European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2006:T041600.20060124 | ||||||||
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Date de la décision : | 24 Janvier 2006 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0416/00 | ||||||||
Numéro de la demande : | 96400115.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 7/13 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques et procédé de teinture mettant en oeuvre cette composition | ||||||||
Nom du demandeur : | L'OREAL | ||||||||
Nom de l'opposant : | Bristol-Myers Squibb Company | ||||||||
Chambre : | 3.3.07 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Transfert de l'opposition - (non) Nouveauté - (oui) - requête principale Activité inventive - (non) - requête principale Modifications - recevables - (oui) - requête subsidiaire 1 Faits et preuves produits tardivement - documents admis - (oui) Renvoi de l'affaire - (oui) Frais - autre répartition - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen nº 96 400 115.0, déposée le 17 janvier 1996 et revendiquant la priorité d'une demande antérieure déposée en France le 19 janvier 1995 (FR 9500587), a donné lieu, le 6 août 1997, à la délivrance du brevet européen nº 0 722 713 sur la base de 16 revendications. Les libellés des revendications indépendantes s'énonçaient comme suit :
"1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture :
- au moins une première base d'oxydation choisie parmi la paraphénylènediamine, la 2-méthyl paraphénylènediamine et leurs sels d'addition avec un acide,
- au moins un coupleur choisi parmi les dérivés de métaphénylènediamine de formule (i) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle :
R1 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4, monohydroxyalkyle en C1-C4 ou polyhydroxyalkyle en C2-C4 ;
R2 et R3, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4 ou hydroxyalkoxy en C1-C4 ;
R4 représente un radical alkoxy en C1-C4, aminoalkoxy en C1-C4, monohydroxyalkoxy en C1-C4, polyhydroxyalkoxy en C2-C4 ou un radical 2,4-diaminophénoxyalkoxy, sous réserve que lorsque R1 désigne un atome d'hydrogène, alors R2 et R4 ne désignent pas simultanément un radical ß-hydroxyéthyloxy, et que lorsque R1, R2 et R3 désignent simultanément un atome d'hydrogène, alors R4 est différent de méthoxy,
et leurs sels d'addition acide,
- et au moins une deuxième base d'oxydation choisie parmi les dérivés de paraphénylènediamine tertiaire de formule (II) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle :
R5 représente un radical alkyle en C1-C4, monohydroxyalkyle en C1-C4 ou polyhydroxyalkyle en C2-C4 ;
R6 représente un radical monohydroxyalkyle en C1-C4 ou polyhydroxyalkyle en C2-C4 ;
R7 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4, alkoxy en C1-C4 ou un atome d'halogène,
et leurs sels d'addition avec acide."
"14. Procédé de teinture des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux caractérisé par le fait que l'on applique sur ces fibres une composition tinctoriale telle que définie à l'une quelconque des revendications 1 à 13 et que l'on révèle la couleur à pH acide, neutre ou alcalin à l'aide d'un agent oxydant qui est ajouté juste au moment de l'emploi à la composition tinctoriale ou qui est présent dans une composition oxydante appliquée simultanément ou séquentiellement de façon séparée."
"16. Dispositif à plusieurs compartiments ou "kit" de teinture à plusieurs compartiments dont un premier compartiment renferme une composition tinctoriale telle que définie à l'une quelconque des revendications 1 à 13 et un second compartiment renferme une composition oxydante comprenant un agent oxydant tel que défini à la revendication 15."
Les revendications 2 à 13 portaient sur des modes particuliers de réalisation de la composition selon la revendication 1. La revendication 15 portait sur un mode particulier de réalisation du procédé selon la revendication 14.
II. Le 6 mai 1998, une opposition a été formée par Bristol-Myers Squibb Company en vue d'obtenir la révocation du brevet sur le fondement de l'article 100a) CBE, à savoir défaut de nouveauté et manque d'activité inventive au vu des documents :
D1 : US-A-3 884 627 et
D2 : US-A-4 323 360.
Un autre document, (D3) US-A-4 125 367, avait été déposé par une lettre datée du 24 novembre 1999.
III. Par une décision remise à la poste le 21 février 2000, à l'issue de la procédure orale du 25 janvier 2000, l'opposition a été rejetée (article 102(2) CBE).
D'après les motifs de la décision :
a) l'objet de la revendication 1 était nouveau et impliquait une activité inventive au vu des compositions décrites par D1 et D2 ;
b) le document D3 n'avait plus été mentionné au cours de la procédure orale et n'avait donc pas fait l'objet de la décision ;
c) l'objet des revendications telles que délivrées satisfaisait aux exigences de la CBE.
IV. Un recours a été formé par l'opposante Bristol-Myers Squibb Company (ci-après, la requérante) contre cette décision, reçu le 20 avril 2000, et la taxe prescrite acquittée le même jour.
Dans son mémoire de recours, reçu le 28 juin 2000, la requérante a entre autres maintenu le motif de défaut de nouveauté de l'objet tel que revendiqué par rapport à D1 et D2 en se référant aux arguments versés aux débats au cours de la procédure d'opposition, tout en se réservant le droit de faire valoir ultérieurement d'autres arguments dans l'affaire, par écrit ou durant la procédure orale. Puis, elle a soumis le document GB-A-1 597 034 (ci-après, D4), pour renforcer l'argument que l´objet tel que revendiqué ne serait pas nouveau, ou du moins pas inventif (lettre du 24 août 2000).
Enfin, la requérante a soumis des documents pour démontrer que les coupleurs exemplifiés par D1 (métaphénylènediamine, 2,4-diaminoanisole et métatoluénediamine) n'étaient pas sans inconvénients sur le plan toxicologique ou avaient été bannis (lettres datées du 21 décembre 2005 et du 19 janvier 2006), à savoir :
D5 : Directive du Conseil nº 76/768/EEC du 27 juillet 1976 ;
D6 : Directive de la Commission nº 83/341/EEC du 29 juin 1983 ;
D7 : Directive de la Commission nº 88/233/EEC du 2 mars 1988 ;
D8 : US-A-4 883 656 ;
D9 : Hawley's Condensed Chemical Dictionary, 11th edition, 1987, page 901.
V. Par lettre du 2 avril 2002, la société Bristol-Myers Squibb Company (opposante et requérante dans la présente affaire) a déclaré avoir vendu, suivant acte en date du 15 novembre 2001, à la société Procter & Gamble Company, la partie de ses actifs constituée par sa filiale, la société Clairol Incorporated, dans l´intérêt de laquelle l'opposition avait été formée. En conséquence, elle a requis que soit déclaré valide le transfert de son opposition à la Société Procter & Gamble Company.
Dans ses lettres du 9 août 2002, en réponse à une communication de la Chambre commune à plusieurs affaires, et du 9 mai 2003, la requérante a détaillé les moyens de fait et de droit au soutien de sa requête de transfert.
La Chambre, dans une communication datée du 15 septembre 2005, en annexe à la citation à la procédure orale, a attiré l'attention des parties sur la décision de la Grande Chambre de Recours G 0002/04 du 25 Mai 2005 (JO OEB 2005, 549) et plus particulièrement sur les motifs I(a) et I(b).
VI. En réponse au mémoire de recours, la titulaire du brevet (ci-après, l'intimée) a entre autres contesté la recevabilité du motif de défaut de nouveauté, puisqu'il ne se fondait que sur des arguments versés aux débats au cours de la procédure d´opposition. Puis, elle a pris position sur la requête d'introduction dans la procédure des documents D3 et D4, sur l'activité inventive au vu des documents D1 et D2, et, à titre subsidiaire, sur l'activité inventive au vu des documents D3 et D4 (lettre datée du 18 mai 2001).
