J 0018/84 (Registres des brevets - Inscription) of 31.7.1986

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1986:J001884.19860731
Date de la décision : 31 Juillet 1986
Numéro de l'affaire : J 0018/84
Numéro de la demande : -
Classe de la CIB : A01C 3/02
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : non publié
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.1.01
Sommaire : 1. Des déclarations écrites séparées ne peuvent en tout état de cause être considérées comme un "acte de transfert" aus sens où l'entend la règle 20(1) CBE, si l'un des écrits (en l'espèce la déclaration d'acceptation) n'a été transmis qu'à l'OEB (cf. point 5.1 des Motifs de la décision).
2. Les décisions rendues en application des règles 20, 21, 22 et 61 CBE doivent en tout état de cause être considérées comme des décisions relatives aux "mentions à porter sur le Registre européen des brevets", relevant de la compétence de la division juridique en vertu de l'article 20 CBE. Les requêtes en inscription doivent être soumises à la division juridique, dès qu'il y a lieu de penser qu'il devra être rendu une décision qui ne fera pas droit aux prétentions d'une partie, au sens où l'entend l'article 107, 1re phrase CBE (cf. point 2 des motifs de la présente décision). Il en va de même des décisions rendues en application de la règle 19 CBE (cf. points 6.3 et 6.4 des motifs de la présente décision).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 20
European Patent Convention 1973 R 20
Mot-clé : Registre des brevets/inscription
Acte de transfert/existence d'un
Double au carbone d'une signature
Division juridique/compétence de la
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
J 0002/93
J 0010/93
J 0003/95
J 0001/13
T 0178/94
T 0704/96
T 0129/01
T 1178/04

Exposé des faits et conclusions

I. Le 3 novembre 1980, le requérant, alors demandeur unique, a déposé une demande de brevet européen dans laquelle il se désignait comme étant l'unique inventeur. Par la suite, les intimés I et II ont envoyé différentes lettres sans valeur juridique, dans lesquelles ils contestaient au requérant le droit de se présenter comme l'unique demandeur et l'unique inventeur. La demande a été publiée le 12 mai 1982.

II. Le 15 juin 1982, le requérant et les deux intimés ont envoyé un formulaire de "désignation de l'inventeur" qu'ils avaient signé conjointement et dans lequel ils se désignaient comme étant conjointement les inventeurs et annonçaient en outre "l'inscription de ...(les intimés)... en tant que demandeurs". Le 13 juin 1982 ont été payés deux montants de 115,- DM et un montant de 30,- DM, destinés au règlement des "taxes pour transfert de droits, concession de licence à la société ... et établissement d'une copie certifiée conforme des modifications".

III. Le 7 septembre 1982, le mandataire des intimés a produit les pièces suivantes :

1. un nouveau formulaire de "requête en délivrance d'un brevet européen" daté du 8 juillet 1982, qu'il n'avait complété qu'en partie ; sur la page 5 de ce formulaire où les deux intimés et le requérant étaient désignés comme demandeurs, figurait la déclaration suivante :

"La demande ... valable jusqu'à présent est modifiée en ce sens qu'il y a désormais trois demandeurs comme indiqué ci-dessus, et que les demandeurs sont en même temps les inventeurs. Le représentant des trois demandeurs est le demandeur cité en premier lieu, M. ..." (l'intimé I).

Cette page 5 est un double au carbone, comportant la signature de tous les intéressés au carbone bleu.

2. une requête présentée en vertu de la règle 20 CBE, visant à faire inscrire comme demandeurs les deux intimés et le requérant, et faisant référence à une taxe de 115 DM déjà acquittée

3. une requête présentée en vertu de la règle 19 CBE, visant à faire ajouter au nom du requérant le nom des deux intimés dans la désignation de l'inventeur

4. un pouvoir destiné au mandataire des intimés et signé par l'intimé I agissant comme représentant commun conformément à la règle 100 CBE.

IV. Par une notification en date du 28 septembre 1982, la Section de dépôt de l'OEB a invité le mandataire des intimés à produire l'"original" de l'acte de transfert, étant donné qu'il n'en existait qu'un "double". Le mandataire a répliqué qu'un double au carbone de l'original devait être traité "comme un original". L'"original" se trouvait en l'occurrence en possession de la partie adverse, qui refusait de le restituer.

