants de modifier l'article 53b) CBE dans le cadre d'une révision de la CBE conformément à l'article 172 CBE, cette interprétation serait trop restrictive car elle ne tiendrait pas compte de la possibilité qu'a le Conseil d'administration de modifier l'article 53b) CBE en exerçant les compétences que lui confèrent les articles 33(1)b) et 35(3) CBE. En outre, cet argument ne se rapporte pas non plus au point de droit qui sous-tend la question reformulée, comme il est expliqué dans le paragraphe précédent.
XXV.3.3 Par conséquent, ni le principe de la séparation des pouvoirs ni le principe du "caractère essentiel" n'appellent en soi à faire abstraction de l'adoption de la règle 28(2) CBE aux fins d'interpréter l'article 53b) CBE.
XXVI. La modification du règlement d'exécution par l'introduction de la règle 28(2) CBE a été proposée et adoptée après que la décision G 2/12 (supra) a été rendue. Il est dès lors nécessaire de déterminer si, et, dans l'affirmative, dans quelle mesure, ce nouveau développement justifie une interprétation dynamique de l'article 53b) CBE.
XXVI.1 Dans ce contexte, la Grande Chambre prend note des travaux préparatoires relatifs à la règle 28(2) CBE :
CA/PL PV 45, Procès-verbal de la 45e réunion du Comité "Droit des brevets" (Munich, le 15 septembre 2015), points 58 à 72 et 80 ;
CA/PL 12/15, Exposé présenté lors de la 45e réunion du Comité "Droit des brevets" "mise à jour concernant la pratique de l'OEB au regard des affaires Tomate II/Brocoli II, en date du 6 novembre 2015 ;
CA/PL 3/16, Brevetabilité des inventions portant sur des végétaux : pratique et cadre juridique de l'OEB, en date du 25 avril 2016 ;
CA/PL 4/16, Brevetabilité des inventions biotechnologiques pratique dans les États parties à la CBE ou disposant du statut d'observateur, en date du 6 avril 2016 ;
CA/PL 4/16 Add. 1, Brevetabilité des inventions biotechnologiques pratique dans les États parties à la CBE ou disposant du statut d'observateur, en date du 22 avril 2016 ;
CA/PL 4/16 Add. 2, Brevetabilité des inventions biotechnologiques pratique dans les États parties à la CBE ou disposant du statut d'observateur, en date du 6 mai 2016 ;
CA/PL 4/16 Add. 3, Brevetabilité des inventions biotechnologiques pratique dans les États parties à la CBE ou disposant du statut d'observateur, en date du 9 mai 2016 ;
CA/PL 4/16 Add. 4, Brevetabilité des inventions biotechnologiques pratique dans les États parties à la CBE ou disposant du statut d'observateur, en date du 22 novembre 2016 ;
CA/PL PV 46, Procès-verbal de la 46e réunion du Comité "Droit des brevets" (Munich, le 12 mai 2016), points 21 à 41;
CA/PL PV 47, Procès-verbal de la 47e réunion du Comité "Droit des brevets" (Munich, les 21 et 22 novembre 2016), points 4 à 42 ;
CA/PL 18/16, Exposé présenté lors de la 47e réunion du Comité "Droit des brevets" Avis de la Commission européenne, du 3 novembre 2016, concernant certains articles de la directive 98/44/CE (JO UE C 411 du 8.11.2016, p. 3), en date du 30 novembre 2016 ;
CA/PL 4/17, Brevetabilité au titre de la CBE de végétaux et d'animaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques, suite à l'avis de la Commission européenne, du 3 novembre 2016, concernant certains articles de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, document en date du 27 mars 2017 ;
CA/PL 4/17 Add. 1, Exposé présenté lors de la 48e réunion du Comité "Droit des brevets" Brevetabilité au titre de la CBE de végétaux et d'animaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques, suite à l'avis de la Commission européenne, du 3 novembre 2016, concernant certains articles de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, document en date du 16 mai 2017;
CA/PL 6/17, Suspension par l'OEB des procédures relatives à des inventions portant sur des végétaux ou des animaux obtenus au moyen de procédés essentiellement biologiques document de principe du CIPA, en date du 13 mars 2017 ;
