T 0843/91 (Partialité) of 17.3.1993

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1993:T084391.19930317
Date de la décision : 17 Mars 1993
Numéro de l'affaire : T 0843/91
Numéro de la demande : 82306197.3
Classe de la CIB : G03C 7/32
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Eastman Kodak
Nom de l'opposant : Fuji
Chambre : 3.3.01
Sommaire : 1. L'énoncé de l'article 24 CBE et des considérations de procédure supposent que les membres d'une chambre de recours ne peuvent être récusés que dans le cadre d'un recours pendant devant ladite chambre.
2. Aux termes de l'article 24(3) CBE, les "membres" d'une chambre de recours peuvent être récusés par toute partie. Ceci suppose qu'une récusation peut être faite à l'encontre de l'ensemble des membres de cette chambre ou contre chacun d'eux en particulier.
3. Les décisions d'une chambre de recours en tant que dernière instance deviennent définitives dès lors qu'elles ont été rendues, ce qui a pour effet de clore la procédure de recours.
4. La partialité, dans une procédure, consiste à favoriser sciemment une partie en lui accordant des droits auxquels elle ne peut prétendre ou en ignorant délibérément les droits d'une autre partie.
5. Une fois qu'elle a rendu sa décision, une chambre n'a plus le pouvoir ni la compétence de prendre d'autres mesures, si ce n'est de rédiger sa décision (ou de mettre en application la règle 88 CBE). Toute mesure requise par sa décision relève de la responsabilité de l'administration interne.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 21(1)
European Patent Convention 1973 Art 24
European Patent Convention 1973 Art 104
European Patent Convention 1973 Art 106(1)
European Patent Convention 1973 Art 108
European Patent Convention 1973 Art 111(1)
European Patent Convention 1973 Art 111(2)
European Patent Convention 1973 Art 117
European Patent Convention 1973 Art 133
European Patent Convention 1973 Art 134
European Patent Convention 1973 R 67
Mot-clé : Récusation de tous les membres d'une chambre de recours
Nomination de nouveaux membres conformément à l'article 24 CBE
Recevabilité de la récusation (oui)
Partialité présumée (non)
Habitude des chambres de recours d'entendre un expert
Clôture de la procédure de recours
Pièces présentées après la décision
Perte d'instance (non)
Droits d'une partie ignorés (non)
Remboursement des frais (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/97
G 0001/05
J 0011/94
J 0003/95
J 0008/98
T 0690/91
T 0153/93
T 0167/93
T 0720/93
T 0027/94
T 0609/94
T 0460/95
T 0450/97
T 0241/98
T 0546/98
T 0954/98
T 0598/01
T 0694/01
T 0281/03
T 0609/03
T 1020/06
T 1895/06
T 0365/09
T 1518/11
T 2084/11
T 2297/11
T 0308/14
T 1257/14
T 0449/15
T 2175/15
T 1656/17
T 0450/18
T 0602/18
T 2264/18
T 2558/18
T 0689/19
T 0956/19
T 1008/19
T 1469/20
T 0437/21

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n 82 306 197.3 a donné lieu à la délivrance du brevet européen n 80 355, qui a été révoqué par la division d'opposition. Lors de la procédure de recours, la Chambre de recours 3.3.1 a, par décision T 215/88 en date du 9 octobre 1990, fait droit au recours et a renvoyé l'affaire devant la division d'opposition avec ordre de maintenir le brevet sur la base d'un jeu de revendications modifiées.

Le 8 février 1991, le titulaire du brevet a déposé une description modifiée adaptée au jeu de revendications précité.

II. Par décision envoyée le 17 septembre 1991, la division d'opposition a maintenu le brevet sur la base des revendications précitées et de la description modifiée.

Dans sa décision, elle a indiqué que les objections de l'opposant a l'encontre du texte modifié concernaient uniquement des points déjà examinés et ayant fait l'objet d'une décision définitive de la part de la chambre de recours dans la décision T 215/88, et que ces points ne peuvent, conformément à l'article 111(2) CBE, être réexaminés par la division d'opposition.