V. Par une lettre en date du 5 octobre 1982, reçue le 7 octobre 1982, le mandataire des intimés a produit une "déclaration de transfert" portant la date du 24 septembre 1982 et signée par le seul requérant, déclaration rédigée en ces termes (extrait) : "Je demande que la demande de brevet européen ... (désignation exacte) ... soit transférée à ... (les intimés). Je renonce à ma qualité de demandeur. Sont désignés par conséquent comme uniques demandeurs ... (les intimés). ... La présente déclaration constitue l'acte de transfert en bonne et due forme."

En liaison avec cette requête, le mandataire des intimés a demandé, sans repayer de taxes, que

- les intimés soient désormais inscrits comme demandeurs, et que

- les trois personnes en question soient désignées comme inventeurs.

VI. Or, le 29 octobre 1982, le mandataire du requérant a adressé à l'Office une lettre, reçue le 30 octobre, dans laquelle il déclarait notamment :

"L'unique demandeur et, par conséquent, l'unique personne habilitée à disposer... est..." (le requérant). Suivait un passage dans lequel il contestait la qualité de demandeur des intimés ainsi que leur capacité de disposer, et déniait à leur mandataire le pouvoir de représenter également le requérant ; la lettre se terminait ainsi : "Si toutefois le document (c-à-d. la "déclaration de transfert") joint à la lettre du 5 octobre 1982 devait être considéré comme une requête en bonne et due forme présentée par le requérant aux fins de l'inscription du transfert de sa demande de brevet, je déclare par la présente retirer cette requête en inscription du transfert".

VII. Par lettre du 2 novembre 1982, reçue le 3, le mandataire des intimés a produit pour sa part une pièce signée par ses clients ("déclaration d'acceptation"), datée du 18 octobre 1982 ; son contenu était le suivant :

"Nous déclarons accepter le transfert à notre nom de la demande de brevet européen...".

Aucune des parties ne conteste que cette "déclaration d'acceptation" n'a été transmise qu'à l'OEB, et non au requérant.

VIII. Le 18 novembre 1982, la Section de dépôt de l'OEB a décidé l'inscription du transfert aux intimés de la demande de brevet européen. En vertu de la règle 20(3) CBE, le transfert a pris effet à compter du 3 novembre 1982.

IX. Par lettre du 25 novembre 1982, le mandataire du requérant a contesté l'inscription du transfert, et demandé son annulation. Par lettre du 17 février 1983, la Section de dépôt de l'OEB lui a alors fait connaître son appréciation juridique de la situation : le mandataire de la partie adverse avait bien présenté la requête en inscription du transfert, exigée par la règle 20 CBE. Par ailleurs, la "déclaration de transfert" satisfaisait aux conditions requises par l'article 72 et la règle 20 CBE. Sans faire allusion à la "déclaration d'acceptation", la Section de dépôt concluait en invitant le requérant à "demander expressément une décision susceptible de recours, dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente notification".

X. Par lettre du 11 octobre 1983, reçue le 12, le mandataire du requérant a répondu : "Je demande une décision susceptible de recours".

XI. Sans envoyer d'autre notification, la Division juridique a rendu le 17 janvier 1984 une décision par laquelle elle constatait que l'inscription du transfert de la demande de brevet européen, qui avait été ordonnée par la Section de dépôt le 18 novembre 1982, avait été effectuée à juste titre, et que la requête du mandataire du requérant visant à faire annuler ladite décision était rejetée.

Dans l'exposé des motifs de sa décision, elle a fait valoir qu'une requête en inscription au sens de la règle 20(1) CBE avait été valablement présentée par le mandataire des intimés et qu'il existait également un acte de transfert au sens où l'entend cette règle, puisqu'à elles deux la "déclaration de transfert" en tant qu'"offre" et la "déclaration d'acceptation" du 18 octobre 1982 en tant qu'"acceptation", reçue à l'OEB le ..., satisfaisaient aux conditions de forme requises d'un acte de transfert au sens où l'entend la règle 20(1) CBE.

