European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1988:T012385.19880223 | ||||||||
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Date de la décision : | 23 Fevrier 1988 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0123/85 | ||||||||
Numéro de la demande : | 80105230.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | C11D 3/37 | ||||||||
Langue de la procédure : | DE | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | BASF | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.02 | ||||||||
Sommaire : | 1. Lors de la procédure d'opposition, le titulaire du brevet ne peut renoncer à tout ou partie de son brevet (suivant les décisions T 73/84 - 3.2.1, JO OEB 1985, 241 ; T 186/84 - 3.3.1, JO OEB 1986, 79). Lors de la procédure d'opposition, le titulaire du brevet est libre de modifier après coup une requête déjà déposée, et notamment de défendre à nouveau son brevet tel qu'il a été délivré, à condition que cela ne constitue pas un détournement de procédure (cf. points 3.1.1 et 3.1.2 des motifs). 2. Le titulaire du brevet qui se conforme à une proposition de la division d'opposition en ajoutant un élément à la revendication est en droit , si le brevet est révoqué au motif que cet élément en constitue une extension inadmissible, de supprimer cet élément lors de la procédure de recours (cf. point 3.1.3 des motifs). |
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Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Procédure d'opposition Renonciation à tout ou partie du brevet (éléments de la revendication) Détournement de procédure Renvoi de l'affaire (oui) |
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Exergue : |
- |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 80 105 230.9 en date du 3 septembre 1980, pour laquelle était revendiquée la priorité d'une demande déposée le 13 septembre 1979, a donné lieu le 22 septembre 1982 à la délivrance du brevet européen n° 25 551 comportant une seule revendication libellée comme suit :
Utilisation, comme inhibiteurs d'inscrutation dans des produits de lavage, de copolymères qui contiennent, en liaison polymère, comme motifs monomères, 40 à 90 % d'acide (méth)acrylique et 60 à 10 % d'acide maléique, rapportés au poids des polymères, ou de leurs sels alcalins ou d'ammonium.
II. Les intimées ont fait opposition au brevet et, se référant à des passages extraits de diverses publications, elles ont conclu à sa révocation en se fondant sur les articles 52 à 57 CBE.
Invoquant d'autres documents, la requérante a alors déposé une nouvelle revendication dont le texte était le suivant :
Utilisation, comme inhibiteurs d'inscrutation pour le lavage de textiles, de copolymères qui contiennent, en liaison polymère, comme motifs monomères, 40 à 90 % d'acide (méth)acrylique et 60 à 10 % d'acide maléique, rapportés au poids des polymères, et dont, à l'état insaponifié, la valeur K est de 10 à 40, ou de leurs sels alcalins ou d'ammonium, dans des produits de lavage sans phosphate ou à faible teneur en phosphate, contenant moins de 27 parties en poids d'un phosphate, dans une quantité - par rapport à la substance sèche - de 0,5 à 10 %.
La revendication déposée simultanément par la requérante dans sa requête subsidiaire se différenciait de cette nouvelle revendication uniquement en ce que les valeurs revendiquées pour l'acide (méth)acrylique et l'acide maléique, utilisés comme motifs monomères, se situaient dans des plages plus étroites.
III. Par décision en date du 23 janvier 1985 et remise à la poste le 27 février 1985, la Division d'opposition, invoquant les articles 83, 84 et 123(3) CBE, a révoqué le brevet ; elle a motivé sa décision à peu près en ces termes :
La requérante a admis, lors de la procédure orale du 21 janvier 1985, que les revendications selon la requête principale et la requête subsidiaire devaient en réalité comporter, à la place de "... produits de lavage sans phosphate ou à faible teneur en phosphate, contenant moins de 27 parties en poids d'un phosphate ...", expression ayant suscité des objections, les termes "... 27 % en poids ...". Toutefois, ni la description, ni le produit de lavage A, utilisé comme base de référence pour les essais, et qui ne contient que 99 parties, n'autorisent une telle interprétation. Cette tentative d'apporter une précision après coup - dans la mesure où l'on se fonde sur la nouvelle expression pour la suite de l'examen - doit par conséquent être considérée comme contrevenant aux dispositions de l'article 123(3) CBE. Les revendications en question ne sont donc pas admissibles.
