European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1992:T012988.19920210 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 10 Fevrier 1992 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0129/88 | ||||||||
Numéro de la demande : | 80200517.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | D01F 6/60 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | AKZO | ||||||||
Nom de l'opposant : | Du Pont de Nemours | ||||||||
Chambre : | 3.3.03 | ||||||||
Sommaire : | 1. Bien qu'en vertu de l'article 114(1) CBE, l'OEB soit tenu de procéder à l'examen d'office des faits, il n'est pas tenu pour autant d'examiner s'il est vrai, comme l'a affirmé auparavant une partie, qu'il y a eu utilisation antérieure, dès lors que cette partie s'est depuis retirée de la procédure et que les faits pertinents peuvent difficilement être établis sans sa coopération. 2. L'introduction dans les revendications de caractéristiques concernant l'obtention de propriétés souhaitables au-delà d'une valeur minimale donnée n'appelle pas en soi d'objections. La portée d'une revendication peut notamment être suffisamment délimitée si l'existence de nombreux paramètres ainsi définis conduit dans la pratique à imposer des limites supérieures, compte tenu de l'ensemble des caractéristiques que comporte la revendication (même conclusion que dans la décision T 487/89 en date du 17 juillet 1991 - non publiée dans le JO OEB). 3. L'introduction d'une ou plusieurs caractéristiques de procédé dans une revendication de produit peut être admise si la présence de ces caractéristiques est souhaitable, compte tenu des effets de la législation nationale en vigueur dans un ou plusieurs Etats contractants (application en l'occurrence de la décision T 150/82, JO OEB 1984, 309, dont il est fait un commentaire dans la présente décision). |
||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | OEB tenu dans certaines limites seulement de procéder à l'examen d'office des faits Clarté des revendications |
||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 021 485 a été délivré le 23 mars 1983 sur la base de la demande n° 80 200 517.3 déposée le 3 juin 1980, qui revendiquait la priorité d'une demande néerlandaise n° 7 904 496 déposée le 8 juin 1979. Les revendications indépendantes 1 et 4 s'énoncent comme suit :
"1. Fibre faite d'un polyamide contenant plus de 95 mol % de poly-p-phénylène téréphtalamide et ayant une viscosité inhérente d'au moins 2,5, cette fibre ayant une ténacité d'au moins 10 cN/dtex, un allongement à la rupture d'au moins 2,7 % et un module initial d'au moins 300 cN/dtex, et étant caractérisée en ce qu'elle a un indice de sensibilité thermique ne dépassant pas 12.
4. Faisceau de filaments formé de filaments sans fin de la fibre selon une ou plusieurs des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'un câblé symétrique formé de ces filaments a une efficacité de câblé d'au moins 75 % lorsque ledit câblé a un facteur de torsion de 16 500 et que la surface des filaments du câblé est munie d'un adhésif."
La revendication 1 était suivie des revendications dépendantes 2 et 3 et la revendication 4 des revendications 5 à 9, suivies elles-mêmes de la revendication 10, revendication formellement indépendante qui portait sur un câblé fabriqué à partir de plusieurs faisceaux de filaments selon les revendications précédentes.
II. Le 22 décembre 1983, l'intimée a formé une opposition en vertu de l'article 100a) CBE, affirmant que le brevet ne répondait pas aux conditions requises aux articles 52 à 57 CBE. Elle a fait valoir notamment qu'elle avait elle-même fait usage antérieurement de fils aramides déterminés, qui selon elle présentaient toutes les caractéristiques énoncées dans la revendication 1 du brevet tel que délivré, et que cette utilisation antérieure était connue du public.
Après avoir produit un mémoire exposant les motifs de son opposition, l'intimée a cité dans sa lettre du 28 mai 1984 (p. 3), en plus du cas qu'elle avait évoqué dans le mémoire exposant les motifs de l'opposition, d'autres cas où il y aurait eu usage antérieur connu du public, et elle a produit à l'appui de ses dires plusieurs déclarations de témoins.
