European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1997:T017894.19970205 | ||||||||
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Date de la décision : | 05 Fevrier 1997 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0178/94 | ||||||||
Numéro de la demande : | 90400145.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | F25J 3/04 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé et installation de séparation d'air et de production d'oxygène ultra-pur | ||||||||
Nom du demandeur : | L'AIR LIQUIDE, SOCIETE ANONYME | ||||||||
Nom de l'opposant : | LINDE Aktiengesellschaft, Wiesbaden | ||||||||
Chambre : | 3.2.03 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Nouveauté et activité inventive (oui) Droit de priorité (non) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours de l'opposante (requérante) est dirigé contre la décision intermédiaire prise par la Division d'opposition au cours de la procédure orale du 26. novembre 1993, qui a maintenu le brevet sous une forme modifiée. Les motifs écrits de cette décision intermédiaire ont été remis à la poste le 22. décembre 1993.
II. Le recours a été formé le 28 février 1994 et la taxe de recours acquittée à la même date. Le mémoire de recours a été reçu le 2 mai 1994.
Dans son mémoire, la requérante a élevé des objections au titre des articles 83, 84 et 123(2) CBE à l'égard des revendications modifiées le 26 novembre 1993. De plus, elle a fait valoir que l'objet de ces revendications n'impliquait pas l'activité inventive requise par les articles 52 et 56 CBE au vu de l'enseignement des documents référencés D1 à D3 dans la liste suivante des antériorités citées durant la procédure d'opposition :
D1 : US-A-4 755 202
D2 : SU 757 817, accompagnée d'une traduction en allemand
D3 : EP-A-0 299 364
D4 : US-A-4 867 772
Durant la procédure de recours, la requérante a mentionné de nouveaux documents, à savoir :
D5 : Winnacker/Küchler, Chemische Technologie, volume 7, édition 1975, pages 179 à 183.
D3-US : US-A-4 824 453, correspondant à l'antériorité D3 ci-dessus.
D6 : Hausen/Linde, Tieftemperaturtechnik, 1985, pages 248 à 254 et 288 à 294.
D7 : Hausen/Linde, Tieftemperaturtechnik, 1985, pages 477 et 478.
D8 : Ullmans Enzyklopädie der technischen Chemie, volume 2, 1972, pages 449 et 450.
D9 : Kern, Process Heat Transfer, 1950, pages 13 et 14.
D10 : Hausen/linde, Tieftemperaturtechnik, 1985, pages 310 à 320.
D11 : GB-A-1 216 192
D12 : DE-C-3 107 151
III. Le 5 février 1997, une procédure orale a eu lieu. Durant cette procédure orale, l'intimée (titulaire du brevet) a déposé un nouveau jeu de revendications, une nouvelle description et de nouvelles figures.
IV. La revendication 1 concerne un premier mode de réalisation de l'invention et a le libellé suivant :
"Procédé pour produire de l'oxygène ultra-pur à partir d'un appareil principal de distillation d'air (1) à double colonne (2), comprenant une colonne moyenne pression (3) et une colonne basse pression (4), comportant les étapes d'envoyer dans la cuve d'une première colonne auxiliaire (12) un premier gaz prélevé en cuve de la colonne basse pression (4), de renvoyer dans cette dernière le liquide produit en cuve de la première colonne auxiliaire, de distiller dans une deuxième colonne auxiliaire (17) un fluide soutiré à un premier niveau en tête de la première colonne auxiliaire, le fluide étant envoyé à un deuxième niveau de la deuxième colonne auxiliaire, l'oxygène ultra-pur étant produit en cuve de cette deuxième colonne auxiliaire,
de chauffer la cuve de la deuxième colonne auxiliaire (17) à une pression plus élevée que celle de la cuve de la colonne basse pression à cause de la présence de plateaux théoriques supplémentaires dans la deuxième colonne auxiliaire, du fait que le nombre de plateaux théoriques entre la cuve de la deuxième colonne auxiliaire et le deuxième niveau est supérieur au nombre de plateaux théoriques entre la cuve de la première colonne auxiliaire et le premier niveau, en y condensant un gaz de chauffage disponible sous la moyenne pression au niveau de la partie inférieure ou intermédiaire de la colonne moyenne pression (3), et de renvoyer le condensat dans l'appareil principal de distillation d'air (1)."