XII. Pendant ce temps, la procédure de délivrance du brevet suivait son cours : le 2 mai 1982, la publication du rapport de recherche européenne a été mentionnée dans le Bulletin européen des brevets, et le 3 novembre 1982, le mandataire des intimés a présenté une requête en examen en acquittant la taxe correspondante. Le 5 novembre 1982, le mandataire du requérant a lui aussi présenté une requête en examen en acquittant la taxe correspondante.

Le 18 novembre 1982, il a été notifié à ce mandataire que le transfert ayant pris effet à compte du 3 novembre 1982, la procédure serait désormais conduite par le mandataire des intimés, que sa requête en examen était sans objet, et que la taxe qu'il avait acquittée lui serait remboursée. Par ailleurs, en réponse à une notification qui lui avait été adressée par l'examinateur le 7 juin 1983, le mandataire des intimés a déposé le 17 octobre 1983 de nouvelles revendications et une description dont le texte avait été mis en harmonie avec ces nouvelles revendications. Sur la base de ces pièces, l'avis préalable concernant l'envoi de la notification prévue à la règle 51(4) et (5) CBE a été établi le 18 mai 1984.

XIII. Le 16 mars 1984, le mandataire du requérant a formé un recours contre la décision rendue par la Division juridique le 17 janvier 1984, et il a acquitté la taxe correspondante; le mémoire exposant les motifs du recours a été produit le 19 mai 1984. Une notification intermédiaire a alors été établie, et les parties ont présenté des communications; après quoi, la procédure de recours s'est close par une procédure orale le 22 avril 1986, abstraction faite de la présente décision, rendue par écrit.

XIV. Les arguments avancés par écrit et oralement par les mandataires des parties peuvent se résumer comme suit, si l'on se limite à la question essentielle, qui est de savoir si l'inscription du transfert a été valablement effectuée.

Le requérant estime que les conditions requises par la règle 20 CBE n'ont pas été respectées pour l'inscription du transfert et que, au cas où la "déclaration de transfert" aurait été considérée comme une requête en inscription au sens de la règle 20(1) CBE, cette requête a été retirée par sa lettre du 29 octobre 1982. Selon lui, cette déclaration ne peut pas non plus être considérée comme un acte de transfert au sens de la règle 20(1) CBE, puisque d'une part elle ne contient qu'une déclaration unilatérale adressée à l'OEB et non au requérant, et que d'autre part elle ne satisfait pas aux exigences de la forme écrite, énoncées à l'article 126 du "Bürgerliches Gesetzbuch" (BGB) (Code Civil) de la République fédérale d'Allemagne. En effet, l'article 74 CBE renvoie également à cet égard au droit national. Au demeurant, selon le requérant, la "déclaration de transfert" a été révoquée vis-à-vis de l'OEB par sa lettre du 29 octobre 1982, avant même que l'OEB n'ait reçu la "déclaration d'acceptation".

L'intimé estime quant à lui que les deux déclarations répondent aux exigences énoncées à l'article 72 CBE en ce qui concerne la forme écrite. Selon lui, ledit article n'exige pas un contrat écrit (par exemple sous la forme prescrite à l'article 126 BGB), mais seulement des déclarations écrites des parties contractantes prouvant l'existence du contrat, les déclarations en question ne devant pas obligatoirement se trouver réunies dans un seul et même document. Ces exigences valent également pour "l'acte de transfert" requis par la règle 20(1) CBE. Un principe similaire est posé à la règle 19(1) CBE, qui exige elle aussi la production de déclarations écrites, mais admet que les documents soient produits séparément. Pour l'intimé, un système d'inscription de transfert qui n'admettrait pas que les déclarations requises des parties puissent être produites sous forme de documents séparés serait parfaitement irréaliste.

En ce qui concerne la prétendue révocation de la "déclaration de cession" par lettre du 29 octobre 1982, l'intimé a tenu à préciser que cette lettre ne contredisait pas la "déclaration de transfert" dans la mesure où cette déclaration constitue l'acte de transfert, mais seulement dans la mesure où elle contient une requête en inscription d'un transfert au sens de la règle 20(1) CBE.

XV. Au terme de la procédure orale qui s'est tenue le 22 avril 1986, le mandataire du requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée et le rétablissement de l'inscription initiale du requérant en tant qu'unique demandeur.