III. De surcroît, l'intimée a contesté la nouveauté et/ou l'activité inventive en se fondant sur plusieurs documents, dont les documents :
(2) : DE-B- 2 219 703 et
(9) : JP-A-18612/71.
Elle a affirmé qu'en reproduisant l'exemple 2A du document (2), l'on obtenait une fibre couverte par les revendications du brevet attaqué.
IV. Pour tenter de répondre à l'objection selon laquelle les revendications n'étaient pas suffisamment délimitées pour satisfaire au moins aux dispositions de la législation allemande, la requérante (titulaire du brevet) a cherché le 25 septembre 1987 à introduire une nouvelle revendication 2 s'énonçant comme suit :
"2. Fibre faite d'un polyamide contenant plus de 95 mol % de poly-p-phénylène téréphtalamide et ayant une viscosité inhérente d'au moins 2,5, cette fibre ayant une ténacité d'au moins 10 cN/dtex, un allongement à la rupture d'au moins 2,7 % et un module initial d'au moins 300 cN-dtex et étant caractérisée en ce qu'elle a un indice de sensibilité thermique ne dépassant pas 12 et qu'elle est obtenue par un procédé de filage consistant à filer une masse de filage ayant une température comprise entre 20° et 120° C et constituée d'un mélange d'acide sulfurique d'une concentration d'au moins 96 % en poids avec un polyamide ayant une viscosité inhérente d'au moins 2,5 et, calculée par rapport au poids du mélange, une concentration d'au moins 15 % en poids, la masse de filage étant extrudée vers le bas dans un bain de coagulation à partir d'une filière dont l'orifice d'écoulement est situé dans un milieu gazeux inerte à une courte distance au-dessus de la surface liquide du bain de coagulation, la masse de filage étant préparée, successivement, en refroidissant l'acide sulfurique concentré jusqu'au dessous de son point de solidification, en réunissant l'acide sulfurique ainsi refroidi et le polyamide et en les mélangeant jusqu'à obtenir un mélange à l'état solide qui sera chauffé à une température de filage."
Cette revendication devait être suivie des revendications 3 à 11 correspondant aux revendications 2 à 10 du brevet tel que délivré. La requérante a admis que les caractéristiques supplémentaires de la revendication 2 relatives à un procédé ne modifiaient pas la portée de la revendication 1, mais a fait valoir qu'il se pouvait que ces caractéristiques de procédé soient indispensables en Allemagne où des revendications ne définissant l'invention que par des caracteristiques souhaitables risquent d'être considérées comme non valables.
V. Par sa décision prononcée au cours d'une procédure orale le 24 novembre 1987 et notifiée par écrit le 15 janvier 1988, la division d'opposition a révoqué le brevet, jugeant qu'elle ne pouvait admettre la revendication 2 modifiée proposée par la requérante, vu la position adoptée antérieurement par la chambre de recours compétente dans la décision T 150/82, JO OEB 1984, 309, puisque les caractéristiques ajoutées n'avaient pas pour effet de modifier la portée de la revendication 2 par rapport à celle de la revendication 1. Elle a estimé d'autre part que la revendication 1 ne répondait pas à l'exigence de nouveauté puisque, comme l'avait affirmé l'intimée, il y avait eu utilisation antérieure connue du public, et a jugé que cette utilisation antérieure avait été suffisamment prouvée. En revanche, elle a rejeté l'autre objection concernant le défaut de nouveauté, considérant que l'intimée n'avait pu démontrer de façon convaincante que le produit obtenu dans l'exemple 2A du document (2) présentait toutes les caractéristiques du produit selon la revendication 1 du brevet en litige.
