European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1991:T045388.19910215 | ||||||||
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Date de la décision : | 15 Fevrier 1991 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0453/88 | ||||||||
Numéro de la demande : | 85400429.8 | ||||||||
Classe de la CIB : | B01J 35/10 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Catalyseurs d'hydrotraitement d'hydrocarbures et applications de ces catalyseurs | ||||||||
Nom du demandeur : | Cie Française de Raffinage S.A | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.02 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Disclosure of the invention (sufficient) High probability of obtaining the aimed result Operation of selection resulting implicitely from a few additional simple trials implying no inventive step Exposé de l'invention (suffisant) Probabilité élevée d'obtenir le résultat visé Opération de tri découlant implicitement de quelques essais additionnels simples ne nécessitant pas d'activité inventive |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen 85 400 429.8 (n° de publication 0 157 674) a été rejetée par décision de la Division d'examen pour non conformité aux dispositions de l'article 83 CBE. La décision a été rendue sur la base des huit revendications modifiées reçues le 3 septembre 1987, la revendication 1 s'énonçant comme suit :
"Catalyseurs d'hydrotraitement d'hydrocarbures, comprenant : a) un support en oxyde minéral réfractaire, b) sous forme libre ou combinée, de 0,5 à 30 % en poids, rapporté au poids total du catalyseur, de molybdène, c) sous forme libre ou combinée, de 0,5 à 10 % en poids, rapporté au poids total du catalyseur, d'au moins un métal choisi dans le groupe constitué par le nickel et le cobalt, lesdits catalyseurs étant caractérisés en ce que leur volume poreux est supérieur à 0,70 cm3 par gramme, en ce que le volume poreux constitué par les pores ayant un rayon supérieur à 300 Angströms (10-10m) est égal au maximum à 30 % du volume poreux total, et en ce que le volume poreux constitué par les pores ayant un rayon inférieur à 50 Angströms (10-10m) est supérieur à 10 % du volume poreux total et, de préférence, à 20 % du volume poreux total, et en ce que les raies du spectre obtenu en les étudiant par microsonde Raman et de fréquences allant de 900 à 1020 cm-1, ont la distribution suivante :
- 40 % au plus ont une fréquence comprise entre 900 et 930 cm-1, - au moins 40 % ont une fréquence comprise entre 930 et 955 cm-1, - 30 % au plus ont une fréquence comprise entre 955 et 1020 cm-1."
Dans sa décision la Division d'examen a considéré d'une part que la fabrication du catalyseur selon l'exemple 1 comportait trois étapes, à savoir a) l'utilisation de l'alumine n° 5960 commercialisée par l'American Cyanamid, b) le traitement classique d'imprégnation séchage et calcination, c) l'opération de tri des produits obtenus, et, d'autre part, que les étapes a) et c) n'étaient pas divulguées explicitement ou implicitement dans la demande telle que déposée. En effet, selon la décision, le type d'alumine à utiliser n'était nullement mentionné dans la description et le support du catalyseur n'était identifié ni par ses propriétés, ni par son procédé de préparation. La description ne précisait ni que les étapes a) et b) ne conduisaient pas nécessairement au catalyseur ayant le spectre Raman désiré ni comment opérer pour obtenir un catalyseur présentant ce spectre. La Division d'examen en a conclu que l'exposé de l'invention était insuffisant.
II. La requérante (demanderesse) a formé un recours contre cette décision. Dans son mémoire de recours elle a fait valoir, entre autres, que la demande de brevet définissait la porosité du catalyseur et qu'il était bien connu de l'homme du métier que dans tous les catalyseurs de ce type, préparés par imprégnation d'un support poreux puis séchage et calcination, les caractéristiques de porosité du catalyseur étaient pratiquemment les mêmes que celles du support utilisé, seuls le volume spécifique et la surface spécifique étant légèrement plus faibles dans le catalyseur du fait du dépôt des métaux. Or, des supports présentant les caractéristiques de porosité convenables existaient dans le commerce avant la date de priorité de la demande, par exemple l'alumine n° 5960 d'American Cyanamid. Selon la requérante, une fois définie la porosité du catalyseur, l'homme du métier savait quel support utiliser en vue des phases d'imprégnation, de séchage et de calcination pour obtenir le catalyseur à porosité désirée.
