T 0231/85 (Dérivées du triazole) of 8.12.1986

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1986:T023185.19861208
Date de la décision : 08 Décembre 1986
Numéro de l'affaire : T 0231/85
Numéro de la demande : 81101742.5
Classe de la CIB : H01N 43/64
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : BASF
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : 1. Le fait qu'une substance soit connue n'est pas opposable à la nouveauté d'une utilisation inconnue jusqu'ici de cette substance (en l'espèce : utilisation comme fongicide), même si la nouvelle utilisation ne requiert pas d'autre réalisation technique (en l'espèce : aspersion de plantes utiles) que celle nécessaire à une utilisation connue de la même substance (en l'espèce : utilisation comme régulateur de croissance).
2. La non-prise en compte de pièces ou de requêtes par suite d'un retard qui s'est produit à l'Office et qui n'est pas imputable aux parties intéressées constitue un vice substantiel de procédure au sens de la règle 67 CBE, vice en raison duquel le remboursement de la taxe de recours s'impose comme étant conforme à l'équité.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 R 67
Mot-clé : Nouveaté - nouvelle utilisation d'une substance connue
Activité inventive - effet non spécifié
Vice substantiel de procédure (oui)
Non prise en compte d'une requête par suite d'un retard à l'Office
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0002/88
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0002/88
G 0006/88
T 0276/88
T 0598/88
T 0578/90
T 0958/90
T 0254/93
T 0848/93
T 0892/94
T 0754/95
T 0161/96
T 1073/96
T 0978/97
T 1104/99
T 0400/02
T 0684/02
T 0316/08
T 2090/15
T 2243/16
T 2232/17
T 1338/18
T 1504/21

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 81 101 742.5 déposée le 10 mars 1981 et publiée sous le n° 37 468, qui revendiquait la priorité d'une demande allemande en date du 24 mars 1980, a été rejetée le 2 juillet 1985 par décision de la Division d'examen 001. Cette décision a été rendue sur la base de quatre revendications, dont le texte abrégé se lit comme suit :

"1. Procédé de lutte contre les champignons, caractérisé en ce qu'on fait agir sur eux un dérivé du triazole de formule générale ... dans laquelle ..., ou des sels ou des composés métalliques complexes de ceux-ci.

2. Procédé de lutte préventive contre les champignons, caractérisé en ce qu'on fait agir un dérivé du triazole selon la revendication 1 sur des objets menacés par des champignons.

3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'on utilise ... (composé spécifique A) ... comme dérivé du triazole.

4. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'on utilise ... (composé spécifique B) ... comme dérivé du triazole."

II. La demande a été rejetée en vertu de l'article 54(3) CBE pour absence de nouveauté par rapport à la demande de brevet européen antérieure EP-A-19 762 - document (1) - qui ne faisait pas partie de l'état de la technique publié.

Le document (1) décrit un procédé de régulation de la croissance des plantes à l'aide des mêmes composés que ceux qu'il est prévu d'utiliser, selon l'invention, dans un procédé de lutte contre les champignons. Si, comme dans la présente espèce, deux revendications ne se distinguent l'une de l'autre que par la finalité indiquée, cette indication impliquant les mêmes caractéristiques techniques, il y a lieu de considérer que les objets de ces revendications sont les mêmes (page 4, 1er alinéa de la décision attaquée).

III. Le 22 mai 1985, la demanderesse a présenté deux requêtes subsidiaires tendant à l'obtention d'un brevet, la première pour l'objet de deux revendications de procédé correspondant aux revendications 3 et 4 contenues dans la requête principale, la seconde pour l'utilisation d'un dérivé du triazole en vue de la préparation d'un fongicide, caractérisée en ce que sont utilisés des composés énumérés dans la revendication 1 de la requête principale (revendication 1) ou des composés A et B tels que définis dans les revendications 3 et 4 de la requête principale (revendications 2 et 3). La décision rendue le 2 juillet 1985 n'a pas tenu compte de ces requêtes subsidiaires, celles-ci n'ayant été portées à la connaissance de la Division d'examen, ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'un entretien téléphonique qui a eu lieu le 8 juillet 1985, qu'après que la décision eut été rendue.

Il ressort également de ce procès-verbal que la Division d'examen, tout en considérant que la première requête subsidiaire était admissible, n'a pas été disposée à y faire droit conformément à l'article 109 CBE, au motif que la demanderesse maintenait sa requête principale.