III. Le 17 octobre 1991, le requérant (opposant) a formé un recours contre cette décision et a acquitté la taxe correspondante. Un mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 7 janvier 1992.

IV. Une chambre composée des mêmes membres que dans l'affaire T 215/88 a été nommée pour entendre ce recours, numéroté T 843/91.

Cependant, le requérant a affirmé que "l'on ne pouvait attendre d'une chambre dont les membres ont pris part à la décision faisant l'objet du recours qu'elle réexamine d'un oeil critique la mesure qu'elle avait elle-même décidée au détriment de l'opposant" ; aussi a-t-il demandé, entre autres, que son recours soit confié pour suite à donner à une chambre de recours compétente composée exclusivement de membres n'ayant pas pris part à la "décision faisant l'objet du recours", conformément à l'article 24 CBE.

V. Par un nouveau dispositif en date du 9 juin 1992, à la seule fin de rendre une décision au titre de l'article 24 CBE, les trois membres récusés ont été remplacés par leurs suppléants conformément à l'article premier, paragraphe (1) du règlement de procédure des chambres de recours et du plan de répartition des affaires, afin "d'entendre l'affaire qui relève de l'article 24(4) CBE à l'exclusion de toute autre affaire".

Les actes de procédure énoncés ci-après, relatifs à la présente affaire, y compris la présente décision, ont tous été effectués par la nouvelle chambre.

VI. Conformément à l'article 24 CBE et à l'article 3(3) du règlement de procédure des chambres de recours, la nouvelle chambre désignée a émis une notification datée du 13 juillet 1992, par laquelle elle a informé les parties que la procédure relative à l'affaire ne serait pas poursuivie avant qu'une décision ait été prise au sujet de la récusation des trois membres désignés en premier lieu.

VII. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant a évoqué des irrégularités de forme ou juridiques qui, chacune isolément mais surtout combinées les unes aux autres, ont, selon lui, porté gravement atteinte à son droit d'être entendu et d'obtenir une décision finale équitable. Il a notamment prétendu que, lors de la procédure orale tenue dans l'affaire T 215/88, la chambre a autorisé un mandataire non agréé à présenter son argumentation et a accepté de nouvelles définitions suggérées par lui. Selon le requérant, la chambre a en outre omis de transmettre à la division d'opposition et au titulaire du brevet les conclusions présentées par l'intimé dans le recours T 215/88, une fois qu'elle avait fait connaître sa décision. Par ailleurs, elle n'a pas non plus ordonné expressément l'adaptation de la description à la revendication 1 modifiée, si bien que la division d'opposition n'était pas en mesure de prendre en considération les objections soulevées par l'opposant dans sa lettre en date du 12 août 1991.

Le requérant a prétendu que les "membres de la chambre qui ont rendu la décision faisant l'objet du recours" portent un intérêt personnel à l'objet du nouveau recours et l'on ne saurait attendre d'eux qu'ils réexaminent d'un oeil critique les actes qu'ils ont eux-mêmes effectués au détriment du requérant. Aussi y a-t-il lieu de les écarter de toute prise de décision dans l'affaire T 843/91.

VIII. Par lettre reçue le 8 mai 1992, l'intimé (titulaire du brevet) a contesté l'existence de toute irrégularité de forme ou juridique et a relevé que, lors de la procédure orale tenue dans l'affaire T 215/88, le présent requérant ne s'était pas opposé à ce que le mandataire non agréé présente ses observations au cours de ladite procédure orale.

Il a également souligné qu'il était bon, à son sens, que la même chambre rende une décision sur ce recours puisqu'elle seule connaît les aspects techniques de l'affaire.

IX. Conformément à l'article 3(2) du règlement de procédure des chambres de recours, les trois membres récusés au titre de l'article 24 CBE ont été invités à donner leur avis sur les motifs de récusation allégués. Leurs réponses ont été transmises aux parties le 19 janvier 1993.

