T 0231/89 (Ressort plat à torsion) of 14.6.1991

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1991:T023189.19910614
Date de la décision : 14 Juin 1991
Numéro de l'affaire : T 0231/89
Numéro de la demande : 83200171.3
Classe de la CIB : E06B
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Bruynzeel
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.2.02
Sommaire : 1. Il serait injustifié de déclarer un brevet non valable, en se fondant sur l'article 100 c) CBE, au seul motif qu'une modification introduisant une caractéristique restrictive pendant la procédure, avec l'approbation ou sur la recommandation de l'Office, étendrait l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande, alors que, par ailleurs, l'article 123(3) CBE dispose que la suppression de cette même caractéristique doit être évitée. Une interprétation raisonnable et équilibrée des paragraphes (2) et (3) de l'article 123 CBE est nécessaire dans de telles espèces. Dans la mesure où la caractéristique limitant l'étendue de l'invention dans une revendication a un sens, mais est sans importance en ce qui concerne la nouveauté et l'activité inventive de l'objet revendiqué, l'article 123 (3) CBE doit être considéré comme prévalant sur l'article 123(2) CBE, et la caractéristique peut donc rester dans la revendication, bien que sa nature soit celle d'un élément ajouté (cf. point 3.1 de la décision).
2. D'autre part, l'étendue de la protection déterminée par une revendication ayant une caractéristique spécifique dépourvue de sens technique est indépendante de cette caractéristique et de la suppression de celle-ci, ce qui signifie que cette même caractéristique peut être supprimée sans contrevenir à l'article 123(3) CBE (cf. point 3.5 de la décision).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 69(1)
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
Mot-clé : Contradiction entre les paragraphes (2) et (3) de l'article 123 CBE
Etendue de la protection non influencée par une caractéristique dépourvue de sens technique
Suppression d'une caractéristique dans une revendication du brevet délivré (admissible)
Pertinence de l'article 69(1) CBE, Protocole interprétatif
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/93
T 0572/90
T 0938/90
T 0757/92
T 0997/92
T 1066/98
T 1470/05

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 83 200 171.3, déposée le 1er février 1983, a donné lieu le 27 août 1986 à la délivrance du brevet européen n° 0 086 023 comportant une revendication.

II. Cette revendication s'énonce comme suit :

"Une porte à gaze moustiquaire protectrice contre les insectes comprenant un treillis de fil rectangulaire (5) dépassant le panneau de la porte en haut et en largeur, et rattaché à son bout au rouleau (1) d'une manière entortillante et à l'autre extrémité au bâton (6), ledit rouleau relié au bout à un ressort plat à torsion et entouré d'un boîtier oblong (3), essentiellement d'un profil de forme U et installé verticalement au chambranle touchant à celui-ci au moyen de supports (2), caractérisée en ce que ledit ressort à torsion s'est arrêté en position de choix au moyen d'une roue dentée et clenchette, la face du boîtier oblong latéral au côté du panneau étant plus courte que celle au côté opposé, ladite face bordée d'une façon arrondie (4), et que le rouleau (1) est gisant à son bout en douilles et tournant autour d'un boulon annulaire, le treillis de fil (5) étant relié à l'autre bout entre le bâton creux (6) d'un profil rectangulaire et une bande plate (7), qui a un bord portant sur la fixation, et les bords du treillis de fil glissant en roulant dans des bandes (8) respectivement au-dessus et en bas, qui sont montées le long du bout en haut et en bas du treillis de fil, (5) pendant que le bâton creux (6) soit dirigé aux deux bouts au moyen de crampes de caoutchouc (9) dans lesdites bandes, et qu'il soit muni de deux poignées (10)" (le préambule a été mis en relief par la Chambre).

III. Deux oppositions ont été formées contre le brevet européen le 5 février (1) et le 27 mai 1987 (2). L'opposant 1 a demandé la révocation du brevet en invoquant les motifs visés à l'article 100a) CBE. L'opposant 2 a demandé la révocation du brevet en invoquant les motifs visés à l'article 100a) et b) CBE. Au cours de la procédure orale, qui a eu lieu le 31 janvier 1989, l'opposant 1 a fait valoir que la revendication contenait un objet (introduit par le mot "plat") s'étendant au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée, et constituant un motif supplémentaire d'opposition, au sens de l'article 100c) CBE.