Le mandataire des intimés a demandé

1. à titre principal, que le recours soit rejeté, c-à-d. que l'inscription actuelle des deux intimés soit confirmée ;

2. à titre subsidiaire, que les deux intimés et le requérant soient conjointement inscrits comme demandeurs ;

3. que l'actuelle désignation de l'inventeur (requérant seul) soit complétée par la désignation des deux intimés en tant que coinventeurs, et

4. que le remboursement d'une taxe d'inscription soit ordonné.

Dans le cadre de sa requête subsidiaire (cf. 2.), le mandataire des intimés a présenté une requête en inscription conformément à la règle 20 CBE, en joignant à sa requête un chèque de virement d'un montant de 125 DM destiné au paiement d'une taxe qu'il a estimé ne pas devoir à nouveau, mais qu'il a entendu malgré tout acquitter à titre de précaution.

Motifs de la décision

1. Le recours satisfait aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108, ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.

2. En premier lieu, il convient d'examiner d'office comment il y a lieu de délimiter les compétences respectives de la Section de dépôt et de la Division juridique, et d'établir si la procédure a été correctement conduite par ces instances.

2.1. En vertu de l'article 20 CBE, la division juridique de l'OEB est notamment compétente "pour toute décision relative aux mentions à porter sur le Registre européen des brevets". Ce n'est que depuis la Conférence diplomatique de Munich (cf. Procès-verbaux M/PR/II, point 118), que la division juridique a été instituée en tant qu'instance chargée de la procédure (cf. notamment les articles 15, 20 et 106(1) CBE), mais à l'époque sa compétence en matière d'inscriptions au Registre n'avait pas été précisée. A cette fin, il y a donc lieu d'interpréter la Convention.

2.2. A première vue, l'article 127 et la règle 92(1) CBE donnent l'impression que la compétence susmentionnée vaut pour toute inscription au sens de la règle 92(1) CBE. L'article 20 CBE dispose que la division juridique est compétente "pour toute décision relative aux mentions à porter sur le Registre européen des brevets", mais il ne peut s'agir là que de cas dans lesquels l'inscription fait elle-même directement l'objet de la décision, et donc essentiellement de décisions relatives à l'inscription de transferts conformément aux règles 20 et 61 CBE ou à l'inscription de droits en application des règles 21 et 22 CBE. Or, l'article 20 CBE dispose que la division juridique est seule compétente pour les décisions relatives à de telles inscriptions.

2.3. A cet égard, il convient de rapprocher la division juridique visée à l'article 20 CBE de la division d'administration des brevets faisant l'objet de l'article 8 de la Convention sur le brevet communautaire (CBC), d'autant plus qu'il est prévu à l'article 143 CBE que cette division agit en tant qu'instance spéciale de l'OEB, parallèlement à la division juridique. La compétence de la division d'administration des brevets n'était définie à l'origine que d'une façon générale et négative à l'article 8(1), première phrase CBC : la division est "compétente... dans la mesure o" ces actes ne relèvent pas de la compétence d'autres instances de l'Office". Lors de la "Conférence de Luxembourg sur le brevet communautaire", tenue en 1975, cette définition a été complétée par une deuxième phrase à caractère positif, précisant que la division d'administration est "notamment compétente pour toute décision relative aux mentions à porter sur le registre des brevets communautaires" (cf. documents de la Conférence, publiés par le Secrétariat général du Conseil des Communautés européennes, 1981, p. 248). Dans le document préparatoire Lux/77 (loc. cit. p. 205), il est expliqué que cette définition complémentaire et positive de la compétence "s'inspire de la méthode suivie dans la Convention sur le brevet européen", c-à-d. des dispositions régissant les compétences figurant aux articles 18 et suivants de la CBE (premier paragraphe de chaque article). En outre, les tâches assignées à la division d'administration des brevets sont décrites dans les "Remarques". On peut en conclure que, pour tout ce qui relève de la compétence dans sa définition positive, c'est-à-dire "pour toute décision relative aux mentions à porter sur le registre des brevets" (article 8(1), deuxième phrase CBC), la division d'administration des brevets prime les autres instances. Il convient par ailleurs de signaler qu'une jonction de la division juridique instituée par la CBE et de la division d'administration des brevets instituée par la CBC (cf. article 143(2) CBE) est possible et qu'elle a été envisagée (Rapport sur la 10e réunion du groupe d'experts "Brevet communautaire", doc. R/328273 (ECO 346, BC28) du 8 février 1974).