X. Les trois membres intéressés ont essentiellement indiqué qu'ils ne possédaient aucun intérêt personnel dans l'affaire et que, malgré les allégations de partialité, ils étaient disposés à la juger sans opinion préconçue à l'égard des parties.

XI. Par lettre en date du 1er février 1993 et lors de la procédure orale qui s'est tenue le 17 mars 1993, le requérant a reconnu que ces membres, dans la mesure de leurs connaissances et leurs compétences, avaient la ferme intention d'agir en toute équité et impartialité dans l'appréciation des affaires qui leur étaient confiées. Il n'en a pas moins maintenu que leurs déclarations l'avaient laissé sceptique sur leur capacité à traiter la présente affaire impartialement. Il a notamment souligné que la procédure orale lui paraissait empreinte d'une atmosphère très inhabituelle en raison de la sympathie manifeste témoignée au représentant du titulaire, alors que le président avait invité le mandataire de l'opposant à être bref et à ne pas se répéter. Il a ajouté que la suite donnée à ce dossier à l'issue de l'audition n'avait pas dissipé ses doutes quant à l'impartialité avec laquelle cette affaire serait traitée et a expliqué que, ne sachant pas à qui en imputer la responsabilité à l'intérieur de la chambre, il avait demandé que cette affaire soit confiée à une chambre entièrement nouvelle.

Relevant que les arguments du requérant reposaient essentiellement sur l'insinuation selon laquelle un mandataire non agréé a été indûment autorisé à présenter des observations devant la chambre pour le compte du titulaire du brevet, le représentant de l'intimé a déclaré qu'il avait personnellement défendu l'affaire et que M. Levitt, qui n'était pas un mandataire agréé, n'avait été autorisé à présenter des observations, qui étaient principalement de nature technique, qu'après que les mandataires agréés des deux parties eurent exprimé leur point de vue. Selon lui, les moyens de droit de cette personne étaient accessoires et n'ont en rien influencé les conclusions déjà faites par le mandataire agréé à l'issue de l'audition. Il a donc nié que les observations de M. Levitt aient occupé une place centrale lors de l'audition, et a souligné que le mandataire de l'opposant connaissait M. Levitt, qui avait pris part à la procédure orale devant la division d'opposition.

XII. En ce qui concerne la présente affaire, le requérant a maintenu sa requête principale, dans laquelle il demande que le recours soit confié pour suite à donner à une chambre de recours compétente composée exclusivement de membres n'ayant pas pris part à la décision T 215/88. A titre subsidiaire, il a demandé que le recours soit confié pour suite à donner à une chambre de recours compétente où seuls le président et le membre juriste précédents sont remplacés. Il a également requis un remboursement des frais.

L'intimé a demandé le rejet de la requête formulée au titre de l'article 24 CBE et le remboursement des frais.

XIII. A l'issue de la procédure orale, la Chambre a annoncé sa décision de rejeter les requêtes principale et subsidiaire formulées au titre de l'article 24 CBE, ainsi que la requête en remboursement des frais des deux parties.

Motifs de la décision

1. Conformément au dispositif en date du 9 juin 1992, la présente décision a pour unique objet de déterminer, dans le cadre de l'article 24 CBE, si les trois membres désignés dans le dispositif daté du 13 janvier 1992 pour examiner l'affaire T 843/91 peuvent être soupçonnés de partialité.

2. L'énoncé de l'article 24 CBE et la cohérence de la procédure supposent qu'une récusation ne peut être faite que dans le cadre d'un recours pendant devant une chambre de recours.

Cette condition est remplie dans la présente affaire. En effet, il ressort du point III de l'exposé des faits et conclusions que le recours T 843/91 formé contre la décision de la division d'opposition envoyée le 17 septembre 1991 satisfait aux exigences de l'article 108 CBE relatives à la formation d'un recours et au paiement de la taxe correspondante. En conséquence, un recours a bien été formé.