En réaction à la communication de la Chambre datée du 15 septembre 2005, en préparation de la procédure orale, l'intimée a déposé des jeux de revendications modifiées à titre de requêtes subsidiaires 1 à 3 (lettre datée du 23 décembre 2005). Dans cette lettre, l'intimée a aussi indiqué que lors de la discussion sur l'activité inventive elle entendait se référer non seulement aux exemples du brevet mais également aux rapports d'essais comparatifs déposés avec ses lettres datées du 25 novembre 1999 et du 21 janvier 2000.
Le libellé de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 s'énonce ainsi :
Requête subsidiaire 1
"1. Composition pour la teinture d'oxydation des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture :
- au moins une première base d'oxydation choisie parmi la paraphénylènediamine, la 2-méthyl paraphénylènediamine et leurs sels d'addition avec un acide,
- au moins un coupleur choisi parmi les dérivés de métaphénylènediamine choisis parmi le 3,5-diamino 1-éthyl 2-méthoxybenzène, le 3,5-diamino 2-méthoxy 1-méthyl benzène, le 2,4-diamino 1-éthoxybenzéne, le 1,3-bis-(2,4-diaminophénoxy) propane, le bis-(2,4-diaminophénoxy) méthane, le 1-(ß-aminoéthyloxy) 2,4-diamino benzène, le 2-amino 1-(ß-hydroxyéthyloxy) 4-méthylamino benzène, le 2,4-diamino 1-éthoxy 5-méthyl benzène, le 2,4-diamino 5-(ß-hydroxyéthyloxy) 1-méthylbenzène, le 2,4-diamino 1-(ß,gamma-dihydroxypropyloxy) benzène, le 2,4-diamino 1-(ß-hydroxyéthyloxy) benzène, le 2-amino 4-N-(ß-hydroxyéthyl) amino 1-méthoxy benzène, et leurs sels d'addition avec un acide,
- et au moins une deuxième base d'oxydation choisie parmi les dérivés de paraphénylènediamine tertiaire de formule (II) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle :
dans laquelle :
R5 représente un radical alkyle en C1-C4, monohydroxyalkyle en C1-C4 ou polyhydroxyalkyle en C2-C4 ;
R6 représente un radical monohydroxyalkyle en C1-C4 ou polyhydroxyalkyle en C2-C4 ;
R7 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4, alkoxy en C1-C4 ou un atome d'halogène,
et leurs sels d'addition avec acide."
La revendication 1 de la requête subsidiaire 2, par rapport à la requête subsidiaire 1, avait été limitée dans les possibilités de choix de la deuxième base d'oxydation.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 avait été restreinte à une composition comportant une association ternaire spécifique de précurseurs.
VII. La procédure orale a eu lieu le 24 janvier 2006. Après délibéré de la Chambre, la décision a été prononcée.
VIII. Les arguments de la requérante peuvent se résumer ainsi :
Transfert de l'opposition
Lors de la procédure orale, Bristol-Myers Squibb Company a renvoyé aux moyens soumis par écrit au soutien de sa requête de transfert de l'opposition et a indiqué maintenir sa requête sans faire d'observations à la suite de la décision de la Grande Chambre G 0002/04, supra.
Recevabilité du motif de recours "Défaut de nouveauté"
L'article 108 CBE concernait les exigences que le mémoire de recours devait remplir. Les chambres de recours de l'OEB avaient reconnu dans plusieurs décisions que même dans le cas d'un renvoi aux arguments versés aux débats au cours de la procédure d'opposition, le recours était néanmoins recevable. Dans le cas présent, les mêmes arguments avec les mêmes documents et les mêmes passages avaient été versés aux débats dès le début de la procédure d'opposition. Par contre, la règle 64b) CBE mentionnée par l'intimée portait sur la forme du recours et ne pouvait donc être invoquée.
Admission aux débats des documents D3 et D4
Le document D3 était cité dans le brevet en litige et avait été commenté par l'intimée, non seulement au cours de la procédure de recours mais aussi durant celle d'opposition.
Le document D4 avait été soumis juste après le mémoire de recours pour renforcer la position de la requérante prise devant la première instance. Cela était en ligne avec la décision T 0113/96 du 19 décembre 1997 (non publiée dans le JO OEB). D4 divulguait un coupleur couvert par la formule (i) de la revendication 1 en litige. Ce coupleur était exemplifié en combinaison avec plusieurs bases telles que revendiquées. Cette combinaison faisait l'objet de toutes les requêtes de l'intimée. Par conséquent, D4 était très pertinent, au moins pour l'activité inventive. Comme D4 se trouvait dans le dossier depuis cinq ans, il avait été discuté par écrit et l'intimée avait eu tout le temps de prendre connaissance de son contenu, il devait être admis aux débats.
Par ailleurs, même dans le cas où D4 mettrait en danger le maintien du brevet en litige, un renvoi à la première instance ne serait pas automatique. A cet égard, référence à été faite à la décision T 1060/96 du 26 janvier 1999 (non publiée dans le JO OEB).
Requête principale
a) Quant à la nouveauté, D1 décrivait des compositions de teinture d'oxydation contenant une association ternaire (triplette) de précurseurs constituée par la N,N-bis-ß-hydroxyéthyl-paraphénylènediamine, une métaphénylènediamine et la paraphénylènediamine ou la 2-méthyl-paraphénylènediamine.
Par rapport aux compositions de D1, l'objet de la revendication 1 en litige requérait comme coupleur une métaphénylènediamine choisie parmi les dérivés couverts par la formule (i). Comme cette formule comportait plusieurs listes de possibles substituants, la définition de la revendication 1 en litige ne portait pas sur la sélection d'une métaphénylènediamine spécifique, mais d'un sous-groupe de dérivés de métaphénylènediamine. Ce sous-groupe excluait exactement les coupleurs qui étaient les plus nocifs mais en fait englobait encore un grand nombre de dérivés de métaphénylènediamine. Donc, il n'était pas étroit. En outre, ce sous-groupe de dérivés n'était pas éloigné non plus du domaine divulgué par D1. A cet égard, référence avait été faite à la décision T 0133/92 du 18 octobre 1994 (EPOR 96, 558). Enfin, le choix des dérivés du sous-groupe était arbitraire.
Par conséquent, l'objet tel que revendiqué n'était pas nouveau.
b) Sur l'activité inventive, le brevet litigieux portait sur des compositions tinctoriales sans inconvénients sur le plan toxicologique et colorant de manière puissante et résistante aux shampooings et à la lumière.
D1 traitait des problèmes posés par les colorations qui n'étaient pas suffisamment résistantes aux shampooings, à la perspiration acide et à celle alcaline ainsi qu'à la lumière. Contrairement aux arguments versés par l'intimée, D1 n'envisageait pas de se passer des bases conventionnelles telles que la paraphénylènediamine et la paratoluènediamine mais simplement de remplacer une partie de ces bases conventionnelles. En fait, des compositions décrites par D1 comportaient une association ternaire d'ingrédients comme celle faisant l'objet du brevet en litige. En particulier, la composition de D1 la plus proche de celles du brevet en litige comportait la paraphénylènediamine, la N,N-bis-(2-hydroxyéthyl)-paraphénylènediamine et le 2,4-diaminoanisole sulfate. Cette composition était aussi revendiquée par D1. Donc, D1, qui avait pour objet le même problème que le brevet en litige dans le même domaine technique, décrivait l'état de la technique le plus proche.
