T 0093/89 (Dispersion d'un ester polyvinylique) of 15.11.1990

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1990:T009389.19901115
Date de la décision : 15 Novembre 1990
Numéro de l'affaire : T 0093/89
Numéro de la demande : 83106782.2
Classe de la CIB : C08F 18/06
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Hoechst
Nom de l'opposant : Henkel
Chambre : 3.3.03
Sommaire : 1. Une prétendue utilisation antérieure connue du public qui n'est pas suffisamment fondée n'est pas pertinente et peut ne pas être prise en compte, conformément à l'article 114(2) CBE, si elle n'a pas été invoquée en temps utile.
2. Pour fonder de manière suffisante une utilisation antérieure connue du public, il convient d'indiquer de façon concrète quel a été son objet et où, quand, comment et par qui elle a été rendue accessible au public.
3. Lorsque la composition d'un produit du commerce ne peut être déterminée qu'au moyen d'une analyse chimique, ses composés ne sont pas accessibles au public si les experts n'ont eu aucune raison de procéder à une telle analyse.1
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Nouveauté (oui) - utilisation antérieure connue du public non fondée et invoquée tardivement
Utilisation antérieure connue du public d'un produit chimique du commerce
Produit du commerce - raisons de procéder à une analyse chimique
Activité inventive (confirmée)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/92
T 0595/89
T 0953/90
T 0221/91
T 0441/91
T 0083/92
T 0097/92
T 0952/92
T 1002/92
T 0169/93
T 0097/94
T 0301/94
T 0575/94
T 0003/95
T 0633/95
T 1069/96
T 0037/98
T 0176/98
T 0240/99
T 0526/99
T 0864/99
T 0947/99
T 0837/02
T 1134/06
T 2043/07

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 83 106 782.2, déposée le 11 juillet 1983 et revendiquant la priorité d'une demande en date du 16 juillet 1982 (DE 3 226 681), a abouti, le 12 mars 1986, à la délivrance du brevet européen n° 100 892 sur la base de trois revendications.

La revendication 1 du premier jeu de revendications pour les Etats contractants CH, DE, GB et LI s'énonçait comme suit :

"Dispersion aqueuse d'un ester polyvinylique ayant une teneur en matière solide de 35 à 65 % en poids, caractérisée en ce que 3 à 60 % en poids des particules dispersées ont un diamètre inférieur à 1 µm et sont constituées pour 95 à 100 % en poids d'acétate de polyvinyle ou d'un copolymère d'acétate de vinyle et pour 0 à 5 % en poids d'amidon natif, que 40 à 97 % en poids des particules dispersées ont un diamètre de 1 à 40 µm et sont constituées pour 20 à 95 % en poids d'acétate de polyvinyle ou d'un copolymère d'acétate de vinyle et pour 5 à 80 % en poids d'amidon natif, et que la dispersion contient de 3 à 12 % en poids, par rapport à la quantité totale des particules dispersées, d'alcool polyvinylique."

La revendication 1 du second jeu de revendications pour l'Etat contractant AT avait pour objet un procédé de préparation d'une dispersion aqueuse d'un ester polyvinylique ayant une teneur en matière solide de 35 à 65 % en poids.

II. Le 11 décembre 1986, l'opposante a fait opposition au brevet européen et a demandé qu'il soit révoqué pour absence d'activité inventive. A l'appui de ses arguments, elle s'est référée aux documents suivants :

(1) demande de brevet allemand S 39 673 IV a/22i

(2) US-A-2 996 462

et a mentionné ultérieurement d'autres documents.

III. Par une décision du 23 novembre 1988, remise à la poste le 19 décembre 1988, la division d'opposition a décidé de maintenir le brevet dans sa forme modifiée. ...

IV. Après avoir été déboutée, l'opposante (requérante) a formé un recours contre cette décision le 4 février 1989 et a acquitté simultanément la taxe prescrite ; le 14 avril 1989, elle a déposé un mémoire exposant les motifs du recours. ...

V. Dans ses observations complémentaires et, en particulier, lors de la procédure orale du 15 novembre 1990, la requérante a fait valoir une utilisation antérieure connue du public découlant de la commercialisation de ses propres produits - utilisation à laquelle elle avait fait allusion pour la première fois dans ses conclusions du 15 mars 1988, soit plus de 15 mois après l'expiration du délai d'opposition - et a déposé, à cet égard, une déclaration tenant lieu de serment. ...

VI. ...

L'intimée a contesté l'existence d'une utilisation antérieure connue du public en se référant à ses propres résultats d'analyse.

VII. La requérante demande que la décision attaquée soit annulée et le brevet révoqué.

L'intimée demande quant à elle le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.