VI. Un recours contre cette décision a été formé le 18 mars 1988, et la taxe de recours a été acquittée le même jour. Dans son acte de recours, la requérante contestait qu'il y ait eu utilisation antérieure connue du public, comme l'avait estimé la division d'opposition, et demandait que l'on enjoigne à l'intimée de produire un échantillon du fil testé par un de ses témoins et que l'on interroge oralement la plupart des témoins dont les dépositions écrites avaient amené la division d'opposition à conclure à l'existence d'une utilisation antérieure connue du public.
VII. Par lettre en date du 18 mai 1988, l'intimée a retiré son opposition.
VIII. Le mémoire exposant les motifs du recours, dans lequel la requérante contestait notamment qu'il y ait eu utilisation antérieure publique, a été déposé le 25 mai 1988, c'est-à-dire après ce retrait de l'opposition. La requérante a critiqué la procédure suivie par la division d'opposition, affirmant que celle-ci n'aurait pas dû retenir comme preuves les déclarations écrites produites par les témoins. IX.En même temps qu'elle déposait son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a présenté une requête principale sur la base des revendications déposées le 25 septembre 1987, et trois requêtes subsidiaires sur la base des revendications du brevet tel que délivré et de certaines autres variantes des revendications. Lors d'un entretien téléphonique avec la requérante, le 25 septembre 1991, la Chambre a déclaré qu'elle doutait que les revendications 1 et 2 telles qu'énoncées ci- dessus soient admissibles et a invité la requérante à demander le remplacement de la revendication 1 par la revendication 2 précitée au lieu de présenter celle-ci comme une revendication supplémentaire. Par lettre en date du 7 octobre 1991, la requérante a formulé une requête unique en ce sens.
X. La requérante a demandé le maintien du brevet conformément à la requête qu'elle avait formulée dans sa lettre du 7 octobre 1991. Ayant retiré son opposition, l'intimée n'a plus joué aucun rôle dans la procédure de recours.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE; il est donc recevable.
2. Admissibilité des modifications
2.1.1 En ce qui concerne tout d'abord la question de savoir si la revendication actuelle telle que modifiée est suffisamment claire au sens de l'article 84 CBE, la Chambre est d'avis que, dans certains cas, une revendication peut appeler des objections si l'invention n'est définie que par des caractéristiques souhaitables. Toutefois, comme l'a indiqué la Chambre dans sa décision antérieure T 487/89 en date du 17 juillet 1991 (non publiée dans le JO OEB), il peut arriver que la portée d'une revendication se trouve suffisamment restreinte par la présence d'autres caractéristiques qui viennent limiter dans la pratique ces caractéristiques souhaitables, à limite supérieure ou inférieure indéterminée. La question de savoir si une revendication exposant des caractéristiques souhaitables est suffisamment délimitée est une question qui doit être tranchée cas par cas, en fonction des circonstances de l'espèce.
2.1.2 Comme l'a indiqué la Chambre dans l'affaire susmentionnée,
"3.5 La deuxième objection relative à l'insuffisance de l'exposé se fondait sur le fait qu'il avait été indiqué une limite inférieure pour la ténacité et l'allongement à la rupture ..., mais pas de limite supérieure. La division d'opposition a estimé que ces paramètres à limite supérieure indéterminée sont toujours contestables lorsqu'ils se rapportent à une caractéristique souhaitable en soi. La Chambre quant à elle n'est pas aussi catégorique. La question de savoir si, dans un cas donné, l'on peut admettre l'absence d'une limite supérieure ou d'une limite inférieure dans une revendication dépend de l'ensemble des circonstances de l'espèce. Lorsque, comme c'est le cas en l'occurrence, la revendication vise à couvrir toutes les valeurs qui peuvent être obtenues au-delà d'un seuil minimal déterminé, l'on peut considérer, compte tenu des autres paramètres de la revendication, que ces paramètres à limite supérieure indéterminée n'appellent pas normalement d'objection."
2.1.3 Dans la présente affaire, force est de constater que sur les sept caractéristiques exposées dans la revendication, quatre au moins sont des caractéristiques souhaitables. Toutefois, la division d'examen s'est déclarée disposée à considérer que la revendication est suffisamment délimitée au regard de l'article 84 CBE, et vu les circonstances de l'espèce, la Chambre se rallie à cet avis.