L'homme de l'art savait, comme le prouvaient les documents D5 à D9, que les coupleurs exemplifiés par D1 n'étaient pas sans inconvénients sur le plan toxicologique. Certains d'eux en fait avaient été bannis. Au vu de cette contrainte, l'homme de l'art aurait envisagé de modifier les compositions exemplifiées par D1 pour remplacer les coupleurs nocifs. Contrairement aux arguments versés aux débats par l'intimée, l'aspect toxicologique des compositions cosmétiques qui devaient être appliquées sur la peau était très important, il s'agissait d'un aspect réel toujours à considérer.
Les rapports d'essais comparatifs déposés par l'intimée en novembre 1999 et en janvier 2000 ne pouvaient justifier l'existence d'autres problèmes techniques. Dans ces essais, l'intimée mettait l'accent sur des effets tels que la perspiration ou la sélectivité qui n'avaient aucun support concret dès l'origine dans la description du brevet en litige.
Donc, le problème à résoudre était de réduire les inconvénients sur le plan toxicologique des compositions de D1.
Pour ce faire, l'homme de l'art se serait tourné vers les documents qui décrivaient des coupleurs compatibles avec les bases utilisées par D1 mais ne présentant pas d'inconvénients.
D2, D3 et D4 décrivaient tous des coupleurs qui ne posaient pas de problèmes sur le plan toxicologique et qui étaient compatibles avec les bases utilisées par D1. En outre, ces documents indiquaient que leurs coupleurs étaient aptes à remplacer des coupleurs tels que le 2,4-diaminoanisole. Par conséquent, le remplacement du 2,4-diaminoanisole de D1 par le coupleur de D2, ou par celui de D3 ou de D4, était évident pour l'homme de l'art.
Par ailleurs, si le problème technique ne portait pas sur des aspects toxicologiques, tel que soutenu par l'intimée, et si l'homme de l'art se proposait simplement d'améliorer la stabilité de la coloration produite, il se serait également tourné vers les documents D2, D3 et D4, puisque ces documents traitaient aussi cet aspect.
En partant de D2 comme état de la technique le plus proche, la conclusion serait la même. D2 divulguait un nouveau coupleur qui était sans inconvénients sur le plan toxicologique et qui pouvait être utilisé dans des compositions tinctoriales pour obtenir des colorations stables. Certaines compositions étaient exemplifiées et comportaient une association ternaire de précurseurs comme la composition faisant l'objet du brevet litigieux. Contrairement aux arguments de l'intimée, il n'y avait pas de données pour étayer une réduction de la sélectivité, car elle n'était pas quantifiée dans le brevet en litige et elle n'était pas mentionnée par D1 et D2. Les données présentées par l'intimée pour justifier la concession d'un monopole sur une réduction de la sélectivité étaient tardifs. Donc, le problème restait celui de l'amélioration de la stabilité de la coloration. Une fois choisi le bon coupleur, afin d'améliorer cette stabilité, l'homme de l'art se serait intéressé aux bases. D1 suggérait d'utiliser un mélange de bases, primaire et tertiaire, tel que défini dans ses revendications 4 et 5. Cette incitation aurait conduit l'homme de l'art à l'objet de la revendication 1 en litige, indépendamment de toute question de réduction de la sélectivité.
L'objet tel que revendiqué ne pouvait en aucun cas impliquer une activité inventive.
Requête subsidiaire 1
Au cours de l'audience, la requérante a déclaré qu'elle n'avait aucune objection formelle contre les revendications de la requête subsidiaire 1.
IX. Les arguments de l'intimée peuvent se résumer ainsi :
Transfert de l'opposition
Cette question avait été tranchée de manière globale par la décision G 0002/04 de la Grande Chambre de recours, supra. Par conséquent, il convenait de rejeter la requête de transfert et de continuer la procédure avec Bristol-Myers Squibb Company en qualité d'opposante.
Recevabilité du motif de recours "Défaut de nouveauté"
Le défaut de nouveauté était un des motifs d'opposition. Néanmoins, dans le mémoire de recours, une simple référence aux arguments versés aux débats au cours de la procédure d'opposition ne constituait pas une motivation suffisante sur ce point du recours. Ce faisant, la requérante n'avait pas indiqué pourquoi la décision attaquée était erronée. Par conséquent, le motif de recours défaut de nouveauté n'était pas recevable. En tout cas, si le recours était recevable sur ce motif, comme la requérante avait choisi de se référer simplement aux arguments versés au cours de la procédure d'opposition, elle devait se limiter à ces arguments.
Admission aux débats des documents D3 à D9
Le but du recours était d'attaquer la décision de la première instance.
La division d'opposition n'avait pas décidé sur D3, mais seulement sur D1 et D2.
D4 était est un document de l'opposante, cité seulement en recours. En plus, aucune justification de la tardiveté n'avait été fournie. Donc, D4 avait été déposé tardivement.
D4 mentionnait plusieurs bases mais il ne divulguait aucune association ternaire de bases primaires et tertiaires et de coupleurs. Pour arriver à l'objet tel que revendiqué il fallait donc faire de multiples choix dans les possibilités envisagées par D4. Par conséquent D4 n'était pas pertinent.
En tout cas, D3 et D4 ne pouvaient être utilisés contre l'intimée sans respect du double degré de juridiction. Comme établi par la décision de principe T 0156/84 du 9 avril 1987 (JO 1988, 372), si D3 et D4 étaient admis aux débats, il fallait renvoyer l'affaire à la première instance, et aussi considérer une autre répartition des frais.
Quant aux directives européennes D5 à D7, au brevet américain D8 et au dictionnaire D9, tels que mentionnés par la requérante, la métaphénylènediamine, mentionnée par D1 comme coupleur, était bien autorisée et en fait elle était contenue dans 82 produits encore sur le marché. Donc, le problème ne portait pas sur la nocivité des compositions de D1. La conduite de la requérante cherchant à bâtir un problème inexistant était inadmissible. D5 à D9 devaient donc être écartés.
Requête principale
a) Quant à la nouveauté, d'après la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, seule une divulgation claire et non ambiguë de l'objet tel que revendiqué était destructrice de la nouveauté. En outre, sur la nouveauté d'une sélection, les critères établis pour les sélections de gammes de valeurs de paramètres ne correspondaient nécessairement pas à ceux qui s'appliquaient aux formules chimiques générales comportant plusieurs groupes de substituants.
Le terme "métaphénylènediamines" dans la divulgation de D1 était générique et désignait donc un grand nombre de dérivés résultant du choix de l'un quelconque des huit restes possibles que l'on pouvait associer aux quatre positions du noyau benzénique et aux deux positions respectives sur les deux atomes d'azote. Cette interprétation était parfaitement évidente, et aussi conforme à celle de D2. Par contre, la formule (i) de la revendication 1 en litige comportait seulement quatre groupes de variables. Donc, le domaine revendiqué était moins étendu que celui couvert par D1.
En outre, D1 n'exemplifiait que trois dérivés de métaphénylènediamine, aucun desquels n'était couvert par la formule (i) de la revendication 1 en litige. L'interprétation de D1 faite par la requérante étant rétrospective, elle ne pouvait porter atteinte à la nouveauté de la composition revendiquée.
b) Sur l'activité inventive, aucun des documents cités ne décrivait l'état de la technique le plus proche. L'invention faisant l'objet du brevet en litige portait sur une composition comportant une association ternaire (triplette) de précurseurs de colorants permettant d'atteindre des colorations intenses, résistantes et peu sélectives.