A propos de l'insuffisance de description concernant la phase de tri des grains ou lots de catalyseur, la requérante a avancé qu'il était clair que les phases usuelles d'imprégnation, de séchage et de calcination appliquées à un support connu ne pouvaient conduire qu'aux mélanges usuels de catalyseurs ayant des spectres Raman variés et qu'il fallait opérer un tri parmi eux pour obtenir seulement le spectre désiré. L'invention proposait donc un moyen de sélection original (la spectoscopie Raman) pour choisir parmi des catalyseurs d'un type connu en soi, préparé par un procédé connu, ceux qui présentaient un arrangement cristallin de surface particulier correspondant à ce spectre Raman.
En réponse à une notification de la Chambre, la requérante a indiqué, entre autres, que l'utilisation d'une alumine présentant les caractéristiques de porosité revendiquées dans la demande, par exemple l'alumine 5960 de l'American Cyanamid, conduisait à des lots de grains de catalyseur présentant "généralement" le spectre par microsonde Raman revendiqué. Plus précisément, la probabilité d'obtenir un lot de grains de catalyseur ayant le spectre désiré était un peu supérieure à 80 %. En outre, la requérante a insisté sur le fait que le procédé de préparation du catalyseur était le procédé connu en soi et que la seule opération addtionnelle était de vérifier, en fin de préparation, si le lot de catalyseur préparé présentait bien le spectre Raman souhaité.
III. La requérante sollicite l'annulation de la décision de la Division d'examen et la délivrance d'un brevet sur la base des revendications 1 à 8 du 3 septembre 1987.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Les revendications 1 à 8 satisfont aux conditions de l'article 123(2). En effet, la revendication 1 actuelle correspond à une combinaison des caractéristiques des revendications 1 et 2 de la demande telle que déposée et les revendications 2 à 8 sont supportées par les revendications initiales 3 à 9.
3. Conformément à l'article 83, l'invention est exposée de façon suffisamment claire et complète si un homme du métier peut l'exécuter. Selon la jurisprudence constante des Chambres de recours il convient de considérer que l'homme du métier est censé appliquer les connaissances générales de base lorsqu'il tente de reproduire des exemples ou d'exécuter l'invention décrite dans la demande et qu'il peut éventuellement combler des lacunes ou compléter des données insuffisantes à l'aide de ses connaissances générales (cf. T 171/84, JO OEB 1986, 95 ; T 226/85, JO OEB 1988, 336 point 5 ; T 206/83, JO OEB 1987, 5 ; T 475/88 du 23 novembre 1989). Par conséquent, la simple constatation dans la décision de la Division d'examen que certaines données ou opérations ne sont pas explicitement ou implicitement divulguées dans la description ne semble pas permettre de conclure au caractère insuffisant de la description.
4. La demande de brevet rejetée concerne des catalyseurs d'hydrotraitement d'hydrocarbures comprenant un support en oxyde minéral réfractaire, 0,5 à 30 % en poids de molybdène et 0,5 à 10 % en poids d'au moins un métal choisi parmi le nickel ou le cobalt, ces métaux étant sous forme libre ou combinée. Ces catalyseurs présentent une porosité et un spectre Raman (mesuré par microsonde Raman) tels que définis dans la revendication 1. Le catalyseur A décrit dans l'exemple 1 de la description représente un catalyseur selon l'invention. La composition précise de ce catalyseur, sa surface spécifique, ses caractéristiques de porosité (volume poreux, distribution des volumes poreux, mode poreux) ainsi que la distribution des raies du spectre Raman obtenu par microsonde Raman dans le domaine 900-1020 cm-1 sont indiquées dans l'exemple 1. Les exemples ne décrivent ni la préparation du catalyseur A ni les caractéristiques du support en alumine ou en aluminosilicate à utiliser. Cependant la description divulgue un procédé général de préparation du support en alumine ainsi qu'un procédé général de fabrication du catalyseur : voir page 3, ligne 23 à page 4, ligne 4. Il doit donc être examiné si l'homme du métier était en mesure de préparer le catalyseur selon l'exemple 1 ou le catalyseur revendiqué, à partir de ces informations et en faisant appel aux connaissances générales à la date de priorité de la demande.
