European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2014:T155313.20140220 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 20 Fevrier 2014 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1553/13 | ||||||||
Décision de la Grande Chambre des recours | G 0001/14 | ||||||||
Numéro de la demande : | 08716627.8 | ||||||||
Classe de la CIB : | F01N 3/035 F01N 3/28 F01N 13/18 |
||||||||
Langue de la procédure : | DE | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Tenneco GmbH | ||||||||
Nom de l'opposant : | J. EBERSPÄCHER GMBH & CO. KG | ||||||||
Chambre : | 3.2.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
|
||||||||
Mot-clé : | Formation du recours après l'expiration du délai de recours Paiement de la taxe de recours après l'expiration du délai de recours Saisine de la Grande Chambre de recours |
||||||||
Exergue : |
La question suivante est soumise à la Grande Chambre de recours : Lorsque la formation d'un recours et le paiement de la taxe de recours ont lieu après l'expiration du délai de recours prévu à l'article 108, première phrase CBE, ce recours est-il irrecevable ou réputé ne pas avoir été formé ? |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. Par décision remise à la poste le 25 avril 2013, la division d'opposition a révoqué le brevet européen n° 2 122 134. Le pli contenant la décision est parvenu au cabinet du mandataire le 26 avril 2013 et y a été réceptionné par une personne se nommant "Weber". Le 7 mai 2013, le mandataire du titulaire du brevet a signé un récépissé de la décision et l'a envoyé à l'Office européen des brevets. Son recours a été reçu à l'Office européen des brevets le 8 juillet 2013, date à laquelle la taxe de recours a également été acquittée.
II. Par courrier en date du 15 juillet 2013, le greffier de la Chambre a attiré l'attention sur le fait que l'acte de recours n'avait été reçu à l'Office européen des brevets qu'après l'expiration du délai de recours.
III. En réponse à ce courrier, le mandataire du requérant a déclaré que le délai de recours de deux mois devait être calculé à compter de la date à laquelle le récépissé avait été signé, cette date étant celle à laquelle il en avait été pris connaissance, et que l'acte de recours avait dès lors été soumis dans le délai de recours. Le mandataire a fait observer que, conformément à la règle 126(2) CBE, lorsqu'une signification est faite par lettre recommandée, cette lettre est réputée remise à son destinataire le dixième jour après la remise à la poste, à moins qu'elle ne lui soit parvenue qu'à une date ultérieure. Il découle de la règle 126(4) CBE que le droit allemand est applicable si la signification par la poste n'est pas entièrement réglée par les paragraphes 1 à 3. Les dispositions du code de procédure civile allemand ("Zivilprozessordnung") et de la loi allemande sur la signification des actes administratifs ("Verwaltungszustellungsgesetz") sont donc applicables. L'article 4, paragraphe 2 de la loi allemande sur la signification des actes administratifs prévoit, dans le cas d'une signification par lettre recommandée, une fiction comparable (en l'occurrence trois jours). Cette fiction ne fonctionne pas si la signification par lettre recommandée est combinée à la signification contre récépissé conformément à l'article 5, paragraphe 2 de ladite loi. Dans ce cas, la date indiquée sur le récépissé serait considérée comme la date de la signification. Cela atteste la primauté du récépissé. Le code de procédure civile allemand fait la distinction entre la signification en tant que telle (articles 166 à 174) et la signification substitutive ("Ersatzzustellung" ; articles 175 s.). Entre dans cette dernière catégorie la signification faite dans des locaux commerciaux. Le choix du terme "substitutive" ("Ersatz") pour qualifier ce type de significations montre également la primauté du récépissé. Le mandataire a ajouté qu'il solliciterait le remboursement de la taxe de recours au cas où le recours serait jugé irrecevable.
IV. La Chambre de recours a fait observer qu'elle considérait toujours le recours comme ayant été formé tardivement et qu'elle avait l'intention de statuer sans organiser de procédure orale, puisqu'aucune requête en ce sens n'avait été présentée. L'article 108, deuxième phrase CBE pouvait être interprété de manière que le recours soit rejeté pour irrecevabilité ou qu'il soit réputé non formé. La taxe de recours ne pourrait être remboursée que dans ce dernier cas.
V. Dans sa réponse, le requérant a rappelé que dans la décision G 9/92, dont l'affaire T 742/96 était à l'origine, le recours avait été considéré comme non formé au motif que la taxe de recours avait été acquittée tardivement. Telle était également la teneur de la décision T 445/98.