D1 avait comme objectif principal une nouvelle base d'oxydation, secondaire ou tertiaire, telle que la N,N-bis-(ß-hydroxyéthyl)-paraphénylènediamine, employée pour remplacer les bases conventionnelles du type paraphénylènediamine et paratoluènediamine, dont les colorations n'étaient pas satisfaisantes. L'existence de revendications dans D1 portant sur une composition comportant la combinaison d'une base primaire et d'une base tertiaire ne constituait pas une indication qu'une telle composition permettrait d'obtenir les avantages obtenus avec les compositions faisant l'objet du brevet en litige. En tout cas, les coupleurs divulgués par D1 n'étaient pas couverts par la revendication 1 en litige.
D2 était axé sur un nouveau coupleur. Il en allait de même avec les documents D3 et D4, qui en tout cas étaient tardifs et devaient être écartés.
Les documents D2 à D4 n'avaient rien à voir avec le problème que la présente invention visait à résoudre.
La réduction des inconvénients sur le plan toxicologique, évoquée par la requérante, n'était pas un problème réel. Par rapport à D1, le problème à résoudre par la composition telle que revendiquée était l'amélioration de la résistance à la perspiration.
Les essais déposés le 25 novembre 1999 et le 21 janvier 2000 montraient que le choix de l'homologue supérieur du 2,4-diaminoanisole, utilisé dans les compositions de D1, en présence de la paraphénylènediamine, permettait d'obtenir une meilleure résistance à la perspiration. Cette résistance était un effet concret et connu. Donc, le problème avait été résolu.
Quant à l'évidence de la solution, même en supposant de devoir remplacer le 2,4-diaminoanisole des compositions de D1, qui avait été interdit, l'homme de l'art, en connaissance des directives européennes qui mettaient sur le même plan la métaphénylènediamine et la paraphénylènediamine, n'aurait pas remplacé seulement le 2,4-diaminoanisole mais aussi la paraphénylènediamine. La solution apportée par la présente invention, même en tenant compte de D2, n'était donc pas évidente. Les documents tardifs D3 et D4 étaient moins pertinents que D2. Tous ces documents avaient été déposés longtemps avant le dépôt du brevet litigieux et, durant cette longue période, personne n'avait proposé de remplacer les coupleurs des compositions décrites par D1 de manière à atteindre l'objet tel que revendiqué dans le brevet litigieux.
En partant de D2 comme état de la technique le plus proche, le coupleur de D2, qui avait une bonne innocuité, était englobé par la définition de la revendication 1 du brevet litigieux et il pouvait être utilisé avec de différentes bases primaires ou même tertiaires. Le problème résolu par le brevet litigieux, par rapport à D2, était de proposer des compositions conduisant à des colorations moins sélectives. Les essais du 25 novembre 1999 montraient qu'une composition selon le brevet en litige, comportant la paraphénylènediamine, permettait d'obtenir une coloration moins sélective par rapport à une composition selon D2, comportant un dérivé de paraphénylènediamine. Donc, le problème avait été résolu. Comme D1 dissuadait l'homme de l'art de remplacer le dérivé de paraphénylènediamine utilisé par D2 par la paraphénylènediamine, la solution définie dans le brevet en litige ne pouvait être évidente au vu de D2 et D1.
D3 et D4 étaient moins pertinents que D1 et D2. Par conséquent, l'objet tel que revendiqué impliquait une activité inventive.
Requête subsidiaire 1
Les revendications modifiées se fondaient sur la description d'origine et étaient recevables. Cela n'était par ailleurs pas contesté.
X. La requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen. Elle a sollicité l'admission aux débats des documents D3 et D4, ainsi que tous autres documents présentés lors de la procédure écrite, sans renvoi à la première instance.
A titre subsidiaire, elle a demandé, si cela était nécessaire pour admettre les documents, le renvoi devant la division d'opposition.
Elle a sollicité le rejet de la requête en répartition des frais, et, si cette requête était accueillie, elle a indiqué qu'elle formerait une requête en répartition des frais à son profit.
Elle a requis enfin que le transfert de l'opposition soit reconnu valide.
XI. L'intimée (titulaire) a demandé le rejet du recours et le maintien du brevet tel que délivré ou sur la base de l'une des trois requêtes subsidiaires soumises avec la lettre du 23 décembre 2005.
Elle a requis également le rejet des documents D3 et D4 des débats.
Dans l'hypothèse où ces documents seraient admis, elle a sollicité le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition, ainsi que la répartition des frais.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Questions de procédure
2.1 Transfert de l'opposition
2.1.1 Les circonstances de fait ainsi que les moyens de droit propres au soutien de la requête en transfert d'opposition, demeurent ceux développés avant la décision de la Grande Chambre précitée et qui n'ont pas été retenus dans des affaires où se posait cette question commune à plusieurs affaires, à savoir T 0711/99 du 21 octobre 2003 (JO OEB 2004, 550) et T 0147/00 du 13 janvier 2006 (non publiée dans le JO OEB).
2.1.2 Cette chambre, dans les affaires T 0711/99 et T 0147/00, supra, a rejeté la requête de la société Bristol-Myers Squibb Company qui avait le même objet : la déclaration de validité du transfert d'une opposition effectué par cette société à la société Procter & Gamble Company ou à défaut à la société Clairol Incorporated.
2.1.3 Dans la mesure où la seule différence (brevet opposé) n'a aucune incidence sur les conditions du transfert de l'opposition, la Chambre n'estime pas nécessaire de développer de nouveau l'intégralité des motifs qui l'ont conduite à rejeter cette requête.
2.1.4 En tout état de cause, la décision de la Grande Chambre G 0002/04, supra, intervenue a confirmé et précisé les principes applicables en la matière, en application desquels les moyens de la requérante au transfert sont inopérants. Il apparaît en effet clairement de cette décision que la possibilité de transfert d'opposition retenue dans la décision G 0004/88 (JO OEB 1989, 480) dans le cas de la cession d'une partie du patrimoine de la société opposante ne peut être étendue dans l'hypothèse où la société opposante a cédé sa filiale dotée d'une personnalité morale propre dans l'intérêt de laquelle elle avait formé opposition.
2.1.5 Cette Chambre a déjà appliqué ce principe dans l'affaire T 0147/00, supra.
2.1.6 En application de ces mêmes principes, la présente requête doit également être rejetée.
2.1.7 La chambre ne reconnaissant pas la validité du transfert de l'opposition dans la présente affaire, les sociétés Procter & Gamble Company et Clairol Incorporated ne peuvent être considérées comme des parties à la procédure de recours.
2.2 Recevabilité du motif de recours "Défaut de nouveauté"
2.2.1 Le mémoire de recours se fonde sur les motifs de défaut de nouveauté et d'absence d'activité inventive. L'intimée a demandé que le motif de défaut de nouveauté soit déclaré irrecevable, car non fondé en droit et en fait (lettre du 18 mai 2001, point I.A).
Donc, l'irrégularité invoquée ne concerne pas l'ensemble du recours, mais seulement une prétention de la requérante, le motif du défaut de nouveauté. La question ne se pose donc pas en terme d'irrecevabilité.
2.2.2 En effet, le grief tiré de l'insuffisance des motifs au soutien du défaut de nouveauté dans le mémoire de recours, au motif que la requérante s'est bornée à un renvoi aux arguments déposés devant la division d'opposition, ne soulève pas de difficulté au regard de l'article 108 CBE, qui requiert de déposer un mémoire de recours exposant les motifs, puisque le mémoire est motivé du chef de l'activité inventive.
2.2.3 La question à trancher est d'une part de savoir si ce grief entre bien dans le cadre du recours, c'est à dire si le mémoire, qui délimite le cadre du recours, le mentionne et le motive de façon suffisamment précise.