3. Aux termes de l'article 24(3) CBE, les "membres" d'une chambre de recours peuvent être récusés par toute partie. De l'avis de la Chambre, ceci suppose que dans un cas comme la présente l'espèce, il est possible de récuser tous les membres d'une chambre, que ce soit collectivement ou séparément.

Les récusations faites par le requérant ne sont pas fondées sur la nationalité des membres et elles n'ont pas été présentées après que le requérant eut fait un acte de procédure (cf. décision de la Grande Chambre de recours G 5/91, point 3 des motifs, page 11, JO OEB 1992, 617), de sorte qu'elles satisfont aux exigences de forme énoncées à l'article 24 CBE. Elles sont donc recevables.

4. Tout d'abord, la présente Chambre constate qu'aucun des membres désignés en premier lieu pour examiner et régler l'affaire T 843/91 n'a pris part à la décision de la division d'opposition envoyée le 17 septembre 1991, qui constitue l'unique objet du recours T 843/91.

5. Cependant, il ressort de l'acte de recours T 843/91, ainsi que des mémoires exposant les motifs que le requérant demande l'annulation de la décision rendue par la division d'opposition, aux motifs suivants :

1. la division d'opposition a refusé de révoquer le brevet en invoquant le caractère définitif de la décision T 215/88 ;

2. l'adaptation de la description telle que décidée par la division d'opposition est erronée.

6. En ce qui concerne le premier motif précité, la division d'opposition a raison d'affirmer que les décisions des chambres de recours sont définitives. En effet, une décision peut être contestée uniquement lorsque les règles statutaires le prévoient expressément et rien, dans la Convention sur le brevet européen, ne permet de se pourvoir contre une décision d'une chambre de recours. Les articles 21(1) et 106(1) CBE disposent que les seules décisions susceptibles de recours sont celles de la section de dépôt, de la division d'examen, de la division d'opposition et de la division juridique. Les chambres de recours sont donc les dernières instances et leurs décisions deviennent définitives une fois rendues, ce qui a pour effet de clore la procédure de recours. En conséquence, les objections soulevées par le requérant contre la décision T 215/88 sont irrecevables.

6.1 Cette conclusion trouve sa confirmation dans les motifs de la décision T 757/91; dans cette affaire, qui portait sur l'examen d'un recours formé contre une décision de la division d'opposition fondée sur une décision d'une chambre de recours par laquelle l'affaire était renvoyée devant la division d'opposition, il a été décidé qu'il n'est en aucun cas possible de réexaminer des questions que la chambre de recours a déjà réglées après avoir entendu l'affaire une première fois. Si toutefois, après le renvoi de l'affaire, la question en suspens porte sur l'adaptation de la description aux revendications modifiées, dont la validité a été reconnue lors de la première procédure de recours, cette question est seule susceptible d'un examen dans le cadre d'une nouvelle procédure de recours. Lorsque la première chambre de recours a rendu sa décision, le contenu et le texte des revendications de brevet sont passés en force de chose jugée et ne pouvaient plus être modifiés dans une procédure devant l'OEB (cf. aussi T 934/91 (JO OEB 1994, 184) et T 113/92 en date du 4 décembre 1992).

6.2 La décision de la Grande Chambre de recours G 1/83 (JO OEB 1985, 60) (et, implicitement T 17/81, JO OEB 1983, 266 et T 297/88) citée par le requérant n'est pas en contradiction avec l'argumentation précitée. Ces décisions font toutes apparaître qu'une décision prise lors de la procédure d'examen n'a aucune force obligatoire dans une procédure ultérieure portant sur le même objet mais faisant intervenir différentes parties, de sorte que l'article 111(2) CBE n'est pas applicable. Le présent recours quant à lui découle directement d'une affaire renvoyée devant la division d'opposition conformément à l'article 111(1) CBE et, dans ce contexte, l'article 111(2) s'applique non seulement à la division d'opposition mais également à toute chambre de recours saisie de l'affaire, qui exerce "les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée" (article 111(1) CBE).

