European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2003:T071199.20031021 | ||||||||
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Date de la décision : | 21 Octobre 2003 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0711/99 | ||||||||
Numéro de la demande : | 94402525.3 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 7/13 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant un dérivé de paraphénylènediamine et un dérivé de métaphénylènediamine, et procédé de teinture utilisant une telle composition | ||||||||
Nom du demandeur : | L'OREAL | ||||||||
Nom de l'opposant : | Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien Wella AG Bristol-Myers Squibb Company |
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Chambre : | 3.3.07 | ||||||||
Sommaire : | 1. L'opposant ne peut disposer librement de sa qualité de partie à la procédure conformément au principe général du droit selon lequel les actions en justice ne peuvent se transmettre à titre particulier gratuit ou onéreux mais seulement par voie universelle (point 2.1.5b)). Dès lors qu'il a formé opposition en remplissant les conditions pour que cette opposition soit recevable, il est opposant et le demeure jusqu'à la fin de la procédure ou de sa participation à la procédure. 2. La transmissibilité de la qualité d'opposant, admise au profit d'un ayant-cause à titre particulier à l'occasion de la cession d'un département industriel demeure une exception au principe général du droit de l'indisponibilité de l'opposition ci-dessus cité. 3. Cette exception est d'interprétation restrictive (point 2.1.5c)) et s'oppose à ce que par voie d'analogie soit reconnue à la société mère opposante, à l'occasion de la cession de la filiale qui avait elle même qualité pour former opposition dès l'origine, la faculté reconnue à un opposant de céder sa qualité d'opposant à l'occasion de la cession d'un département industriel inséparable de ladite opposition, qui, lui, n'avait pas qualité pour former opposition (point 2.1.5.f)). L'intérêt à agir, notion indifférente quant à la recevabilité de l'opposition lors de la formation de l'opposition continue à n'avoir aucune incidence par la suite sur le sort du statut de l'opposant (point 2.1.5.d). |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Transfert de l'opposition (non) Modifications - recevables (oui) Nouveauté au vu des documents des actes d'opposition (oui) Eléments nouveaux de preuve : utilisation antérieure publique - tardifs (oui) - pertinents (non) ; nouveau document - tardif (oui) - pertinent (oui) Renvoi (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 94 402 525.3, déposée le 8. novembre 1994 et revendiquant la priorité de la demande nationale FR 9400700 du 24 janvier 1994, a donné lieu à la délivrance du brevet européen n° 0 665 005 sur la base de 11 revendications. Les revendications 1 et 9 à 11 s'énonçaient comme suit :
"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, du type comprenant dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un précurseur de colorant d'oxydation et au moins un coupleur, caractérisée par le fait qu'elle contient, à titre de précurseur de colorant d'oxydation, au moins une paraphénylènediamine de formule (I) suivante :
FORMULE (I)
dans laquelle m est un nombre entier égal à zéro ou 1, et n est un nombre entier compris inclusivement entre 1 et 4, et/ou au moins l'un des sels d'addition de cette paraphénylènediamine avec un acide, et à titre de coupleur, au moins une métaphénylènediamine de formule (II) suivante :
FORMULE (II)
dans laquelle, R1 désigne un atome d'hydrogène, un radical alkyle contenant de 1 à 3 atomes de carbone, ou un radical monohydroxyalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone, R2 désigne un atome d'hydrogène, un radical mono- ou poly-hydroxyalcoxy contenant de 2 à 3 atomes de carbone et comportant de 1 à 2 groupements hydroxyle, R3 désigne un radical alkyle contenant de 1 à 3 atomes de carbone, un radical mono- ou polyhydroxyalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone et comportant de 1 à 2 groupements hydroxyle, un radical aminoalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone, un groupement 2,4-diaminophénoxyalkyle dans lequel le radical alkyle contient de 1 à 4 atomes de carbone, étant entendu que lorsque R1 désigne un atome d'hydrogène ou un radical alkyle, alors R3 est différent d'un radical alkyle, et que lorsque R2 désigne un radical mono- ou poly-hydroxyalcoxy, alors R1 désigne obligatoirement un atome d'hydrogène et R3 un radical mono- ou polyhydroxyalkyle, et/ou au moins l'un des sels d'addition de cette métaphénylènediamine avec un acide."
"9. Procédé de teinture des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisé par le fait qu'il consiste à appliquer sur les fibres une composition de teinture (A) selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, et à révéler la couleur en milieu alcalin neutre ou acide à l'aide d'un agent oxydant qui est ajouté juste au moment de l'emploi à cette composition (A) ou qui est présent dans une composition (B) appliquée simultanément ou séquentiellement de façon séparée."
"10. Dispositif à plusieurs compartiments ou "Kit" pour la teinture des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisé par le fait qu'il comporte au moins deux compartiments, dont l'un d'entre eux renferme une composition (A) telle que définie dans l'une quelconque des revendications 1 à 8, et un autre une composition (B) comprenant un agent oxydant dans un milieu approprié pour la teinture."
"11. Utilisation d'une composition de teinture selon l'une quelconque des revendications 1 à 8 ou d'un dispositif de teinture ou "Kit" à plusieurs compartiments selon la revendication 10, pour la teinture des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux."
Les revendications 2 à 8 portaient sur des modes particuliers de réalisation de la composition selon la revendication 1.
II. Trois oppositions ont été formées en vue d'obtenir la révocation du brevet sur le fondement de l'article 100a) CBE, à savoir manque de nouveauté et d'activité inventive au vu, entre autres, des documents suivants :
D17 : DE-A-3 834 142
D21 : DE-A-3 622 784 (= D32 : EP-A-0 252 351)
ainsi que d'un présumé usage antérieur public, étayé entre autres par les pièces suivantes
D27a : Recette n° 7232200120 du 24.08.90 pour Koleston 2000 nuance 8/1
D27b : Recette n° 7232100100 du 24.08.90 pour Koleston 2000 nuance 7/1
D27c : Recette n° 7231600030 du 24.08.90 pour Koleston 2000 nuance 8/0
D27d : Recette n° 7231900090 du 25.03.91 pour Koleston 2000 nuance 5/1
D27e : Déclaration de M. Karl-Heinz Rose du 14 mai 1997
D27k : Copies des factures de livraison de Koleston 2000
D27l : Copie du registre de production de Koleston 2000 nuance 8/1
D27o : Copie du registre de production de Koleston 2000 nuance 5/1
D27p : Copie du fichier matières premières Wella, relative à la dénomination BETOXOL et à la nomenclature chimique correspondante INCI/EU
D27q : Copie du fichier matières premières Wella, relative à la dénomination BETOXOL II et à la nomenclature chimique correspondante INCI/EU
D27r : Copie du fichier matières premières Wella, relative à la dénomination LEHMANN BLAU et à la dénomination commerciale HC BLUE AC
D27s : Copie du fichier matières premières Wella, relative à la dénomination commerciale HC BLUE AC et à la nomenclature chimique correspondante INCI
D27t : Copie de la page 26 du Dictionnaire International des Ingrédients Cosmétiques, CTFA, 4ème éd., 1991
D27v : Copie de la facture n° 09/010548 du 05.09.91
III. La Division d'opposition a révoqué le brevet litigieux. D'après la décision, signifiée par voie postale le 7 mai 1999, l'utilisation antérieure publique n'était pas suffisamment fondée, mais l'absence de nouveauté au vu de D17 s'opposait au maintien du brevet européen tel que délivré ; les modifications des revendications selon les requêtes subsidiaires 4 et 5 déposées au cours de la procédure orale devant la Division d'opposition, les requêtes subsidiaires 1 à 3. ayant été retirées, contrevenaient aux exigences de l'article 123(2) CBE.
IV. Un recours a été formé par la titulaire du brevet (requérante) contre cette décision, reçu le 6 juillet 1999 ; la taxe prescrite a été payée le même jour.