Il est vrai qu'un simple renvoi à la procédure devant la division d'opposition, dans le mémoire de recours, est insuffisant et que pour l'avenir les nouvelles règles de procédure devant les chambres de recours (Article 10 bis) codifient la jurisprudence développée à ce sujet, notamment celle citée par l'intimée. Néanmoins, ces nouvelles règles, qui radicalisent les principes posés par la jurisprudence, ne s'appliquent qu'aux recours formés à partir du 1 mai 2003.
En l'espèce, quoique la requérante ait indiqué reprendre, en ce qui concerne le grief de défaut de nouveauté, les prétentions soumises durant la procédure d'opposition et ne pas les répéter dans un souci de concision, il apparaît qu'elle a en outre précisé les documents sur lesquels elle entend se fonder et que la division d'opposition a selon elle mal évalués. Ces indications quoique succinctes excluent qu'il s'agisse d'une simple référence et suffisent à inclure dans l'objet ou le cadre du recours à l'encontre de la décision attaquée la partie de cette décision qui concerne le grief de défaut de nouveauté.
2.2.4 D'autre part, en conformité avec les article 113 et 114 CBE, la procédure est placée sous le sceau du principe de la loyauté des débats, et dans le présent cas le droit de chacune des parties à assurer sa défense correctement a été préservé, notamment au vu de la production tardive d'éléments de preuve ou de nouvelles lignes d'attaque. Aux cours de l'audience, l'intimée n'a eu aucun problème à assurer sa défense sur ce point.
2.2.5 Donc, la requête de ne pas admettre aux débats le motif de défaut de nouveauté est rejetée.
Requête principale
3. Nouveauté
3.1 Deux documents ont été cités à l'encontre de la nouveauté de l'objet de la revendication 1, D1 et D2.
3.2 Le document D1 divulgue une composition non toxique de teinture d'oxydation des cheveux contenant dans un support aqueux, comme composant para, d'environ 0,1% à 6% en poids relativement au poids total de la composition d'un composé de formule
(a)
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
ou d'un de ses sels d'addition d'acides et
b. d'environ 0,1% à 8% en poids relativement au poids total de la composition d'un composant de couplage par voie d'oxydation comprenant une métaphénylènediamine qui couple avec ledit composé para pour atteindre des composés bleu ou violet ;
dans laquelle
R1 est un radical hydroxyalkyle ;
R2 est un atome d'hydrogène ou un radical hydroxyalkyle ;
R3 est un atome d'hydrogène, un radical alkyle, un radical alkoxy ou un atome d'halogène ; et
R4 occupe l'une quelconque des positions restantes sur le noyau benzénique et représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle, un radical alkoxy ou un atome d'halogène ; et, dans laquelle le radical alkyle ou le radical alkoxy contient de 1 à 6 atomes de carbones et le radical hydroxyalkyle contient de 2 à 6 atomes de carbone,
à condition que R2 soit un atome d'hydrogène lorsque R3 est un radical alkyle, un radical alkoxy ou un atome d'halogène et à condition qu'au moins deux des symboles R2, R3 ou R4 désignent autre chose qu'un atome d'hydrogène (revendication 1).
La composition peut contenir un composant para dans lequel R1 et R2 désignent un radical 2-hydroxyethyl (revendication 2).
3.2.1 La composition de D1 peut également contenir des composants para additionnels choisis dans le groupe formé par la paratoluènediamine, le para-aminophénol, la para-aminodiphénylamine, la 4,4'-diaminodiphénylamine, la paraphénylènediamine, la 2,6-diméthyl-p-phénylènediamine et la 2,5-diaminopyridine (revendication 3).
Les compositions selon la revendication 3 de D1, dans lesquelles les radicaux du composé para R1 et R2 désignent un radical 2-hydroxyethyl et R3 et R4 représentent un atome d'hydrogène, donc les compositions contenant la N,N-bis-(2-hydroxyéthyl)-paraphénylènediamine, et contenant aussi la paraphénylènediamine ou la paratoluènediamine sont particulièrement préférées (revendications 4 et 5).
3.2.2 Toujours de manière préférée, le dérivé de métaphénylènediamine est choisi dans le groupe formé par la métaphénylènediamine, le 2,4-diaminoanisole, le 2,4 diaminotoluène et le 2,4-diaminoanisole-sulfate (revendication 16).
3.2.3 Une composition contenant le sulfate de la N,N-bis-(2-hydroxyéthyl)-paraphénylènediamine et le sulfate de 2,4-diaminoanisole fait l'objet de la revendication 9 et de l'exemple 17 de D1. En particulier, l'exemple 17 porte sur une composition couverte aussi par la revendication 4 de D1.
3.2.4 Les compositions faisant l'objet des revendications 4 et 5 et des exemples 14, 15 et 17 de D1 comportent une triplette de précurseurs constituée par la paraphénylènediamine, une base tertiaire couverte par la formule (II) de la revendication 1 en litige et en tant que coupleur le 2,4-diaminoanisole ou le 2,4-diaminotoluène. D1 mentionne aussi la métaphénylènediamine en tant que coupleur (revendication 16).
3.2.5 Néanmoins, certaines conditions imposées aux variables de la formule (i) de la revendication 1 en litige excluent les coupleurs individualisés par D1, à savoir :
R4 ne pouvant être un atome d'hydrogène, la métaphénylènediamine n'est pas couverte ;
R4 ne pouvant être un reste méthoxy lorsque R1=R2=R2=atome hydrogène, le 2,4-diaminoanisole n'est pas couvert non plus ; et, enfin,
R4 ne pouvant être ni un reste alkyle ni un atome d'hydrogène, le 2,4-diaminotoluène est lui aussi exclu.
3.2.6 La composition faisant l'objet du brevet en litige ne saurait se fonder sur une sélection non nouvelle, comme l'a fait valoir la requérante, pour les raisons suivantes :
a) en tant que coupleur, D1 ne divulgue pas seulement une métaphénylènediamine, mais aussi des phénoles, des méta-aminophénoles ainsi que des composants contenant des groupes méthylène actifs (passage allant de la colonne 4, ligne 51, à la colonne 5, ligne 23) ;
b) une métaphénylènediamine telle que définie en général par D1 peut comporter dans sa formule générique plusieurs groupes de substituants (4 sur le noyau benzénique et 4 sur les deux atomes d'azote) ;
c) par contre, la définition du coupleur dans la revendication 1 en litige porte sur une formule chimique comportant quatre groupes de substituants R1 à R4 spécifiques, sur des positions précisées ;
d) cette formule chimique ne couvre pas les dérivés de métaphénylènediamine individualisés par D1 ;
e) ladite formule chimique couvre un groupe de dérivés de métaphénylènediamine qui est beaucoup plus étroit que celui défini par le terme générique "métaphénylènediamine" de D1 ;
f) donc, la revendication 1 en litige n'exclut pas seulement les composés mentionnés par D1 ;
g) dans D1, il n'y avait aucune suggestion au groupe de dérivés de métaphénylènediamine répondant à la formule 1 de la revendication 1 en litige.
3.2.7 Dans la décision T 0133/92, supra, la question à trancher était celle de savoir si le sous-groupe de composés résultant du choix d'un seul substituant R = reste alkyle ayant de 6 à 10 atomes de carbone, dans la formule RO-C(o)-OC6H4(para)SO3M+, qui recoupait une très large partie du domaine du groupe connu, dans lequel R = reste alkyle ayant de 6 à 15 atome de carbones, était nouveau. Cette situation est différente de celle du présent cas, qui porte sur le choix de quatre variables différentes, qui ne recoupent pas une très large partie de tous les possibles coupleurs de D1 résultant du choix possible dans plusieurs groupes de variables.
3.2.8 Il suit de ce qui précède que l'objet tel que revendiqué n'est pas anticipé de manière directe et non ambigüe par la divulgation de D1.