6.3 Etant donné, comme relevé plus haut, que la décision T 215/88 est définitive, il est désormais impossible d'en modifier le contenu, et les trois membres désignés en premier lieu (y compris le président) ne sauraient y posséder un intérêt personnel en faisant preuve de partialité pour tenter de maintenir leur propre décision.

7. Cependant, le requérant conteste également l'adaptation de la description telle que décidée par la division d'opposition.

Ainsi, il reste à déterminer dans le recours T 843/91 si la description du brevet satisfait ou non aux exigences de la CBE. Ceci relève de la compétence de la Chambre 3.3.1 dans la mesure où, comme indiqué au point 6.1 supra, les objections soulevées contre les modifications apportées à la description, après le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition par une chambre de recours qui a rendu une décision relative à ces revendications, sont recevables.

7.1 En conséquence, il appartient à la chambre désignée en vertu de l'article 24 CBE de déterminer si les membres désignés dans le premier dispositif pourraient, en entendant l'affaire T 843/91, être soupçonnés de partialité, non pas, comme le prétend le requérant, parce qu'ils ont pris part à la "décision faisant l'objet du recours", mais parce qu'ils ont pris part à une décision antérieure (T 215/88) en faisant, selon le requérant, preuve de partialité, et aussi parce que cette décision se rapporte à l'affaire T 843/91, toutes deux ayant trait au maintien ou à la révocation du même brevet.

Ceci découle de la première phrase de l'article 24(3) CBE, ainsi que de la décision G 5/91, dans laquelle la Grande Chambre de recours déclare qu'il convient d'admettre comme un principe général qu'une personne ne devrait pas statuer sur une affaire lorsqu'une des parties concernées peut avoir de bonnes raisons d'en soupçonner la partialité. Tel est le sens de l'article 24(3), première phrase CBE.

8. La présente Chambre partage le point de vue exprimé dans la décision T 261/88 en date du 16 février 1993, selon lequel une attitude partiale peut conduire à la récusation si la personne chargée de prendre une décision fait preuve de parti pris à l'encontre d'une partie. Plus précisément, une attitude partiale reviendrait, de l'avis de la présente Chambre, à favoriser sciemment une partie en lui accordant des droits auxquels elle ne peut prétendre ou en ignorant délibérément les droits de la partie adverse. C'est pourquoi, dans la décision G 5/91, la Grande Chambre de recours a affirmé que la question de savoir si la récusation d'un membre au motif qu'il est soupçonné de partialité doit être considérée comme justifiée peut uniquement être tranchée à la lumière des circonstances particulières de chaque espèce. Ainsi, quelle que soit leur gravité, les irrégularités, pratiques erronées ou vices de procédure ne peuvent être considérés comme justifiant une récusation pour cause de partialité s'ils ne découlent pas d'un tel parti pris ou d'une telle volonté délibérée.

9. En ce qui concerne l'intervention d'un mandataire non agréé, il ressort du procès-verbal de la procédure orale qui s'est déroulée le 9 octobre 1990 que le requérant (titulaire du brevet) était dûment représenté par M. Nunney, mandataire agréé, qui était accompagné de MM. Clark, Levitt et Brandes. L'intimé (opposant), qui est le requérant dans la présente affaire, était représenté par M. Lethem, mandataire agréé, accompagné de MM. Hansen et Polz. Les pouvoirs et l'identité de toutes les parties présentes avaient été vérifiés avant que le Président ne déclare l'audition ouverte.

9.1 Le requérant a suggéré qu'il pourrait être utile pour les parties aux procédures orales d'être systématiquement informées, au début d'une audition, de la qualité des personnes présentes. Cependant, il n'est pas dans les habitudes des chambres de recours en général et de la Chambre 3.3.1 en particulier d'indiquer la qualité des participants, si ce n'est celle des mandataires agréés, mais de simplement citer leur nom et de les présenter comme accompagnant le mandataire agréé. Ainsi, en n'indiquant pas la qualité de M. Levitt, la chambre n'a pas porté délibérément atteinte au droit de l'intimé puisqu'elle s'est tenue à sa façon de faire habituelle.

