T 0831/17 (Haar ou Munich comme lieu de la procédure orale) of 25.2.2019

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2019:T083117.20190225
Date de la décision : 25 Fevrier 2019
Numéro de l'affaire : T 0831/17
Décision de la Grande Chambre des recours G 0002/19
Numéro de la demande : 10182497.7
Classe de la CIB : H04L 29/06
H04L 29/08
H04W 28/06
H04W 80/00
H04W 80/02
H04W 80/04
H04W 88/18
Langue de la procédure : DE
Distribution : A
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : IPCom GmbH & Co. KG
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.5.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 6(2)
European Patent Convention Art 112
European Patent Convention Art 115
European Patent Convention Art 116(1)
Mot-clé : Droit d'être entendu au lieu approprié
Saisine de la Grande Chambre de recours - par la Chambre de recours – Question de droit d'importance fondamentale
Recevabilité du recours
Procédure orale - devant la Chambre
Droit à une procédure orale - également en cas de recours manifestement irrecevable ?
Exergue :

Questions soumises :

1. Dans la procédure de recours, le droit à une procédure orale prévu par l'article 116 CBE est-il limité si le recours est manifestement irrecevable ?

2. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, un recours dirigé contre la décision de délivrer le brevet, est-il, en ce sens, manifestement irrecevable s'il est formé par un tiers au sens de l'article 115 CBE, qui fait valoir, pour justifier son recours, que la CBE ne prévoit aucun autre remède juridique contre une décision de la division d'examen de ne pas tenir compte de ses objections concernant une violation alléguée de l'article 84 CBE ?

3. S'il est répondu par la négative à l'une des deux premières questions, la chambre de recours peut-elle tenir la procédure orale à Haar sans enfreindre l'article 116 CBE, si le requérant a fait valoir que cette localité n'est pas conforme à la CBE et s'il a demandé que la procédure orale soit déplacée à Munich ?

Décisions citées :
G 0001/88
G 0001/97
G 0003/14
J 0012/83
J 0010/88
J 0002/93
J 0016/94
J 0024/94
J 0009/04
J 0009/11
J 0010/11
J 0022/12
J 0010/15
T 0383/87
T 0656/98
T 0402/01
T 0502/02
T 1012/03
T 0431/04
T 0591/05
T 0689/05
T 1449/05
T 0189/06
T 0883/06
T 0263/07
T 1042/07
T 1426/07
T 1251/08
T 1259/09
T 1950/09
T 0234/10
T 1829/10
T 0150/11
T 0179/11
T 1142/12
T 0655/13
T 2054/15
T 0084/16
T 0861/16
T 1575/16
T 2575/16
T 0095/17
T 1407/17
T 2687/17
T 1633/18
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0831/17
T 0660/19

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant, qui n'était pas partie à la procédure d'examen, mais a présenté durant celle-ci différentes observations en tant que tiers, attaque, par le présent recours, la décision de la division d'examen du 12 janvier 2017 relative à la délivrance du brevet européen no 2 378 735 prise en application de l'article 97(1) CBE.

II. Il conteste la non-prise en compte des objections pour manque de clarté qu'il avait soulevées contre les revendications du brevet tel que délivré et estime qu'il doit être admis à former un recours contre la décision de délivrance du brevet, car sinon, en raison du nombre limité de motifs d'opposition, il ne disposerait d'aucun autre moyen de recours contre la non-prise en compte de ses objections au titre de l'article 84 CBE.

III. Dans deux notifications en date du 25 mai 2018 et du 1er octobre 2018, la Chambre a attiré l'attention du requérant sur l'intention du législateur, telle qu'elle ressort de la CBE, de ne conférer un droit de recours qu'aux seules parties à la procédure et non aux tiers qui formulent des observations. Elle a indiqué que les chambres de recours sont liées par la CBE et ne peuvent pas elles-mêmes créer de nouvelles voies de recours extra legem. Elle a conclu qu'il fallait s'attendre à un rejet du recours pour irrecevabilité.