Dans son mémoire de recours, reçu le 14 septembre 1999, la requérante a maintenu les revendications telles que délivrées en tant que requête principale. Elle a contesté l'interprétation de D17, évoquée par les opposantes, retenue dans la décision. D'après elle, un passage de D17 pouvait recevoir plusieurs interprétations. Par lettre du 21 mars 2001, la requérante a adressé une déclaration du professeur Kessler afférente à ces interprétations. Puis, elle a déposé de nouveaux jeux de revendications à titre de requêtes subsidiaires 1 à 7, dont les revendications 1 contenaient toutes des disclaimers (lettre du 20. juillet 2001) ainsi qu'une note technique d'essais comparatifs (lettre du 12 septembre 2003).
Par lettre du 10 octobre 2003, la requérante a déposé une nouvelle requête principale et de nouvelles requêtes subsidiaires 1 et 9 à 12. Elle a déclaré que les requêtes subsidiaires 1 à 7 jointes à la lettre du 20. juillet 2001 seraient modifiées de la même façon que la nouvelle requête principale pour constituer de nouvelles requêtes subsidiaires 2 à 8.
V. Les opposantes 01 à 03 (intimées 01 à 03) ont contesté les conclusions de la requérante sur l'interprétation du passage de D17, en particulier celle faite par le Professeur Kessler (lettres datées 21 janvier 2000, 20 janvier 2000 et 31. mars 2000, respectivement). L'intimée 02 a déposé une déclaration du Dr. Braun sur le passage contesté de D17 (lettre du 10 septembre 2003).
VI. Par lettre du 10 septembre 2003, l'intimée 02 a déposé de nouveaux documents pour étayer le présumé usage antérieur public rejeté par la Division d'opposition et qui n'avait plus été évoqué durant la phase de recours jusqu'à cette date, à savoir :
Annexe 1 : résumé chronologique de l'utilisation antérieure
D271 : Copie de la facture n° 09/50546 du 26.09.90
D272 : Copie de la facture n° 10/24917 du 12.10.90
D273 : Copie de la facture n° 06/035363 du 19.06.91
D274 : Copie fiche de livraison n° 08/049077 du 28.08.91
D275 : Copie de la facture n° 10/035525 du 18.10.91
D276 : Déclaration de M. F. J. Schomann du 18.04.2002
D277 : Résumé de production des produits Koleston 2000, nuance 8/0 charge n° 58009, nuance 5/1 charge n° 67001, nuance 7/1 charge n° 58004 et nuance 8/1 charge n° 58003, fait le 23. juillet 1996 par M. A. Grolmus, responsable de la supervision de la production de la filiale Ondal
D278 : Copie du procès-verbal de l'audition du témoin Karl-Heinz Rose, sur le fondement de l'article 117(1)a) et de la règle 72(1) CBE, au cours de l'audience du 17 octobre 2001 dans la procédure d'opposition au brevet EP 0 688 558 (recours T 0060/02-3.3.7)
D279 : Déclaration de M. A. Gröger du 03.09.2003, responsable de la planification de la filiale Ondal, sur la signification du terme "Testproduktion 51/1" contenu dans le registre de production de la charge 67001 relative à la nuance 5/1 produite le 22 mai 1991
VII. Par lettre du 2 avril 2002, la société Bristol-Myers Squibb Company (intimée 03) a déclaré avoir vendu, suivant acte en date du 15 novembre 2001, à la société Procter & Gamble Company, la partie de ses actifs constituée par sa filiale, la société Clairol Incorporated, dans l'intérêt de laquelle l'opposition avait été formée. En conséquence, elle a requis que soit déclaré valide le transfert de son opposition à la Société Procter & Gamble Company. Dans les lettres du 9. août 2002, en réponse à une communication de la Chambre, commune à plusieurs affaires, et du 9 mai 2003, en réponse aux arguments de la requérante, l'intimée 03 a détaillé les moyens de fait et de droit au soutien de la requête de transfert. Elle a considéré que ces moyens n'étaient pas en conflit avec la jurisprudence et qu'une saisine de la Grande Chambre de recours, évoquée par la requérante, était entièrement inappropriée.
La Chambre, dans ladite communication commune à plusieurs affaires ainsi que dans l'annexe à la citation E la procédure orale, a considéré que la requête de transfert de l'opposition ne paraissait pas fondée au vu de la Jurisprudence des Chambres de recours et qu'elle ne voyait pas de motif justifiant une saisine de la Grande Chambre.
VIII. La procédure orale a eu lieu le 21 octobre 2003. Au cours de l'audience, la requérante a déposé un nouveau jeu de 10 revendications à titre de requête principale, dont la revendication 1 s'énonce ainsi :
"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, du type comprenant dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un précurseur de colorant d'oxydation et au moins un coupleur, caractérisée par le fait qu'elle contient, à titre de précurseur de colorant d'oxydation, au moins une paraphénylènediamine choisie parmi la 2-(ß- hydroxyéthyl)paraphénylènediamine, la 2-(ß- hydroxyéthyloxy)paraphénylènediamine et leurs sels d'addition avec un acide, et à titre de coupleur, au moins une métaphénylènediamine de formule (II) suivante :
FORMULE (II)
dans laquelle, R1 désigne un atome d'hydrogène, un radical alkyle contenant de 1 à 3 atomes de carbone, ou un radical monohydroxyalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone, R2 désigne un atome d'hydrogène, un radical mono- ou poly-hydroxyalcoxy contenant de 2 à 3 atomes de carbone et comportant de 1 à 2 groupements hydroxyle, R3 désigne un radical alkyle contenant de 1 à 3 atomes de carbone, un radical mono- ou polyhydroxyalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone et comportant de 1 à 2 groupements hydroxyle, un radical aminoalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone, un groupement 2,4-diaminophénoxyalkyle dans lequel le radical alkyle contient de 1 à 4 atomes de carbone, étant entendu que lorsque R1 désigne un atome d'hydrogène ou un radical alkyle, alors R3 est différent d'un radical alkyle, et que lorsque R2 désigne un radical mono- ou poly-hydroxyalcoxy, alors R1 désigne obligatoirement un atome d'hydrogène et R3 un radical mono- ou polyhydroxyalkyle, et/ou au moins l'un des sels d'addition de cette métaphénylènediamine avec un acide."
Les revendications 3 à 11 telles que délivrées ont été numérotées de 2 à 10. Les revendications indépendantes 9 à 11 telles que délivrées ont été modifiées, conformément à la revendication 1, et sont devenues les revendications 8 à 10.
L'intimée 02 a déposé une copie d'un document (Dieter Hoch & Manfred Schmock, "Licht, Farbe, Haarfarbe", 1990, pages 127 à 137) pour établir que les produits Koleston 2000 avaient été conçus pour les fibres kératiniques humaines.
L'intimée 03 a remis une copie du procès-verbal d'une audience devant une autre chambre de recours (recours T 1091/02 - 3.3.4), pour informer la chambre de léventualité d'une saisine de la Grande Chambre sur une question voisine de celle posée actuellement à la présente Chambre. En outre, à titre subsidiaire, pour le cas où ses requêtes de transfert de l'opposition seraient rejetées, l'intimée 03 a déposé des questions pour la saisine de la Grande Chambre de recours. Enfin, au cours de la discussion de la nouveauté, l'intimé 03 a mentionné un nouveau document, soit US-A-4 333 730 (D315).
