T 0493/88 (Grille entretoise) of 13.12.1989

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1989:T049388.19891213
Date de la décision : 13 Décembre 1989
Numéro de l'affaire : T 0493/88
Numéro de la demande : 81400060.0
Classe de la CIB : G21C 3/34
Langue de la procédure : FR
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : CEA-FRAMATOME
Nom de l'opposant : Siemens
Chambre : 3.4.01
Sommaire : 1. Conformément aux dispositions des articles 101(1) et 102(2) CBE, une division d'opposition ne peut valablement conclure au rejet d'une opposition qu'après s'être assurée que l'ensemble des motifs d'opposition énumérés à l'article 100 CBE ne s'opposent pas au maintien du brevet européen en cause. Elle ne peut pas limiter son examen aux seuls motifs invoqués expressément dans l'acte d'opposition mais doit procéder à l'examen d'office des faits comme lui en fait obligation l'article 114(1) CBE.
2. Une décision d'une division d'opposition concluant au rejet de l'opposition n'est pas correctement motivée au sens de la règle 68(2), première phrase CBE si, après avoir indiqué les motifs pour lesquels, contrairement à l'opposant, la division d'opposition considère l'objet du brevet nouveau, elle n'expose pas les motifs pour lesquels cet objet est considéré impliquer également une activité inventive.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 100
European Patent Convention 1973 Art 101(1)
European Patent Convention 1973 Art 102(2)
European Patent Convention 1973 Art 114(1)
European Patent Convention 1973 R 55(c)
European Patent Convention 1973 R 68(2) Sent 1
Mot-clé : Décision imcomplètement motivée
Examen de l'opposition
Etendue des pouvoirs de la division d'opposition et de la chambre de recours
Examen d'office
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
J 0017/93
J 0031/96
T 0254/89
T 0392/89
T 0086/91
T 0817/93
T 0933/10
T 0526/12
T 0899/17
T 0988/17
T 2864/19
T 1051/20

Exposé des faits et conclusions

I. Les intimées sont titulaires du brevet européen n° 0 033 263 (n° de dépôt 81 400 060.0). Ce brevet comporte dix revendications, dont la seule revendication indépendante s'énonce comme suit :

"1. Grille entretoise pour un assemblage combustible utilisée dans un réacteur nucléaire à eau légère sous pression constituée par des plaquettes entrecroisées (19) suivant un réseau à mailles carrées dans les cellules (7) de laquelle passent les crayons combustibles (8) pour leur maintien transversal, ces crayons constituant un faisceau où certains crayons sont remplacés par des tubes guides (10) assurant d'une part la tenue mécanique de l'assemblage et, d'autre part, le guidage des crayons de contrôle de la réactivité, les plaquettes qui constituent les parois des cellules portant des éléments de maintien des crayons combustibles en saillie vers l'intérieur des cellules et de deux types, à savoir d'une part des butées rigides (13, 14) et d'autre part des ressorts (12) susceptibles d'exercer des forces transversales sur les crayons combustibles, rapportés sur la grille et disposés autour des plaquettes de façon que chacune des faces de chaque cellule renfermant un crayon porte un élément de type différent de celui porté par la face opposée, caractérisée par le fait qu'elle comporte :

- sur la plus grande partie des parois équipées de ressorts, des ressorts doubles (12) comportant deux parties actives de part et d'autre de la paroi sur laquelle est placé le ressort double, permettant l'action symétrique de ce ressort sur deux crayons différents à l'intérieur de deux cellules adjacentes ;

- sur les autres parois équipées de ressorts, des ressorts simples (16) comportant une seule partie active disposée dans l'une des deux cellules séparées par la paroi sur laquelle est placé le ressort dont l'autre partie qui n'est pas susceptible d'entrer en contact avec un crayon combustible possède au moins une zone de déformation (68), les deux parties précédentes ayant par ailleurs leurs extrémités soudées et montées libres en glissement par rapport à la plaquette qui les supporte."

II. La société Kraftwerk Union Aktiengesellschaft, dont la requérante est l'ayant-cause, a fait opposition à ce brevet.

Dans son acte d'opposition daté du 25 septembre 1986 elle a requis la révocation du brevet dans sa totalité ainsi qu'à titre auxiliaire une procédure orale. Par ailleurs, elle a indiqué que son opposition était fondée sur l'article 100a de la CBE, et précisé que l'objet de la revendication 1 était entièrement anticipé par le contenu du document

DE-A-2 137 158 (document 1).