9.2 M. Levitt avait déjà assisté à la procédure orale qui s'était déroulée en février 1988 devant la division d'opposition, et la première page d'un document (brevet américain n 4 248 962) cité par l'opposant lors de la première procédure d'opposition et de recours fait état de sa qualité. Or, la présente chambre constate, à la lecture du procès-verbal de la procédure orale et de la décision T 215/88, qu'aucune des parties n'a contesté ni sa présence, ni son intervention devant la chambre, si bien que la chambre récusée ignorait que l'intimé n'était pas au courant de la qualité de M. Levitt.

9.3 Il est également d'usage courant que les chambres de recours autorisent des experts à intervenir sous la responsabilité du mandataire agréé, lorsqu'elles estiment que cela pourrait être utile à la bonne compréhension de l'affaire. Cet usage, fondé sur les dispositions de l'article 117 CBE qui permet à une chambre de demander des renseignements, ne contrevient pas à la décision T 80/84 (JO OEB 1985, 269), où il est dit qu'une personne non habilitée à exercer et non mandatée qui ne peut agir en qualité de représentant d'une partie conformément à l'article 133 ou 134 CBE n'est pas autorisée à assurer la défense d'un client lors d'une procédure orale, même sous la supervision directe du représentant mandaté par ce dernier. Dans cette affaire, le mandataire du requérant avait informé la chambre qu'il avait l'intention de présenter lui- même pour la forme les requêtes de son mandant et de charger ensuite la personne qui l'accompagnait, un stagiaire se préparant à embrasser la profession de conseil en brevets allemand, non habilité à exercer et non mandaté, de faire de vive voix l'exposé détaillé de l'affaire.

9.4 Dans l'affaire T 215/88 au contraire, même en admettant que M. Levitt ait déployé tout son talent professionnel dans une longue présentation orale, il n'en a pas pour autant agi en remplacement du mandataire agréé, qui a présenté personnellement l'affaire et les requêtes du requérant d'alors. Les dispositions de l'article 117 CBE forment la base juridique de l'intervention de M. Levitt.

9.5 A la lumière de ce qui précède, la présente Chambre estime que la décision de la chambre précédente d'autoriser M. Levitt à intervenir lors de la procédure orale devant elle n'est pas l'expression d'un parti pris de sa part ni de partialité envers l'intimé. De l'avis de la présente Chambre, en autorisant M. Levitt à intervenir, la chambre avait uniquement pour souci de bien comprendre l'objet technique du brevet incriminé, avant de rendre sa décision sur le fond de l'affaire.

10. Le requérant a également affirmé que la chambre incriminée n'avait pas transmis à la partie adverse ni à la division d'opposition les observations qu'il avait faites après l'annonce de la décision T 215/88.

La décision portant sur l'affaire T 215/88 a été rendue oralement le 9 octobre 1990. Comme déjà indiqué, une décision devient définitive une fois qu'elle a été rendue, ce qui a pour effet de clore la procédure de recours ainsi que le dossier de recours. En conséquence, après que la chambre désignée pour régler l'affaire T 215/88 eut rendu sa décision, elle n'était plus habilitée ni compétente pour prendre d'autres mesures, si ce n'est de rédiger les motifs de la décision. Toute autre mesure rendue nécessaire du fait de la décision, par exemple le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition en même temps que la décision écrite, relève de la responsabilité de l'administration interne.

Aussi, les défaillances éventuelles au stade administratif de la procédure ne sauraient-elles être imputées aux membres de la chambre qui ont pris part à la décision.

En d'autres termes, même si les observations de l'ancien intimé avaient été portées à l'attention des membres de la chambre dans le cadre du recours T 215/88, ils n'auraient pas été en mesure d'y donner suite, puisque le recours n'entrait plus dans leur compétence.