IV. Le titulaire du brevet s'est rallié à l'avis de la Chambre et a avancé d'autres raisons pour lesquelles le recours est selon lui irrecevable (ambiguïté concernant l'identité du requérant, inobservation de délai et indication insuffisante de la décision attaquée). Ces objections, que la Chambre n'a pas considérées comme fondées dans son opinion provisoire, ne sont pas pertinentes pour les besoins de la décision.

V. Le requérant soutient qu'il existe un vide juridique inacceptable et souhaite que cette question fondamentale fasse l'objet d'une clarification par voie de décision. Il a donc demandé la tenue d'une procédure orale concernant également la question de la recevabilité et, après avoir été cité par la Chambre à une procédure orale prévue pour le 25 janvier 2019 dans le bâtiment des chambres de recours à Haar, il a demandé que la procédure orale soit déplacée à Munich, au motif que l'Office européen des brevets y a son siège et que Haar, contrairement à La Haye, n'est "manifestement pas prévu dans la Convention sur le brevet européen comme lieu pour réaliser des actes juridiques ou tenir des procédures".

VI. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre a suspendu la tenue de la procédure orale jusqu'à ce que les questions soumises, reproduites ci-dessous, soient tranchées par la Grande Chambre de recours.

Motifs de la décision

Selon la Chambre, il convient de soumettre à la Grande Chambre de recours la question de savoir où doit se dérouler la procédure orale (question 3), en application de l'article 112(1)a) CBE, étant donné que cette question revêt une importance fondamentale pour un grand nombre de procédures de recours (cf. point 1 ci-dessous), que la réponse à cette question permettra en outre d'assurer une application uniforme du droit (cf. point 2 ci-dessous) et que la Chambre estime qu'une décision est nécessaire à ce sujet (cf. point 3 ci-dessous). Les questions 1 et 2 relatives à la nécessité de tenir une procédure orale en cas de recours manifestement irrecevable sont des questions préliminaires déterminantes pour la décision et il convient en outre d'y répondre pour assurer une application uniforme du droit (cf. point 4 ci-dessous).

1. La question du lieu où doit se dérouler la procédure orale se pose dans tous les cas où une partie formule une objection contre une citation à Haar. Elle a donc une importance fondamentale au sens de l'article 112(1)a) CBE, deuxième alternative. Tant une décision de la Chambre de ne pas déplacer la procédure orale qu'une décision de déplacer la procédure orale à Munich ne seraient pas susceptibles de dissuader les parties dans d'autres procédures de demander de changer le lieu de la procédure orale. Dans la deuxième hypothèse en particulier, il faudrait s'attendre à une grande insécurité juridique le temps qu'une pratique uniforme se dégage parmi les différentes chambres, et des problèmes organisationnels non négligeables se poseraient. Demander à la Grande Chambre de recours de trancher la question semble donc s'imposer comme la voie la mieux adaptée pour apporter une réponse uniforme à la question fondamentale de savoir où doit se dérouler la procédure orale pour toutes les chambres et toutes les affaires dans les procédures de recours.

2. La saisine permettra en outre d'uniformiser la jurisprudence, qui diverge par certains aspects, notamment sur la portée de la compétence des chambres pour connaître des demandes de changement du lieu de la procédure orale (cf. points 3.2.1 et 3.2.2, ainsi que l'opinion de la Chambre à ce propos au point 3.2.3).

3. La Chambre estime qu'une décision relative à la demande de changement du lieu de la procédure orale est nécessaire pour les motifs suivants :

3.1 Comme il a déjà été conclu dans plusieurs décisions, le droit à une procédure orale, en tant qu'élément du droit d'être entendu, ne couvre pas uniquement le droit d'être entendu, mais également le droit de pouvoir présenter ses arguments au lieu approprié (T 1012/03, point 25 des motifs ; T 689/05, point 5.1 des motifs).