La façon dont doivent être déterminées les valeurs K des copolymères à l'état insaponifié n'est pas claire non plus. Il est admis que les produits contenant comme motifs monomères, en liaison polymère, 40 à 90 % d'acide (méth)acrylique et 60 à 10 % d'acide maléique ne sont pas solubles dans le solvant prescrit à cet effet, le méthyléthylcétone (MEC). La revendication ne se limite en outre à aucun procédé de fabrication. Le fait d'indiquer dans la description que les copolymères peuvent être obtenus par réaction d'anhydride maléique avec de l'acide (méth)acrylique, puis par saponification, n'apporte pas de précision suffisante. Il en résulte que pour reproduire l'invention, il doit également être possible de partir d'un copolymère obtenu d'une façon quelconque, c'est-à-dire sans utilisation d'anhydride maléique (art. 84 CBE).
En ce qui concerne la détermination de la valeur K selon Fikentscher, on est tributaire des indications figurant dans la description, dans laquelle est cité un passage extrait de Cellulosechemie 13, pp. 58 s, de l'année 1932. Dans cet article, il n'est toutefois pas question de mesures de viscosité pour des copolymères du type envisagé dans la présente espèce. Il s'avère maintenant que pour obtenir les résultats auxquels la requérante est parvenue par le biais d'une interprétation - s'agissant également de la corrélation entre valeurs K et masses moléculaires - force est d'étudier d'autres documents et d'effectuer des essais non prescrits dans le détail, ce que l'on ne saurait exiger du public. L'objet du brevet n'est donc pas exposé de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (article 83 CBE).
Les mêmes considérations s'appliquent à la revendication selon la requête subsidiaire.
L'objet du brevet n'a pas été examiné du point de vue de la nouveauté et de l'activité inventive, du fait qu'il n'existe aucune certitude quant aux valeurs K que doivent présenter les copolymères à base d'acide acrylique et d'acide maléique à utiliser effectivement, ni par conséquent quant à leurs masses moléculaires, et qu'il n'est pas possible de comparer de façon incontestable la masse moléculaire de ces produits avec celles des produits compris dans l'état de la technique.
IV. La titulaire du brevet (l'actuelle requérante) a déposé le 27 avril 1985 un acte de recours contre cette décision et acquitté en même temps la taxe de recours ; le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé dans les délais, le 29 juin 1985.
(...)
V. (...) Dans sa dernière version, qui fait l'objet de la requête principale présentée lors de la procédure orale devant la Chambre de recours, la revendication s'énonce comme suit :
Utilisation, comme inhibiteurs d'inscrutation pour le lavage de textiles, de copolymères qui contiennent, en liaison polymère, comme motifs monomères, 40 à 90 % en poids d'acide (méth)acrylique et 60 à 10 % en poids d'acide maléique, rapportés au poids des polymères, ou de leurs sels alcalins ou d'ammonium, dans des produits de lavage sans phosphate ou à faible teneur en phosphate, dans une quantité, par rapport à la substance sèche, de 0,5 à 10 % en poids.
(...)
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106,107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. D'après l'unique revendication déposée lors de la procédure orale du 23 février 1988 (requête principale), le brevet litigieux porte sur l'utilisation de certains copolymères comme inhibiteurs d'incrustation dans des formules de produits de lavage. Ils sont destinés à remplacer les polyphosphates que l'on a jusqu'à présent employés à cet effet et dont l'utilisation est de plus en plus à proscrire en raison des risques de pollution des eaux.
Par incrustation, l'on entend le dépôt, au cours du lavage, de résidus anorganiques salins sur les fibres textiles.
3. Le brevet a été révoqué pour non-respect des conditions énoncées aux articles 123(3), 84 et 83 CBE.
3.1 Dans la version actuelle de la revendication, l'incise précisant la teneur en phosphate des produits de lavage ("contenant moins de 27 parties en poids d'un phosphate") et contre laquelle la Division d'opposition avait soulevé des objections a été supprimée, si bien que le motif de la non- conformité aux dispositions de l'article 123(3), invoqué pour révoquer le brevet, a disparu.