IX. La requérante a présenté les arguments suivants :
a) Concernant le transfert de l'opposition, l'opposition 03. n'avait jamais appartenu à la société Clairol Incorporated. Elle avait été formée au nom de la société Bristol-Myers Squibb Company, qui ne pouvait disposer librement de sa qualité d'opposante, conformément à la décision G 3/97. L'opposant ne devant pas justifier d'avoir un quelconque intérêt à l'annulation du brevet pour agir, les raisons pour lesquelles Bristol-Myers Squibb Company avait fait opposition n'avaient aucune importance. Par conséquent, il convenait de rejeter la requête de transfert, et la procédure devait continuer avec Bristol-Myers Squibb Company en qualité d'opposante.
b) Quant aux modifications, la limitation aux fibres kératiniques humaines dans les revendications 1 était consécutive aux motifs d'opposition : absence de nouveauté au vu du présumé usage antérieur public, qui n'évoquait pas de fibres kératiniques humaines ; et manque d'activité inventive au vu des essais comparatifs D28 de l'intimée 02, portant sur des poils d'animaux.
c) Concernant la nouveauté, D17 portait sur une composition pour la coloration des cheveux contenant un précurseur et un coupleur, choisis dans deux listes de composants possibles. Le passage évoqué par les intimées divulguait une liste de huit composants, dont les deux premiers étaient des précurseurs, p- phénylènediamine et p-toluène-diamine respectivement, les trois suivants étaient des coupleurs, et le reste était formé par deux précurseurs (p-aminophénols) et un coupleur. Les lignes suivantes mentionnaient le possible ajout d'autres colorants pour nuances spéciales, tel que l'alcool 2,5-diaminophényl- éthylique. Donc, ce passage se prêtait à plusieurs interprétations, conformément à la déclaration du Professeur Kessler.
Pour aboutir à la composition du brevet en litige, il fallait choisir parmi les huit colorants identifiés et ensuite décider s'il fallait ajouter ou non l'alcool 2,5-diamino-phényléthylique. Concernant le premier choix, pour des raisons réglementaires, l'on n'utilisait jamais ensemble la p-phénylènediamine et la p-toluène-diamine, ce qui résultait de plusieurs documents et des exemples de D17. D'ailleurs, l'utilisation d'un mélange de huit composants n'était pas habituelle. Concernant le deuxième choix, d'après la déclaration du Dr. Braun l'ajout de l'alcool 2,5- diaminophényléthylique n'aboutissait pas à des nuances spéciales par rapport aux précurseurs usuels.
Les exemples de D17 ne concernant pas les mélanges envisagés par les intimées, le passage évoqué portait donc sur une liste de composants préférés parmi ceux des listes générales de D17. Il n'était pas obligatoire de choisir tous les composants listés dans les deux groupes envisagés.
Par conséquent, D17 ne pouvant porter atteinte à la nouveauté, l'objet tel que revendiqué était nouveau.
d) Le document D21 portait sur de nouveaux coupleurs dénués de toxicité qui n'étaient pas compris dans la formule (II) du brevet en litige. D21 mentionnait également des précurseurs et d'autres coupleurs, dans deux listes d'une certaine longueur, dont une minorité correspondait aux composés revendiqués dans le brevet en litige. Ces composés minoritaires n'étaient pas utilisés dans les exemples de D21 en combinaison telle que revendiquée dans le brevet en litige. D21 ne pouvant porter atteinte à la nouveauté, l'objet tel que revendiqué était nouveau.
e) Les dernières pièces produites pour étayer le présumé usage antérieur public étaient tardives.
De plus, elles offraient prise au doute quant à la nature des colorants : les désignations "Betoxol", "Betoxol II" et "Lehmann Blau" étaient des désignations internes qui ne pouvaient être éclairées par les déclarations des responsables de la production et de la planification ; les copies de bases de données internes n'étaient pas datées, ne comportaient aucune référence aux recettes et n'indiquaient pas les matières premières utilisées ; la copie du dictionnaire CTFA, devant donner la correspondance chimique entre les colorants utilisés dans les nuances fabriquées en 1990, en fait portait une date (1991) postérieure à 1990 ; par conséquent, rien ne prouvait que les composés "Betoxol", "Betoxol II" et "Lehmann Blau" correspondaient aux composés des compositions telles que revendiquées.
D'après les registres de production, différentes nuances avaient été fabriquées avant la date de priorité du brevet en litige. Celles portant la mention "Test Betoxol II" ou "Testproduktion" se rapportaient à de faibles quantités, qui étaient intercalées entre des productions à l'échelle industrielle de nuances répondant à d'autres formulations, lesquelles ne comportaient pas de Betoxol II. En outre, il n'y avait aucun lien réel entre les références des nuances données dans les factures et les indications pour les nuances mentionnées dans les recettes et les registres de production. Par conséquent, les factures ne pouvaient prouver la vente de ces nuances qui avaient été produites en de faibles quantités et après des charges de différentes recettes et quantités. Ces factures n'étaient donc pas pertinentes.
En conclusion, il n'existait aucune certitude d'une fabrication à l'échelle industrielle et d'une vente au public de formulations contenant des composés tels que revendiqués.
Les nouvelles pièces ne permettant pas d'établir au delà de toutes doutes raisonnables une utilisation antérieure publique, le présumé usage antérieur public invoqué n'était pas fondé et ne pouvait par conséquent porter atteinte à la nouveauté de l'objet tel que revendiqué. Les nouvelles pièces devaient donc être écartées.
f) La mention du nouveau document (D315) au cours de la procédure orale, pour détruire la nouveauté de l'objet revendiqué, était tardive. En outre, l'exemple cité constituait une divulgation fortuite, puisque la base 2,5-diamino-ß-hydroxyéthylbenzène mentionnée dans cet exemple n'était pas comprise dans la formule (II) des bases donnée dans la colonne 2 du nouveau document. La requérante a évoqué la possibilité de limiter la revendication 1 conformément aux requêtes présentées dans l'affaire T 0651/03. Cependant, elle n'avait pas les pièces de ladite autre affaire avec elle. De plus, les questions de la définition d'une divulgation fortuite et de la recevabilité d'un disclaimer étaient encore à trancher par la Grande Chambre de recours. Par conséquent, la requérante n'était pas à même de réagir de façon appropriée à cette attaque inattendue.
X. Les arguments des intimées peuvent se résumer ainsi :
a) Selon l'intimée 03, en ce qui concerne sa requête relative au transfert de l'opposition, la société Bristol-Myers Squibb Company était titulaire de la totalité des parts de sa filiale Clairol Incorporated au moment où elle a formé opposition. Clairol exerçait son activité dans le domaine technique du brevet en litige. L'intimée avait cédé la partie de ses actifs que constituaient les parts de cette filiale à la société Procter & Gamble Company selon acte du 15 novembre 2001. Elle prétendait avoir formé l'opposition pour le compte de sa filiale de sorte que cette opposition sétait trouvée transférée à la société Procter & Gamble Company du fait de la cession de la filiale elle même.
La Chambre, selon l'intimée 03, interprétait de façon erronée la décision G 4/88 de la Grande Chambre de recours, et en particulier la condition posée pour qu'une cession d'opposition fût possible, de "accessoire inséparable de l'élément patrimonial (cédé)" (inseparable part of those (transferred) assets).
Toujours selon l'intimée 03, le fait que l'actif cédé fût constitué dune entité juridique distincte de celle ayant formé opposition, ne saurait avoir pour effet de rendre la condition, d"accessoire inséparable", impossible à remplir. Au contraire, les faits de la présente espèce étaient tout à fait compatibles avec les exigences de la décision G 4/88, parce que cette décision insistait sur la circonstance que l'opposition avait été intentée dans l'intérêt de lentreprise ("instituted in the interest of the opponent's business") et que dans ce contexte le terme "entreprise" (business) devait être entendu dans un sens large comme qualifiant une activité économique exercée ou susceptible dêtre exercée par lopposante.
Dans le présent cas l'opposition devait être considérée comme un élément inséparable du patrimoine de la filiale cédée et cédée avec la filiale à la nouvelle société.
L'interprétation proposée par la Chambre risquait de conduire à des situations illogiques, tant il était vrai qu'un transfert pourrait être admis dans le cas où il était opéré par la société opposante en même temps qu'une partie de son patrimoine mais non dans le cas où la partie du patrimoine à laquelle se rapporte l'opposition était une entité juridique distincte, alors que précisément l'élément du patrimoine dans l'intérêt duquel l'opposition avait été formée devait être un élément déterminé du patrimoine de l'opposante et que rien n'était plus déterminé qu'une entité juridique définie. A la lumière de la décision G 4/88 la question pertinente n'était pas de savoir si l'entité cédée était un accessoire inséparable du patrimoine de l'opposante mais si l'opposition était inséparable de l'entité cédée.