3.2 Le lieu approprié n'est pas automatiquement le siège de l'Organisation européenne des brevets défini à l'article 6(1) CBE, mais généralement le lieu mentionné à l'article 6(2) CBE où l'instance de l'Office européen des brevets chargée de la procédure au sens de l'article 15 CBE est implantée, à condition toutefois que cette implantation soit conforme aux dispositions de la Convention sur le brevet européen (T 1012/03, points 41 s. des motifs ; T 689/05, point 5.3 des motifs).

3.2.1 Par conséquent, dans les décisions susmentionnées, les chambres qui, après la suppression de la séparation géographique entre les divisions de la recherche et les divisions d'examen, étaient appelées à statuer sur la question de savoir si une division d'examen avait le droit de citer les parties à une procédure orale sur son nouveau site, ont vérifié si le Président de l'Office européen des brevets était habilité à implanter des divisions d'examen dans le département de l'Office situé à La Haye (T 1012/03, points 41 s. des motifs ; T 689/05, point 5.3 des motifs).

3.2.2 Dans la décision T 1142/12, bien que la chambre soit arrivée à la conclusion que la détermination du lieu, de la salle et de la date d'une procédure orale est de nature organisationnelle et ne constitue dès lors pas une décision de la division d'examen relative à une demande de brevet susceptible d'être réexaminée par une chambre (points 2.7.1 à 2.7.3 des motifs), elle a néanmoins concédé qu'il convenait au préalable de trancher la question fondamentale de savoir si la décision administrative avait un fondement dans la CBE et si elle n'avait pas conduit à des vices substantiels de procédure vis-à-vis des parties (point 2.12 des motifs).

3.2.3 La présente Chambre n'est pas d'accord avec le premier point mentionné de cette décision (point 2.7.3 des motifs) : les instances de l'Office européen des brevets prennent, dans la conduite des procédures qui leur sont confiées, des décisions qui portent certes sur des questions administratives, mais qui peuvent néanmoins être réexaminées lors de recours, concernant par exemple la question de savoir si la date est fixée suffisamment à l'avance ou s'il est fait droit à une demande de changement du lieu de la procédure orale, mais également la détermination du lieu où sera exécutée la mesure d'instruction (descente sur les lieux, audition des témoins qui ne peuvent pas se déplacer ou qui refusent de se rendre sur le site de l'instance). Les demandes de changement du lieu de la procédure orale doivent donc également être tranchées par les instances concernées dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés pour conduire la procédure et il ne semble pas exclu, dans certains cas particuliers, de tenir la procédure orale à un autre endroit, par exemple sur le lieu de la mesure d'instruction.

En revanche, la Chambre partage l'avis émis dans le deuxième passage précité de cette décision (point 2.12 des motifs) ainsi que dans les deux décisions mentionnées ci-dessus au point 3.2, selon lequel la question de la conformité avec la CBE de l'implantation d'une instance sur un site se pose préalablement à la question de la régularité de la citation des parties sur ce site et donc de la garantie du droit d'être entendu.

Dans la mesure où il ressort implicitement de la juxtaposition des deux passages cités de la décision T 1142/12 que les décisions de tenir, dans certains cas, la procédure orale à un autre lieu que sur le site d'une instance devraient être rares et qu'elles sont à distinguer de la question fondamentale de savoir où cette instance peut être implantée conformément à la CBE, la Chambre est également d'accord avec cette distinction.

La décision de saisine doit justement permettre de trancher cette question fondamentale au moyen d'une seule décision avec effet pour toutes les futures procédures devant les chambres de recours à Haar.