VI. Par courrier du 26 novembre 2013, la Chambre a indiqué qu'elle avait l'intention de saisir la Grande Chambre de recours. Le requérant s'est félicité de la décision de la Chambre ; l'intimé a fait savoir quant à lui qu'il partageait l'avis de l'Office européen des brevets selon lequel le recours n'était pas valable.
Motifs de la décision
1. Le recours n'a pas été formé dans le délai prévu à l'article 108, première phrase CBE.
La décision de la division d'opposition a été remise à la poste le 25 avril 2013. Conformément à la règle 126(2) CBE, le pli est réputé remis à son destinataire le dixième jour après la remise à la poste, à moins qu'il ne lui soit parvenu qu'à une date ultérieure.
2. Sachant que la remise à la poste a été effectuée le 25 avril 2013, le délai de recours a expiré le vendredi 5 juillet 2013 étant donné que la date de la signification était le 5 mai 2013 (règle 126(2) CBE). Le cabinet était manifestement ouvert le 26 avril 2013, même si le mandataire en était absent, et le pli contenant la décision faisant l'objet du recours a été réceptionné par une personne se nommant "Weber", qui était sans conteste dûment mandatée à cet effet.
3. Les décisions qui font courir un délai pour former un recours sont signifiées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (règle 126(1), première phrase CBE). Il ressort du Registre européen des brevets qu'un avis de réception est versé aux dossiers sous la forme d'un document intitulé "Tracking Information". De plus, on peut supposer au vu des circonstances que les personnes présentes dans les locaux du destinataire étaient habilitées à accepter des plis.
4. Le mandataire du requérant affirme que l'acte de recours a été reçu à temps puisque le délai de recours de deux mois doit être calculé à compter de la date à laquelle le récépissé a été signé, à savoir le 7 mai 2013, date qui est celle à laquelle il en a été effectivement pris connaissance. Or, ce point de vue ne correspond pas à la situation juridique.
5. Il est inexact d'affirmer que le droit allemand est applicable en vertu de la règle 126(4) CBE au motif que la signification par la poste n'est pas entièrement réglée par les paragraphes 1 à 3, en conséquence de quoi le code de procédure civile allemand et la loi allemande sur la signification des actes administratifs devraient être appliqués. En réalité, la signification a été effectuée en vertu de la règle 126(1) CBE, et le recours au droit national doit être écarté.
6. Du reste, la Chambre doute que le renvoi aux dispositions du droit allemand en matière de significations puisse réellement étayer l'argumentation du requérant. Des motifs spécifiques doivent être invoqués pour justifier l'application du code de procédure civile allemand en cas de signification d'un acte administratif. De plus, le terme allemand de "Ersatzzustellung" régit le cas où, en l'absence du destinataire, une lettre peut être signifiée à titre substitutif aux personnes mentionnées dans les dispositions citées. Aucune autre conclusion sur l'existence d'une hiérarchie ne peut être tirée de ces dispositions. Quand bien même la loi allemande sur la signification des actes administratifs serait appliquée, la signification contre récépissé n'a pas la primauté, contrairement à l'argument avancé par le requérant. En réalité, la signification par lettre recommandée et la signification contre récépissé peuvent se substituer l'une à l'autre. À cet égard, la Chambre ne voit pas en quoi la décision de la Cour fédérale allemande de justice, publiée au NJW-RR 1992, page 1150 et citée par le requérant, est pertinente, d'autant plus qu'il est question dans cette décision d'une signification effectuée en vertu du code allemand de procédure civile.
7. Le récépissé de l'Office européen des brevets a pour fondement le communiqué de l'Office européen des brevets en date du 10 juin 2010 relatif à l'adjonction d'un récépissé préétabli (OEB Form 2936) en cas de signification par lettre recommandée avec accusé de réception (JO OEB 2010, 377). Ce récépissé vise à simplifier les formalités administratives en cas de problème concernant l'avis de réception. Il n'a aucune incidence sur une signification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en vertu de la règle 126(1) CBE.
8. Saisine de la Grande Chambre de recours
Conformément à l'article 112(1) CBE, la chambre de recours saisit la Grande Chambre de recours afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose.
8.1 Application uniforme du droit
Selon l'article 108, deuxième phrase CBE, le recours n'est réputé formé qu'après le paiement de la taxe de recours.