L'opposant 1 a estimé qu'aucune activité inventive n'était nécessaire pour adapter les caractéristiques de

(1) NL-A-6 905 341

à une porte à gaze moustiquaire selon

(2) NL-A-7 614 313

et, par conséquent, aboutir à l'objet de la revendication en litige.

IV. Dans sa décision du 31 janvier 1989, rendue le 22 février 1989, la division d'opposition a révoqué le brevet au motif que la revendication du brevet délivré était modifiée par addition de la caractéristique (ressort à torsion) "plat" et que cette modification contrevenait à l'article 123(2) CBE ; elle a précisé toutefois qu'une suppression de la caractéristique ajoutée n'était pas admissible, puisque contraire à l'article 123(3) CBE.

V. Le 16 mars 1989, l'ancien titulaire du brevet a formé un recours contre cette révocation. La taxe de recours a été acquittée le 14 mars 1989 et le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 5 juin 1989.

Le requérant considère que la caractéristique "plat" est superflue. Dans sa réponse du 9 janvier 1991 à une notification que lui avait adressée la Chambre en vertu de l'article 110(2) CBE, le requérant fait observer que le terme "plat" dans la revendication 1 avait été introduit fortuitement au cours de la procédure, il accepte la suppression de ce terme.

VI. Dans une lettre reçue le 15 août 1990, l'opposant 2 a retiré son opposition. Par lettre reçue le 16 août 1990, le mandataire du titulaire a informé l'OEB que l'ancien titulaire avait légalement transféré ses droits de propriété à l'opposant 2, de sorte que ce dernier et le requérant ne sont aujourd'hui qu'une seule et même personne. Une copie de la notification de transfert a été dûment enregistrée conformément à la règle 20 CBE.

Par télécopie reçue le 6 février 1991 (et confirmée par lettre du 9 février 1991), l'opposant 1 a retiré son opposition.

VII. Le requérant demande que le terme "plat" soit retiré de la revendication et que le brevet soit maintenu avec cette revendication ainsi modifiée.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable. Etant donné que les deux opposants ont retiré leurs oppositions, il ne reste qu'à statuer sur la requête du nouveau requérant (point VII ci-dessus).

2. Article 123(2) CBE Le terme "plat" appliqué au "ressort à torsion", contenu dans le préambule de la revendication 1, ne figure pas dans la demande telle qu'elle a été déposée initialement. De plus, cette dernière ne permet de déceler aucune information susceptible de contenir un tel terme par implication technique. Par conséquent, ce mot constitue un élément ajouté et fait que la revendication contrevient à l'article 123(2) CBE.

La revendication n'apparaît admissible que si le mot "plat" est supprimé.

3. Contradiction entre les paragraphes (2) et (3) de l'article 123 CBE

3.1 La division d'opposition a considéré que la suppression du mot "plat" dans la revendication du brevet délivré contrevenait à l'article 123(3) CBE, et qu'elle n'était donc pas admissible ; en conséquence, elle a révoqué le brevet. La Chambre estime cependant qu'il serait injuste de déclarer un brevet non valable, en se fondant sur l'article 100c) CBE, au seul motif qu'une modification introduisant une caractéristique restrictive pendant la procédure, avec l'approbation ou sur la recommandation de l'Office, étendrait l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande, alors que, par ailleurs, l'article 123(3) CBE dispose que la suppression de cette même caractéristique doit être évitée.

