T 0858/01 () of 13.7.2004

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2004:T085801.20040713
Date de la décision : 13 Juillet 2004
Numéro de l'affaire : T 0858/01
Numéro de la demande : 95400379.4
Classe de la CIB : E06B 9/11
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 33 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : Glissière pour rideau de fermeture de meuble
Nom du demandeur : Legeais, Joseph
Nom de l'opposant : REHAU AG + Co.
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 106
European Patent Convention 1973 Art 107
European Patent Convention 1973 Art 108
European Patent Convention 1973 R 55
European Patent Convention 1973 R 56
European Patent Convention 1973 R 64
Mot-clé : Opposition-recevabilité (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0234/86
T 0328/87
T 0538/89
T 0925/91
T 0541/92
T 0522/94
T 0934/99
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. L'intimé est titulaire du brevet n° 0 669 443 (n° de dépôt : 95. 400 379.4).

La revendication 1 du brevet s'énonce comme suit :

"Glissière pour rideau de fermeture de meubles, ladite glissière étant préfabriquée en matière plastique et présentant une goulotte pour la mise en place et le guidage du rideau de fermeture et des moyens de fixation connus sous forme de trous (4), caractérisée en ce qu'elle présente des moyens d'encliquetage (5) destinés à être mis en place dans des lumières pratiquées dans les parois du meuble."

II. La requérante a fait opposition à ce brevet et requis sa révocation complète.

Elle a contesté la nouveauté de l'objet du brevet et a fait valoir deux usages antérieurs publics en tant qu'état de la technique aux fins de l'article 54(2) CBE.

Pour ces deux usages antérieurs, la requérante a cité dans l'acte d'opposition les documents suivants qu'elle a déposés en même temps que ledit acte :

D1 : Dessin REHAU "Rolladenführung-Rechts" No : PS-01851 B daté du 18 mai 1992,

D2 : Dessin REHAU "Rolladenführung-Links" No : PS-01855 B daté du 18 mai 1992,

D3 : Copie d'un fax daté du 29 juin 1998 de la société Lista Degersheim AG et

D4 : Dessin Lista "Rolladenführung-Paar" No : 466.435 daté du 29 septembre 1993

pour le premier usage et

D5 : Dessin STEELCASE STRAFOR "S-300 A.R. Rails de glissement" No : 0861500-507 C, daté du 30. septembre 1992 et

D6 : Copie d'un fax daté du 20 avril 1998 de la société STEELCASE STRAFOR

pour le deuxième usage. La requérante a aussi contesté l'activité inventive de l'objet du brevet au regard de ce deuxième usage antérieur.

III. Par décision datée du 15 mai 2001 la Division d'opposition a rejeté l'opposition comme irrecevable. Elle a estimé que l'acte d'opposition ne satisfaisait pas à la troisième condition énoncée à la règle 55c) CBE, car il n'indique pas sur quelles justifications les allégations d'usage antérieur sont fondées, par exemple un ou des catalogues de vente, bon(s) de livraison, nom(s) et adresse(s) de témoins etc., qui pourraient permettre de déterminer avec précision l'objet, la date et toutes les circonstances des usages antérieurs prétendus.

IV. Contre cette décision la requérante a formé un recours en date du 24 juillet 2001, réglé simultanément la taxe correspondante et, le 25 septembre 2001, déposé un mémoire exposant les motifs du recours.

V. Dans une notification en date du 3 décembre 2003 et établie pour préparer la procédure orale qui a eu lieu le 13. juillet 2004, la Chambre de recours en se concentrant sur le premier usage antérieur allégué a exprimé de forts doutes quant à l'irrecevabilité de l'opposition.

VI. Les allégations des parties sont résumées comme suit :

a) La requérante

En se basant sur la décision T 0934/99 (non publiée) elle a fait valoir que la troisième condition énoncée à la règle 55c) CBE serait remplie si l'exposé des faits et justifications était suffisant pour permettre à la Division d'opposition et au titulaire du brevet de pénétrer l'argumentation et le fond de la cause de l'opposant en relation avec les motifs de l'opposition. Pour apprécier cela on devait se placer du point de vue de l'homme du métier normalement qualifié dans le domaine dont relève le brevet attaqué. La présentation d'un raisonnement logique, en ce sens que les arguments doivent être cohérents ou convaincants, n'est pas exigée par cette règle. Il suffit que l'homme du métier soit être mis dans la position de pouvoir se forger une opinion sur la question de savoir si le raisonnement sur lequel se fonde l'opposant semble correct ou non.

L'acte d'opposition a bien satisfait à ces exigences, en indiquant la période de l'usage, étayée par D3, l'objet de l'usage selon D1 et D2, la relation entre l'objet de la revendication 1 et l'objet de l'usage par comparaison des différents caractéristiques de la revendication avec les parties correspondantes de l'objet de l'usage, et en précisant finalement les circonstances et la manière de l'usage.

b) L'intimé

Il fait valoir que la règle 55c) CBE se réfère à des faits et justifications, mais non pas à l'homme du métier.