CA/PL 8/17, Brevetabilité au titre de la CBE de végétaux et d'animaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques, suite à l'avis de la Commission européenne, du 3 novembre 2016, concernant certains articles de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques Observations présentées par BUSINESSEUROPE, en date du 24 avril 2017 ;
CA/PL 9/17, Brevetabilité au titre de la CBE de végétaux et d'animaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques, suite à l'avis de la Commission européenne, du 3 novembre 2016, concernant certains articles de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques Observations présentées par l'epi, en date du 25 avril 2017 ;
CA/PL PV 48, Procès-verbal de la 48e réunion du Comité "Droit des brevets" (Munich, les 27 et 28 avril 2017), points 8 à 92 ;
CA/56/17, Exclusion de la brevetabilité en vertu de l'article 53b) CBE des végétaux et animaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques modification des règles 27b) et 28 CBE, en date du 6 juin 2017 ;
CA/PV 152, Procès-verbal de la 152e session du Conseil d'administration (La Haye, les 28 et 29 juin 2017), points 128 144 ;
CA/72/17, Résumé des décisions de la 152e session du Conseil d'administration (La Haye, les 28 et 29 juin 2017), points 14 et 37 à 39.
XXVI.2 La Grande Chambre a également connaissance des documents de suivi concernant la brevetabilité, au titre de la CBE, des inventions portant sur des végétaux et des animaux :
CA/PL 3/18, Brevetabilité au titre de la CBE d'inventions portant sur des végétaux ou des animaux : mise à jour, en date du 30 janvier 2018, et
CA/PL PV 49, Procès-verbal de la 49e réunion du Comité "Droit des brevets" (Munich, le 20 février 2018), points 19 à 26 (discussion portant sur le document précité).
XXVI.3 Eu égard au libellé de la règle 28(2) CBE, ainsi qu'aux travaux préparatoires relatifs à cette règle, la Grande Chambre admet que l'intention du législateur de la CBE était de donner à l'article 53b) CBE, par cette voie, une interprétation particulière selon laquelle les végétaux ou animaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique sont exclus de la brevetabilité.
Comme indiqué plus haut, l'application des différentes méthodes d'interprétation prévues aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne, compte tenu également des développements ultérieurs dans les États contractants, ne permet pas de conclure que l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" à l'article 53b) CBE doit être interprétée, clairement et sans ambiguïté, comme couvrant également les produits définis ou obtenus par de tels procédés. La Grande Chambre entérine dès lors les conclusions auxquelles elle est parvenue à ce sujet dans sa décision G 2/12 (supra, points VII.6.(2) et (3) des motifs).
XXVI.4 Cela étant, la Grande Chambre reconnaît que l'article 53b) CBE n'interdit pas non plus une telle interprétation plus large de l'exclusion des procédés. Elle reconnaît en outre que l'introduction de la règle 28(2) CBE a modifié de manière significative la situation de droit et de fait qui sous- tendait la décision G 2/12 (supra). Ce changement représente un nouvel aspect ou élément apparu depuis la signature de la CBE qui pourrait donner à penser qu'une interprétation grammaticale, et restrictive, du libellé de l'article 53b) CBE est en contradiction avec les objectifs poursuivis par le législateur, tandis qu'une interprétation dynamique pourrait conduire à un résultat qui diverge du libellé des dispositions.
XXVI.5 La vaste majorité des États contractants représentés au Conseil d'administration a voté en faveur de l'introduction de la règle 28(2) CBE (pour : 35 ; contre : 1 ; abstentions : 1 ; absent : 1 ; voir le procès-verbal de la 152e session du Conseil d'administration, tenue les 28 et 29 juin 2017, CA/PV 152). Cela montre à quel point l'intention et les objectifs des États contractants concernant l'article 53b) CBE ont évolué depuis que la décision G 2/12 a été rendue. De plus, un grand nombre de ces États ont aligné leurs dispositions nationales sur la teneur de la règle 28(2) CBE.