III. Après que les parties aient présenté par écrit des observations portant sur l'antériorisation éventuelle de l'objet de la revendication 1 par le contenu du document 1, elles ont été convoquées à une procédure orale par la division d'opposition. Dans la notification jointe à la citation à la procédure orale, datée du 26 avril 1988, la division d'opposition a informé les parties qu'elle considérait que l'objet de la revendication 1 du brevet en cause était nouveau, contrairement à l'affirmation de l'opposante, et que, le défaut d'activité inventive n'étant pas explicitement invoqué comme motif d'opposition par l'opposante, il n'y avait pas lieu de prendre position à cet égard.

IV. La procédure orale fixée par la division d'opposition s'est tenue le 6 juin 1988.

Du procès-verbal de la procédure orale joint au dossier, il ressort que l'opposante a essentiellement présenté une argumentation visant à démontrer que les différences entre l'objet de la revendication 1 et le contenu du document 1 telles qu'elles ont été énumérées par la division d'opposition dans sa notification annexée à la convocation à la procédure orale soit n'existaient pas, soit résultaient de caractéristiques qui ne donnaient pas une instruction suffisamment complète pour qu'un homme du métier puisse exécuter l'invention, soit encore n'étaient pas divulguées dans les pièces de la demande telle que déposée, comme l'exige l'article 123(2) de la CBE.

Ces arguments ont été contestés par les titulaires.

A l'issue de la procédure orale, le Président de la division d'opposition a prononcé la décision de rejeter l'opposition.

V. Une décision écrite et datée du 8 août 1988 a ensuite été signifiée aux parties.

Dans la partie de cette décision relative à l'exposé des faits et des conclusions, la division d'opposition a indiqué qu'au cours de la procédure orale, elle avait constaté que l'opposante avait attaqué l'objet du brevet uniquement quant à la nouveauté au sens des articles 52(1) et 54 de la CBE et donc décidé de ne considérer l'objection au titre de l'article 100a que du point de vue nouveauté (page 4, 3ème paragraphe).

Par ailleurs, dans la partie exposant les motifs de la décision, la division d'opposition a indiqué que, "conformément à la requête de l'Opposante ... la Division d'opposition a considéré l'objet du brevet exclusivement dans le contexte de la nouveauté, l'argumentation de l'Opposante était basée sur un seul document ... qui anticiperait ledit objet dans son intégralité" (point 1 des motifs).

Sur le fond, la division d'opposition a constaté, d'une part, que l'objet de la revendication 1 était nouveau par rapport à l'état de la technique divulgué par le document 1 et que, d'autre part, les objections d'extension inadmissible et de manque de clarté soulevées par l'opposante au cours de la procédure orale n'étaient pas fondées. C'est pourquoi elle a décidé le rejet de l'opposition et le maintien du brevet européen sans modification (point 4 des motifs).

VI. La requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision.

VII. Dans son mémoire de recours, la requérante requiert l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet dans sa totalité, ainsi que le remboursement de la taxe de recours. A titre auxiliaire, elle requiert également la mise en oeuvre d'une procédure orale.

Les intimées (titulaires) requièrent pour leur part le rejet du recours.

VIII.A l'appui de ses requêtes, la requérante rappelle tout d'abord que l'acte d'opposition daté du 25 septembre 1986 s'appuyait expressément sur l'article 100a de la CBE, qui fait référence aux articles 52 à 57 de la CBE, c'est-à-dire en particulier également à ses articles 52(1) et 56. Par conséquent, les motifs d'opposition invoqués dans l'acte d'opposition englobent le défaut d'activité inventive.

De plus, le principe de l'examen d'office établi par l'article 114(1) de la CBE prédomine sur la possibilité offerte à l'OEB par l'article 114(2) de ne pas tenir compte des faits que les parties n'ont pas invoqués ou des preuves qu'elles n'ont pas produites en temps utile (voir la décision T 156/84 de la Chambre de Recours Technique 3.4.1 du 9 avril 1987, JO OEB 1988, 372).