2.4. La compétence exercée en tant qu'"instance chargée des procédures" au sens de l'article 15 CBE, que l'article 20 CBE reconnaît en propre à la division juridique, vaut en tout état de cause pour l'application des règles 20, 21, 22 et 61 CBE. Elle ne vaut pas toutefois pour les mentions à porter en tant que telles, mais uniquement pour "toute décision relative aux mentions", c'est-à-dire seulement pour les décisions ne faisant pas droit ou susceptibles de ne pas faire droit aux prétentions d'une partie, au sens o" l'entend l'article 107, première phrase CBE. C'est en effet ce qui ressort des décisions prises à la Conférence diplomatique de Munich. La "division juridique" (article 20) a été instituée en tant qu'"instance chargée des procédures" (article 15), mais elle fait également l'objet d'autres dispositions de la Convention, principalement l'article 106(1). Il ressort des articles 21(1) et (2) et 23(2) CBE que la division juridique a été conçue comme une première instance par rapport à la chambre de recours juridique, comme le suggère le fait qu'il est prévu une "procédure spéciale devant... la division juridique" (article 117(1) CBE, avec notamment une procédure orale (article 116 CBE) et une instruction (article 117 CBE), le cas échéant. Les décisions de la division juridique ne peuvent être prises que lorsque les parties ont été entendues (article 113 CBE), et elles doivent être formulées et émises conformément à la règle 68 CBE.

2.5. Il s'ensuit que la compétence reconnue en propre à la division juridique par l'article 20 CBE ne vaut pas pour les requêtes en inscription, qui peuvent être traitées de manière purement administrative, puisqu'il n'y a pas de différend entre les parties et l'OEB. C'est au Président de l'OEB qu'il incombe de désigner, dans le cadre du pouvoir d'organisation qui lui est reconnu par l'article 10(2)a) et la règle 9(2) CBE, le service compétent pour régler les requêtes en inscription ne présentant aucune difficulté, c-à-d. les requêtes en inscription qui ne risquent pas, s'il y est fait droit, d'amener une partie à former un recours au sens o" l'entend l'article 107 CBE. En revanche, la division juridique doit être saisie des affaires d'inscription dès qu'il n'est plus possible de régler sans difficulté un différend, c-à-d. dès qu'il devient nécessaire d'entamer dans les formes une procédure du type décrit plus haut (point 2.4), qui peut aboutir à une décision que l'une des parties est susceptible de contester par la voie d'un recours.

2.6. En conséquence, la présente affaire aurait dû être soumise à la Division juridique dès réception de la lettre du 29 octobre 1982, qui montre que le requérant n'est pas d'accord avec l'inscription du transfert de la demande aux intimés. L'inscription décidée par la Section de dépôt, qui ne tient pas compte de ce principe, doit donc être annulée comme contraire à l'article 20 CBE.

2.7. Le vice de procédure tient également à d'autres irrégularités qui ont été commises : c'est contre la volonté du requérant que les intimés ont été inscrits en tant que demandeurs, à la place du requérant. Or, pour pouvoir procéder à un tel changement contre le gré du demandeur à radier, il faut une décision susceptible de recours, qui ne saurait être exécutée avant d'être passée en force de chose jugée. Si un recours est formé, il a un effet suspensif en vertu de l'article 106(1), deuxième phrase CBE. Dans la présente espèce, cela aurait signifié que, jusqu'à la décision de la Chambre, le requérant aurait dû demeurer le demandeur inscrit, habilité à conduire la procédure en vertu de l'article 60(3) CBE. En attendant, la procédure aurait dû être poursuivie avec lui, à moins qu'il n'ait été ordonné une suspension (règle 13 CBE) ou une interruption (règle 90 CBE). La Division juridique aurait dû rétablir la situation correcte. Elle aurait pu certes rendre en même temps une décision susceptible de recours, par laquelle elle aurait déclaré qu'il convenait (à son avis) d'inscrire les intimés comme demandeurs. Néanmoins, en raison de l'effet suspensif du recours, le requérant serait dans un premier temps demeuré le demandeur inscrit, habilité par conséquent à conduire la procédure en vertu de l'article 60(3) CBE.