3.3 D2 concerne une composition pour teindre les cheveux humains en présence d'un agent oxydant choisi dans le groupe consistant du péroxyde d'hydrogène, du péroxyde d'urée, des persulfates alcalins et des perborates alcalins, la composition contenant au moins une base d'oxydation et un coupleur de formule (i) :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
ou un de ses sels d'acides (revendication 1).
3.3.1 La base d'oxydation est préférablement choisie dans le groupe formé par les paraphénylènediamines, les paraaminophénols et la 2,5 diamino-pyridine (revendication 6).
Les paraphénylènediamines peuvent être
la paraphénylènediamine,
la 2,6-diméthyl-paraphénylènediamine,
la 2,3-diméthyl-paraphénylènediamine,
la 2,6 diméthyl 3-méthoxy paraphénylènediamine,
la N-beta-méthoxyéthyl-paraphénylènediamine,
la N,N-di-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine,
la N-éthyl N-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine,
la N-éthyl N-carbamylméthyl paraphénylènediamine,
la N-éthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine et
la N-beta-hydroxyéthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine (revendication 7).
3.3.2 Les exemples de D2 portent, entre autres, sur l'utilisation des dérivés de paraphénylènediamine suivants :
la 2,6-diméthyl 3-méthoxy paraphénylènediamine (exemple 2) ;
la N-éthyl N-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine (exemple 3) ;
la paraphénylènediamine et la N-éthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine (exemple 4) ;
la N-éthyl N-carbamylméthyl paraphénylènediamine (exemple 5) ;
la N,N-di-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine (exemple 6) ;
la paraphénylènediamine (exemple 8) ;
la N-beta-méthoxyéthyl-paraphénylènediamine (exemple 9) ; la 2,6-diméthyl-paraphénylènediamine et la N-éthyl N-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine (exemple 10) ;
la paraphénylènediamine (exemples 11 et 12).
Donc, dans les compositions selon D2, le coupleur peut être utilisé en combinaison avec une paraphénylènediamine primaire, une paraphénylènediamine tertiaire ou un mélange d'une paraphénylènediamine primaire et d'une paraphénylènediamine tertiaire.
3.3.3 La composition de l'exemple 4 de D2 comporte le 2,4-diaminobutoxybenzène en tant que coupleur, la paraphénylènediamine en tant que base primaire et la N-éthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine en tant que base tertiaire. Cette composition ne contient donc pas une paraphénylènediamine tertiaire satisfaisant à la formule (II) de la revendication 1 en litige.
3.3.4 D2 divulgue également la N,N-di-ß-hydroxyéthyl paraphénylènediamine dans la liste des dérivés de paraphénylènediamine tertiaire utilisables (colonne 2, lignes 32 à 41). Toutefois, dans D2, le remplacement de la N-éthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine de la composition de l'exemple 4 avec la N,N-di-ß-hydroxyéthyl paraphénylènediamine de la liste générale n'est pas divulgué.
3.3.5 Donc, D2 ne saurait anticiper, lui non plus, l'objet de la revendication 1 en litige.
3.4 Il suit de ce qui précède que ni D1 ni D2 ne divulguent de manière directe et non ambigüe une composition comportant toutes les caractéristiques telles que définies dans la revendication 1 du brevet litigieux.
3.5 D'autres documents n'ont pas été utilisés pour attaquer la nouveauté. La Chambre n'a aucune raison de prendre une autre position.
3.6 Par conséquent, l'objet de la revendication 1 est nouveau.
4. Etat de la technique le plus proche
4.1 Le brevet litigieux porte sur une composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques et procédé de teinture mettant en oeuvre cette composition.
De telles compositions sont connues de D1 et de D2, qui ont été analysés pour l'appréciation de la nouveauté aux points 3., supra.
4.2 Le brevet en litige vise à une coloration permanente sans inconvénients sur le plan toxicologique, permettant d'obtenir des nuances dans l'intensité souhaitée et présentant une bonne tenue face aux agents extérieurs (lumière, intempéries, lavage, ondulation permanente, transpiration, frottement). En outre, les colorants devraient permettre de couvrir les cheveux blancs et être les moins sélectifs possibles (page 2, lignes 18-24).
4.3 D'après D1 (point 3.2.1, supra), la paraphénylènediamine et la paratoluènediamine sont des composés para ordinairement contenus dans des mélanges de teinture par voie d'oxydation (colonne 1, lignes 30 à 34). L'utilisation de façon classique de ces composants para présentait l'inconvénient que les couleurs développés par réaction avec de différents composants de couplage subissaient de nettes variations dans les conditions auxquelles la chevelure était ordinairement exposée. Les couleurs développées ne résistaient suffisamment pas aux shampooings, à la transpiration acide ou alcaline et elles n'étaient pas suffisamment solides à la lumière. Par conséquent, les teintes subissaient des variations très sensibles en ce qui concernait la force et la nuance de la teinture (colonne 1, lignes 48 à 59).
Afin d'éliminer ces inconvénients à un haut degré, D1 propose l'utilisation de composés para tels que défini dans la formule (a) de la revendication 1 de D1 (point 3.2 ci-dessus).
Les exemples de D1 portent sur l'utilisation de différents composés para et montrent, en particulier, que l'utilisation d'une composition contenant la N,N-bis(2-hydroxyéthyl)-paraphénylènediamine est à même d'améliorer la stabilité aux effets de la lumière et de la transpiration acide et alcaline (exemple 8) et que l'utilisation d'un mélange de composants para comportant la N,N-bis(2-hydroxyéthyl)-paraphénylènediamine et la paraphénylènediamine, avec un coupleur du type 2,4- diaminoanisole, conduit à une bonne stabilité de la nuance et de la force de la teinte, en particulier aux shampooings (exemples 14 et 17).
4.4 D'après D2, les compositions tinctoriales d'oxydation contenant en tant que coupleur le 2,4-diamino-butoxybenzène, ou ses sels, conduisaient à des nuances présentant une bonne stabilité à la lumière, aux intempéries, aux shampooings ainsi qu'à la perspiration et bénéficient, en outre, d'une bonne innocuité (colonne 1, lignes 55 à 58).
Toujours selon D2, le 2,4-diaminoanisole, le 2,4-diaminoéthoxybenzène et les dérivés propoxy et isopropoxy étaient fortement mutagènes ou présentaient un effet mutagénique important. Par contre, le 2,4-diaminobutoxybenzène proposé par D2 n'était pas mutagène (colonne 1, ligne 59, à colonne 2, ligne 12). Donc, selon D2, le 2,4-diaminobutoxybenzène est moins nocif que le 2,4 diaminoanisole.
Les exemples de D2 montrent que les compositions contenant la paraphénylènediamine teignent les cheveux naturels blancs de manière intense (exemples 8, 11 et 12). Les compositions contenant une paraphénylènediamine secondaire (exemple 9) ou tertiaire (exemples 3 à 6 et 10) teignent de manière intense les cheveux gris (exemples 5 et 10) et aussi les cheveux décolorés, donc abimés (exemples 3, 4, 6 et 9). Une composition comportant le 2,4-diamino-butoxybenzène, la paraphénylènediamine et un dérivé de paraphénylènediamine tertiaire (exemple 4) est apte à teindre avec une coloration noire de jais des cheveux décolorés. Donc, le coupleur de D2 est apte à être utilisé dans une composition tinctoriale comportant la paraphénylènediamine et un dérivé de paraphénylènediamine tertiaire pour teindre les cheveux décolorés, donc abimés, de manière intense.