IV. Le 13 juillet 1985, la demanderesse a formé un recours contre la décision de la Division d'examen, acquitté en même temps la taxe correspondante et produit le mémoire exposant les motifs du recours. Ce mémoire fait référence à la décision Gr 01/83* de la Grande Chambre de recours, en date du 5 décembre 1984 (JO OEB 1985, 60) et en conclut pour l'essentiel que si l'on admet la nouveauté d'une deuxième utilisation pharmaceutique d'une substance ou d'une composition, bien qu'une première utilisation en soit connue, il faut également considérer comme nouvelle une deuxième utilisation agricole. La requête principale et les deux requêtes subsidiaires ont dans un premier temps été maintenues sans changement.

* Pour la version français correspondant à cette décision cf. Gr. 06/83, JO OEB 1985, 67 - "Deuxième indication médicale/PHARMUKA".

V. Le 7 mai 1986, la requérante (demanderesse) a présenté une troisième requête subsidiaire, dont la revendication 1 portait sur l'utilisation des dérivés du triazole définis dans la revendication 1 de la requête principale en vue de lutter contre les champignons. La revendication 2 de la troisième requête subsidiaire portait - à titre de variante - sur l'utilisation correspondante des composés spécifiques A et B prévus dans les revendications 3 et 4 de la requête principale.

VI. La Chambre ayant proposé de transformer en requête principale la requête subsidiaire, du fait que la portée de cette dernière était la plus étendue, la requérante, tenant compte de tous les jeux de revendications déposés jusqu'alors sous la forme de requêtes subsidiaires, a finalement soumis comme nouvelle requête principale les deux revendications suivantes (reproduites sous une forme abrégée) :

"1. Utilisation d'un dérivé du triazole de formule générale ...(identique à la requête principale antérieure) ... ou du sel ou du composé métallique complexe de celui-ci pour la lutte contre les champignons y compris à des fins préventives.

2. Utilisation de ... (composé A ou B) ... selon la revendication 1."

La requérante demande la délivrance d'un brevet sur la base de ces revendications.

Motifs de la décision

(...)

3. La décision attaquée se fonde sur le document (1) comme représentant le seul état de la technique pertinent. Ce document décrit à la fois les dérivés du triazole en tant que tels, dont la revendication 1 de la présente demande propose l'utilisation comme fongicides, et leur utilisation en tant qu'agents influençant la croissance des plantes. Le traitement consiste, comme dans le cas de l'objet de la présente demande, par exemple en l'aspersion ou le poudrage des plantes utiles ou en l'enrobage des semences (cf. document (1), p. 16, et la présente demande, p. 13, dernier alinéa).

4. La première instance a estimé que par rapport à cet état de la technique, le procédé de lutte contre les champignons au moyen des dérivés du triazole concernés, tel qu'il était revendiqué au départ, et qui correspond pour l'essentiel par sa teneur à l'utilisation revendiquée à présent, n'était plus nouveau. Bien que cela ne soit pas expressément dit dans la décision attaquée, elle a apparemment considéré que tant dans l'état de la technique reflété par le document (1) que conformément à la demande, les plantes, essentiellement les plantes utiles, telles que les céréales, subissent un traitement aux composés du triazole qui est identique et qui, indépendamment du but visé, produit inévitablement toujours le même résultat. En effet, lorsqu'on traite une plante avec un produit agissant aussi bien comme régulateur de croissance que comme fongicide, cette plante soumise au traitement selon le document (1) pour la régulation de sa croissance est également protégée - éventuellement sans qu'on le sache - contre les champignons, tout comme le traitement d'une plante avec le même produit, bien qu'à seule fin de la protéger contre les champignons, influence de fait aussi sa croissance. En somme, la plante et le champignon "ignorent" les desseins de l'homme à leur sujet.

5. Dans le cas où il s'agissait, comme dans la revendication 1 déposée à l'origine, de revendiquer des agents fongicides en tant que tels, ces agents étaient effectivement dépourvus de nouveauté par rapport au document (1). En effet, selon la forme générale dans laquelle ils ont été revendiqués, ces agents fongicides ne se distinguent en rien par leurs caractéristiques techniques (structurelles) des agents régulateurs de croissance exposés dans le document (1).

Il ne saurait toutefois en être de même pour l'utilisation actuellement revendiquée, ainsi qu'il ressort à l'évidence si l'on considère l'invention comme une solution à un problème.