2.8. Du fait des irrégularités qui viennent d'être signalées, les décisions de la Section de dépôt et de la Division juridique doivent être annulées, et le remboursement de la taxe de recours ordonné conformément à la règle 67 CBE, et cela bien qu'en l'espèce il ne soit fait droit que d'une façon limitée au recours.

3. La Chambre pourrait à ce stade renvoyer l'affaire à la Division juridique, en application de l'article 111(1) CBE, sans statuer elle-même en l'espèce. Or, l'application de la règle 20 CBE soulève des problèmes juridiques de portée générale. La Chambre juge bon par conséquent de statuer elle-même dans cette espèce en exerçant les compétences de la première instance, conformément à l'article 111(1), 2e phrase CBE.

4. Pour les parties, les conditions requises par la règle 20 CBE pour l'inscription d'un transfert n'étaient manifestement pas claires. Dans la présente affaire, il est fort probable que les différences existant entre le droit européen (règle 20 CBE) et le droit allemand des brevets (art. 30(3) de la loi allemande sur les brevets) ont contribué à semer le doute dans l'esprit des parties. En droit allemand, la preuve du transfert est fournie par une autorisation d'inscription de transfert donnée par l'ancien titulaire du droit, à condition que cette autorisation soit authentifiée, ainsi que par une déclaration d'acceptation du nouveau titulaire, sans forme prescrite (cf. art. 30(3) de la loi allemande sur les brevets et les "Umschreibungsrichtlinien" dans le "Blatt für PMZ" (1981, 232). En droit européen, par contre, la production d'un "acte de transfert" au sens de la règle 20(1) CBE est obligatoire, mais un extrait de cet acte suffit également. Cette différence entre les preuves du transfert exigées par le droit allemand et par le droit européen est voulue. Le président du groupe de travail CEE "Brevets" avait proposé à l'origine le système de la déclaration de consentement à l'inscription de la transmission, qui correspond au système allemand (cf. propositions du 3 mars 1961 relatives à un article 23). Pour sa part, le groupe de travail a préféré un système d'inscription du contrat, qui consiste à remettre le contrat et à l'inscrire (doc. CEE IV/3076/62 du 22 mai 1962, p. 42). Il a bien vu que la différence entre les deux systèmes tenait à ce que dans le système de la déclaration de consentement à l'inscription de la transmission, l'inscription ne peut être effectuée contre la volonté d'une des parties au contrat, alors que dans le système de l'inscription du contrat, l'accord de l'autre partie n'est plus nécessaire une fois le contrat conclu (loc. cit., p. 44).

5. Il ressort de ce qui précède que la décision relative à la requête principale (rejet du recours, donc confirmation de l'inscription des intimés) ou à la requête subsidiaire (inscription conjointe de toutes les parties) sera fonction uniquement de la réponse apportée à la question de savoir si la pièce soumise en tant qu'"acte de transfert" satisfait aux conditions de forme énoncées à la règle 20 CBE. A cet égard, il y a lieu de considérer que non seulement la "cession" ("rechtsgeschäftliche Übertragung", "assignment") au sens de l'article 72, mais aussi "l'acte de transfert" ("Übertragungsvertrag", "instrument of transfer") au sens de la règle 20(1) CBE doivent être faits par écrit et requièrent la signature des parties au contrat, comme le montre la référence à l'article 72 figurant dans la règle 20(2), 2e phrase CBE.

5.1. Or, même à elles deux, la "déclaration de transfert" et la "déclaration d'acceptation" ne satisfont pas à cette condition. En admettant même que la condition énoncée par la règle 20 CBE en ce qui concerne la forme écrite de "l'acte de transfert" puisse être remplie par l'échange de déclarations écrites, les conditions relatives à la rédaction "par écrit" et à la "signature" seraient certes remplies pour chacune de ces déclarations séparées ; toutefois, deux déclarations séparées, même formulées par écrit et signées, ne constituent pas un contrat, tant que chacune d'elles n'est pas parvenue à l'autre partie contractante. Or, tel n'est pas le cas en ce qui concerne la "déclaration d'acceptation", qui est formulée comme une déclaration adressée à l'OEB, et qui n'a été transmise qu'à celui-ci. Dans la suite de la procédure (après l'inscription du transfert), la "déclaration d'acceptation" est probablement parvenue à la connaissance du mandataire du requérant et peut-être même du requérant lui-même. Même si on la considère également par son contenu comme une acceptation de contrat et non pas seulement comme une déclaration adressée à l'OEB, le requérant, à la date à laquelle elle avait été reçue, n'était plus lié à l'offre qu'il avait faite dans sa "déclaration de transfert". Entre-temps, le requérant et son représentant avaient clairement fait savoir par leur correspondance et leur attitude que le requérant ne se sentait plus lié par son offre.