11. Selon le requérant, la chambre a commis une autre irrégularité en ne mentionnant pas dans le dispositif de sa décision que la division d'opposition doit veiller à ce que la description soit adaptée aux nouvelles revendications. Il a affirmé que c'était sans doute à cause de cette omission que ses observations et son compte-rendu d'expérience, remis le 12 août 1992, n'avaient pas été pris en considération.

Or, il est dit dans le dispositif de la décision T 215/88, que "l'affaire est renvoyée devant la division d'opposition avec ordre de maintenir le brevet sur la base de la requête principale du requérant". Dans sa requête principale, celui-ci avait demandé le maintien du brevet sur la base de la revendication 1 déposée le 7 février 1990 et des revendications 2 à 7 du brevet tel que délivré. En rendant sa décision de la sorte, la chambre n'a pas pris position quant à une adaptation éventuelle de la description. Comme indiqué plus haut, la première instance devant laquelle l'affaire a été renvoyée était liée uniquement par la teneur du jugement rendu par la chambre de recours dans sa décision et, de ce fait, était autorisée à adapter la description si nécessaire. L'opposant a la possibilité de contester cette adaptation devant la division d'opposition, puis de former un recours contre la nouvelle décision de la division d'opposition, comme il l'a fait en l'espèce. Ainsi, en dépit des affirmations du requérant et parce que l'adaptation de la description était, comme indiqué plus haut, le seul point possible qu'il restait à régler après que la décision T 215/88 eut été rendue, il n'y a pas eu perte d'instance pour le requérant.

12. En ce qui concerne l'atmosphère dans laquelle s'est déroulée la procédure orale le 9 octobre 1990, à savoir les réflexions faites par le président au mandataire de l'opposant et sa demande d'être bref et d'éviter toute répétition, il y a lieu de relever que si ce dernier estimait ces réflexions dénuées de courtoisie, il n'a jamais affirmé ne pas être en mesure de présenter et de développer ses arguments comme il le désirait. En conséquence, la présente Chambre considère que, par son attitude, le président n'a pas ignoré, ni violé les droits de l'opposant.

13. Le requérant s'est également plaint que la chambre n'a examiné ses nouvelles observations que peu de temps avant la tenue de la procédure orale, le 9 octobre 1990. L'admission de nouvelles observations de ce genre dans la procédure est laissée à la discrétion de la chambre. En usant de ce pouvoir discrétionnaire en faveur de l'intimé d'alors, la chambre tenait à s'assurer qu'il n'y avait pas eu abus de la procédure de recours par un retardement délibéré de la présentation de telles observations jusqu'à un stade avancé de la procédure.

La chambre n'a pas fait preuve de partialité dans la mesure où elle n'a pas interrogé l'ancien requérant sur le dépôt, en même temps que son mémoire exposant les motifs du recours, d'un document qu'elle considère comme représentant l'état de la technique le plus proche. Premièrement, la chambre a estimé que ce document représentait simplement l'état de la technique déjà reconnu dans le brevet incriminé et, deuxièmement, le mémoire exposant les motifs du recours avait été déposé plus de deux ans avant la date de la procédure orale.

14. En conséquence, la chambre estime que ni le président, ni les deux autres membres de la chambre n'ont ignoré ou violé les droits de l'opposant (intimé) dans la procédure de recours T 215/88, de sorte que les motifs invoqués par le présent requérant sont insuffisants pour empêcher les trois membres désignés en premier lieu de rendre une décision sur le recours T 843/91.

15. Vu l'article 104 CBE, la Chambre a décidé que l'équité n'exigeait pas le remboursement des frais aux parties à la procédure engagée au titre de l'article 24 CBE. En conséquence, chacune d'elle supporte les frais qu'elle a exposés dans le cadre de cette procédure.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La requête principale et la requête subsidiaire présentées au titre de l'article 24 CBE sont rejetées.

2. Les requêtes des deux parties en remboursement des frais sont rejetées.

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