4.5 Il suit de ce qui précède que D1 et D2 sont axés sur plusieurs des buts du brevet en litige, tels que l'obtention d'une bonne tenue de la teinte aux agents extérieurs. Néanmoins, les buts envisagés dans le brevet en litige se rapportent à des compositions sans inconvénients sur le plan toxicologique. A cet égard, le but de D2 est de remplacer le 2,4-diaminoanisole utilisé dans les compositions de D1 par un coupleur moins nocif. Donc D1 vise à plusieurs des buts du brevet en litige, comme le fait D2, mais ses compositions ne sont pas sans inconvénients sur le plan toxicologique. Le fait que les compositions de D1 ne soient pas sans inconvénients sur le plan toxicologique ne saurait être contesté. En fait, la requérante a soutenu que tous les coupleurs individualisés par D1 posaient de tels problèmes. En outre, les compositions exemplifiées par D1 sont appliquées, toutes, sur des cheveux gris. Par contre, des compositions exemplifiées par D2, qui est aussi plus récent que D1, sont également appliquées sur des cheveux décolorés, donc abimés, et il a été démontré qu'elles teignent de manière intense les cheveux abimés.
4.6 En conséquence, D2, qui est axé sur un coupleur moins nocif que ceux de D1 pour des compositions tinctoriales d'oxydation, l'emploi duquel permet d'atteindre des colorations ayant une bonne stabilité à la lumière, aux intempéries, aux shampooings et à la transpiration, même sur des cheveux décolorés, représente l'état de la technique le plus proche (Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 4ème édition, 2001, I.D.3.1 et 3.2).
5. Problème et solution
5.1.1 D2 propose des compositions tinctoriales d'oxydation sans inconvénients sur le plan toxicologique et permettant d'atteindre des colorations dans l'intensité souhaitée, particulièrement résistantes aux agents extérieurs (lumière, intempéries, shampooings et transpiration) (point 4.4, supra). Néanmoins, la tenue face aux agents extérieurs pouvait être encore améliorée et la sélectivité de la coloration sur les cheveux abimés pouvait être réduite. Cela est en ligne avec les problèmes mentionnés dans le brevet en litige (page 1, lignes 18 à 29).
5.1.2 D'après le brevet en litige, il est possible d'obtenir de nouvelles teintures particulièrement résistantes, qui engendrent des colorations intenses et peu sélectives, en associant les précurseurs tels que définis par les caractéristiques de la revendication 1 en litige.
5.1.3 Quant à la solution du problème, les exemples du brevet démontrent que les compositions telles que revendiquées sont à même de teindre les cheveux gris dans les nuances désirées et, aussi, que les compositions contenant une triplette de précurseurs de colorants, appliquées sur des cheveux gris, conduisent à une coloration résistant mieux aux shampooings que les colorations obtenues avec des compositions ne contenant que deux des trois précurseurs définis dans la revendication 1 en litige.
Les essais comparatifs soumis avec la lettre en date du 25 novembre 1999 démontrent qu'une composition telle que revendiquée présente une sélectivité moindre que celle de la composition selon l'exemple 10 de D2. Une meilleure résistance aux agents extérieurs ou à la transpiration, par rapport aux compositions selon D2, n'a pas été montrée. D'autres avantages par rapport à D2 n'ont pas été montrés non plus.
5.1.4 La composition tinctoriale de l'exemple 10 de D2 contient le 2,6-dimethyl paraphénylènediamine-dihydrochloride, le 2,4-diamino- butoxybenzène-dihydrochloride et le N-éthyl N-ß-hydroxyethyl-paraphénylènediamine-dihydrochloride ; elle est appliquée sur des cheveux naturellement blancs à 90% et leur confère une coloration gris foncé à reflets métalliques. Par contre, la composition tinctoriale de l'exemple 4 de D2 contient le 2,4-diamino-butoxybenzène-dihydrochloride, la paraphénylènediamine et la N,N-(éthyl, mésylaminoéthly)paraphénylènediamine ; elle est appliquée sur des cheveux décolorés au jaune paille et leur confère une coloration noir corbeau à reflets violacés. Donc, la composition de l'exemple 4, qui comporte un coupleur, la paraphénylènediamine et une paraphénylènediamine tertiaire est structurellement plus proche de l'objet revendiqué que celle de l'exemple 10.
5.1.5 D'après le brevet en litige, une composition tinctoriale ayant une sélectivité réduite permet d'obtenir des écarts de coloration les plus faibles possibles tout au long d'une même fibre kératinique, qui peut être en effet différemment sensibilisée (c'est-à-dire abimée) entre sa pointe et sa racine (page 2, lignes 23 à 24). Donc, les cheveux décolorés de l'exemple 4 de D2 sont plus abimés que les cheveux blancs naturels à 90% de l'exemple 10 de D2. En d'autres termes, le problème de la sélectivité se pose plus dans l'exemple 4 de D2 que dans l'exemple 10 de D2.
5.1.6 Par conséquent, l'exemple 4 de D2 est plus proche, structurellement et fonctionnellement, de l'objet tel que revendiqué dans le brevet en litige, que l'exemple 10 de D2. Le choix de l'exemple 10 de D2 pour démontrer une sélectivité réduite est donc insuffisant.
5.1.7 Comme il n'a pas été démontré, par des résultats d'essais comparatifs, que la solution telle que définie dans la revendication 1 selon la présente requête constitue une amélioration aussi par rapport à la solution de l'exemple 4 de D2, au vu des exemples soumis par l'intimée la Chambre ne peut être convaincue qu'une réduction de la sélectivité par rapport aux compositions de D2 ait été effectivement atteinte par les compositions telles que revendiquées.
5.1.8 Par conséquent, le problème doit être reformulé de manière moins ambitieuse, c'est-à-dire proposer une composition tinctoriale alternative à celles de D2.
6. Evidence de la solution
6.1 Bien que la composition de l'exemple 4 de D2 soit structurellement très proche de celle définie dans la revendication 1 en litige, la N-éthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine utilisée dans cet exemple n'est pas englobée par la formule (II) de la revendication 1 en litige. Même si D2 ne divulgue pas de manière directe et non ambiguë le remplacement de la N-éthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine de l'exemple 4 de D2 par la N,N-di-ß-hydroxyéthyl paraphénylènediamine telle que mentionnée dans une liste générale de bases utilisables (colonne 2, lignes 32 à 41), D2 néanmoins met sur le même plan la N-éthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine et les N-éthyl N-ß-hydroxyéthyl paraphénylènediamine ou la N,N-di-ß-hydroxyéthyl paraphénylènediamine (colonne 2, lignes 32 à 41), ces deux dernières bases étant englobées par la formule II de la revendication 1 en litige. En outre, D2 montre que la N-éthyl N-ß-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et la N,N-di-ß-hydroxyéthyl paraphénylènediamine sont elles aussi aptes à être utilisées dans des compositions tinctoriales pour cheveux décolorés (exemple 3 et exemple 6). Donc, un homme de l'art visant à une composition alternative à celle de l'exemple 4 de D2 arriverait de manière évidente à une composition telle que revendiquée.
6.2 Par ailleurs, même au cas où D2 à lui seul ne permettrait pas d'arriver à l'objet tel que revendiqué de manière évidente, en vue d'atteindre une composition alternative à celles de D2, l'homme de l'art partant de D2 aurait été guidé par l'enseignement du document D1, qui porte sur le même domaine technique et vise à de mêmes objectifs que ceux de D2 et du brevet en litige.