3.3 La réponse à cette question dépendra principalement de la question de savoir si le Président de l'Office européen des brevets ou le Conseil d'administration de l'Organisation européenne des brevets, qui a autorisé le Président de l'Office à louer le nouveau bâtiment et donc à déplacer les chambres de recours dans la commune de Haar, étaient habilités à implanter des instances de l'Office au sens de l'article 15 CBE en dehors des lieux cités dans la CBE (article 6(2)), y compris le Protocole sur la centralisation (section I(3)a)), ou s'il convient d'interpréter l'article 6(2) CBE de telle sorte que "Munich" désigne non pas la ville dénommée ainsi, mais toute une région indéterminée, ou bien l'arrondissement du même nom, qui, comme les arrondissements de Dachau ou de Fürstenfeldbruck, jouxte la ville de Munich (laquelle, étant autonome, n'appartient pas à l'un des arrondissements).

S'agissant des organisations internationales, les auteurs Schermers et Blokker (International Institutional Law, La Haye, 1995, ISBN : 90-411-0108-X, p. 319) énoncent ce qui suit : "La ville dans laquelle le secrétariat est établi est généralement appelée le "siège" de l'organisation". De la même manière, dans le droit national des États membres applicable dans tous les systèmes juridiques connus de la Chambre, le siège indiqué dans le statut d'une personne morale se rapporte à la commune ou la ville dans laquelle la personne morale a son siège, et non à une région indéterminée ou une collectivité territoriale. Selon la Chambre, rien ne justifie d'interpréter le terme "Munich" différemment à l'article 6(1) CBE et à l'article 6(2) CBE. D'ailleurs, l'Office européen des brevets constitue également le "secrétariat" de l'Organisation européenne des brevets, dont l'acte constitutif, la CBE, a été signé à Munich (cf. le lieu de signature indiqué à l'article 178 CBE).

Dans son ouvrage intitulé The annotated European Patent Convention (édition 2018, ISBN : 9789403506746, Wolters Kluwer), Derk Visser évoque, au point 1 de la partie consacrée à l'article 6 CBE, une prétendue intervention orale du "législateur" dans le cadre de la révision de la CBE en 2000, selon laquelle les lieux cités dans la CBE devaient être entendus au sens large et que, par conséquent, La Haye désignait la province de Hollande-Méridionale et Munich l'État libre de Bavière. Malheureusement, Derk Visser n'indique aucune source et les recherches de la Chambre réfutent une telle expression de la volonté du législateur. On ne voit même pas comment le "législateur", autrement dit l'ensemble des délégations à la conférence diplomatique de novembre 2000, aurait pu s'exprimer oralement. Le rapport de la conférence (MR/24/00) ne mentionne nullement une telle intervention orale, ne serait-ce que d'une seule délégation. Il n'était pas prévu de modifier l'article 6 CBE et il s'avère que cette question n'a pas non plus été soulevée dans le contexte de la suppression du terme "La Haye" aux articles 16 et 17 CBE visant à rendre possible l'introduction de la nouvelle procédure BEST (points 61 et 62 du rapport de la conférence) ou dans le cadre des discussions relatives au Protocole sur les effectifs (MR/PLD 5/00 ; points 321 à 341 du rapport de la conférence) ou encore dans les déclarations d'ouverture des délégations (points 9 à 33 du rapport de la conférence). Il ressort au contraire des documents de préparation de la conférence établis par le Comité "Droit des brevets" que la préoccupation exprimée par l'epi, selon laquelle "la suppression des références géographiques [aux articles 16 et 17 CBE] pourrait donner lieu à une nouvelle dissémination des lieux d'implantation de l'Office", était injustifiée, étant donné que le projet était bien défini et qu'il n'était pas envisagé de réviser l'article 6 CBE (CA/PL PV 6, points 19 à 22). La Chambre n'a trouvé aucune indication laissant entendre que cela ait été perçu ou même exprimé différemment par l'un des participants lors de la conférence diplomatique.