5. D'après la description, les catalyseurs selon l'invention peuvent être préparés par une imprégnation du support par au moins une solution contenant au moins un élément choisi dans le groupe constitué par le mobybdène, le nickel et le cobalt, ladite imprégnation étant suivie d'une calcination à une température comprise entre 300 et 700°C, et de préférence, entre 450 et 600°C. Le support peut être une alumine ou un aluminosilicate sous forme d'extrudés (cf. page 3, lignes 26-31).
Etant donné d'une part que la demande ne contient aucune information quant à la surface spécifique ou aux caractéristiques de porosité du support à utiliser et d'autre part qu'il existait à la date de priorité de la demande divers types d'extrudés d'alumine ayant des surfaces spécifiques, des volumes poreux et des distributions de pores variés, l'homme du métier devait donc dans un premier temps déterminer quel type de support permettrait d'obtenir le catalyseur à porosité désirée.
Un procédé de préparation du support en alumine est certes mentionné dans la description, page 3, lignes 26-30, mais il est exposé en termes tellement généraux qu'il peut manifestement conduire à des extrudés d'alumine ayant des porosités très variables suivant les conditions opératoires utilisées. Ce procédé ne pouvait donc renseigner l'homme du métier sur les caractéristiques des extrudés en alumine convenant à la préparation du catalyseur revendiqué.
Cependant, comme l'a fait valoir la requérante, il faisait partie des connaissances générales de l'homme du métier à la date de priorité que, dans le cas des catalyseurs définis dans le préambule de la revendication 1 et préparés de façon usuelle par imprégnation du support d'alumine, séchage et calcination, d'une part le volume poreux et la surface spécifique du catalyseur sont plus faibles que dans le support d'alumine de départ du fait de l'incorporation des métaux, cet écart dépendant de la quantité de métal déposée, et d'autre part, les distributions des volumes poreux dans les pores du catalyseur et dans le support d'alumine différent peu. Par conséquent, l'homme du métier chargé de préparer un catalyseur ayant les caractéristiques de porosité et la surface spécifique indiquées dans l'exemple 1 ou dans les revendications pouvait évaluer sans aucune difficulté les caractéristiques de porosité et la surface spécifique approximatives du support d'alumine correspondant.
Etant donné qu'une large palette d'extrudés en alumine possédant des caractéristiques de porosité et des surfaces spécifiques très variées était proposée sur le marché à la date de priorité de la demande, y compris ceux ayant les caractéristiques désirées qui étaient commercialisés notamment par la société American Cyanamid comme souligné par la requérante, la Chambre est d'avis que l'homme du métier était libre de les utiliser comme alternative aisée à des produits de départ qu'il aurait pu préparer lui-même et qui ne constituaient pas l'invention en tant que tels.
6. En ce qui concerne les traitements d'imprégnation du support d'alumine et de calcination ultérieure mentionnés dans la description, la Chambre considère que l'homme du métier pouvait exécuter ces traitements sur la base des informations fournies dans la description complétées par ses connaissances générales puisque ces opérations sont classiques et usuelles dans ce domaine. La Division d'examen n'a d'ailleurs pas contesté ce point. Le séchage de l'étape b) évoqué dans la décision n'est certes pas indiqué dans la demande, toutefois il est tout à fait courant de sécher le support imprégné avant de le calciner pour éviter des conséquences néfastes lors de la calcination. La Division d'examen semble d'ailleurs avoir considéré ce séchage comme implicite.