2.1.4 La Chambre estime qu'il est de fait pour le technicien qu'une revendication consistant en une combinaison d'un grand nombre de caractéristiques souhaitables peut le cas échéant avoir en réalité une portée limitée. Par exemple, en métallurgie, il est bien connu que la dureté et la résistance au choc sont deux propriétés inversement proportionnelles. Une augmentation de la dureté se traduit habituellement par une perte de résistance au choc et vice-versa. Alors qu'une revendication portant sur des alliages d'une composition donnée d'une dureté supérieure à un niveau minimum pourrait appeler des objections au motif qu'il s'agirait d'une revendication correspondant à une pure vue de l'esprit parce que portant sur des alliages présentant des coefficients de dureté encore inconnus, l'introduction d'une autre caractéristique à limite supérieure indéterminée, telle que le niveau minimal de résistance au choc, peut imposer dans la pratique une limite supérieure stricte à la dureté, ce qui permettrait d'écarter l'objection selon laquelle la revendication a une portée trop vaste.
2.2.1 Pour pouvoir juger si la revendication 1 actuelle telle qu'elle a été modifiée est ou non admissible, il importe en outre de savoir si la CBE autorise l'introduction dans une revendication d'un produit de caractéristiques de procédé apparemment sans influence sur la portée de la revendication. Cette modification que la requérante souhaite apporter en vue de répondre à une objection soulevée par l'intimée dans son acte d'opposition devrait permettre au brevet d'être valable en Allemagne.
2.2.2 A ce sujet, dans la décision T 150/82, publiée au JO OEB 1984, 309 (cf. point V ci-dessus), la chambre de recours compétente avait fait observer que normalement, d'après la CBE, les revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention ne sont pas admissibles, et la Chambre partage ce point de vue. La chambre de recours avait estimé par ailleurs (au point 10 de la décision, page 316 op. cit.), que les revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention doivent être réservées aux "cas où le produit ne peut être défini de manière satisfaisante par référence à sa composition, sa structure ou à tout autre paramètre pouvant être testé".
Là encore, la Chambre partage d'une manière générale le point de vue qui avait été adopté dans l'affaire précédente.
2.2.3 Toutefois, les constatations qui avaient été faites par la chambre de recours dans cette affaire ne permettent pas de répondre à la question qui se pose dans la présente espèce, et qui est celle-ci : dans le cas où, dans un ou plusieurs Etat(s) contractant(s), les revendications exposant des caractéristiques souhaitables ne seraient pas autorisées, existe-t-il dans la CBE ou dans son règlement d'exécution des dispositions interdisant à l'OEB d'admettre une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention lorsqu'une telle revendication est présentée en vue de tourner cette interdiction ?
2.2.4 Eu égard à la décision T 150/82 susmentionnée, l'on peut affirmer que, dans de tels cas, l'invention ne peut effectivement être "délimitée de façon satisfaisante" s'il n'est pas fait référence au procédé ; il serait en effet regrettable que l'OEB refuse l'introduction d'une caractéristique qui permettrait à une revendication d'être valable dans certains Etats contractants. En outre, de l'avis de la Chambre, l'introduction dans la revendication 1 actuelle de limitations par le biais de caractéristiques relatives à un procédé va probablement avoir pour effet dans la pratique de limiter l'indétermination qui résulterait sinon de certaines caractéristiques exposées dans cette revendication. Ainsi, bien qu'il soit indiqué une ténacité d'au moins 10 cN/dtex, sans limite supérieure, les limitations apportées par les caractéristiques du procédé peuvent dans la pratique avoir pour effet d'imposer une limite supérieure. Par conséquent, la Chambre ne voit aucune raison de s'opposer dans ces conditions à l'introduction de caractéristiques ayant trait à un procédé.