Une interprétation raisonnable et justifiée des paragraphes (2) et (3) de l'article 123 CBE est nécessaire dans de telles espèces. Cependant, l'application conjointe de ces deux paragraphes, considérés dans l'absolu et indépendamment l'un de l'autre, entraînerait un résultat paradoxal, conduisant, en pareil cas, à la révocation du brevet délivré, mesure que la Chambre juge inopportune et non voulue par les auteurs de la Convention. Cette situation contradictoire n'est donc évitable que si les deux paragraphes sont interprétés l'un par rapport à l'autre, autrement dit si l'un est appliqué comme paragraphe principal, c'est-à-dire indépendant, et l'autre comme paragraphe secondaire, donc dépendant. D'où l'alternative suivante :

a) le paragraphe (2) est considéré comme indépendant, et la caractéristique ajoutée doit donc être supprimée dans la revendication du brevet délivré, nonobstant le paragraphe (3), ou

b) le paragraphe (3) est considéré comme indépendant, et la caractéristique ajoutée peut donc rester dans la revendication du brevet délivré, nonobstant le paragraphe (2).

La Chambre estime que lorsque la caractéristique limitant l'étendue de l'invention dans une revendication n'est pas pertinente quant à la nouveauté et à l'activité inventive de l'objet revendiqué, il semble approprié et raisonnable d'appliquer la partie b) de l'alternative. Dans cette interprétation, l'article 123(3) CBE protégeant les tiers est considéré comme fondamental, c'est-à-dire "absolu", eu égard aux conséquences d'une limitation non étayée, à condition que ceci n'influence pas de façon décisive l'appréciation de l'activité inventive, c'est-à- dire qu'aucune invention n'ait été créée tardivement, contrevenant ainsi à l'article 123(3) CBE. Il est notoirement admis en pratique que les "disclaimers" peuvent rétablir la nouveauté sans que la caractéristique du "disclaimer" elle-même ait fait partie du contenu de la divulgation initiale. Ce genre de mesure vise à atténuer les conséquences de situations sur lesquelles le demandeur n'a pas de véritable prise.

Si d'autre part, dans le contexte donné, une caractéristique effectivement ajoutée dans une revendication est dépourvue de sens technique, la partie a) de l'alternative mentionnée plus haut, c'est-à-dire la suppression de cette caractéristique, paraîtrait justifiée (cf. point 3.5 ci-après). L'interprétation suggérée ci-dessus semble aussi être conforme au principe formulé dans le protocole interprétatif de l'article 69 CBE, qui assure "à la fois une protection équitable au demandeur et un degré raisonnable de certitude aux tiers". 3.2 En la présente espèce, la caractéristique "plat" ne paraît pas, au moins de prime abord, pertinente quant à la question de la nouveauté ou de l'activité inventive, puisque sa place et son rôle possible concernent des points qui dépassent le cadre initial de l'objet revendiqué. Cela pourrait donc en principe être toléré compte tenu de ce qui précède.

Cependant, la qualité technique de la caractéristique concernée soulève aussi des réserves quant à sa contribution effective à l'étendue de la protection délivrée.

Le terme "ressort à torsion" apparaît déjà en lui-même problématique. Il désigne normalement un ressort soumis à des tensions de torsion exercées par les forces qui sont appliquées. Ces ressorts peuvent avoir la forme de barres droites ayant un profil rectangulaire ou rond et soumises à un moment de torsion à l'intérieur du profil, ou bien de fils enroulés en hélice soumis à des forces d'allongement dans l'axe longitudinal central. Il est évident que ces ressorts ne seraient pas ceux auxquels songerait l'homme du métier, puisqu'ils sont difficilement utilisables dans la situation technique donnée. Le mot "torsion" ne peut donc être interprété ici comme ayant sa signification usuelle.

Par conséquent, le terme "torsion" lui-même n'est pas utilisé dans le brevet dans le but de définir le type de construction d'un ressort mais uniquement la signification fonctionnelle du ressort. En tant que tel, il détermine un ressort dans lequel le rouleau doit tourner de façon à ce que le rouleau lui-même soit soumis à des tensions de torsion. Cette interprétation est étayée par la divulgation du fascicule du brevet publié, puisqu'il n'existe pas la moindre information concernant des caractéristiques définissant la forme ou le type de construction particulier du ressort. Le dessin lui-même ne montre pas de ressort en tant qu'élément de construction. Par conséquent, la Chambre suppose que l'homme du métier - donc le public - n'entend certainement pas le mot "torsion" dans le sens usuel mentionné ci-dessus, lorsqu'il lit le brevet publié, mais qu'il l'interprète forcément comme ayant uniquement une signification fonctionnelle.