7. Après calcination à une température choisie dans le domaine indiqué à la page 4 de la description, le catalyseur est étudié par microsonde Raman. Selon la Requérante le catalyseur ainsi préparé ne présente pas nécessairement le spectre Raman désiré et chaque lot de catalyseur doit donc, après sa préparation, être testé par microsonde Raman afin de vérifier si le lot obtenu présente ou non le spectre Raman souhaité et de ne conserver que les lots ayant ce spectre. Cependant, comme l'a souligné la Division d'examen, cette opération de tri final n'est pas explicitement mentionnée dans la description. De plus la demande ne divulgue pas non plus que le procédé de préparation décrit à la page 4 ne conduit pas nécessairement au résultat recherché ou, en d'autres termes, que l'obtention du spectre Raman désiré semble présenter un caractère aléatoire. Dans ces circonstances, la question se pose de savoir si l'homme du métier ayant subi un échec lors de la première tentative de préparation du catalyseur était en mesure de transformer cet échec en succès en s'appuyant sur des indications dans la description et/ou sur ses propres connaissances générales, sans avoir à effectuer une part excessive d'expérimentation supplémentaire ou à exercer un effort inventif ou à surmonter des difficultés excessives (cf. T 226/85, JO OEB, 1988, 336 ; T 14/83, JO OEB 1984, 105).
Comme déjà indiqué précédemment, bien que les opérations d'imprégnation et de séchage soient décrites de façon très succintes dans la demande, il s'agit là d'opérations usuelles pour ce type de catalyseur, qui ne présentent aucune difficulté pour l'homme du métier. Il ne ressort pas de la description que les conditions opératoires usuellement utilisées dans ces étapes (notamment co-imprégnation des sels métalliques ou imprégnations successives, température de séchage, etc) ou la nature des sels métalliques en solution influencent de façon critique l'arrangement cristallin en surface du catalyseur final, c'est-à-dire son spectre Raman. Il n'apparait pas non plus à la lecture de la description que la durée de calcination dans le domaine préféré de 450°C à 600°C doive être différente des durées usuelles de calcination des catalyseurs de ce type. Dans ces circonstances il paraît vraisemblable que l'homme du métier aurait tenté tout d'abord de reproduire plusieurs fois la préparation du catalyseur décrite dans la demande en utilisant pour chaque essai des conditions identiques d'imprégnation, de séchage et de calcination afin de constater si les spectres Raman des catalyseurs ainsi obtenus sont semblables ou non, ou encore aurait essayé de faire varier les paramètres à l'intérieur des domaines préférés indiqués dans la demande. De tels essais ne présentent aucune difficulté pour l'homme du métier, ni d'ailleurs le contrôle du spectre par microsonde Raman. Dans le cadre de ces essais supplémentaires il aurait abouti de façon relativement rapide et sans une expérimentation excessive à un lot de catalyseur ayant le spectre Raman désiré puisque, selon la requérante, la probabilité d'obtenir un tel lot est un peu supérieure à 80 % en opérant dans les conditions de préparation mentionnées dans la demande. La Chambre n'a aucune raison de mettre en doute ce résultat. A partir de la simple constatation que, sous ces conditions, seulement la majeure partie des lots de catalyseur présente le spectre désiré et ceci de façon aléatoire, il découle implicitement pour l'homme du métier qu'il est nécessaire de tester chaque lot de produit à la microsonde Raman et de ne conserver que les lots présentant le spectre Raman approprié pour arriver à coup sûr au catalyseur revendiqué.
Pour les raisons précédentes, la Chambre considère donc, en l'absence de preuves du contraire, que l'homme du métier était en mesure de préparer le catalyseur revendiqué en faisant appel à ses connaissances générales et moyennant quelques essais complémentaires n'exigeant aucun effort inventif.
8. Dans la décision contestée, il a été constaté que le catalyseur revendiqué était nouveau par rapport au document AU-B-34 097. Cependant il reste à examiner si ce catalyseur diffère des catalyseurs A et B obtenus dans l'exemple 1 du document EP-A-48 670. Comme la question de savoir si l'objet du brevet implique ou non une activité inventive n'a pas encore été examinée, la Chambre fait usage du pouvoir qui lui est conféré par l'article 111(1) CBE de renvoyer l'affaire à la Division d'examen pour poursuite de l'examen.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la Division d'examen est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la Division d'examen aux fins de poursuite de l'examen.