Il y a lieu de se demander si les indications contenues dans l'acte d'opposition et les documents joints sont suffisantes pour ne pas effectuer de recherches supplémentaires.

La date et les circonstances de l'usage ne sont pas définies ni justifiées, alors que, conformément à la jurisprudence, des justifications particulières doivent être exigées lorsqu'un usage antérieur public est invoqué.

Référence est faite à la décision T 0538/89 (non publiée) et à "La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets", 4ème édition 2001, page 531 et suivantes.

Quant à la date qui est un fait majeur, il faudrait exiger plus de faits et de justifications. D3 ne répond pas à ces exigences, étant trop imprécis.

En plus, ce document ne répond pas aux questions qui se posent au sujet des circonstances de l'usage antérieur ; il n'existe pas de justification de commercialisation, pas plus que de catalogues, de dessins et de factures. Il n'est pas possible de croire que pour une production alléguée de 60.000 pièces selon D3 des factures n'auraient pas pu être présentées. Il s'agirait là d'une simple allégation sans preuves.

De même l'affirmation faite dans D3, qui d'ailleurs est un document postérieur à la date de priorité du brevet en cause, que les dessins selon D1 et D2 sont identiques au dessin de D4, n'est pas correcte.

VII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le renvoi de l'affaire à la première instance pour suite à donner.

L'intimé demande le rejet du recours, par voie auxiliaire le renvoi de l'affaire à la première instance pour suite à donner.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux exigences énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 CBE ; il est recevable.

2. Pour qu'une opposition soit recevable, l'acte d'opposition doit, en vertu de la règle 55c) CBE comporter :

i) une déclaration précisant la mesure dans laquelle le brevet européen est mis en cause par l'opposition ;

ii) une indication des motifs sur lesquels l'opposition se fonde;

iii) ainsi qu'une indication des faits et justifications invoqués à l'appui de ces motifs.

Il est exact que dans cette règle il n'est pas fait référence à l'homme du métier. Mais la jurisprudence des Chambres a établi que la présentation des faits et justifications selon iii) ci-dessus doit être appréciée objectivement en se plaçant du point de vue de l'homme du métier normalement qualifié dans le domaine dont relève le brevet attaqué (voir p. ex. T 0925/91, JO OEB 1995, 469 ; T 0522/94, JO OEB 1998, 421).

3. La requérante fait valoir uniquement deux usages antérieurs publics en tant qu'état de la technique. Selon la jurisprudence établie des Chambres de recours il est satisfait à l'exigence iii) susmentionnée si les faits et justifications indiqués sont, du point de vue de l'homme du métier de compétence moyenne, objectivement compréhensibles et utilisables pour permettre

a) de vérifier la date ou la période de l'utilisation antérieure publique afin de déterminer s'il y a eu utilisation avant la date de priorité du brevet européen en cause,

b) de déterminer l'objet de l'utilisation de telle manière qu'il soit possible d'examiner son identité avec l'objet du brevet en cause, et

c) de vérifier les circonstances de l'utilisation afin de déterminer le caractère notoire (accessibilité au public) des objets utilisés (voir p. ex. T 0538/89 ; T 0328/87, JO OEB 1992, 701 ; T 0541/92).

3.1. Pour ce qui est du critère a) appliqué au premier usage antérieur invoqué, il est indiqué dans l'acte d'opposition que les dispositifs pour le guidage des fermetures à rideau (objet de l'usage antérieur) auraient été vendus "à partir de mi- 1993".

Contrairement à l'opinion de la Division d'opposition et de l'intimé, cette indication est suffisamment précise pour donner le début de la période à partir de laquelle ledit usage a eu lieu. Cette période est assez éloignée de la date de priorité du brevet en cause, 23. février 1994, date qui se situe non seulement dans l'année suivant le début de l'usage antérieur allégué, mais aussi plusieurs mois après ce point de départ, puisque le terme "mi-1993" laisse entendre que le début de l'usage antérieur se situe au cours de l'été de 1993.

Comme justification pour l'allégation de la date, D3 a été invoqué et fourni.

D3 confirme la date alléguée par la requérante et est en ce point suffisamment précis. Il est vrai que quand on étudie le contenu de D3 cette date confirmée - mi-1993 - peut soulever des doutes pour la raison suivante : D3 fait référence au dessin D4 et confirme que les glissières selon D4 étaient identiques à celle des dessins D1 et D2 du 18 mai 1992 de la requérante. Sur le dessin D4, la date du 29 septembre 1993 est indiquée comme date d'homologation.

La conclusion éventuelle, basée sur ces données, que la mise sur le marché aurait commencée plus tard qu'indiqué fait cependant partie de l'appréciation des justifications, en l'occurrence la vérification afin d'établir si les documents invoqués permettent de prouver les faits allégués ; ceci relève de l'examen du bien-fondé et non pas de l'examen de la recevabilité.

En effet, la recevabilité ne requiert pas que les faits et justifications invoqués par l'opposant soient probants en eux-mêmes (voir T 0234/86 JO OEB 1989, 79, point 2).