On peut également se demander si, concernant l'article 6(2) CBE, il faut appliquer les mêmes critères pour interpréter le terme "Munich" que pour interpréter le terme "La Haye". À cet égard, il convient de noter que lorsqu'il avait été convenu de faire de Munich et de La Haye les sites du futur Office européen des brevets en juin 1972 (voir travaux préparatoires, BR/219/72, points 173 à 181) et en octobre 1973 (article 6 CBE 1973), les agences de l'Institut International des Brevets (IIB) à intégrer dans l'Office européen des brevets (cf. Protocole sur la centralisation, sections I(1) et V(1)) étaient réparties sur plusieurs sites à La Haye et dans la commune voisine de Rijswijk, tandis que pour Munich, il n'avait jamais été question, dans la phase de conception, d'un autre site que la ville de Munich, où l'Office allemand des brevets avait également son siège. C'est pourquoi, dans l'Accord de siège conclu ultérieurement entre l'Organisation européenne des brevets et le Royaume des Pays-Bas, le département mentionné à l'article 6 CBE est défini comme étant "le département de l'Office européen des brevets à La Haye (Rijswijk)" (article premier de l'accord), tandis que, dans l'accord conclu avec la République fédérale d'Allemagne, où il est considéré, dans le préambule, "qu'en vertu de l'article 6 de ladite Convention [CBE] l'Office européen des brevets est situé à Munich", seule la ville de Munich est nommée, l'immeuble Motorama étant le site provisoire et le bâtiment Isar alors en phase de construction étant le site définitif (article 11(1) et (2) de l'accord). Il n'a jamais été question de sites dans les communes attenantes et le fait qu'un des trois arrondissements attenant à Munich porte le même nom que la ville de Munich devrait dès lors n'avoir aucune signification d'un point de vue historique.

La Chambre ne connaît pas l'argumentation précise sur laquelle le Président de l'Office s'est appuyé en 2016 pour conclure qu'un déplacement des chambres de recours dans un lieu situé en dehors des frontières de Munich était conforme à la CBE. Elle ne s'est donc pas encore forgé d'opinion définitive à ce sujet. Cela n'est toutefois pas nécessaire pour l'objet même de la question soumise dans le cadre de la décision de saisine, de sorte que la Chambre n'a pas invité le Président de l'Office européen des brevets à prendre position au titre de l'article 18 du règlement de procédure des chambres de recours. La Grande Chambre de recours s'en chargera le cas échéant, en application de l'article 9 de son règlement de procédure.

3.4 La Chambre part du principe que, malgré son avis provisoire selon lequel le recours est irrecevable, la question du lieu de la procédure orale est déterminante également dans la présente affaire. Elle rejoint en ce sens la jurisprudence dominante (cf. point 4.1 ci-dessous), selon laquelle il convient généralement de faire droit à une demande du requérant tendant à recourir à une procédure orale également en cas de recours manifestement irrecevable. Même si le requérant, en tant que tiers, n'était pas partie à la procédure d'examen (cf. article 115, seconde phrase CBE), il est devenu, en formant le recours, partie à la procédure de recours. À ce titre, il a droit en principe, conformément à l'article 116(1) CBE, à une procédure orale, même si son recours sera probablement considéré comme manifestement irrecevable, étant donné que le requérant n'est pas admis à former un recours en vertu de l'article 107 CBE. Les circonstances semblent donc similaires à celles de l'affaire T 1259/09, dans laquelle une autre chambre avait tenu une procédure orale concernant le recours d'une partie qui, sans avoir été partie à la procédure d'examen, avait présenté au cours de celle-ci une requête en rectification de la décision de délivrance du brevet et avait ensuite formé un recours contre le fait que cette rectification n'avait pas été effectuée.

4. Étant donné le manque d'uniformité de la jurisprudence en ce qui concerne le droit à une procédure orale en cas de recours manifestement irrecevable, la Chambre soumet également pour décision à la Grande Chambre de recours les questions préliminaires qui se posent concernant le besoin de tenir une procédure orale, et ce pour assurer une application uniforme du droit à l'avenir.