Par conséquent, la division d'opposition n'avait pas le pouvoir de rejeter d'emblée lors de la procédure orale du 6 juin 1988 les explications de l'opposante relatives au défaut d'activité inventive, ce refus d'entendre l'opposante constituant à l'évidence un vice substantiel de procédure justifiant le remboursement de la taxe de recours.

Par ailleurs, la requérante considère que la revendication 1 du brevet attaqué contrevient aux dispositions de l'article 123(2) de la CBE, dans la mesure où la caractéristique selon laquelle la grille revendiquée est utilisée dans un réacteur nucléaire à eau légère "sous pression", introduite au cours de la procédure d'examen, n'était pas divulguée dans les pièces de la demande telle qu'elle a été déposée. Selon elle, en effet, le fait que l'assemblage combustible décrit à l'origine comporte des tubes guides n'implique pas nécessairement que le réacteur soit refroidi à l'eau légère sous pression. A ce propos, elle cite le document

US-A-3 802 995 (document 2)

qui, au vu du dossier, ne semble avoir été mentionné jusqu'ici ni dans la procédure d'opposition, ni dans celle d'examen. Ce document décrit un assemblage combustible destiné à un réacteur refroidi à l'eau bouillante, qui comporte un tube destiné au passage de l'eau correspondant au tube guide du dispositif revendiqué.

Enfin, la requérante estime que les autres caractéristiques de la revendication 1 résultent d'une combinaison évidente de caractéristiques connues soit du document 1, soit du document

FR-A-1 536 257

cité dans l'introduction de la description du brevet attaqué.

IX. Dans leur réponse du 8 mars 1989 à l'acte de recours, les intimées font observer d'une part que la requérante "conteste le bien fondé du fait que, lors de la procédure orale du 6 juin 1988 devant la division d'opposition à Munich, celle-ci a refusé a priori d'ouvrir la discussion sur le thème de l'activité inventive, notamment en liaison avec un document nouveau". A ce propos, elle considère qu'il s'agit d'une divergence de point de vue entre la requérante et l'OEB qu'il appartient à l'OEB de trancher, mais relève toutefois qu'un exposé des circonstances ayant empêché la requérante de présenter plus tôt les documents tardifs, qui est pourtant nécessaire aux termes de la décision T 156/84 mentionnée par la requérante, est visiblement absent de l'acte de recours.

Par ailleurs, les intimées contestent les conclusions de la requérante relatives à la non-conformité de la revendication 1 avec les dispositions de l'article 123(2) de la CBE et au défaut d'activité inventive de son objet.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Outre les caractéristiques de la revendication 1 de la demande telle que déposée, la revendication 1 du brevet délivré comporte encore les précisions selon lesquelles :

a) le réacteur nucléaire dans lequel la grille revendiquée est utilisée est un réacteur nucléaire à eau légère "sous pression" ;

b) les tubes guides assurent d'une part la tenue mécanique de l'assemblage et, d'autre part, le guidage des crayons de contrôle de la réactivité ; et

c) la partie des ressorts simples qui n'est pas susceptible d'entrer en contact avec un crayon combustible possède au moins une zone de déformation, ses deux parties ayant par ailleurs leurs extrémités soudées et montées libre en glissement par rapport à la plaquette qui les supporte.

En ce qui concerne la caractéristique supplémentaire a), les pièces de la demande telle que déposée indiquent explicitement que la grille entretoise revendiquée peut être utilisée dans un réacteur nucléaire à eau légère (page 1, lignes 6 et 7), mais ne précisent pas que cette dernière est sous pression. Toutefois, la Chambre ne peut discerner aucune raison valable de mettre en doute les déclarations des intimées, selon lesquelles seuls les réacteurs nucléaires refroidis par eau sous pression comportent des assemblages combustibles constitués par des crayons combustibles où certains crayons sont remplacés par des tubes pour le guidage de barres de contrôle tels que décrits dans la demande déposée. En particulier, le réacteur nucléaire à refroidissement par eau bouillante divulgué dans le document 2 cité par la requérante dans son mémoire de recours comporte des assemblages combustibles (20) dont chacun est constitué de crayons combustibles (21) ainsi que d'un tube central (41) permettant le passage d'eau pour la modération du réacteur, et non celui de barres de contrôle ; celles-ci sont en effet formées par des éléments à section cruciforme (13) disposés à l'extérieur des assemblages combustibles (colonne 4, lignes 36 à 50 ; colonne 5, lignes 54 à 60 ; figure 4).