2.3 L'introduction dans la revendication 1 de caractéristiques ayant trait à un procédé se fonde sur certains passages de la description de la demande telle que déposée (lignes 1 à 17, page 1 et passage allant de la ligne 34 de la page 5 à la ligne 1 de la page 6; ces passages correspondent aux lignes 5 à 11 de la page 2 et aux lignes 56 à 60 de la page 3 du fascicule du brevet délivré. Comme il est indiqué ci-dessus au point 2.2.4, l'étendue de la revendication s'en trouve limitée par rapport à l'étendue de la revendication 1 du brevet délivré. Par conséquent, la Chambre estime que la modification est admissible au regard des articles 123(2) et 123(3) CBE.
3. Utilisation antérieure connue du public
3.1 Bien qu'en vertu de l'article 114(1) CBE, les chambres de recours (au même titre que les divisions d'opposition) soient tenues de procéder à l'examen d'office des faits, elles ne sont pas tenues pour autant d'examiner s'il est vrai, comme l'a affirmé une partie, qu'il y a eu antérieurement utilisation connue du public, dès lors que cette partie s'est depuis retirée de la procédure et que les faits pertinents peuvent difficilement être établis sans sa coopération.
3.2 En effet, l'obligation d'examiner d'office les faits qui incombe à l'OEB en vertu de l'article 114(1) CBE n'a pas une portée illimitée; elle est limitée par la nécessité de s'en tenir à ce qui est raisonnable et opportun. Aucun service de l'OEB ne doit consacrer trop de temps ou d'efforts à une seule affaire, au détriment de ses autres activités. Lorsqu'une partie à une procédure d'opposition allègue, par exemple, une utilisation antérieure connue du public, ou une divulgation orale antérieure, il arrive souvent qu'elle soit seule en possession de tous les éléments de preuve nécessaires à l'établissement de ces faits. Si cette même partie se retire par la suite de la procédure d'opposition, indiquant par là qu'elle se désintéresse désormais de son aboutissement, l'OEB, dans le souci de ne pas retarder la procédure, ne doit pas normalement poursuivre l'examen de ces faits, même s'il peut obliger les témoins concernés à témoigner, soit devant l'OEB, soit devant le tribunal d'un Etat contractant, selon le pays où ces témoins ont leur domicile. Les principes applicables en droit allemand sont passés en revue dans Schulte, Patentgesetz (4e édition, Carl Heymanns Verlag), section 35, note 9, page 303. La Chambre estime que les mêmes principes sont applicables en droit européen.
3.3 Il en irait autrement si l'utilisation antérieure connue du public avait par exemple déjà été établie au vu de documents d'une authenticité indiscutable ou si, comme dans une affaire récente (décision T 629/90, JO OEB 1992, 654), les faits matériels en relation avec l'utilisation antérieure connue du public qui avait été alléguée n'étaient pas contestés par le requérant (titulaire du brevet).
3.4 En conséquence, la Chambre estime dans la présente affaire que c'est à tort qu'il a été allégué l'existence d'une utilisation antérieure connue du public.
4. Nouveauté par rapport aux documents cités
4.1 Une autre objection soulevée par l'intimée à l'encontre de la nouveauté de l'invention est que selon elle, si l'on fabriquait un produit comme il est indiqué dans l'exemple 2A du document (2), l'on obtiendrait nécessairement un produit présentant toutes les propriétés d'une fibre polyamide obtenue conformément aux indications données dans la revendication 1 du brevet en litige. Toutefois, comme l'a fait remarquer la division d'opposition, l'exactitude de la reproduction qui a été faite de l'exemple 2A a pu à juste titre être mise en doute. La Chambre a réexaminé les arguments avancés à ce sujet et n'est pas convaincue que la reproduction de l'exemple 2A à laquelle déclare avoir procédé l'intimée ait été satisfaisante.