2. Le brevet contesté a pour objet une dispersion aqueuse d'un ester polyvinylique ainsi que son procédé de préparation et son utilisation. Une dispersion générique est mise en oeuvre dans le procédé selon le document (1), que la Chambre considère comme l'état de la technique le plus proche. Ce document décrit un procédé permettant de coller un plancher en bois sur un support en béton en utilisant une colle composée de 33 à 95 % d'une dispersion d'acétate de polyvinyle, de 2,5 à 33 % d'une solution d'alcool polyvinylique et de 2,5 à 33 % de matières de remplissage et de produits auxiliaires (revendication 1). Il cite comme matières de remplissage appropriées de nombreuses farines industrielles finement broyées ainsi que des produits organiques et inorganiques ; les produits auxiliaires peuvent être des plastifiants, des agents précipitants, ainsi que des composés organiques et inorganiques censés conférer à la colle pour parquet des propriétés spécifiques (page 2, lignes 45 à 76). Bien que la solidité finale du collage réalisé au moyen de cette colle pour parquet soit très grande et permette, entre autres, de coller un mince plancher en mosaïque sur du béton (page 2, lignes 77 à 85), elle n'est obtenue qu'après une à quatre heures, ce qui rend difficile l'utilisation de cette colle à l'aide d'une machine.

En conséquence, on peut considérer que le problème que le brevet attaqué se propose de résoudre est de préparer une dispersion aqueuse d'un ester polyvinylique permettant d'obtenir plus rapidement un collage d'une grande résistance sans compromettre la solidité finale de l'assemblage.

Pour résoudre ce problème, le brevet attaqué propose - en simplifant - une dispersion aqueuse d'un ester polyvinylique ayant une teneur en matière solide de 35 à 65 % en poids, dans laquelle les particules dispersées se composent, moyennant une répartition bimodale des diamètres de ces particules, d'acétate de polyvinyle et d'amidon natif et qui contient en outre de 3 à 12 % en poids d'alcool polyvinylique présentant certaines caractéristiques (indice d'ester et viscosité).

4. Après examen des documents cités, la Chambre est parvenue à la conclusion que la solution proposée dans la revendication est nouvelle par rapport à l'état de la technique. La nouveauté étant incontestée, il n'est pas nécessaire d'y consacrer de plus longs développements.

5. Il reste à déterminer si la dispersion aqueuse d'un ester polyvinylique selon la revendication 1 du premier jeu de revendications implique une activité inventive. ...

5.4 En résumé, les documents (1) et (2) ne peuvent permettre à l'homme du métier de résoudre le problème exposé plus haut et, par conséquent, l'objet du brevet attaqué, défini à la revendication 1, implique une activité inventive.

8. Le fait que l'utilisation antérieure ait été connue du public comme le prétend la requérante, qui affirme avoir mis sur le marché, avant la date de priorité du brevet, des substances adhésives à dispersion d'acétate de polyvinyle contenant de l'amidon (natif) comme dans le brevet attaqué, n'est pas pris en compte par la Chambre, en application de l'article 114(2) CBE, car il n'a pas été invoqué en temps utile.

La requérante a fait valoir cet argument pour la première fois dans ses conclusions du 14 mars 1988, soit plus de 15 mois après l'expiration du délai d'opposition, sans le fonder de manière plus explicite. Lors de la procédure orale du 23 novembre 1988 devant la division d'opposition, elle n'est plus revenue sur cet argument, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de ladite procédure, et c'est la raison pour laquelle la décision attaquée n'en tient pas compte. Dans son mémoire du 12 avril 1989 exposant les motifs du recours, la requérante n'évoque pas davantage l'argument selon lequel l'utilisation antérieure était connue du public. Ce n'est que dans ses conclusions du 29 août 1989, pendant la procédure de recours, qu'elle fait état de l'utilisation antérieure connue du public à laquelle elle avait fait allusion dans ses conclusions du 14 mars 1988, en affirmant l'avoir déjà mentionnée lors de la procédure orale devant la division d'opposition, sans toutefois que le caractère public de cette utilisation antérieure ait fait l'objet d'une discussion. Cependant, lorsqu'une partie se borne à faire valoir de manière superficielle une utilisation antérieure connue du public après l'expiration du délai d'opposition et ne donne pour la première fois d'indications plus précises à ce sujet qu'au cours de la procédure de recours, il y a lieu de considérer que ce moyen n'a pas été invoqué en temps utile au sens de l'article 114(2) CBE, en particulier si, comme c'est le cas en l'espèce, l'utilisation antérieure est le fait de la requérante elle-même.

Selon la jurisprudence des chambres de recours (T 156/84, JO OEB 1988, 372), tout moyen invoqué tardivement peut ne pas être pris en compte uniquement dans le cas où la chambre estime qu'il n'est pas pertinent sur le fond. Telle est la conclusion à laquelle la Chambre est parvenue à la suite de la procédure orale et, en particulier, en raison de la conduite du requérant lors des procédures d'opposition et de recours.

8.1 L'utilisation antérieure qui est alléguée est le fait de la requérante elle-même. Si, sur le fond, cette utilisation antérieure avait été effectivement de nature à faire obstacle au brevet européen en cause, on aurait pu normalement s'attendre à ce que la requérante fasse valoir, dès le départ, cet argument à l'appui de son opposition. Du fait qu'elle s'est contentée de rapporter sa propre utilisation antérieure, sans la fonder plus en détail, au cours de la procédure de première instance et n'en a pas davantage fait mention, lors de la procédure de recours, dans son mémoire exposant les motifs du recours, la Chambre déduit qu'à l'évidence, la requérante n'a pas elle-même accordé une grande importance à la prétendue utilisation, car si tel avait été le cas, elle en aurait fait état dès l'acte d'opposition.