Les deux autres revendications indépendantes 4 (procédé) et 7 (installation) ont trait au deuxième mode de réalisation et comportent, respectivement, les libellés suivants :
"4. Procédé pour produire de l'oxygène ultra-pur à partir d'un appareil principal de distillation d'air (1A) à double colonne (2), comprenant une colonne moyenne pression (3) et une colonne basse pression (4), comportant les étapes d'envoyer dans la cuve d'une première colonne auxiliaire (12A) un premier gaz prélevé au piquage argon de la colonne basse pression (4), de renvoyer dans cette dernière le liquide produit en cuve de la première colonne auxiliaire, de distiller dans une deuxième colonne auxiliaire (17A) un liquide produit dans la première colonne auxiliaire à un premier niveau et envoyé en tête de la deuxième colonne auxiliaire, l'oxygène ultra-pur étant produit en cuve de cette deuxième colonne auxiliaire,
caractérisé en ce qu'on chauffe la cuve de la deuxième colonne auxiliaire (17A) à une pression plus élevée que celle de la cuve de la colonne basse pression à cause de la présence de plateaux théoriques supplémentaires dans la deuxième colonne auxiliaire, du fait que le nombre total de plateaux théoriques entre la cuve de la colonne basse pression et le piquage argon et entre la cuve de la première colonne auxiliaire et le premier niveau est inférieur au nombre total de plateaux théoriques dans la deuxième colonne auxiliaire, en y condensant un gaz de chauffage disponible sous la moyenne pression au niveau de la partie inférieure ou intermédiaire de la colonne moyenne pression (3), et on renvoie le condensat dans la colonne basse pression (4) de l'appareil principal de distillation d'air (1A)."
"7. Installation de séparation d'air et de production d'oxygène ultra-pur, du type comprenant un appareil principal de distillation d'air (1A) à double colonne (2) comportant une colonne moyenne pression (3) et une colonne basse pression (4), une première colonne auxiliaire (12A) dont la cuve est reliée à la zone de piquage argon de la colonne basse pression (4) par une première conduite de gaz (13A) et par une deuxième conduite de liquide (14A) et une deuxième colonne auxiliaire (17A) dont la tête est reliée par une troisième conduite (18A) à un premier niveau de la première colonne auxiliaire et dont la cuve comporte un échangeur de chaleur indirect (19A),
caractérisée en ce qu'elle comporte des moyens (21A) pour prélever au niveau de la partie inférieure ou intermédiaire de la colonne moyenne pression (3) un gaz de chauffage sous la moyenne pression et l'introduire dans l'échangeur de chaleur (19A) de la deuxième colonne auxiliaire, la cuve de la deuxième colonne auxiliaire étant à une pression plus élevée que celle de la cuve de la colonne basse pression à cause de la présence de plateaux théoriques supplémentaires dans la deuxième colonne auxiliaire, du fait que le nombre total de plateaux théoriques entre le cuve de la colonne basse pression et le piquage argon et entre la cuve de la première colonne auxiliaire et le premier niveau est inférieur au nombre total de plateaux théoriques dans la deuxième colonne auxiliaire, et des moyens pour renvoyer dans la colonne basse pression (4) de l'appareil principal de distillation d'air (1A) le condensat issu de l'échangeur de chaleur."
V. La requérante a présenté les arguments suivants :
L'expression "à cause de ..." dans les trois revendications indépendantes manque de clarté (article 84 CBE). Elle peut signifier que la différence de pression mentionnée juste avant cette expression dans les revendications est due au nombre total de plateaux supplémentaires et uniquement à ce nombre, c'est-à-dire que si ce nombre est n, la différence de pression égale n fois la perte de charge d'un plateau. Il y aurait alors automaticité entre l'élévation de pression créée et le nombre de plateaux supplémentaires. Ceci suppose que la perte de charge totale de la première colonne auxiliaire soit égale à la perte de charge totale obtenue dans la deuxième colonne auxiliaire entre le deuxième niveau et le premier des plateaux supplémentaires. Or cette condition n'a pas été divulguée dans la description du brevet en cause, si bien qu'un défaut de divulgation en résulte (article 83 CBE). Cette expression litigieuse peut aussi signifier que la différence de pression ne résulterait que d'une partie des plateaux supplémentaires. Enfin, l'intimée a indiqué durant la procédure d'opposition que des vannes pouvaient être situées sur les conduites entre les colonnes. Une troisième interprétation serait alors possible, selon laquelle la pression supérieure serait la conséquence non seulement de la présence de plateaux supplémentaires, mais aussi de causes additionnelles, comme par exemple les pertes de charge des vannes. Cette expression litigieuse est d'autant moins claire qu'il est possible, par exemple en ayant des plateaux de 3 mbar de perte de charge dans la première colonne et des plateaux ou "garnissages" à perte de charge de 0,3 mbar dans la deuxième colonne, d'obtenir une différence de pression négative, c'est-à-dire une diminution de pression en cuve de deuxième colonne par rapport à la colonne basse pression (dénommée ci-après colonne BP), malgré la présence de plateaux supplémentaires. L'homme du métier ne sait laquelle de ces interprétations est la bonne.