3.3 L'adjectif "plat" en tant que tel décrit une propriété géométrique. Cependant, dans le cas du "ressort plat à torsion" figurant dans la revendication, "plat" semble de prime abord dépourvu de signification technique claire et appropriée. Comme indiqué plus haut, le sens de cet adjectif doit être interprété de la façon suivante : "ressort plat destiné à faire tourner le rouleau". Le mot "plat" que l'on doit utiliser pour définir un ressort dont la construction n'est pas du tout spécifiée, semble disparate par rapport aux faits, et d'une signification technique douteuse.

Compte tenu de la description, les constatations suivantes s'imposent : l'adjectif "plat" n'apparaît que dans la revendication et n'est nulle part mentionné ou sous-entendu dans le brevet délivré ; il n'est donc pas étayé par la description. Introduit au cours de la la procédure, il figure uniquement en tant qu'élément du préambule de la revendication, dans l'intention évidente de spécifier l'état de la technique. Dans le document 2, signalé dans la description, les ressorts b3 et b4 (fig. 1), de forme hélicoïdale, sont simplement décrits de façon schématique. Aucun détail de construction n'est indiqué. Par conséquent, l'adjectif "plat" ne se rapporte ni à un aspect essentiel pour les caractéristiques de l'invention, ni à l'état de la technique. Il apparaît superflu et dépourvu de tout sens réel.

L'absence d'une justification technique complète du terme "plat" dans la revendication et la description incite à une interprétation conjecturale. Ainsi, lorsque les dimensions du ressort dans son ensemble conviennent, elles peuvent être considérées, quelle que soit leur longueur, comme représentant un ressort "plat" à torsion, au même titre que n'importe quelle partie ou section de ce ressort. Cependant, chacune de ces diverses possibilités apparaîtrait comme arbitrairement conjecturale et impropre à toute interprétation fiable quant aux faits.

3.4 L'analyse ci-dessus aboutit aux conclusions suivantes :

L'homme du métier n'est pas en mesure d'attribuer une fonction technique à la fois nécessaire et précise au mot "plat" dans la revendication en litige. La fonction du ressort dans la situation technique donnée étant suffisamment claire, le terme géométrique "plat", disparate et isolé, n'implique aucune information technique utilisable pour définir effectivement le ressort. Par conséquent, l'homme du métier ne tiendra pas compte de ce terme, le considérant nécessairement comme superflu et sans intérêt pour la compréhension du texte de la revendication. Dans le présent contexte, la signification fonctionnelle et technique effective du terme "plat" doit être considérée comme nulle, de même que l'extension de celui-ci. L'étendue de la protection conférée par la revendication est donc indépendante de la présence ou de l'absence du mot "plat".

3.5 Aux termes de l'article 69(1) CBE, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par la teneur des revendications. Selon le protocole interprétatif de l'article 69 CBE, qui fait partie intégrante de la CBE conformément à l'article 164(1) CBE, la teneur d'une revendication doit être interprétée entre deux positions extrêmes : le sens étroit et littéral du texte des revendications d'une part, et ce que, de l'avis d'un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger d'autre part. En conséquence, l'étendue de la protection déterminée par une caractéristique spécifique dans une revendication se situe entre ces deux extrêmes. La Chambre estime que tel est le cas lorsqu'une caractéristique spécifique de la revendication est interprétée en tenant compte de son sens technique selon la description. Il en résulte notamment que l'étendue de la protection déterminée par une revendication ayant une caractéristique spécifique dépourvue de tout sens technique pertinent est indépendante de cette caractéristique.

Etant donné que l'extension du terme "plat" doit être considérée comme nulle, la suppression de "plat" dans la revendication du brevet délivré n'influe pas sur l'étendue de la protection de la revendication de ce brevet, et ne peut donc contrevenir à l'article 123(3) CBE. Par conséquent, la suppression du mot "plat" dans la revendication est admissible et conforme à la partie a) de l'alternative mentionnée ci-dessus au point 3.1.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la première instance pour maintien du brevet, le mot "plat" devant être supprimé dans la revendication.

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