La Chambre est confortée dans son opinion par le caractère incomplet de la description de la prétendue utilisation antérieure. Pour fonder de manière suffisante une utilisation antérieure connue du public, il convient d'indiquer de façon concrète ce qui a fait l'objet d'une utilisation accessible au public et de spécifier où, quand, comment et par qui cette utilisation a été faite (décision T 300/86 du 28 août 1989, point 2.7, cité dans le rapport sur la jurisprudence des Chambres de recours en 1989, supplément au JO OEB 6/1990, page 25 ; décision T 194/86 du 17 mai 1988, point 2, Rechtsprechungskartei Gewerblicher Rechtsschutz "EPU 54, pt. 73"). En conséquence, une prétendue utilisation antérieure est décrite de manière suffisante si l'on précise les modalités, le lieu et la date de ladite utilisation en indiquant concrètement quel est son objet, comment elle a été rendue accessible au public et dans quelle mesure il y a eu réutilisation de la part d'autres experts.

La seule indication de la période de l'utilisation antérieure ("dès l'année 1979") est tellement imprécise que l'on ne peut guère la considérer comme une information sans équivoque.

8.2 En outre, il n'est donné aucune indication concrète quant au caractère public de l'utilisation antérieure. La requérante a seulement mentionné qu'en se fondant sur l'état de la technique le plus proche, à savoir le document (1), l'homme du métier ne devait avoir eu aucune difficulté pour analyser son produit "Ponal express" et constater qu'il contient d'importantes quantités d'alcool polyvinylique et d'amidon natif. La requérante admet ainsi qu'elle n'a pas elle-même fait connaître au public la composition de son produit, ce qui est on ne peut plus normal car une entreprise commerciale n'informe pas généralement ses concurrents des méthodes de fabrication de ses produits, et ce dans son propre intérêt. Un homme du métier ne peut pas déduire la composition d'un produit - une substance adhésive - à la seule vue du produit en tant que tel. Il lui faudrait pour cela procéder à une analyse chimique. Or la Chambre est d'avis qu'il n'y avait aucune raison de procéder à une telle analyse.

Le simple fait qu'une entreprise lance un nouveau produit sur le marché, ne constitue pas nécessairement pour ses concurrents une raison suffisante pour en analyser la composition. Il n'existe aucun principe fondé sur l'expérience selon lequel les entreprises analysent tous les nouveaux produits de leurs concurrents ; cela vaut en tout cas pour la composition chimique des produits venant d'être mis sur le marché. Il faudrait une raison concrète pour justifier une telle analyse, qui entraînerait en tout état de cause des frais. En l'espèce, la Chambre n'en voit aucune. Naturellement, les entreprises concurrentes ont intérêt à comparer des nouveaux produits avec les leurs. Mais il n'est pas absolument nécessaire pour cela d'effectuer une analyse chimique du nouveau produit ; il suffit en premier lieu de déterminer les propriétés de ce produit, en l'occurrence celles de la nouvelle substance adhésive, sans pour autant devoir procéder à une analyse. Il n'a pas été exposé que le nouveau produit de la requérante "Ponal express" présentait des propriétés si particulières que ses concurrents pourraient avoir eu des raisons de procéder à une analyse chimique. En conséquence, la Chambre ne peut voir dans la simple mise sur le marché du nouveau produit une raison de procéder à une telle analyse.

La requérante affirme que le document (1) correspondant à l'état de la technique le plus proche constituait pour l'homme du métier une raison évidente d'analyser son produit. De l'avis de la Chambre, ce raisonnement repose sur une manière irréaliste d'envisager le comportement des entreprises concurrentes. Celles- ci suivent l'évolution du marché d'un point de vue économique, sans toutefois prendre en compte les brevets. Ce n'est qu'à partir du moment où un produit présente un intérêt en raison de ses propriétés particulières et qu'il est procédé de ce fait à son analyse que l'on peut examiner l'état de la technique pour déterminer si une imitation serait licite.

Toutefois, même si un expert avait analysé le produit mis sur le marché par la requérante, il n'aurait pas du tout été certain d'y déceler de l'amidon natif car, selon les propres déclarations de la requérante, ce produit est préparé en partie avec de l'amidon natif et en partie sans cette substance. Cela signifie qu'une analyse chimique du produit mis sur le marché n'aurait révélé la présence d'amidon que par hasard, ce qui explique également l'absence d'amidon dans les résultats de l'analyse effectuée par l'intimée (voir mémoire du 14 février 1990) sur des échantillons du produit fabriqué en 1979 et actuellement.

8.3 Pour toutes ces raisons, l'utilisation antérieure alléguée manque de pertinence à l'égard du brevet attaqué, facteur qui à lui seul aurait permis de prendre en compte cet argument invoqué tardivement. En conséquence, il n'est pas tenu compte de l'utilisation antérieure pour apprécier la validité du brevet attaqué.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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