Les conclusions de la décision G 3/97 ne changeaient pas la situation, car le point essentiel pour la décision de la chambre n'était pas de savoir au nom de qui l'opposition avait été formée mais "dans l'intérêt de qui l'opposition devait être transférée".
Lors de la procédure orale, l'intimée 03 a soumis, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Chambre ne ferait pas droit à sa demande de transfert, une requête aux fins de voir saisir la Grande Chambre de recours sur deux questions de droit.
Les deux autres intimées s'en sont rapportées sur cette question.
b) Concernant les modifications, la limitation aux fibres kératiniques humaines dans les revendications indépendantes ne pouvait apporter une délimitation par rapport à un état de la technique tel que l'usage antérieur public des produits Koleston 2000 portant sur de telles fibres. Par conséquent, elle n'était pas recevable au titre de la règle 57bis CBE.
c) Quant à la nouveauté, le document D17 divulguait un mélange de colorants comprenant obligatoirement un précurseur et un coupleur. Deux exemples de mélanges de colorants étaient mentionnés dans un passage de D17. Le premier mélange comprenait deux précurseurs et trois coupleurs, le deuxième comportait deux précurseurs et un coupleur. Pour obtenir des nuances spéciales, l'on ajoutait à ces mélanges l'alcool de 2,5-diaminophényl-éthylique. Ce faisant, l'on obtiendrait inévitablement la composition telle que revendiquée, conformément aux exemples dans la déclaration faite par M. Braun. L'interprétation faite par le professeur Kessler aboutissant à des mélanges qui n'étaient pas toujours constitués d'au moins un précurseur et d'au moins un coupleur, n'était pas correcte.
Les arguments de la requérante, d'après lesquels les compositions tinctoriales courantes n'utilisaient ni deux p-phénylène-diamines ensemble ni un mélange de huit composants, précurseurs et coupleurs ensemble, ne pouvaient être exacts. De telles utilisations étaient exemplifiées dans plusieurs documents cités.
D'ailleurs, même si le passage évoqué de D17 divulguait un seul mélange avec huit composants, l'ajout de l'alcool de 2,5-diaminophényléthylique, suggéré dans les lignes suivantes du passage, conduirait inévitablement à la composition telle que revendiquée.
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 en litige n'était pas nouveau.
d) L'objet du brevet n'était pas nouveau non plus au vu de D21. Plusieurs précurseurs et coupleurs mentionnés dans les listes respectives données dans D21 avaient été bannis ou posaient des problèmes de toxicité. Par conséquent, en partant de D21 en connaissance des dits problèmes, l'on ne pouvait choisir que des coupleurs et des développeurs compris dans les formules selon la revendication 1 en litige.
e) Les nouvelles pièces produites pour étayer l'usage antérieur public n'avaient pu être obtenues auparavant. Les factures portaient sur la vente de nuances particulières d'un produit ayant plus de 100 nuances. Une de ces nuances avait été produite une seule fois, mais elle avait été fabriquée, conditionnée en tubes, stockée dans le magasin central et livrée aux grossistes dans les quantités indiquées dans les factures, conformément aux déclarations de M. Rose et de M. Gröger (D278 et D279) et aux factures D273 à D275. Aucune réclamation, du magasin ou du public, n'avait été reçue par les responsables de la production, cela résultait des déclarations produites et confirmerait, toujours selon l'intimée 02, la vente. La facture D27k du 1 juillet 1992 portait sur cette nuance (déclaration de M. Schomann, D276). La nuance contenait des composés tels que revendiqués. Il avait donc été prouvé, au moins indirectement, que des compositions contenant des composés tels que revendiqués, et destinés aux fibres kératiniques humaines, avaient été effectivement produites, confectionnées et vendues antérieurement à la date de priorité du brevet en litige.
Par conséquent, l'objet du brevet en litige n'était pas nouveau.
f) Le nouveau document D315 avait été trouvé par hasard au tout dernier moment avant la procédure orale. Ce document avait cependant été cité dans d'autres affaires opposant les mêmes parties. Par exemple dans le recours T 0651/03 il avait porté atteinte à la nouveauté de l'objet revendiqué. S'agissant d'un brevet de la requérante, elle ne pouvait être surprise. D'ailleurs, elle aurait dû le commenter dans son brevet en litige, puisqu'il portait sur le même domaine technique et s'avérait très pertinent. En effet, l'exemple 13 détruisait la nouveauté de l'objet revendiqué. Le document D315 devait être admis.
XI. La requérante (titulaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur le fondement des revendications 1 à 10 de la requête principale déposée à l'audience et à défaut sur le fondement de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 12.
XII. Les intimées (opposantes) ont demandé le rejet du recours.
L'intimée 03 (Bristol-Myers Squibb Company) a requis, en outre, que soit déclaré valide le transfert de l'opposition à la société Procter & Gamble Company. À titre subsidiaire, elle a demandé que soit déclaré valide le transfert de l'opposition à la société Clairol Incorporated. A titre encore plus subsidiaire, elle a demandé que la Chambre saisisse la Grande Chambre de recours des deux questions suivantes :
"1. If an opposition is filed by a parent company solely in the interest of a wholly owned subsidiary of that company, and then that subsidiary is sold to a third party, can the opposition be assigned to the third party, and if not, can it be assigned to the subsidiary?
2. What evidence is necessary to show that the opposition was filed by the parent company "solely in the interest of" the wholly owned subsidiary?"
Enfin, l'intimée 03 a requis que soit introduit dans les débats le document US-A-4 333 730 (D315).
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable puisque les conditions des articles 106 à 108 CBE en combinaison avec les règles 1(1) et 64. CBE sont satisfaites.
2. Questions de procédure
2.1. Transfert de l'opposition
L'argument majeur de l'opposante 03 (intimée 03) procède dun raisonnement par analogie et ce, à partir du cas T 349/86 (JO OEB 1988, 345) à l'origine de la décision G 4/88 (JO OEB 1989, 480) de la Grande chambre de recours. Il convient dès lors d'analyser la portée de cette décision puis de considérer si l'intimée 03 est fondée à raisonner par analogie avec ce cas.
2.1.1. Dans l'instance T 349/86 la Chambre était saisie dune demande de transfert de la qualité d'opposant formée par l'ayant cause à titre universel de lopposant originaire au profit du cessionnaire à titre particulier de partie de son activité industrielle et commerciale.
En effet la société M.A.N. Maschinenfabrik Augsburg- Nürnberg Aktiengesellschaft avait cédé courant 1985 à la société MAN Nutzfahrzeuge GmbH son activité d'entreprise dans le domaine des véhicules utilitaires, puis avait ultérieurement fusionné l'ensemble de ses actifs restants avec ceux de la société Gutehoffnungshütte Aktienverein Aktiengesellschaft, pour former par la suite leur ayant droit et successeur universel la société MAN Aktiengesellschaft. A la suite de la décision de rejet par la division compétente de l'opposition originairement formée par la société M.A.N. Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg Aktiengesellschaft pour le compte de son département "véhicules utilitaires", la société MAN Aktiengesellschaft ayant droit universel de l'opposant a formé recours en cette qualité et simultanément demandé le transfert de l'opposition à la société MAN Nutzfahrzeuge GmbH, cessionnaire à titre particulier du département "véhicules utilitaires" intéressé par l'opposition.
La question de droit ayant abouti à la décision G 4/88 était ainsi formulée :
"Une procédure dopposition engagée devant lOffice Européen des Brevets est-elle seulement transmissible aux héritiers de lopposant ou peut-elle être cédée librement ou avec lentreprise ou une partie de lentreprise de l'opposant exerçant dans un domaine technique dans lequel l'invention objet du brevet contesté peut être exploitée?"
2.1.2. Dans les motifs de sa décision la Grande Chambre pose en liminaire le principe implicitement reconnu par la règle 60(2) CBE, selon lequel la qualité dopposant est transmise de droit aux héritiers et par analogie à l'ayant droit, successeur universel de l'opposant (cf. point 4 des motifs de G 4/88).