6. Dans la mesure où le document (1) constitue l'état de la technique, on peut considérer que le problème que l'invention se propose de résoudre consiste à découvrir pour les composés du triazole conformes à ce document (1) une nouvelle application venant s'ajouter à celles déjà mentionnées. Selon les revendications, ce problème est résolu par l'utilisation proposée de ces mêmes composés en tant que fongicides (au demeurant, contrairement à ce qui est dit à la page 4, lignes 12 et 13 de la décision attaquée, fongicides destinés à protéger non seulement des plantes, mais également d'autres substrats (cf. page 14, ligne 29 à page 15, ligne 8)). Même si l'on fait abstraction de ces autres substrats, l'enseignement technique contenu dans la demande - utilisation en vue de la lutte contre les champignons de plantes utiles ou d'un traitement préventif de celles-ci contre les champignons - se distingue de celui contenu dans le document (1) qui concerne le traitement de plantes en vue d'en influencer la croissance. S'il est vrai que toute mise en pratique de l'enseignement divulgué par le document (1) devait inévitablement entraîner, sans qu'on le veuille ni qu'on le sache, un effet de protection contre les champignons, c'est néanmoins la présente demande qui a enseigné pour la première fois comment obtenir cet effet de protection délibérément et avec un but bien arrêté, c'est-à-dire comment traiter précisément ces mêmes plantes (ou d'autres objets, cf. supra) qui sont infestées de champignons nocifs ou qui sont menacées de l'être. Le fait qu'une substance soit connue n'exclut donc pas la nouveauté d'une utilisation inconnue jusqu'ici de cette substance, même si la nouvelle utilisation ne requiert pas d'autre réalisation technique que celle nécessaire à une utilisation déjà connue de la même substance. L'utilisation revendiquée est donc nouvelle.

7. La Chambre estime qu'en outre la revendication de procédé 1 sur laquelle se fonde la décision attaquée et, à plus forte raison, les revendications de procédé qui sont limitées à l'utilisation de substances selon la requête subsidiaire 1 présentée le 22 mai 1985 remplissent la condition de brevetabilité qui est que l'invention doit être nouvelle par rapport au document (1).

8. ... (Sur l'activité inventive)

9. En l'absence d'une description modifiée en fonction des revendications actuelles, le brevet ne peut pas encore être délivré. La demande est donc renvoyée devant la Division d'examen.

10. Bien que la requérante n'ait pas demandé le remboursement de la taxe de recours, la Chambre, se proposant d'examiner cette question, est parvenue à la conclusion suivante :

La décision rendue le 2 juillet 1985 ne tient pas compte de deux requêtes subsidiaires dont l'Office était en possession depuis le 22 mai 1985. Si la Division d'examen ne saurait être tenue pour responsable de ce que ces requêtes subsidiaires n'ont pas été portées à sa connaissance en temps utile, cette faute est toutefois imputable à l'OEB. En effet, l'Office doit être organisé de telle manière que le courrier reçu soit transmis sans délai au service ou à l'instance appelée à prendre une décision. Aucune partie à une procédure n'est censée compter avec un délai de transmission à l'intérieur de l'Office d'environ six semaines. Bien au contraire, les parties doivent pouvoir se fier à ce que des pièces décisives afférentes à une affaire dans laquelle il sera statué sous peu soient transmises à l'instance concernée dans un délai de quelques jours suivant leur réception. Il est inadmissible qu'il s'écoule près de six semaines, comme ce fut en l'occurrence le cas, avant que les requêtes présentées par la demanderesse ne soient portées à la connaissance de la Division d'examen. La non-prise en compte de pièces ou de requêtes par suite d'un retard qui s'est produit à l'Office et qui n'est pas imputable aux parties intéressées constitue un vice substantiel de procédure au sens de la règle 67 CBE, vice en raison duquel le remboursement de la taxe de recours s'impose. Dans la présente espèce, le remboursement est équitable, étant donné que non seulement le jeu de revendications nouvellement soumis le 30 octobre 1986, mais aussi au moins l'un des jeux dont l'Office était en possession à la date à laquelle la décision attaquée a été rendue auraient évité le rejet de la demande pour absence de nouveauté. Au demeurant, dès que la Division d'examen a eu connaissance, d'une part, de l'existence d'un recours recevable, et qui était fondé au moins, comme elle l'avait admis elle-même, dans les limites de la requête subsidiaire 1 présentée à l'époque, et, d'autre part, du vice de procédure incriminé, elle aurait dû, en vertu de l'article 109 CBE faire droit au recours, reprendre la procédure d'examen et ordonner le remboursement de la taxe de recours.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant la Division d'examen pour poursuite de la procédure d'examen sur la base des revendications déposées le 30 octobre 1986.

3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.

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