D3, qui est versé au dossier comme moyen de justification, est un document admissible en tant que mesure d'instruction selon l'article 117(1)c) CBE. Que la date de D3 soit postérieure à la date de priorité du brevet en cause s'explique par le fait que c'est un document établi par un tiers sur la demande de la requérante pour confirmer quelque chose qui s'est déroulée dans le passé.

3.2. Quant à l'objet du premier usage antérieur (critère b)), la requérante, après avoir énuméré les caractéristiques de la revendication 1 du brevet en cause, les compare avec les caractéristiques de l'objet de l'usage antérieur établies sur la base des dessins D1 et D2 joints à l'acte d'opposition. Le résultat de cette comparaison amène la requérante à mettre la nouveauté de l'objet du brevet attaqué en cause en cause.

Par cette comparaison détaillée des dessins D1 et D2 avec les caractéristiques de la revendication 1 du brevet en litige, divisées en 5 groupes a) à e), l'objet de l'usage antérieur est établi, et, au moyen des dessins D1 et D2 invoqués et produits comme moyens de preuves avec l'acte d'opposition, l'identité alléguée de l'objet du brevet en cause avec celui de l'usage antérieur peut être examinée. Le critère b) semble alors être satisfait.

Le fait que la requérante ait prétendu par erreur que les dessins D1 et D2 représentent une publication antérieure et que la nouveauté de l'objet du brevet en cause soit mise en question malgré l'absence - reconnue par la requérante - de la caractéristique c) de la revendication 1 du brevet en cause dans la glissière selon D1 et D2, n'affecte pas la recevabilité de l'opposition. Car ce qui importe, c'est que le point de vue de l'opposant soit suffisamment exposé dans l'acte d'opposition pour que le titulaire du brevet et la Division d'opposition sachent de quoi il s'agit.

L'intimée a critiqué l'affirmation faite dans D3, selon laquelle les dessins selon D1 et D2 seraient identiques au dessin de D4.

Le fait que les dessins cités dans D3 ne correspondent pas nécessairement aux dessins D1 et D2, parce que ceux-ci portent une lettre "B" comme possible indice de révision en plus du numéro correspondant à celui des dessins cités dans D3 et que par conséquent le lien allégué entre D1 et D2 d'une part, et D3 d'autre part puisse être douteux, n'affecte pas la recevabilité de l'opposition. Ces divergences font aussi, tout comme la divergence sur la date, partie de l'examen du bien-fondé durant lequel il y a lieu de confronter les allégations avec les moyens de preuve produits pour confirmer ces allégations. Cela vaut aussi pour les différences de détails entre D4 d'une part et D1 ou D2 d'autre part, qui ont été soulignées dans la décision attaquée.

3.3. Quant aux circonstances de l'usage antérieur concerné (critère c)) la requérante a allégué que les glissières produites selon D1 et D2 auraient été vendues sur le marché dès mi-1993 par l'entreprise Lista Amegg AG et qu'au moment du dépôt de l'acte d'opposition environ soixante mille de ces glissières auraient été vendues.

Par ces indications les circonstances de l'usage antérieur (fabrication et commercialisation en série) ont été décrites.

La Division d'opposition a soutenu que la manière dont le dessin D4 ou son objet aurait été rendu accessible au public n'était pas indiquée.

L'intimé, pour sa part, a critiqué l'absence de justification d'une commercialisation, tel que par exemple des catalogues et des factures.

Il est vrai que les renseignements sur les moyens d'accessibilité au public dudit usage antérieur sont donnés de façon générale. Néanmoins on comprend par l'indication du nombre des glissières produites qu'il doit s'agir d'une commercialisation en série. Cette forme de commercialisation inclut implicitement l'accès du public à ces produits. En cas de commercialisation en série, une indication détaillée des ventes et livraisons à une ou plusieurs personnes définies avec les justifications correspondantes ne semble pas être indispensable (voir T 0538/89). Il va de soi qu'une commercialisation en série conduit à ce que les produits commercialisés soient rendus accessibles au public.

Comme justification pour les allégations quant aux circonstances de l'usage, D3 est aussi invoqué, qui confirme la vente sur le marché. D'autres justifications concernant ce critère n'ont pas été invoquées par la requérante.

Il est vrai que le manque de catalogues ou de factures peut étonner et jouera peut être un rôle pour l'examen du bien-fondé, mais non pas pour la recevabilité de l'opposition. Le fait qu'une allégation soit crédible ou non concerne seulement l'examen du bien-fondé.

Le chiffre de 60.000 pièces produites n'est pas une "simple affirmation" comme critiqué par l'intimé, mais il s'agit là d'une estimation sur la base des années de production, comme cela est clairement indiqué dans l'acte d'opposition. Ce chiffre est un indice pour une commercialisation en série.

4. En conséquence des évaluations ci-dessus la Chambre conclut que les critère a) à c) énumérés ci-dessus sont remplis pour ce qui est du premier usage allégué.

5. Pour la recevabilité de l'opposition, il suffit qu'un seul usage antérieur allégué soit suffisamment précisé. L'examen du second usage antérieur allégué n'est donc pas nécessaire et la Chambre conclut à la recevabilité de l'opposition.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré pour suite à donner.

Quick Navigation