Ensuite, la Grande Chambre considère qu'en cas de cession de l'élément particulier du patrimoine que constitue une partie de lentreprise de l'opposant originaire, dans le cas de l'espèce son département de véhicules utilitaires, laction en opposition peut être transmise en vertu du principe selon lequel "l'accessoire suit le principal" dès lors que l'opposition a été intentée dans l'intérêt de la partie de cette entreprise, correspondant ainsi nécessairement à l'activité industrielle cédée (cf. point 6 des motifs de G 4/88).
2.1.3. Les faits de l'espèce pendante devant cette Chambre diffèrent de ceux ayant abouti à la décision G 4/88 essentiellement en ce que la société Bristol-Myers Squibb Company, possédant une filiale, la société Clairol Incorporated, active dans le domaine des teintures capillaires qui est celui du brevet contesté, a néanmoins choisi d'exercer personnellement l'action en opposition. Ultérieurement elle a cédé à titre onéreux et particulier cette filiale à la société Procter & Gamble Company au profit de laquelle elle requiert aujourd'hui le transfert de la qualité dopposante.
Les faits diffèrent donc en ce que dans l'instance ayant abouti à la décision G 4/88 le département "véhicules utilitaires" de la société M.A.N. Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg Aktiengesellschaft n'était point constitué en société filiale mais demeurait un département industriel particulier : il ne disposait pas dune personnalité juridique propre lui conférant la qualité de "personne" au sens de l'article 99(1) CBE, seule propre à lui permettre de former opposition.
Force est de constater dans la présente espèce que la société Bristol-Myers Squibb Company a délibérément agi en son nom propre lorsqu'elle a formé opposition au brevet contesté, sans préciser à aucun moment agir pour le compte de sa filiale (à supposer qu'une telle mention puisse avoir une quelconque portée), alors même que cette filiale dotée de l'entière capacité juridique et comme telle constitutive dune "personne" au sens de l'article 99(1) CBE se trouvait parfaitement en droit d'agir en opposition en son nom propre, fût-ce pour déférer aux instructions de sa société mère.
2.1.4. Il est donc établi :
a) d'une part que dans un cas la société M.A.N. Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg Aktiengesellschaft était seule en droit de former opposition dès lors que son département "véhicules utilitaires" ultérieurement cédé, ne disposant pas de personnalité juridique, ne pouvait pas agir,
b) d'autre part que dans le cas d'espèce la société Bristol-Myers Squibb Company, ayant un droit à former opposition comme toute personne au sens de l'article 99(1) CBE, a choisi d'exercer ce droit à titre personnel, alors que de son côté la société Clairol Incorporated, entité juridique distincte possédant la capacité de former opposition, active dans le domaine du brevet contesté, disposait de la pleine capacité juridique et avait donc qualité à agir et exercer personnellement le droit de former opposition, dont ne dispose pas un simple département industriel.
2.1.5. Les conséquences de cette différence de circonstances quant à la transmission de la qualité d'opposant sont à tirer à la lumière de la décision de la Grande Chambre de recours, G 3/97 (JO OEB 1999, 245) :
a) Les deux décisions de saisine respectivement T 301/95 (JO OEB 1997, 519) et T 649/92 (JO OEB 1998, 97) posaient pour l'essentiel la question de savoir si une opposition est irrecevable du seul fait que lopposant agit pour le compte dun tiers.
b) La décision G 3/97 indique que : "L'opposant ne peut disposer librement de sa qualité de partie à la procédure. S'il a rempli les conditions pour que l'opposition soit recevable, il est opposant et le reste jusqu'à ce que prenne fin la procédure ou sa participation à la procédure. Il ne peut pas transmettre sa qualité à un tiers" (cf. point 2.2 des motifs).
Ce motif, correspondant au principe général du droit selon lequel les actions en justice ne peuvent se transmettre à titre particulier gratuit ou onéreux mais seulement par voie universelle, quelle qu'en soit la nature à l'occasion, par exemple, d'une succession, reprend et confirme une jurisprudence constante des chambres de recours (T 659/92, JO 1995, 519, points 3, 3.1 à 3.3 des motifs ; T 670/95 du 09.06.98, non publiée dans le JO OEB ; T 298/97, JO 2002, 83).
c) Il s'en suit que lexception à ce principe, telle que définie dans la décision G 4/88 considérée ensemble avec la décision G 3/97, doit être interprétée restrictivement.
En effet les décisions G 4/88 et G 3/97 sont complémentaires, elles doivent se lire comme traitant chacune un aspect particulier de lopposition : G 4/88 dégage les conditions auxquelles la transmission de la qualité dopposant est possible, G 3/97 définit les conditions nécessaires et suffisantes pour obtenir et conserver la qualité dopposant.
d) En insistant sur l'intérêt qu'avait la société mère en faisant opposition tant qu'elle détenait la filiale active dans le domaine du brevet contesté et qu'elle a perdu en même temps qu'elle a cédé cette filiale, pour soutenir qu'elle a agi pour le compte de sa filiale, l'opposante subordonne en réalité le droit d'agir en opposition - et par la suite la qualité d'opposant - à l'existence d'un intérêt.
Or la notion d'intérêt à agir qui fait référence à des conditions subjectives liées à la personne qui initie une procédure, en l'occurrence l'opposant, exigées par certaines législations nationales, est en tant que telle étrangère à la procédure d'opposition régie par la CBE, le législateur de la CBE ayant expressément aménagé l'opposition comme un moyen de recours destiné au public ouvert par l'article 99(1) CBE à toute personne, sans exiger d'intérêt personnel à agir (cf. point 3.2.1 des motifs de G 3/97).
Dès lors que selon la décision G 3/97, "il ne saurait y avoir de "véritable" opposant à côté de l'opposant qui remplit les conditions de forme prévues" (cf. point 2.2 des motifs de G 3/97), la circonstance que la société mère ait agi pour le compte de sa filiale est indifférente. D'ailleurs, sauf raisons particulières faisant suspecter un abus, il n'y a pas lieu de vérifier pour le compte de qui agit celui qui a engagé la procédure en bonne et due forme (cf. point 3 des motifs de G 3/97). Celui qui a rempli en son nom propre les conditions requises pour la recevabilité de l'opposition n'est pas traité comme présumé opposant mais comme opposant.
Même si l'on admettait que lopposante avait en lespèce un intérêt à former opposition du temps où elle détenait sa filiale à 100%, cette circonstance indifférente quant à la recevabilité de l'opposition à l'origine, continue, lorsqu'elle disparaît, à navoir aucune incidence sur le sort de l'opposition ou la qualité d'opposante.
e) En cela, tous les développements sur la preuve à rapporter sur le fait que l'opposante aurait agi dans l'unique intérêt de sa filiale sont hors sujet. Le lien juridique entre l'opposante et des tiers (ici avec sa filiale) est juridiquement sans importance pour l'OEB (cf. point 3.2.2 des motifs de G 3/97).
f) La justification du principe de l'indisponibilité de l'opposition, indépendamment du principe général rappelé ci-dessus (point 2.1.2b) et du souci d'éviter un commerce des oppositions (T 298/97, précitée, cf. point 7.1 des motifs), réside dans la nature de la procédure d'opposition et son objectif qui est de permettre au public de contester la validité dun brevet. Ce doit être une procédure simple et rapide que ne doivent pas entraver des considérations dintérêt privé entre une partie et des tiers telles par exemple que celles liées à la transmission de la qualité d'opposant, l'OEB n'étant pas en outre par sa finalité et ses moyens, l'organisme le mieux placé pour connaître de ces questions.
Ainsi donc la qualité d'opposant ne peut se transmettre qu'avec la cession d'une partie de lactivité économique d'un opposant ayant seul qualité pour agir en justice, dès lors que la division ou le département d'entreprise cédés ne disposent point de telle qualité qui est un attribut de la personnalité morale.
Tel n'est point le cas en l'espèce, où même si la société Clairol Incorporated était une filiale de Bristol-Myers Squibb Company à 100%, elle n'en disposait pas moins personnellement du droit d'agir en opposition, dès lors qu'elle était dotée de la pleine capacité civile, attribut de la personnalité juridique.