Les autres caractéristiques supplémentaires de la revendication 1 soit résultent de l'adjonction de l'indication triviale de la fonction des tubes guides qui consiste à guider des éléments de contrôle, soit sont explicitement supportées par la description telle que déposée (page 1, lignes 19 à 23 ; page 16, lignes 1 à 24 et 29 à 32 ; page 17, lignes 14 à 17).

Pour ces raisons, le motif d'opposition invoqué à l'article 100c) de la CBE ne s'oppose pas au maintien du brevet tel que délivré.

Il en est de même du motif d'opposition énoncé à l'article 100b) de la CBE, puisque, de l'avis de la Chambre, le brevet dans son entier expose l'invention définie dans la revendication 1 de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Ce point n'est d'ailleurs plus contesté par la requérante puisque, en ce qui concerne en particulier l'indétermination alléguée par la requérante lors de la procédure d'opposition de l'expression "la plus grande partie", elle considère désormais elle-même que l'homme du métier pourrait sans difficulté déterminer le nombre des ressorts doubles nécessaires au maintien d'un assemblage combustible déterminé (page 4, deuxième paragraphe du mémoire de recours).

3. Nouveauté

De l'avis de la Chambre, aucun des documents de l'état de la technique au dossier ne divulgue une grille entretoise comportant toutes les caractéristiques définies dans la revendication 1. En particulier, les extrémités des deux parties des ressorts divulgués dans le document 1 ne sont pas montées libres en glissement par rapport à la plaquette qui les supporte, mais au contraire ancrées fermement sur elle comme l'indique explicitement aussi bien la revendication 6 de ce document ("fest verankert") que sa description (page 14, dernière ligne, "sicher befestigt").

A ce propos, la requérante invoque dans son mémoire de recours (page 5, deuxième paragraphe) un passage du document D1 selon lequel les clips de support sont montés ("aufgesteckt") sur les nervures internes pour former les éléments d'écartement (D1, page 15, deuxième paragraphe). Toutefois, ce passage permet tout au plus de déduire que l'on peut mettre les clips en place en les faisant glisser par-dessus le bord de la nervure correspondante, mais non qu'ils peuvent glisser librement lorsqu'ils ont atteint leur position de montage définitive.

Pour cette raison déjà, l'objet de la revendication 1 est nouveau au sens de l'article 54 de la CBE.

La nouveauté de cet objet n'est d'ailleurs plus contestée par la requérante.

4. Activité inventive.

Indépendamment des critiques soulevées par la requérante dans son acte de recours quant à la façon dont la division d'opposition aurait conduit la procédure, la Chambre a constaté que la décision attaquée, qui conclut au rejet de l'opposition, comporte notamment un exposé détaillé des motifs pour lesquels la division a considéré que l'objet de la revendication 1 était nouveau, mais qu'elle n'inclut aucune prise de position sur l'activité inventive impliquée par cet objet.

C'est pourquoi, la Chambre a examiné si, dans ces conditions, la décision attaquée satisfaisait à l'obligation de motivation établie par la règle 68(2), première phrase de la CBE.

4.1. Conformément aux dispositions de l'article 101(1) de la CBE, la division d'opposition doit, si l'opposition est recevable, examiner si "les motifs d'opposition visés à l'article 100" s'opposent au maintien du brevet européen. L'article 102(2) de la CBE dispose par ailleurs que si la division d'opposition estime que "les motifs d'opposition visés à l'article 100" ne s'opposent pas au maintien du brevet européen sans modification, elle rejette l'opposition.

Les dispositions précédentes se réfèrent de la façon la plus claire à l'ensemble des motifs d'opposition énoncés à l'article 100 de la CBE, et ne contiennent aucune limitation explicite ou implicite du champ de l'examen à conduire par la division d'opposition aux seuls motifs d'opposition invoqués par l'opposant dans son acte d'opposition en vertu de la règle 55c) de la CBE. Une interprétation de ces dispositions dans un sens tendant à restreindre l'examen de l'opposition aux seuls motifs invoqués expressément par l'opposant serait par ailleurs en contradiction avec le principe de l'examen d'office établi par l'article 114(1) de la CBE, selon lequel l'office européen des brevets procède à l'examen d'office des faits, cet examen n'étant limité ni aux moyens invoqués, ni aux demandes présentées par les parties.