4.2 De surcroît, il est à noter qu'il ressort des essais comparatifs décrits dans le brevet attaqué (page 8, lignes 34 à 65) que des fibres fabriquées selon un procédé très proche de celui utilisé dans l'exemple 2A du document (2) ont des propriétés de sensibilité thermique très inférieures à celles de fibres obtenues selon l'invention. La Chambre n'est donc pas convaincue qu'il convient de conclure pour cette raison à l'absence de nouveauté de l'invention.
4.3 L'opposition ayant été retirée, la Chambre estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus en détail cette question et se rallie par conséquent à l'opinion émise par la division d'opposition en ce qui concerne la nouveauté.
5. Activité inventive
5.1 Dans l'argumentation qu'elle a développée devant la division d'opposition, l'intimée a dénoncé essentiellement l'absence de nouveauté de l'invention, en faisant valoir soit qu'il y avait eu utilisation antérieure connue du public, soit que la reproduction de l'exemple 2A du document (2) conduisait nécessairement au même produit que le produit selon l'invention. Toutefois, l'activité inventive a également été contestée sur la base du document (9). Celui-ci divulgue le mélange de plusieurs polymères solides avec des solvants gélifiés, suivi du chauffage et de l'extrusion en vue de produire des fibres, les solvants comprenant de l'eau, du diméthylsulfoxyde, du benzène et du m-crésol mélangé à du phénol (pages 3 et 4 de la traduction).
5.2 Bien que le document (9) traite d'une méthode qui ressemble à celle de la présente invention, à savoir un mélange effectué à basse température, suivi du chauffage du mélange et de l'extrusion d'une fibre, il ne prévoit pas le mélange de polyamides avec de l'acide sulfurique, et il ne traite nullement du problème à résoudre par l'invention, qui est d'obtenir des fibres ayant une sensibilité thermique particulièrement basse. Il n'est que de comparer les chiffres de sensibilité thermique indiqués dans le brevet en litige pour les exemples selon l'invention et les chiffres indiqués dans les exemples comparatifs II(a) et II(b) pour constater que l'invention permet d'obtenir une amélioration considérable de la sensibilité thermique.
5.3 En lisant le document (9), l'homme du métier se rendra peut-être compte que la technique qui y est divulguée peut être appliquée aux fibres de polyamides, éventuellement en présence d'acide sulfurique, mais rien ne dit que l'adoption de ce procédé dans le mélange polyamide/acide sulfurique présenterait un quelconque avantage, ni à plus forte raison l'avantage spécifique obtenu selon l'invention. Par conséquent, la Chambre ne considère pas que la présente invention découle d'une manière évidente de ce document et elle rejette donc l'objection relative au manque d'activité inventive. Vu la date tardive à laquelle a été formé le présent recours et le fait que l'intimée a retiré son opposition, la Chambre, estimant que les antériorités citées ne permettent pas de mettre sérieusement en doute l'existence d'une activité inventive, juge dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui a conféré l'article 111(1) CBE que l'examen de cette question ne doit pas être soumis à nouveau à la division d'opposition.
6. Conclusion
N'ayant retenu aucune des objections formulées à l'encontre de l'objet du brevet, la Chambre fait droit à la requête principale de la requérante, si bien qu'elle n'a pas à se prononcer sur ses requêtes subsidiaires. Elle considère que l'objet de la revendication 1 du brevet en litige est nouveau et implique une activité inventive, comme l'exigent les articles 54 et 56 CBE ; cet objet est donc brevetable. Les revendications dépendantes 2 à 10 concernent soit des variantes de la fibre couverte par la revendication 1, soit un faisceau de filaments ou un câblé qui sont tous constitués de fibres entièrement comprises dans la portée de la revendication 1, raison suffisante pour justifier le maintien par ailleurs de ces revendications.
DISPOSITIF
Par ces raisons, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la division d'opposition, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet sur la base des revendications déposées par la requérante dans sa lettre du 7 octobre 1991 et de la description du brevet tel que délivré, sous réserve qu'il ait été apporté les modifications proposées dans ladite lettre.