6.2.1 D1 est axé sur l'obtention d'une bonne tenue de la teinte aux agents extérieurs, et il vise à l'atteindre par l'emploi de composants para particuliers. D1 suggère l'emploi, dans les compositions tinctoriales comportant la paraphénylènediamine, d'une paraphénylènediamine tertiaire telle que la N,N-bis(2-hydroxyéthyl)-paraphénylènediamine, pour améliorer la tenue de la teinte aux agents extérieurs. L'homme de l'art aurait donc employé les dérivés de paraphénylènediamine préférés par D1 dans les compositions de D2, en particulier dans les compositions les plus proches à celles de D1. L'emploi d'une paraphénylènediamine tertiaire du type N,N-bis(2-hydroxyéthyl)-paraphénylènediamine en combinaison avec une paraphénylènediamine simple est particulièrement préféré, voir la revendication 4 de D1. Cet emploi se prête de manière particulière à la modification de la composition de l'exemple 4 de D2, laquelle modification ne requiert que le remplacement de la base N-éthyl N-mésylaminoéthyl paraphénylènediamine par la N,N-di-ß-hydroxyéthyl paraphénylènediamine. Ce remplacement s'inscrit dans la liste générale de bases alternatives divulguée par D2, c'est-à-dire dans les possibilités générales de D2. Ce faisant, l'homme de l'art serait donc néanmoins arrivé de manière évidente à l'objet de la revendication 1 en litige.
6.2.2 Il suit de ce qui précède que même si une réduction de sélectivité était néanmoins atteinte par rapport aux compositions de D2, ce qui n'a pas été montré, cette réduction de sélectivité de la teinture serait automatiquement atteinte par l'emploi évident, dans une composition selon D2, des modifications suggérées par D1. Donc, la réduction de la sélectivité de la teinture serait un "bonus".
6.3 Par conséquent, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale n'implique pas d'activité inventive, et la requête principale ne satisfait donc pas aux exigences de la CBE.
7. Requête subsidiaire 1
Par rapport à la revendication 1 telle que délivrée, la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 comporte l'inclusion des caractéristiques additionnelles de la revendication 3 telle que délivrée, qui se fonde sur la revendication 3 telle que déposée. La requérante n'a soulevé aucune objection formelle contre les revendications de la requête subsidiaire 1 et la Chambre n'a aucune raison pour prendre une position différente. Par conséquent, la requête subsidiaire 1 est recevable.
8. Admission aux débats des documents produits tardivement
8.1 Le coupleur faisant l'objet du document D2 n'est plus couvert par la définition de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1. Les coupleurs décrits par D1 sont eux-aussi exclus par la définition de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1. En plus, ces coupleurs ne sont pas sans inconvénients sur le plan toxicologique.
8.2 Par contre, D3, le seul document cité et commenté dans le brevet en litige (page 2, lignes 25 à 29), décrit des coupleurs qui sont couverts par la définition de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1, et aussi par la définition de la revendication 1 selon les autres requêtes subsidiaires.
8.2.1 Les coupleurs de D3 peuvent être utilisés avec des bases telles que définies dans la revendication 1 (D3, colonne 2, lignes 61 à 68, ainsi que les exemples 9 et 15). Enfin, D3 vise à des compositions tinctoriales non nocives et teignant de manière stable (colonne 1, lignes 29-45).
8.2.2 Or, bien que cité dans la description du brevet litigieux, et versé aux débats durant la procédure d'opposition, D3 n'a plus été utilisé dans la procédure d'opposition, et la décision objet de l'appel l'a même expressément écarté des débats en application de l'article 114(2) CBE (page 11, point 3.10).
8.3 D4, versé aux débats postérieurement au mémoire de recours, décrit le coupleur préféré par le brevet en litige, donc couvert par la définition de la revendication 1 selon toute les requêtes, et qui montre l'aptitude de ce coupleur à être utilisé en combinaison avec des bases telles que définies dans la revendication 1.
8.4 Par conséquent, pour la poursuite de la procédure, les documents D3 et D4 semblent être plus pertinents que D1 et D2 et doivent être admis aux débats.
8.5 Par contre, étant donné que les problèmes mentionnés dans le brevet en litige se posent dans le domaine des compositions ne présentant pas d'inconvénients sur le plan toxicologique, telles que celles décrites par D2, D3 et D4, les documents D5 à D9 peuvent être écartés au titre de l'article 114(2) CBE.
9. Renvoi de l'affaire à la première instance
9.1 L'intimée a requis le bénéfice des deux degrés de juridiction sur l'opposition. Ces requêtes, compte tenu de la pertinence des documents D3 et D4, sont en ligne avec la décision de principe T 156/84, supra.
9.2 Le droit au double degré de juridiction n'est pas un droit absolu, mais la Chambre estime en l'espèce que rendre une décision définitive sur l'opposition en privant le titulaire de l'examen complet par la division d'opposition de documents de nature pertinente porterait atteinte au droit du titulaire du brevet à défendre la validité de son brevet tel que la CBE le lui reconnaît et que la jurisprudence des chambres de recours veille à voir respecter.
9.3 Il convient donc de laisser le soin à la division d'opposition de procéder à cet examen de façon à garantir aux deux parties le droit à un examen complet de l'opposition devant deux instances.
10. Répartition des frais
10.1 Bien que D3 ait été cité dans le brevet litigieux et mentionné dans la procédure d'opposition, il n'a jamais fait l'objet d'un débat contradictoire jusqu'à la procédure de recours. Il a même été expressément écarté devant la division d'opposition.
10.2 La prétention de l'opposante à utiliser ce document de façon inattendue alors qu'elle l'avait ignoré lors de la procédure orale en opposition va à l'encontre d'un déroulement rapide et complet de l'affaire devant les deux instances, et ce tant dans l'intérêt des parties que du public en général et de l'OEB. Même s'il ne s'agit pas d'une tactique délibérée de la part de l'opposante, le résultat en est le même quant au principe de loyauté gouvernant les procédures et s'imposant dans les relations tant entre les parties et l'OEB qu'entre les parties entre elles (voir en ce sens les décisions T 0430/89 du 17 juillet 1991, point 5.3, ou T 0496/89 du 21 février 1991, point 2, lesquelles n'ont pas fait l'objet d'une publication dans le JO OEB).
10.3 En plus, en ce qui concerne le document D4 il s'agit d'un document de l'opposante elle-même, qui aurait pu être versé aux débats bien avant, ce qui cependant n'a pas été fait. La Chambre ne peut voir aucune justification à cette façon de faire.
10.4 La raison du renvoi devant la division d'opposition est l'utilisation nouvelle et tardive au stade du recours de documents jusque là jamais contradictoirement discutés. Cette circonstance est la raison pour laquelle la Chambre n'a pu rendre de décision définitive à l'issue de la procédure orale du 24 janvier 2006. Il s'ensuit que la requête en une autre répartition des frais présentée par l'intimée est fondée et qu'il y sera fait droit dans les termes qui suivent :
a) La requérante devra payer les frais supportés par le mandataire européen agréé représentant l'intimée en relation à la préparation et à la participation à l'audience du 24 janvier 2006.
b) La requérante devra payer les dépenses (frais de voyage et de logement) des personnes accompagnant ledit représentant à l'audience du 24 janvier 2006.
10.5 En revanche, la requête formée simplement oralement par la requérante en cours de procédure orale en réponse à la requête de l'intimée à la même fin, n'est pas fondée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. Le transfert de l'opposition est refusé.
2. La décision de la division d'opposition est annulée.
3. La requête principale est rejetée.
4. Les documents D3 et D4 sont admis dans la procédure.
5. L'affaire est renvoyée devant la division d'opposition pour suite à donner sur la base de la première requête subsidiaire présentée avec la lettre du 23 décembre 2005.
6. Les frais de la présente procédure orale que l'intimée a exposés sont mis à la charge de la requérante.