Pour les motifs énoncés par la présente Chambre dans sa décision T 156/84 invoquée aussi par la requérante (point VIII ci-dessus, 2ème paragraphe) ce n'est qu'après que l'examen d'office des faits conduit en application de l'article 114(1) de la CBE lui ait permis de conclure que ces faits étaient sans conséquence sur la décision à prendre que l'Office peut décider de ne pas tenir compte des faits que les parties n'ont pas invoqués ou des preuves qu'elles n'ont pas produites en temps utile en vertu de l'article 114(2) de la CBE (point 3 des motifs).

C'est pourquoi la Chambre ne peut suivre sur ce point l'avis émis par la Chambre 3.3.1 dans sa décision du 29 août 1989 dans l'affaire T 320/88 - 3.3.1, (non publiée) selon lequel la division d'opposition n'aurait aucune obligation de prendre en considération la question de l'activité inventive en l'absence de toute argumentation développée sur ce point par l'opposant (point 3.1 des motifs).

De l'avis de la Chambre, une division d'opposition ne peut valablement conclure au rejet d'une opposition qu'après s'être assurée que l'ensemble des motifs d'opposition énumérés à l'article 100 de la CBE ne s'opposent pas au maintien du brevet en cause.

4.2. Bien entendu, les conclusions précédentes ne signifient pas que la décision doive dans ses motifs exposer explicitement et en détail toutes les raisons pour lesquelles tous les motifs d'opposition de l'article 100 de la CBE ne s'opposent pas au maintien du brevet.

Ainsi, lorsque les circonstances particulières de l'affaire font clairement apparaître que certains motifs d'opposition ne remettent aucunement en cause le maintien du brevet, le souci d'économie de procédure peut pleinement justifier que ces motifs ne soient pas évoqués dans la décision de rejet de l'opposition. Une telle situation peut en particulier se présenter pour certains motifs d'opposition manifestement sans rapport avec ceux invoqués par l'opposante lors de la procédure d'opposition, ou pour des motifs qui ne s'appliquent manifestement pas aux circonstances examinées (défaut d'application industrielle, ou extension de l'objet du brevet au sens de l'article 100c) de la CBE, lorsqu'il n'y pas eu de modifications de la demande). D'ailleurs, si l'article 114(2) de la CBE autorise l'Office à ne pas tenir compte de faits ou de preuves sans incidence sur la décision à prendre lorsqu'ils sont invoqués ou produits de façon tardive, il faut à plus forte raison en déduire que l'Office n'est pas davantage astreint à en tenir compte lorsqu'ils ne sont ni invoqués ni produits par les parties.

Toutefois, le fait que, dans une procédure d'opposition, la nouveauté de l'objet d'un brevet soit mise en doute implique généralement que cet objet soit pour le moins relativement proche de l'état de la technique relevé. De plus, la définition des concepts de nouveauté et d'activité inventive telle qu'elle ressort par exemple de la jurisprudence relative à l'examen de la brevetabilité de moyens équivalents ou à la détermination du contenu implicite d'une divulgation ne permet pas d'établir une limite parfaitement nette entre la teneur de ces deux critères. Par conséquent, la simple mise en évidence lors de l'examen de nouveauté de différences entre l'objet du brevet et l'état de la technique le plus proche ne permet généralement pas de conclure de façon automatique que ces différences sont suffisantes pour justifier la non-évidence de cet objet, sauf peut-être dans des cas exceptionnels où l'examen de nouveauté aurait montré par exemple que l'état de la technique le plus proche invoqué par l'opposant n'avait en réalité pas été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande, ou qu'il était constitué par une demande de brevet européen intermédiaire au sens de l'article 54(3) de la CBE, qui n'est pas à prendre en compte pour l'examen de l'activité inventive (article 56, deuxième phrase de la CBE).