4.1 Dans leur pratique quotidienne, les chambres de recours partent du principe qu'il convient toujours de faire droit à une demande de procédure orale d'un requérant et n'établissent pas, en ce qui concerne l'objet de la procédure, de distinction entre le bien-fondé et la recevabilité du recours formé ou selon son degré d'irrecevabilité manifeste. Dans les affaires suivantes par exemple, le besoin ou la pertinence d'une procédure orale n'ont pas été remis en question alors qu'il n'était question que de la recevabilité : J 9/04, J 9/11 et J 10/15 (absence de voie de recours auprès des chambres de recours), J 2/93, J 24/94 et J 22/12 (absence de décision susceptible de recours), T 656/98 et T 1259/09 (requérant non admis à former un recours), T 1633/18 (recours valablement formé, mais insuffisamment motivé, cf. point X. de l'exposé des faits), J 12/83, T 591/05 et T 84/16 (absence de grief pour le requérant), J 16/94 (intention conditionnée et donc équivoque de former un recours), J 10/88 et T 1950/09 (absence de mémoire exposant les motifs du recours), T 150/11 et T 2054/15 (dépôt tardif du mémoire exposant les motifs du recours), J 10/11, T 502/02 et T 1407/17 (recours insuffisamment motivé). Quelques décisions (cf. p. ex. T 189/06, point 18 des motifs, T 263/07, point 2.1 des motifs, T 1426/07, point 4 des motifs, et T 1251/08, point 2.2 des motifs) évoquent un "droit absolu" à la tenue d'une procédure orale. Dans la décision T 383/87 (cf. point 9 des motifs), le seuil pour rejeter une demande de procédure orale n'est considéré comme atteint que dans des circonstances exceptionnelles, à savoir en cas d'abus de droit. Dans les décisions T 1829/10 (cf. point 2.3 des motifs) et T 2687/17 (cf. point 2 des motifs), la chambre part du principe qu'une procédure orale dont la tenue est demandée doit impérativement avoir lieu et qu'il n'existe en la matière aucune marge de manœuvre.

4.2 Dans la décision G 1/97 (point 6 des motifs, dernier paragraphe), la Grande Chambre de recours a toutefois développé le principe selon lequel un recours contre la décision d'une chambre de recours qui – en raison de l'utilisation d'un moyen de recours inexistant – est manifestement irrecevable doit être rejeté par cette dernière, sans observer davantage de formalités et, en particulier, sans tenir de procédure orale, pour garantir rapidement la sécurité juridique. Dans la jurisprudence ultérieure des chambres de recours, ce principe a été appliqué à plusieurs reprises dans une telle situation (cf. entre autres les décisions T 402/01 du 4 octobre 2005, point 3.2 des motifs, T 431/04, point 4 des motifs, et T 883/06, point 3 des motifs).

4.3 Dans un autre groupe de décisions, les chambres ont estimé qu'une procédure orale est superflue si un requérant, qui a présenté une demande de procédure orale dans l'acte de recours, sans toutefois produire ensuite de mémoire exposant les motifs du recours, ne réagit pas à une indication de la chambre que le recours doit être considéré comme irrecevable (T 1042/07, T 234/10, T 179/11, T 1575/16, T 2575/16, T 95/17 notamment). Cela a été justifié par le fait que la demande de procédure orale était devenue obsolète et que l'absence de réaction devait être considérée comme valant abandon de la demande. Étant donné que le principe de droit romain "Qui tacet consentire videtur" ("Qui ne dit mot consent") n'est pas reconnu dans la CBE en dehors des dispositions prévoyant explicitement une perte de droit en conséquence d'une absence de réaction (cf. G 1/88, points 2.1 et 3 des motifs, T 861/16, point 2.4.3 des motifs et T 2687/17, point 5 des motifs ; décision divergente, mais ne tenant pas compte de la décision G 1/88 : T 655/13, point 2.4.2(b) des motifs ; en tant qu'exception se démarquant de la décision G 1/88 : T 1449/05, point 2.9 des motifs), ces décisions semblent également reposer sur l'idée selon laquelle la tenue d'une procédure orale en cas de recours manifestement irrecevable ne constituerait qu'un excès de formalisme.