5.2. Compte tenu de ce qui vient d'être exposé sous 5.1, il y a lieu de faire droit à la requête du requérant, qui vise à l'annulation des décisions attaquées, non seulement en raison des vices de procédure énumérés sous 2.6, mais aussi pour des raisons de fond. En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à la requête principale des intimés visant, par le rejet du recours, à faire confirmer l'inscription actuelle des intimés en tant que demandeurs.

5.3. Il ne peut toutefois être fait droit à l'autre requête du requérant visant au rétablissement de son inscription initiale en qualité d'unique demandeur, car il convient de faire droit à la requête subsidiaire des intimés. Il existe en effet un élément qui milite en faveur de l'inscription de toutes les parties comme codemandeurs, conformément à cette requête subsidiaire, c'est leur déclaration commune (cf. supra III.1). Tant par sa forme que par son contenu, celle-ci doit être reconnue comme "acte de transfert" au sens de la règle 20(1) CBE. Le fait que la déclaration ait été établie à l'aide d'un papier carbone ne saurait en l'occurrence constituer une objection. Lorsque plusieurs exemplaires d'un acte sont établis simultanément à l'aide d'un papier carbone, chacun d'eux constitue un "original" au sens o" l'entend la règle 20(1) CBE. Même un double au carbone d'une signature constitue une signature originale, puisqu'il a été produit par la pression de la main de celui qui a signé. Il y a lieu de reconnaître comme date de prise d'effet au sens de la règle 20(3) CBE la date de réception de ladite déclaration (cf. ci-après point 7). Il s'ensuit que les actes que le mandataire des intimés a accomplis au cours de la procédure d'examen en qualité de représentant commun de toutes les parties (cf. III.4 ci-dessus), produisent effet en vertu de la présente décision, et que la procédure d'examen peut être reprise par l'envoi d'une notification établie conformément à la règle 51(4) CBE.

6. Il est possible de faire droit à la requête du mandataire des intimés visant à faire rectifier la désignation actuelle de l'inventeur, de manière à y ajouter le nom de ses clients en qualité de coinventeurs. Les conditions requises pour cette rectification par la règle 19 CBE sont réunies. La Chambre est par ailleurs compétente pour ordonner ladite rectification.

6.1. Les conditions requises par la règle 19 CBE pour la rectification de la désignation de l'inventeur étaient déjà réunies par l'envoi, le 15 juin 1982 (cf. II.supra), du formulaire signé conjointement par toutes les parties. Il a été constaté au cours de la procédure orale que ce point n'avait d'ailleurs pas été contesté.

6.2. En vertu de l'article 111(1), 2e phrase CBE, la compétence de la Chambre pour ordonner la rectification a sa source dans la compétence de la Division juridique. La compétence de celle-ci doit en tout état de cause être reconnue en raison de la connexité des questions, ladite Division devant statuer sur l'inscription de demandeurs qui désirent également être désignés en qualité d'inventeurs.

6.3. Or, par ailleurs, la Division juridique est également compétente pour toute décision relevant de l'application de la règle 19 CBE. Ce qui a été énoncé plus haut (cf. 2.4 supra) au sujet des décisions relevant de l'application de la règle 20 CBE vaut dans ce cas par analogie. Là aussi ceci vaut à condition que l'exécution administrative des rectifications non contestées de la désignation de l'inventeur incombe aux services auxquels le Président de l'Office a confié cette tâche. Au demeurant, il y a lieu de remarquer que la règle 19 CBE demeure applicable même après la phase d'opposition, alors que la règle 20 CBE cesse d'être applicable à la fin de cette phase, en vertu de la règle 61 CBE.