XXVI.6 Force est dès lors de conclure que, lors de l'introduction de la règle 28(2) CBE, l'intention des États contractants était d'exclure de la brevetabilité les végétaux, les matières végétales ou les animaux si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique.
De l'avis de la Grande Chambre, cette exclusion n'est pas incompatible avec le libellé de l'article 53b) CBE, qui, comme nous l'avons vu, n'exclut pas cette interprétation plus large de l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux". Eu égard aux circonstances assez exceptionnelles qui ont entouré les diverses approches adoptées à ce jour pour déterminer l'étendue de l'exclusion des procédés prévue à l'article 53b) CBE, la règle 28(2) CBE pourrait être considérée comme reflétant l'intention des États contractants de donner un sens particulier à cette expression.
XXVI.7 Enfin, la Grande Chambre conclut qu'eu égard à l'intention législative manifeste des États contractants, tels que représentés au sein du Conseil d'administration, et compte tenu de l'article 31(4) de la Convention de Vienne, l'introduction de la règle 28(2) CBE permet et même appelle une interprétation dynamique de l'article 53b) CBE.
XXVI.8 La Grande Chambre abandonne en conséquence l'interprétation de l'article 53b) CBE donnée dans la décision G 2/12 (supra) et, à la lumière de la règle 28(2) CBE, estime que l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux" à l'article 53b) CBE doit être interprétée et appliquée comme couvrant également les produits obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique et les cas où les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique.
Points supplémentaires
Conformité avec l'article 164(2) CBE
XXVII. Étant donné que la teneur de la règle 28(2) CBE n'est pas en contradiction avec la nouvelle interprétation de l'article 53b) CBE donnée dans le présent avis, il n'y a aucun conflit entre ces dispositions.
Est dès lors sans pertinence l'article 164(2) CBE qui prévoit qu'un article de la CBE l'emporte sur une disposition divergente du règlement d'exécution et qui a été appliqué par la chambre de recours dans la décision T 1063/18 (supra) eu égard à l'interprétation de l'article 53b) CBE donnée précédemment dans la décision G 2/12 (supra).
Effets de la nouvelle interprétation de l'article 53b) CBE à l'égard des brevets européens délivrés et des demandes de brevet européen en instance
XXVIII. La nouvelle manière de comprendre l'article 53b) CBE, qui découle de l'interprétation dynamique de cette disposition retenue par la Grande Chambre, a un effet négatif sur l'admissibilité des revendications de produit ou des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique.
XXIX. Pour garantir la sécurité juridique et protéger les intérêts légitimes des titulaires et des demandeurs de brevets, la Grande Chambre estime que l'interprétation de l'article 53b) CBE donnée dans le présent avis ne doit pas produire d'effet rétroactif à l'égard des brevets européens qui contiennent de telles revendications et qui ont été délivrés avant le 1er juillet 2017, date d'entrée en vigueur de la règle 28(2) CBE, ou à l'égard des demandes de brevet européen en instance déposées avant cette date et recherchant une protection pour de telles revendications.
Pour les demandes de brevet, la date pertinente est la date de dépôt ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.
Conclusion
Se fondant sur sa compréhension du véritable objet de la question de droit qui lui a été soumise par le Président de l'Office européen des brevets, ainsi que sur ses conclusions exposées ci-dessus,
la Grande Chambre apporte la réponse suivante à cette question de droit :
Compte tenu des développements qui sont intervenus après les décisions G 2/12 et G 2/13 de la Grande Chambre de recours,
l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux prévue à l'article 53b) CBE a un effet négatif sur l'admissibilité des revendications de produit et des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique.
Cet effet négatif ne s'applique pas aux brevets européens délivrés avant le 1er juillet 2017, ni aux demandes de brevet européen qui ont été déposées avant cette date et qui sont encore en instance.