4.4 Dans ce contexte, la première question soumise vise à clarifier si la Grande Chambre de recours voit dans la jurisprudence dont elle est à l'origine avec la décision G 1/97, ainsi qu'éventuellement dans le groupe de décisions issues de la décision T 1042/07, une idée susceptible d'être généralisée, selon laquelle le droit à une procédure orale dans la procédure de recours est subordonné à l'existence d'un recours qui ne soit pas manifestement irrecevable.

4.5 La deuxième question soumise applique ce qui précède à la présente affaire, dans laquelle un tiers, qui a présenté des observations au titre de l'article 115 CBE au stade de l'examen, alléguant alors en vain que les revendications du brevet contrevenaient à l'article 84 CBE, revendique un droit de recours extraordinaire contre la décision de délivrance, au motif que, suite à la décision G 3/14, il n'existe aucune autre voie de recours contre la violation alléguée de l'article 84 CBE par la division d'examen.

4.6 La Chambre considère que la question du droit de former un recours et le nombre limité de motifs d'opposition sont clairement réglementés dans la CBE. Même s'il s'ensuit qu'un tiers n'a aucune possibilité de faire réexaminer par une division d'opposition ou une chambre de recours, dans une procédure de recours, son interprétation de l'article 84 CBE et l'interprétation divergente de la division d'examen, la Chambre estime qu'elle n'a pas la possibilité de créer elle-même une voie de recours extraordinaire qui n'est pas prévue par la CBE.

À ce sujet, la Grande Chambre de recours a déjà retenu dans la décision G 1/97 (point 3 b) des motifs, premier alinéa) ce qui suit : "Dans un système de codification, tel que celui de la CBE, le juge ne peut se substituer, au fur et à mesure des besoins, au législateur qui demeure la première source du droit. Certes, il peut être amené à combler des lacunes, en particulier quand il s'avère que le législateur a omis de régler certaines situations." La Chambre ne voit en l'occurrence aucune lacune juridique involontaire qu'il conviendrait de combler par analogie. Elle partage en outre l'interprétation adoptée dans la décision G 1/97 (point 3 a) des motifs), selon laquelle l'article 125 CBE ne peut pas non plus être invoqué pour introduire de nouvelles voies de recours.

Le cas présent serait dès lors similaire à celui décrit par la chambre juridique dans la décision J 10/15 (point 6 des motifs) : "La chambre constate que le recours repose sur une question de politique juridique qui relève de la compétence des États membres, à savoir s'il convient, dans le cadre d'une convention internationale ou d'une révision d'une convention internationale existante, d'introduire un moyen de recours (supplémentaire)."

La Chambre considère donc que le recours est clairement irrecevable, si bien que la deuxième question soumise est pertinente, à savoir s'il convient de ranger la présente affaire parmi les cas de recours manifestement irrecevables pour lesquels une procédure orale n'a pas été jugée nécessaire ou parmi les cas pour lesquels il y a lieu de tenir une procédure orale si la demande en est faite.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Conformément à l'article 112(1)a) CBE, les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours pour décision :

1. Dans la procédure de recours, le droit à une procédure orale prévu par l'article 116 CBE est-il limité si le recours est manifestement irrecevable ?

2. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, un recours dirigé contre la décision de délivrer le brevet, est-il, en ce sens, manifestement irrecevable s'il est formé par un tiers au sens de l'article 115 CBE, qui fait valoir, pour justifier son recours, que la CBE ne prévoit aucun autre remède juridique contre une décision de la division d'examen de ne pas tenir compte de ses objections concernant une violation alléguée de l'article 84 CBE ?

3. S'il est répondu par la négative à l'une des deux premières questions, la chambre de recours peut-elle tenir la procédure orale à Haar sans enfreindre l'article 116 CBE, si le requérant a fait valoir que cette localité n'est pas conforme à la CBE et s'il a demandé que la procédure orale soit déplacée à Munich ?

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