2.2. La saisine de la Grande Chambre de recours
2.2.1. Les développements ci-dessus démontrent que la question de la validité de la transmission de l'opposition à trancher ne ressortait pas d'un des deux cas de saisine de la Grande Chambre de recours (article 112(1) CBE) pour les raisons suivantes :
- la décision de la chambre en réponse à la question posée ne va pas à l'encontre de la jurisprudence établie, puisquil n'y a pas de jurisprudence divergente, mais elle applique le principe posé par G 4/88 et complété par G 3/97 : il n'y avait donc aucun impératif dharmonisation du droit ;
- cette réponse ne supposait pas de trancher un important point de droit puisqu'il ne s'agissait que de tirer les conséquences de deux principes établis précédemment par les deux décisions précitées.
2.2.2. La question de la nature des preuves à fournir ne se pose finalement pas dans ce cas puisque lobjet de la preuve concerné à savoir que l'opposant avait agi dans l'unique intérêt de la filiale détenue à 100%, ne joue aucun rôle quant à la décision prise.
2.3. Par conséquent, le transfert ne peut être valable et la requête de l'intimée 03 est refusée.
2.4. Pour les raisons exposées ci-dessus, la requête subsidiaire de transfert à la société Clairol Incorporated doit également être rejetée.
2.5. La chambre ne reconnaissant pas la validité des transferts de l'opposition, les sociétés Procter & Gamble Company et Clairol Incorporated ne peuvent être considérées comme parties à la procédure de recours.
Requête principale
3. Modifications
3.1. La revendication 1 selon la requête principale telle que déposée au cours de la procédure orale devant la Chambre, par rapport à celle telle que délivrée, comporte les modifications suivantes :
a) suppression de la formule (I) et limitation à l'emploi d'au moins une paraphénylènediamine "choisie parmi la 2-(ß-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine, la 2-(ß- hydroxyéthyloxy)paraphénylènediamine et leurs sels d'addition avec un acide" ; et
b) suppression de la caractéristique facultative "en particulier pour fibres kératiniques" pour aboutir à la limitation "fibres kératiniques humaines" (ligne 1).
3.1.1. La première modification se fonde sur la combinaison des revendications 1 et 2 telles que délivrées, dans laquelle la 2- (ß-hydroxyméthyl)paraphénylènediamine, mentionnée dans la revendication 2 telle que délivrée, a été supprimée. Les revendications 1 et 2 telles que délivrées sont identiques aux revendications 1 et 2 telles que déposées à l'origine.
3.1.2. Concernant la deuxième modification, la caractéristique résultante, à savoir "pour fibres kératiniques humaines", était déjà mentionnée telle quelle, de manière facultative, dans la revendication 1 telle que délivrée ainsi que dans la revendication 1 telle que déposée à l'origine.
3.1.3. Les modifications de la revendication 1 restreignent la protection conférée par le brevet tel que délivré.
3.2. La revendication 2 telle que délivrée a été supprimée, les autres revendications ont été numérotées de 2 à 10 et les références aux autres revendications ont été amendées en conséquence.
3.3. Les revendications selon la requête principale n'ont pas été modifiées de manière que leur objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ni de façon à étendre la protection (article 123, paragraphes 2 et 3, CBE). Ces modifications ont été apportées pour répondre aux motifs d'absence de nouveauté et d'activité inventive (lettre de la requérante en date du 12 septembre 2003, point II) (règle 57bis CBE).
Il s'ensuit que la requête principale est recevable.
4. Nouveauté
4.1. Le document D17 divulgue un moyen pour la teinture oxydative des cheveux humains sous forme d'un support crémeux à base d'un mélange de précurseurs de colorants et d'électrolytes, ledit mélange étant dissous dans ledit support, caractérisé en ce que le mélange formé par les précurseurs de colorants et les électrolytes représente de 0,1 à 20,0% en poids et le support se compose de
(1) 13,6 à 41,0% en poids d'un mélange de
a) 2,0 à 6,0% en poids d'un alcool gras (C14-C20),
b) 4,0 à 10,0% en poids de mono- et distéarate de glycérine,
c) 2,0 à 6,0% en poids de monoéthanolamide d'acides gras de coprah,
d) 0,5 à 4,0% en poids de distéarate de glycol,
e) 4,0 à 7,0% en poids d'alcool laurique, oxyéthylé avec 2 moles d'oxyde d'éthylène,
f) 0,1 à 1,0% en poids de sel de sodium de 2- sulfoéthyl-ester d'acides gras de coprah,
g) 1,0 à 5,0% en poids de diglycol éther de sulfate de sodium de l'alcool laurique,
h) 0,0 à 2,0% en poids d'un homopolymère quaternaire de diméthylaminoéthylmethacrylate,
(2) 0,1 à 10,0% en poids d'ammoniaque,
(3) 0,0 à 1,0% en poids d'huile de parfum,
(4) 0,0 à 0,5% en poids d'un agent séquestrant de métaux lourds,
(5) 0,0 à 0,5% en poids d'un alcool aliphatique (C1-C6),
(6) 0,0 à 2,0% en poids d'acide oléique et
(7) 29,0 à 86,2% en poids d'eau,
les pourcentages mentionnés se référant tous à la quantité totale du moyen pour teinture d'oxydation des cheveux (revendication 1).
Le mélange de précurseurs de colorants d'oxydation, contenu dans ledit moyen pour la teinture oxydative des cheveux, se compose d'au moins un coupleur et d'au moins un précurseur (ou base ou développeur) (page 3, lignes 43 à 44). Le coupleur peut être représenté par un mélange de coupleurs connus et le développeur par un mélange de développeurs connus (page 3, lignes 52 à 54).
Parmi les coupleurs connus, D17 mentionne, entre autres, le 2-amino-4-[(2'-hydroxyéthyl)amino]-anisol (page 3, lignes 58 et 59 ; revendication 6). Ce coupleur correspond au 1-méthoxy 2-amino 4-(ß- hydroxyéthylamino)benzène mentionné dans la revendication 2 du brevet en litige. En tant que développeur, D17 mentionne, entre autres, le 1,4-diamino-2-(2'-hydroxyéthyl)-benzène (page 3, line 62 ; revendication 5). Ce développeur correspond à la 2-(ß-hydroxyéthyl)paraphénylènediamine mentionnée dans la revendication 1 du brevet en litige.
Pour étayer l'objection d'absence de nouveauté, les intimées ont évoqué, en particulier, un passage de D17 (page 4, lignes 22 à 27) qui s'énonce ainsi : "Das Farbstoffgemisch kann beliebig zusammengesetzt sein, beispielsweise aus den Komponenten 2,5-Diamino-toluolsulfat, 1,4-Diamino-benzol, m-Aminophenol, Resorcin und 4-[(2'-Hydroxyethyl)amino]-2-aminoanisol-Sulfat, p-Aminophenol, 4-Amino-3-methyl-phenol und 5-Amino-2-methyl-phenol. Falls es zur Herstellung spezieller Nuancen erforderlich ist, können zusätzlich andere Farbkomponenten, wie zum Beispiel 2,5-Diaminophenylethylalkohol eingesetzt werden.".
Conformément à la traduction française produite par la requérante dans son mémoire de recours (page 3/7), ce passage s'énonce ainsi : "le mélange de colorants peut être constitué de manière quelconque, par exemple par les composants sulfate de 2,5-diamino toluène, 1,4- diaminobenzène, m-aminophénol, résorcine et sulfate de 4- [(2'-hydroxyéthyl)amino]-2-aminoanisol, p-aminophénol, 4- amino-3-méthyl-phénol et 5-amino-2-méthyl-phénol. Dans le cas où cela est nécessaire pour obtenir des nuances spéciales, on peut utiliser en outre d'autres colorants, comme par exemple l'alcool 2,5-diaminophényléthylique".