8.1.1 Interprétation de cette disposition dans la majorité des décisions des chambres de recours
Dans de nombreuses décisions des chambres de recours, l'article 108, deuxième phrase CBE a été interprété en ce sens qu'il n'existait pas de recours si la taxe de recours n'avait pas été acquittée dans le délai de deux mois prévu pour la formation du recours, et que, par voie de conséquence, toute taxe de recours acquittée tardivement devait être remboursée. Un grand nombre de ces décisions se sont penchées également sur des cas de requêtes en restitutio in integrum faisant suite au paiement tardif de la taxe de recours. Les chambres compétentes, en dehors du fait qu'elles ont rejeté la requête en restitutio in integrum, n'ont traité qu'en quelques phrases la question du recours et de son inexistence.
La décision J 21/80 constitue le point de départ. Dans cette affaire, la taxe de recours avait été acquittée tardivement. La chambre a indiqué qu'"en raison de linexistence d'un recours valable, le montant de la taxe de recours payée tardivement doit être restitué". La décision ne contenait pas d'autre motif. Il est déclaré dans le dispositif de la décision, rédigée en français, que "le recours contre la décision de la Section de dépôt du 12 mai 1980 est considéré comme non formé".
La décision J 21/80 a été suivie par la décision J 16/82. Aux points 2, 9 et 10 des motifs, la chambre a énoncé ce qui suit :
"2. L'une des conditions de la recevabilité d'un recours est le paiement de la taxe correspondante dans un délai de deux mois, conformément à l'article 108 de la CBE; faute de quoi, le recours est considéré comme non formé, en application de l'article 108, deuxième phrase de la CBE (cf. décision de la Chambre de recours juridique J 21/80 du 26 février 1981, JO de l'OEB n° 4/1981, p. 101).
9. La restitutio in integrum ne pouvant être accordée, le recours est considéré comme non formé, en application de l'article 108, deuxième phrase de la CBE. En raison de la relation de causalité existant avec la première phrase de l'article 108, il faut entendre par la deuxième phrase dudit article que le recours est considéré comme non formé si la taxe correspondante n'a pas été acquittée dans le délai prescrit pour la formation du recours (voir également décision J 21/80 du 26 février 1981, JO de l'OEB n° 4/1981, p. 101 déjà mentionnée au point 2).
10. Lorsqu'en application de l'article 108, deuxième phrase de la CBE, un recours est considéré comme non formé au motif que la taxe correspondante n'a été payée qu'après l'expiration du délai prescrit pour la formation du recours, un tel paiement perd sa raison d'être. Il y a donc lieu d'en rembourser d'office le montant."
À l'exception d'une référence générale à la genèse de l'article 108, deuxième phrase CBE, ces décisions n'indiquent pas pour quel motif cette disposition a été interprétée de cette manière. Aucune précision n'a été apportée dans les décisions rendues ultérieurement, y compris dans la décision T 445/98 citée par le requérant, dans laquelle la chambre établit, aux points 5 à 8, une distinction entre un recours existant et un recours non existant.
Les autres décisions citées par le requérant, à savoir les décisions G 9/92 (ou, plus exactement, G 2/97) et T 742/96, ne fournissent, selon la Chambre, aucune information supplémentaire concernant l'interprétation de l'article 108, deuxième phrase CBE.
Dans la décision T 489/93, relative à l'irrecevabilité d'un recours due au paiement tardif de la taxe de recours, la chambre a conclu comme suit :
"Le recours doit par conséquent être rejeté pour irrecevabilité en vertu de la règle 65(1) CBE. Les termes "comme irrecevable" utilisés à la règle 65(1) CBE [1973] s'entendent dans un sens large, autrement dit ils s'appliquent à la fois dans le cas d'un recours existant (mais "irrecevable") et dans celui d'un recours non existant". La chambre a considéré en l'espèce le recours comme non existant et, se référant à la décision J 21/80, a ordonné le remboursement de la taxe de recours.
8.1.2 Décisions s'écartant de l'interprétation précitée
Dans les décisions T 1289/10, T 1535/10 et T 2210/10, le recours a été rejeté pour irrecevabilité sans qu'un remboursement de la taxe de recours ait été ordonné, et ce bien que le recours ait été formé après l'expiration du délai de recours et que la taxe de recours n'ait été acquittée qu'après l'expiration de ce délai. Cette question n'a pas été traitée dans les motifs.