4.3. De telles circonstances particulières n'ont toutefois pas pu être décelées par la Chambre dans le cas présent.

Au contraire, bien qu'elle n'ait présenté dans son acte d'opposition que des arguments visant à démontrer l'absence de nouveauté de l'objet du brevet, la requérante n'en avait pas moins indiqué que son opposition était fondée sur l'article 100a) de la CBE, qui se rapporte à l'ensemble des conditions de brevetabilité énoncées aux articles 52 à 57 de la CBE. A ce propos, il convient également de remarquer que lorsqu'un opposant, même par erreur, estime que l'objet du brevet auquel il fait opposition n'est pas nouveau au vu d'un certain état de la technique, ceci résulte du fait qu'il n'a pas pu constater de différences entre l'objet du brevet et celui de cet état de la technique. Dans ce cas, il ne peut raisonnablement lui être fait obligation de présenter également un raisonnement d'activité inventive, puisque ce dernier ne pourrait au contraire se baser que sur la constatation de certaines différences et sur l'évaluation de leur caractère évident.

Dans le cas présent, par ailleurs, même si la formulation de l'acte d'opposition permettait de conclure que l'attaque de la première revendication par l'opposante ne portait que sur la nouveauté et que l'activité inventive n'y était évoquée qu'en relation avec les revendications dépendantes 2 à 10, du moins, la deuxième lettre de l'opposante datée du 15 juillet 1987 montrait- elle qu'elle se rendait bien compte de l'existence de certaines différences entre l'objet décrit dans le document 1 et celui de la revendication 1 du brevet contesté, différences qu'elle jugeait insignifiantes ("es ist unwesentlich, ob ...", "einzig wichtig ist ...") au point de les juger implicitement divulguées par le document 1 pour tout homme du métier.

Le simple fait que l'opposante n'ait cité qu'un seul document dans son acte d'opposition ne peut également être interprété comme une restriction de son attaque à la seule question de la nouveauté, comme semble l'avoir fait la division d'opposition (point 1, premier paragraphe des motifs de la décision), puisque l'activité inventive impliquée par l'objet d'une revendication peut très bien être mise en question sur la base de l'enseignement d'un seul document, complété, par exemple, par les connaissances générales de l'homme du métier.

La division d'opposition aurait donc dû dans le cas présent examiner si pour l'homme du métier compétent, au vu du document cité dans l'acte d'opposition, l'objet de la revendication 1 découlait ou non de manière évidente de l'état de la technique au sens de l'article 56 de la CBE, et indiquer les raisons pour lesquelles elle était parvenue à cette conclusion.

C'est pourquoi, la Chambre estime que la division d'opposition n'a pas motivé sa décision ainsi que l'exige la règle 68(2) première phrase de la CBE, et que cette décision, pour cette raison déjà, doit être annulée.

5. Compte tenu du fait qu'il ne ressort pas du dossier que la division d'opposition ait déjà considéré la question de l'activité inventive impliquée par l'objet de la revendication 1, et afin de ne pas priver les parties de leur droit à un examen complet de l'opposition par deux instances, la Chambre a décidé d'exercer le pouvoir qui lui est conféré par l'article 111 de la CBE de renvoyer l'affaire à la division d'opposition pour suite à donner.

6. La Chambre a abouti aux conclusions précédentes sans examiner le bien-fondé de l'allégation de la requérante selon laquelle la division d'opposition aurait a priori refusé de l'entendre sur les questions relatives à l'activité inventive de l'objet du brevet.

A ce sujet, le contenu du dossier ne permet pas d'établir avec certitude si la division d'opposition a effectivement interdit à la requérante de développer une argumentation sur l'activité inventive de l'objet du brevet, ou si, après l'avoir entendue, elle a décidé de ne pas en tenir compte. L'identité du "document nouveau" sur lequel la division d'opposition, selon les intimées, aurait refusé d'ouvrir la discussion (point 1 de leurs observations datées du 8 mars 1989) n'est pas davantage établie.

Compte-tenu de ses conclusions précédentes, la Chambre juge inutile de poursuivre l'instruction du dossier pour établir les faits avec précision et se prononcer sur la pertinence des critiques de la requérante.

7. De l'avis de la Chambre, le non respect des dispositions de la règle 68(2), première phrase, de la CBE relatives à la motivation des décisions constitue un vice substantiel de procédure qui rend équitable le remboursement de la taxe de recours requis par la requérante.

8. La Chambre ayant ainsi fait droit aux requêtes principales de la requérante, sa requête auxiliaire relative à la mise en oeuvre d'une procédure orale est devenue sans objet.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition pour suite à donner.

3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.

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