D'après les intimées, ce passage divulguait deux mélanges spécifiques de colorants, donc deux exemples : le premier comprenait les cinq premiers composants nommés, à savoir deux développeurs et trois coupleurs ; le second comprenait les trois derniers composants nommés, soit deux développeurs et un coupleur. L'ajout de l'alcool 2,5-diaminophényléthylique aux dits mélanges spécifiques, en particulier au premier mélange de colorants, pour obtenir des nuances spéciales, aboutissait à une composition comportant tous les composants selon la revendication 1 en litige, l'objet de laquelle par conséquent n'était pas nouveau.
Selon la requérante, ledit passage n'était pas clair et se prêtait à plusieurs interprétations. Quel que soit l'interprétation, pour arriver à l'objet revendiqué, il fallait choisir dans trois listes : une de coupleurs, une de développeurs et une troisième d'autres colorants pour nuances spéciales non précisées, dont seulement l'alcool 2,5-diaminophényléthylique avait été individualisé.
Concernant la nature des composants désignés dans ce passage : le composant sulfate de 2,5-diamino toluène est une p-toluène diamine, donc un développeur ; le 1,4- diaminobenzène est une p-phénylène diamine, soit un autre développeur ; le m-aminophénol, la résorcine et le sulfate de 4-[(2'-hydroxyéthyl)amino]-2-aminoanisole (correspondant au 1-méthoxy 2-amino 4-(ß- hydroxyéthylamino)benzène) sont des coupleurs. Le p- aminophénol et le 4-amino-3-méthyl-phénol sont des développeurs ; le 5-amino-2-méthyl-phénol est un coupleur. Parmi les composants supplémentaires pour obtenir des nuances de couleur spéciales, l'alcool 2,5- diaminophényléthylique est un développeur et correspond à la 2-(ß-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine de la revendication 1 en litige. Cela n'est pas contesté.
Conformément aux règles générales d'interprétation, appliquées dans le cadre de l'appréciation de la nouveauté (Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, 4ème édition 2001, I.C.2.1 ; en particulier, la décision T 312/94 du 4. septembre 1997, non publiée dans le JO OEB, citée par l'intimée 03), l'on ne peut interpréter ledit passage du D17 de manière isolée par rapport au reste du document. Au contraire, cette partie doit être interprétée dans le contexte du document considéré dans son ensemble.
Outre les faits déjà établis que le mélange de colorants doit obligatoirement comprendre au moins un développeur et au moins un coupleur, et que développeur et coupleur peuvent se présenter sous forme de mélange de développeurs et de coupleurs, respectivement, il reste à établir si l'expression "de manière quelconque" ("beliebig"), mentionnée dans la phrase principale du passage de la page 4, lignes 22-23, pour indiquer tout choix désiré de développeurs et coupleurs, s'applique également à la phrase suivante, "par exemple par les composants ...". En d'autres termes, il faut établir si les composants individualisés dans ladite phrase suivante forment deux mélanges spécifiques, tel que soutenu par les intimées, ou deux réservoirs, dans lesquels développeur et coupleur peuvent être choisis de manière quelconque, tel que soutenu par la requérante.
Les exemples qui suivent le passage contesté peuvent servir à l'interpréter.
La première composition exemplifiée (exemple 1) comporte le 1,4-diamino-benzène comme développeur et la résorcine et le sulfate de 4-[(2'-hydroxyéthyl)amino]-2- aminoanisol comme coupleurs. Cette composition comporte également un autre coupleur, soit l'hydroclorure du 4- (2'-hydroxyéthyl)amino-1,2-méthylendioxy-benzène, qui n'est pas mentionné dans le passage de la page 4. D17 ne mentionne pas s'il s'agit d'un autre coupleur pour nuance spéciale.
La deuxième composition exemplifiée (exemple 2) comporte le sulfate de 1,4-diamino-toluène (un développeur) ainsi que la résorcine et le m-aminophénol (coupleurs). D'autres coupleurs ou développeurs pour nuances spéciales ne sont pas présents.
Au vu de ces exemples, qui sont plus spécifiques que l'enseignement du passage contesté et comportent un choix de développeur et coupleur parmi les composants mentionnés dans ce passage de D17, sans comporter tous les composants du présumé premier exemple allégué par les intimées, il est clair que :
- l'expression "de manière quelconque", de la phrase principale du dit passage, s'applique également dans la ou les listes de composants qui suivent cette phrase ;
- un mélange contenant les deux premiers développeurs et les trois premiers coupleurs n'est pas exclu par le passage de la page 4 de D17, mais il s'agit d'une possibilité parmi d'autres, notamment celles des exemples de D17 ;
- l'expression "nuances spéciales", en soi ou dans le contexte de D17, n'est pas claire. A titre d'exemple, la page 3, ligne 64, de D17, mentionne que l'obtention de "certaines nuances" est liée à l'utilisation de colorants directs. Cela revient à dire que la dernière phrase du passage contesté en fait porte elle-même sur une liste ouverte d'autres possibles colorants (développeurs, coupleurs, colorants directs, etc.), dont le seul exemple donné est l'alcool de 2,5-diaminophényléthyl.
- les autres colorants pour nuances spéciales peuvent, eux aussi, être choisis de manière quelconque et combinés aux mélanges, formés de manière quelconque, de développeurs et coupleurs cités auparavant. Cela est évident dans l'exemple 1, où ledit alcool de 2,5- diaminophényléthyl n'a pas été utilisé en combinaison avec le sulfate de 2-amino-4-(2'-hydroxyéthyl)amino anisol.
Donc, pour arriver à l'objet tel que revendiqué, l'homme de l'art aurait dû choisir dans les listes de composants mentionnées dans le passage contesté de D17 l'alcool de 2,5-diaminophényléthyl comme développeur et le sulfate de 2-amino-4-(2'-hydroxyéthyl) amino anisol comme coupleur. Cependant, ce choix parmi les composants donnés dans les listes de D17 pour obtenir des nuances spéciales non précisées ne résulte pas de manière directe et non ambiguë (Jurisprudence, supra, I.C.4.1.1b, en particulier T 12/81 (JO 1982, 296), et T 401/94 du 18 août 1994, non publiée dans le JO OEB, qui a appliqué par analogie les critères de sélection énoncés dans T 12/81, pour la synthèse d'un produit chimique, à la formulation d'un mélange). Par conséquent, au vu de D17, l'objet de la revendication 1 est nouveau.
4.2. Le document D21 porte, entre autre, sur un moyen pour la coloration oxydative des cheveux à base d'une combinaison de développeur et coupleur, caractérisé en ce que le moyen comprend, en tant que coupleur, un 5-alkoxy-2,4-diamino- alkylbenzène de formule générale :
FORMULE (I)
dans la quelle R1 représente un groupe méthyle ou éthyle et R2 représente un reste alkyle ayant de 2 à 4 atomes de carbone, un reste monohydroxyalkyle ayant de 2 à 4 atomes de carbone ou un reste dihydroxyalkyle ayant de 3 à 4 atomes de carbone, ou leurs sels acides (revendication 4).
Les 5-alkoxy-2,4-diamino-alkylbenzènes selon la formule (I) de D21 ne sont pas compris dans la formule (II) de la revendication 1 en litige. Ledit moyen peut toutefois aussi comprendre 17 autres coupleurs (D21, revendication 9), parmi lesquels le 2-amino-4-(2'-hydroxyethyl)amino- anisol est mentionné. Les développeurs préférés sont choisis dans une liste de 9 développeurs comprenant le 2,5-phényléthanol (D21, revendication 8). Il est à remarquer que les exemples de D21 ne portent pas sur le choix de développeurs et coupleurs compris dans les définitions et la formule de la revendication 1 du brevet en litige.
Le choix spécifique d'un développeur tel que le 2,5- phényléthanol et d'un autre coupleur tel que le 2-amino- 4-(2'-hydroxyethyl)amino-anisol, dans deux listes de composants d'une certaine longueur, en l'absence d'une indication directe et non ambiguë d'un tel mélange, ne peut toutefois porter atteinte à la nouveauté de l'objet revendiqué (Jurisprudence, supra, I.C.4.1.1b).