6.4. Il est néanmoins nécessaire de délimiter les compétences respectives de la section de dépôt et de la division juridique en ce qui concerne la désignation de l'inventeur, d'autant que la Chambre a déjà été saisie de cette question (cf. décision JO 08/82, JO de l'OEB 4/1984, p. 155, point 2 des motifs de la décision). L'examen d'une première désignation de l'inventeur remplissant la condition énoncée à l'article 81 CBE relève exclusivement de la compétence de la section de dépôt, que celle-ci exerce dans le cadre de la compétence pour l'examen quant à la forme qui lui est reconnue par les articles 16 et 91 CBE. La compétence de la division juridique en matière de rectifications litigieuses peut toutefois jouer dès qu'une inscription est portée au Registre européen des brevets et devient accessible au public, ce qui, en vertu de l'article 127, 2e phrase CBE, se produit à une date qui correspond à la date de la publication de la demande de brevet européen.

7. Les intimés demandent le remboursement d'une taxe d'inscription versée au titre de la règle 20(2) CBE. Au total, ils ont présenté à trois reprises une requête en inscription, et acquitté deux fois une taxe. Le 13 juin 1982 (cf. II.supra), une taxe a été payée au barème alors en vigueur de 115 DM. Le mandataire des intimés a fait référence à ce paiement (cf. III.2.supra) lorsqu'il a présenté le 7 septembre 1982 la requête en inscription des trois parties (correspondant à la requête subsidiaire qui vient d'être acceptée). Il n'a pas été acquitté de taxe pour la requête présentée le 5 octobre 1982 concernant l'inscription des seuls intimés, à l'exclusion du requérant (cf. V.supra, cette requête correspondant à la requête principale qui vient d'être rejetée). La Section de dépôt et la Division juridique ont probablement accepté que la taxe acquittée pour la première requête soit également valable pour la deuxième. C'était là une décision correcte. A cette date il est vrai, ces requêtes n'avaient pas été formulées en tant que requête principale et requête subsidiaire. Il est toutefois apparu au cours de la procédure que pour l'auteur de ces requêtes, la première requête qu'il avait présentée n'était pas celle qui avait ses préférences, sa requête préférée étant celle qu'il avait présentée ultérieurement. Dans le cas plutôt rare o" une requête en inscription au sens de la règle 20(2) CBE comporte à la fois une requête préférée et une requête présentée à titre subsidiaire, le paiement d'une seule taxe est suffisant. En acceptant la requête subsidiaire, la Chambre fait droit à une requête qui avait déjà été présentée valablement le 7 septembre 1982, au sens o" l'entend la règle 20(3) CBE (cf. III. 2.supra). Il convient donc de rembourser la taxe de 125 DM acquittée pour la requête qui a été présentée à nouveau par mesure de précaution au cours de la procédure orale.

8. Deux montants de 115 DM et de 30 DM ont été payés par ailleurs le 13 juin 1982 (cf. II.supra), mais ce paiement est sans objet, au sens o" l'entend l'article 7 du règlement relatif aux taxes. N'ayant pas été utilisées, ces sommes doivent être remboursées.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. L'inscription du transfert de la demande de brevet européen n° 80 106 734.9 aux intimés en tant que demandeurs, qui a été effectuée par la Section de dépôt le 18 novembre 1982, ainsi que la décision de la Division juridique de l'Office européen des brevets, en date du 17 janvier 1984, sont annulées.

2. Les intimés et le requérant doivent être conjointement inscrits au Registre européen des brevets, en qualité de demandeurs. En vertu de la règle 20(3) CBE, ce transfert produit effet à l'égard de l'Office européen des brevets depuis le 7 septembre 1982. La procédure d'examen peut être reprise par l'envoi d'une notification établie conformément à la règle 51(4) CBE, adressée au mandataire de l'intimé I, lequel a été désigné comme représentant commun des demandeurs.

3. Il est ordonné que les intimés soient inscrits en qualité de coinventeurs en sus du requérant, jusqu'à présent désigné comme l'inventeur.

4. Il est ordonné le remboursement de la taxe de recours d'un montant de 630 DM.

5. Il est ordonné le remboursement d'une taxe d'inscription de 125 DM, ainsi que de deux paiements de 115 DM et 30 DM -soit au total 270 DM.

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