Dans la décision T 79/01, le recours a été rejeté pour irrecevabilité après qu'une partie seulement de la taxe de recours a été acquittée. La chambre a estimé que cela correspondait à une interprétation logique de la règle 65(1) CBE 1973, et a déclaré, au point 10 des motifs :
"Il n'y a aucune raison d'accorder au requérant un traitement plus favorable en cas de paiement tardif (ou insuffisant, comme en l'espèce) de la taxe de recours (recours réputé non formé et remboursement de la taxe de recours) que dans le cas où, par exemple, le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé tardivement (irrecevabilité du recours). De plus, les travaux préparatoires semblent étayer cette interprétation. Il ressort ainsi de ces documents (IV/6514/61-F) que, en ce qui concerne les "façons possibles pour la Chambre de recours de se prononcer sur le recours, la Chambre peut constater que la requête est irrecevable par suite du non-paiement de la taxe".
8.2 Question de droit d'importance fondamentale
On retrouve à l'article 94(1), deuxième phrase CBE (Requête en examen), à l'article 99(1), deuxième phrase CBE (Opposition), à l'article 105bis(1), deuxième phrase CBE (Requête en limitation), à l'article 112bis(4), troisième phrase CBE (Requête en révision), à la règle 22(2), première phrase CBE (Requête en inscription d'un transfert), à la règle 89(2), deuxième phrase CBE (Déclaration d'intervention), à la règle 123(3) CBE (Requête en conservation de la preuve) et à la règle 136(1), troisième phrase CBE (Requête en restitutio in integrum) la même formulation que celle figurant à l'article 108, deuxième phrase CBE. L'interprétation de l'article 108, deuxième phrase CBE pourrait dès lors avoir des conséquences qui dépassent le cadre de la présente affaire.
8.3 Décisions divergeantes sur une question apparentée
De telles conséquences apparaissent clairement si l'on compare les décisions T 1026/06 et T 1486/11. Ces décisions divergent en effet sur la question de savoir si le paiement de la taxe de restitutio in integrum après le délai de deux mois prévu à la règle 136(1) CBE conduit à l'irrecevabilité de la requête en restitutio in integrum ou si la requête est réputée non présentée.
Ces deux affaires portaient sur une requête en restitutio in integrum faisant suite à l'inobservation des délais prévus pour la formation du recours et le paiement de la taxe de recours. À cela s'ajoutait le fait que la taxe de restitutio in integrum avait elle aussi été payée tardivement.
Dans les deux cas, la requête en restitutio in integrum a été rejetée, le recours a été considéré comme n'ayant pas été formé et le remboursement de la taxe de recours a été ordonné.
Dans la décision T 1486/11, la chambre a conclu que, eu égard à la règle 136(1), troisième phrase CBE, la requête en restitutio in integrum n'était pas réputée formée et que la taxe de restitutio in integrum devait être remboursée (cf. points 1.8 et 3 des motifs), alors que dans la décision T 1026/06, la chambre n'a pas tenu compte de la règle 136(1), troisième phrase CBE. Dans cette affaire, la requête en remboursement de la taxe de restitutio in integrum a été rejetée au motif que cette taxe était nécessaire pour valider la requête en restitutio in integrum et que son paiement était donc justifié sur le plan juridique (cf. point 7 des motifs).
8.4 Nécessité pour la Grande Chambre de recours de statuer
Dans la présente affaire, la question du remboursement de la taxe de recours doit être tranchée en fonction de l'interprétation donnée à l'article 108, deuxième phrase CBE. Soit le recours est réputé ne pas avoir été formé, et la taxe de recours doit être remboursée ; soit le recours est irrecevable, et la taxe de recours ne peut pas être remboursée. La Chambre penche pour la deuxième option.
8.4.1 Règles d'interprétation
Dans l'affaire G 5/83 (JO OEB 1985, 67 ; cf. "Remarques préliminaires : interprétation de la Convention sur le brevet européen"), la Grande Chambre de recours a estimé que la Convention sur le brevet européen doit être interprétée en appliquant les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Ces articles s'énoncent comme suit :
"Article 31. Règle générale d'interprétation
1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
2. Aux fins de l'interprétation d'un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :
a) Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l'occasion de la conclusion du traité ;
b) Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité.
3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :
a) De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions ;
b) De toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité ;
c) De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s'il est établi que telle était l'intention des parties.
Article 32 Moyens complémentaires d'interprétation
Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31 :
a) Laisse le sens ambigu ou obscur ; ou
b) Conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable."