Cette conclusion ne saurait être changée par les considérations évoquées durant la procédure écrite par l'intimée 02, selon lesquelles certains coupleurs et certains développeurs préférés par D21 avaient été bannis ou posaient des problèmes de toxicité, ce qui restreignait inévitablement le choix de coupleurs et développeurs donnés par D21 à des coupleurs et à des développeurs qui étaient compris dans les formules de la revendication 1 en litige. Que ce choix remplisse ou non tous les critères pour une sélection, ces considérations portent sur une information qui ne résulte pas de la seule divulgation de D21. En fait, ces considérations requièrent d'autres documents non cités dans D21, tels que les Directives de la Communauté Européenne, et ne peuvent par conséquent être prises en compte pour l'appréciation de la nouveauté (Jurisprudence, supra, I.C.3.1).
Par conséquent, D21 ne peut porter atteinte à la nouveauté de l'objet tel que revendiqué.
5. Eléments nouveaux de preuve
5.1. Utilisation antérieure publique
5.1.1. Dans sa réponse au mémoire de recours, l'intimée 02 n'avait pas rappelé l'utilisation antérieure publique évoquée en procédure d'opposition et rejetée par la Division d'opposition. Cette utilisation n'a été rappelée de nouveau que par la lettre du 10 septembre 2003, qui contenait de nouvelles pièces sur lesquelles se fondaient de nouveaux arguments.
5.1.2. Les nouvelles pièces sont constituées par :
a) Des factures et des fiches de livraison relatives à des ventes dans les années 1990 et 1991 ;
b) un procès-verbal d'une procédure orale en date du 17. octobre 2001, portant sur des faits relatifs à des productions de l'année 1990 ;
c) des déclarations des responsables de la logistique, de la production et de la planification, en dates de 23. juillet 1996, 18 avril 2002 et 3 septembre 2003, mais relatives à des productions, à des stockages et à des ventes des années 1990 à 1992.
5.1.3. Il apparaît que ces pièces, au moins les plus anciennes, auraient pu être produites auparavant. La justification avancée, à savoir la difficulté dans la recherche de documents pour un colorant ayant des centaines de nuances, n'est pas convaincante, car invoquée seulement juste avant la procédure orale devant la Chambre. Par conséquent, les dernières pièces sont tardives.
5.1.4. Conformément à la Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 4ème édition 2001, VI.F.2, en particulier la décision de principe T 156/84 (JO 1988, 372), le principal critère pour décider de la recevabilité des nouvelles pièces est leur pertinence, c'est-à-dire l'importance que ces preuves constituent par rapport aux autres preuves déjà versées au dossier.
5.1.5. La facture D271 est datée du 26 septembre 1990 et porte sur une vente de Koleston 2000, en particulier nuance 71, 30 tubes, et nuance 80, 212 tubes.
L'intimée, dans sa lettre du 10 septembre 2003, point 1.1, a indiqué que les nuances vendues étaient la 7/1 et la 8/0 et que la livraison avait eu lieu le 22 septembre 1990, conformément à l'indication "22.09 604" sur la deuxième ligne de la facture.
Cependant, il ressort clairement du résumé chronologique "Annexe 1" (lettre de l'intimée 02 en date du 10. septembre 2003) que les nuances 7/1 et 8/0, supposant contenir les ingrédients Betoxol et Lehmann Blau, n'ont été confectionnées et livrées au magasin central que les jours 25 et 26 septembre 1990, respectivement, soit quelques jours après la présumée date de livraison selon la facture D271.
Il s'ensuit que l'indication "22.09 604", sur la deuxième ligne de la facture D271, ne peut être la date effective de livraison.
Par conséquent, l'indication de l'intimée dans la lettre du 10 septembre 2003 est contradictoire. La facture D271 ne permet donc pas d'établir la date de livraison et la date de livraison indiquée par l'intimée n'est pas crédible.
5.1.6. Par comparaison avec la fiche D274, qui mentionne la date de livraison (28.08.91), et qui montre que le numéro de la deuxième ligne (23.08 859) ne correspond pas à la date de livraison déclarée, il apparaît que les factures D272, D273 et D275 ne comportent elles non plus l'indication de la date de livraison. Par conséquent, les indications des dates de livraison pour les nuances des factures D272, D273 et D275, telles qu'elles résultent de la lettre du 10 septembre 2003, et qui correspondent aux numéros de la deuxième ligne des factures, sont au moins douteuses.
5.1.7. En plus des indications douteuses dans les factures, il est à remarquer, en particulier, que :
a) l'indication des nuances dans les factures, les recettes, les registres de production et les résumés de production n'est pas la même et doit être interprétée à la lumière des déclarations produites ;
b) le numéro d'article (633) cité sur les factures n'est qu'une partie du numéro d'article cité sur la déclaration de M. Grolmus (D277) pour les nuances supposées contenir le Betoxol et le Lehmann Blau ;
c) la preuve que des nuances 5/1 selon la recette D27d (7 2319 00 09 0) ont été vendues aux grossistes dans la période allant du 19 juin 1991 au 1er juillet 1992, conformément aux factures et fiches de livraison D273, D274, D275, D27v et D27k, se fonde sur la présomption qu'une nouvelle charge n'a été produite que le 23 juin 1993, selon une autre recette (Annexe 1 dans la lettre du 10 septembre 2003). Donc, la nuance produite le 22 mai 1991, confectionnée le 28. mai 1991 et emmagasinée le 29 mai 1991 devait avoir été vendue.
Cependant, le registre de production D27o pour la même nuance 5/1, montre que d'autres charges avaient été produites, en particulier dans la période janvier - novembre 1990, même en des quantités importantes.
Par conséquent, les factures et les fiches de livraison produites ne comportent aucun lien avec les références (recettes, charges, dates de production, etc.) telles que données dans les résumés de production dernièrement versés ou dans les registres de production produits en procédure d'opposition.
5.1.8. En conclusion, même si l'on supposait que les nuances selon les recettes D27a à D27d contenaient effectivement des ingrédients tels que revendiqués, les dernières pièces produites au stade du recours, pas plus que les premières pièces en opposition, ne permettraient pas de conclure avec certitude, à savoir de manière directe, quelle nuance selon quelle recette a été effectivement vendue et facturée au public avant la date de priorité.
5.1.9. Les dernières pièces n'apportant rien de nouveau, donc n'étant pas plus pertinentes que celles en procédure d'opposition, elles sont par conséquent écartées (article 114(2) CBE).
5.2. Nouveau document
5.2.1. Le nouveau document D315 mentionné par l'intimée 03 au cours de la procédure orale devant la Chambre avait été utilisé dans une autre affaire, opposant les mêmes parties, à savoir au cours de l'opposition au brevet européen 0 665 006 (maintenant objet du recours sous le numéro T 0651/03 - 3.3.7). Ce document étant donc bien connu, il pouvait être mentionné auparavant. Par conséquent, il est tardif.
5.2.2. Néanmoins, s'agissant d'un document de la requérante, cité dans une autre affaire avec les mêmes parties, cette mention ne peut la surprendre, ni constituer un abus de procédure. De plus, il ne s'ensuit aucun retard excessif, car la présente affaire doit en tout état de cause être renvoyée pour l'appréciation de l'activité inventive.
5.2.3. Dans le présent cas - conformément à la Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 4ème édition 2001, VI.F.2, en particulier la décision de principe T 156/84 (JO 1988, 372) - le principal critère pour décider de la recevabilité du nouveau document est sa pertinence.
5.2.4. La Chambre ainsi que toutes les parties étaient de l'avis que D315 était assez pertinent pour être introduit dans la procédure.
6. En conclusion, le renvoi à l'instance du premier degré s'impose, d'une part parce que le document D315 de par sa pertinence est introduit dans la procédure et n'a jamais fait l'objet d'un examen, d'autre part la question de l'activité inventive n'a pas fait l'objet de la décision contestée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision contestée est annulée.
2. Le transfert de l'opposition est refusé.
3. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré pour suite à donner.