Il ressort clairement du texte actuel de la revendication que les inhibiteurs d'incrustation revendiqués sont destinés à être utilisés, en quantité limitée en poids, dans des produits de lavage sans phosphate ou à faible teneur en phosphate, pour le lavage de textiles. La protection conférée par cette revendication dans le brevet litigieux n'est donc pas étendue, mais réduite, et les dispositions de l'article 123(3) CBE sont par conséquent respectées. Les éléments nouvellement ajoutés, mis ici en évidence par la Chambre, ayant été divulgués dès le départ, les modifications effectuées ne vont pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée et les conditions énoncées à l'article 123(2) CBE sont donc elles aussi respectées.
3.1.1. L'une des intimées (l'opposante 02) avance que la requérante ne peut plus supprimer l'élément "moins de 27 parties en poids d'un phosphate" qu'elle avait introduit dans la revendication lors de la procédure en première instance, parce que, "en vertu des principes généraux de procédure", elle est tenue de l'y maintenir du fait de sa déclaration de renonciation partielle. Tel n'est pas l'avis de la Chambre. La Convention sur le brevet européen ne prévoit pas la possibilité pour le titulaire du brevet de déclarer au cours de la procédure d'opposition qu'il renonce à son brevet. Il ne peut renoncer à son brevet ni en totalité, pour mettre ainsi fin à la procédure (cf. T 73/84 - 3.2.1, JO OEB 1985, 241, point 4 ; T 186/84-3.3.1, JO OEB 1986, 79), ni en partie, pour en limiter le contenu. Une limitation rétroactive du brevet est toujours subordonnée à une décision en ce sens des chambres de recours de l'Office européen des brevets.
Au cours de la procédure d'opposition, le titulaire du brevet peut demander uniquement de modifier son brevet ; il peut même pour cela former opposition contre son propre brevet (cf. décision G 01/84, JO OEB 1985, 299). Conformément à l'article 113(2) CBE, l'Office européen des brevets doit s'en tenir aux requêtes déposées par le titulaire du brevet. Cela ne signifie cependant pas que le titulaire qui a demandé la révocation de son brevet ou l'autorisation de le limiter soit lié par cette requête. Si le titulaire du brevet a lui-même formé opposition et demandé la révocation de son brevet, il est certain qu'il peut en principe retirer sa requête ou la modifier à tout moment. Il en va de même lorsque ce n'est pas le titulaire qui a formé opposition, mais un tiers.
En déposant une requête en maintien de son brevet sous une forme limitée, le titulaire du brevet ne fait en principe rien d'autre qu'exprimer sa volonté d'essayer de délimiter son brevet compte tenu d'objections soulevées soit par l'Office européen des brevets, soit par les opposants. Le dépôt d'une requête en limitation ne signifie par contre pas que le titulaire renonce définitivement à la partie du brevet tel que délivré dont il fait ainsi abstraction. En dehors de cette possibilité, le titulaire du brevet n'a - comme indiqué plus haut - aucun pouvoir légal de déclarer qu'il renonce à une partie de son brevet.
C'est pourquoi, en principe, le titulaire du brevet est libre de modifier après coup, pendant la procédure d'opposition, une requête déjà déposée. Il peut aussi bien donner une teneur différente à sa requête en limitation que défendre de nouveau son brevet tel qu'il a été délivré.
3.1.2. Selon la Chambre, il convient toutefois d'émettre une réserve quant à la recevabilité des modifications que le titulaire d'un brevet apporte à sa requête au cours de la procédure d'opposition. En effet, la modification de la requête ne doit pas constituer un détournement de procédure (cf. décision T 64/85 - 3.4.1, en date du 19 janvier 1988, point 2.6). La Chambre estime qu'il est possible d'envisager des cas dans lesquels le titulaire du brevet pourrait ne pas être autorisé à abandonner sa requête en maintien de son brevet sous une forme limitée afin de défendre à nouveau celui-ci dans son intégralité. Si la modification de la requête constitue un acte de venire contra factum proprium, elle est irrecevable.