8.4.2 Application de la règle générale d'interprétation
L'article 31(1) de la Convention de Vienne dispose qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. L'article 31(4) précise qu'il convient d'entendre un terme dans un sens particulier s'il est établi que telle était l'intention des parties. Selon ce qui semble être le sens ordinaire de l'article 108, deuxième phrase CBE ("Le recours n'est réputé formé qu'après le paiement de la taxe de recours"), le recours n'est pas réputé formé tant que la taxe de recours n'a pas été acquittée, et cette disposition n'est plus applicable à compter du paiement de la taxe, ce qui signifie qu'à partir de ce moment-là, le recours est considéré comme introduit. On ne peut déduire de cette disposition qu'un lien existe entre le paiement de la taxe et le délai d'introduction du recours, et que les termes "le recours n'est réputé formé qu'après le paiement de la taxe de recours" doivent s'entendre en ce sens que "le recours n'est réputé formé qu'après le paiement de la taxe de recours dans les délais".
Contrairement à la décision T 324/90 (JO OEB 1993, 33), la Chambre ne juge pas pertinent l'argument selon lequel la taxe de recours doit être remboursée au motif qu'elle n'a pas de raison d'être au plan juridique si elle est acquittée tardivement. Nul ne conteste que les paiements de taxe qui ne sont pas justifiés sur le plan juridique doivent en principe être remboursés. Toutefois, cela n'implique pas un remboursement dans la présente affaire puisque la justification juridique réside dans la tenue de la procédure de recours. L'article 108, deuxième phrase CBE ensemble l'article 2, point 11 du règlement relatif aux taxes ne fait pas la distinction entre des décisions sur la recevabilité et des décisions sur le bien-fondé d'un recours.
8.4.3 Moyens complémentaires d'interprétation
L'article 32 de la Convention de Vienne prévoit la possibilité de faire appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31 laisse le sens ambigu ou obscur, ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable. L'interprétation effectuée sur la base de l'article 31 n'est ni ambiguë ni "obscure" au sens de "incompréhensible", et elle ne conduit pas non plus à un résultat absurde ou déraisonnable. Par conséquent, les travaux préparatoires pourraient tout au plus être utilisés pour confirmer l'interprétation donnée.
La Chambre n'a pu relever dans les travaux préparatoires aucun élément susceptible d'avoir un lien direct avec l'interprétation de l'article 108, deuxième phrase CBE. Le document IV/6.514/61-F pourrait toutefois corroborer indirectement l'interprétation donnée par la Chambre à cet article.
IV/6.514/61-F
En effet, la partie IV/6.514/61-F des travaux préparatoires traite d'un projet d'article 93, qui est devenu ultérieurement l'article 108 CBE. Le paragraphe 2 de ce projet d'article énonce que si la taxe de recours n'est pas acquittée dans le délai, le recours est considéré comme non formé. À la page 3, qui rend compte de la "Discussion de l'article 93 de l'avant projet de Convention", il est indiqué que :"M. Van Benthem demande si la Convention prévoit un recours contre la constatation que le recours est considéré comme non formé par suite du non-paiement de la taxe. Le Président lui répond que, dans ce cas, un recours en droit devrait être possible devant le tribunal européen des brevets". À la page 9, il est précisé que "La constatation qu'un recours formé est considéré comme non avenu faute de paiement de la taxe de recours dans les délais prévus devra être signifiée au requérant par une décision qui pourra elle-même faire l'objet d'un recours. Il ne semble pas nécessaire d'énoncer ce principe dans la Convention même. Il y aura lieu de décider par la suite s'il convient de prévoir une disposition à cet effet dans le règlement d'exécution de la Convention."
Cela montre que la fiction du recours non avenu a été envisagée dans le cas où la taxe de recours ne serait pas acquittée dans les délais, mais ni cette formulation, ni la procédure correspondante n'ont été intégrées dans la version définitive de la Convention sur le brevet européen.
De plus, les parties à la Convention sur le brevet européen utilisent bel et bien dans d'autres dispositions des termes qui définissent les conséquences découlant du non-accomplissement dans les délais de certains actes de procédure. Ainsi, l'article 94(2) CBE dispose expressément que lorsque la requête en examen n'est pas présentée dans les délais, la demande est réputée retirée. L'article 11 du règlement relatif aux taxes précise clairement à quel stade de la procédure la taxe d'examen est remboursée et à hauteur de quel montant. Aucune disposition comparable n'existe pour l'article 108, deuxième phrase CBE. Il ne semble donc pas cohérent d'interpréter l'article 108, deuxième phrase CBE comme s'il contenait un mot qui ne s'y trouve pas (cf. ci-dessus point 8.4.2, premier paragraphe).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
La question suivante est soumise à la Grande Chambre de recours :
Lorsque la formation d'un recours et le paiement de la taxe de recours ont lieu après l'expiration du délai de recours prévu à l'article 108, première phrase CBE, ce recours est-il irrecevable ou réputé ne pas avoir été formé ?