3.1.3. Or, rien dans la présente espèce ne permet de tirer une telle conclusion. Dans sa notification en date du 20 septembre 1984, la Division d'opposition avait demandé à la requérante (la titulaire du brevet) de définir ce qu'il convenait d'entendre par produit de lavage "à faible teneur en phosphate" et, pour ce faire, de spécifier qu'il s'agissait de produits contenant moins de 27 parties en poids d'un phosphate. A la suite de cette notification, la requérante a, par un courrier daté du 13 décembre 1984, déposé une nouvelle revendication, conforme à ce qu'avait demandé la Division d'opposition. Dans la décision attaquée, la Division d'opposition a précisément vu dans l'adjonction de cet élément une extention inadmissible de l'objet de la demande, et c'est pour cette raison, entre autres, qu'elle a révoqué le brevet. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la requérante, saisissant la Chambre de recours, supprime l'élément dont la Division d'opposition considérait l'adjonction, qu'elle avait elle-même suggérée, comme représentant une extension inadmissible de l'objet de la demande, et défend ainsi de nouveau son brevet tel qu'il a été délivré.
3.1.4. Dans la présente espèce, la position de la Chambre est conforme à la décision T 64/85 - 3.4.1, rendue le 19 janvier 1988. Dans cette affaire, le titulaire du brevet avait spontanément déposé une version limitée de ses revendications, sans même y avoir été invité par la Division d'opposition, son intention ayant été de composer avec l'opposant. La Chambre a considéré que le titulaire du brevet n'était pas lié par sa requête en limitation, et qu'en fait cette requête constituait plutôt une proposition dans le but de parvenir le plus rapidement possible à un arrangement à l'amiable avec l'opposant. C'est pourquoi, tout comme la Chambre saisie du présent recours, la Chambre 3.4.1 a estimé que le titulaire du brevet, bien qu'ayant auparavant déposé une requête en limitation, avait le droit de défendre de nouveau son brevet tel que délivré.
3.1.5. L'intimée ne pourrait pas non plus invoquer à l'appui de son argumentation les décisions J 15/85, JO OEB 1986, 395, et T 61/85 - 3.3.2, en date du 30 septembre 1987.
Dans la décision J 15/85, faisant suite à une procédure intéressant une seule partie, il a été considéré que le fait de déposer des revendications jugées admissibles par la Division d'examen, tout en déclarant que les autres revendications doivent être supprimées, signifie que l'on renonce aux revendications supprimées et que, par conséquent, il n'est pas possible par la suite de fonder une demande divisionnaire sur les revendications ainsi abandonnées.
D'autre part, selon la décision T 61/85 - 3.3.2, le fait que le demandeur ait expressément renoncé à certains éléments et procédé en conséquence à des suppressions dans la revendication et, parallèlement, dans la description, constitue effectivement un abandon de sa part.
De ces deux décisions, rendues chacune à l'issue d'une procédure intéressant une seule partie, il découle que le demandeur peut renoncer à certaines parties de sa demande avant la délivrance du brevet. Cette jurisprudence n'est pas transposable au cas d'une opposition car ce n'est alors plus une demande de brevet qui est en cause, mais un brevet délivré. Comme indiqué plus haut, le titulaire du brevet ne peut renoncer à tout ou partie de son brevet en faisant une déclaration dans ce sens devant l'Office européen des brevets.
3.2 Le passage relatif à la valeur K du copolymère insaponifié, qui se trouvait dans la revendication sur laquelle se fondait la décision attaquée, ne figure plus dans la nouvelle revendication, si bien que l'on peut considérer que l'objection soulevée eu égard à l'article 84 CBE n'a également plus lieu d'être. D'ailleurs, le non-respect des dispositions de l'article 84 CBE n'est pas un motif de révocation au sens de l'article 100 CBE.
(...)
5. La question de savoir si l'objet du brevet litigieux est nouveau et s'il implique une activité inventive n'a pas encore été examinée de façon définitive ...
(...)
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la Division d'opposition aux fins de poursuite de la procédure sur la base de la requête déposée à titre principal lors de la procédure orale.