L'art antérieur le plus proche de l'objet de la revendication 1 du brevet contesté est représenté par l'antériorité D1. Selon le titulaire du brevet, le procédé selon la revendication 1 du brevet en cause se distingue de celui de cet art antérieur par le gaz de chauffage de la cuve de la deuxième colonne auxiliaire et par la pression en cuve de cette colonne.
Or le document D1 précise que la deuxième colonne auxiliaire de l'installation, qu'il décrit, possède trois plateaux de plus que la première colonne auxiliaire, autrement dit cette colonne satisfait à une des exigences nouvelles de la revendication 1. Certes, ce document précise par ailleurs que le fond de la deuxième colonne auxiliaire et celui de la colonne BP sont à une pression identique de 25,5 psia (1,76 bar), mais l'homme du métier sait que de telles valeurs ne sont qu'approchées et peuvent varier au moins de plus de 0,05 psia (3,5 mbar). Par exemple, une pression de 25,45 psia peut se trouver en cuve de la colonne BP de l'installation selon D1 et une pression de 25,55 psia au bas de la deuxième colonne auxiliaire, soit une différence de pression de 0,1 psia (7 mbar) entre les deux colonnes. Or la revendication 1 du brevet en cause exige "des" plateaux supplémentaires, c'est-à-dire au moins deux plateaux. Avec des plateaux ayant chacun une perte de charge de 0,3 mbar, une différence de pression totale de 0,6 mbar entre les deux colonnes est atteinte, largement à l'intérieur de la plage de 7 mbar ci-dessus. Il y a donc recouvrement des plages entre l'installation selon l'antériorité D1 et l'objet de la revendication 1. La caractéristique concernant la différence de pression dans la revendication 1 du brevet en cause est donc anticipée par le document D1.
Ce document D1 enseigne aussi que le gaz de chauffage peut être constitué de "n'importe quel gaz", autre que l'azote de tête de la colonne moyenne pression (ci-après "colonne MP"), seulement cité à titre d'exemple dans cet art antérieur. L'homme du métier influencé par ce conseil n'a guère le choix : le seul gaz chaud disponible se trouve dans la partie inférieure de la colonne MP, car tous les autres gaz de l'installation sont trop froids. Par conséquent, la caractéristique du gaz de chauffage est implicitement divulguée par le document D1. Il s'ensuit que le procédé de la revendication 1 n'est pas nouveau.
Ce procédé ne peut non plus impliquer une activité inventive. Supposant que les deux caractéristiques mentionnées plus haut de la revendication 1 soient reconnues nouvelles vis-à-vis de D1, la question se pose de savoir quel problème elles résolvent. L'argumentation de l'intimée repose sur une hypothèse de départ, à savoir un écart de température de 1° C des vaporiseurs, qui n'a aucun fondement dans la description du brevet en cause. Cette hypothèse ne peut donc être prise en considération. Il n'est en effet pas permis de construire un problème de façon artificielle, en partant de conditions de départ non divulguées à l'origine.
La première des deux différences, à savoir la différence de pression, n'est pas chiffrée, elle est donc indéterminée et peut avoir une valeur négligeable. Avec deux plateaux théoriques supplémentaires, l'élévation de pression n'est même pas mesurable. Si des plateaux réels de type "garnissages" sont utilisés, ils ont chacun une perte de charge de 0,3 à 0,5 mbar, et dix plateaux ne fournissent qu'une augmentation totale de pression, qui est bien inférieure aux variations de pression usuelles du système. Cette augmentation est alors sans influence sur le procédé. De plus, l'effet ou l'avantage qui résulte de cette augmentation de pression reste obscur.
La seule différence qui reste, concerne le gaz de chauffage. Or cette caractéristique vise le problème bien connu du choix du vaporisateur et non une soi-disante "valeur minimum de l'écart de température des condenseurs", qui n'existe pas, contrairement à l'affirmation de l'intimée. Il est bien connu que l'écart de température T d'un condenseur est inversement proportionnel à sa surface d'échange A selon l'équation T = K/A, K étant un facteur de proportionnalité. La courbe hyperbolique qui résulte de cette équation n'a aucune valeur minimale. A un petit écart de température du vaporiseur-condenseur correspond une grande surface d'échange, d'où un coût élevé du vaporisateur, et vice-versa. Dans l'installation selon l'antériorité D1, la colonne BP et la deuxième colonne ont en cuves des températures identiques et les écarts de température de leurs condenseurs sont donc pareils. Dans ce domaine technique, le choix de la taille d'un condenseur ou vaporisateur fait partie du travail routinier de l'homme du métier, qui sait qu'en fonction du vaporiseur choisi il doit aussi choisir le gaz de chauffage en conséquence. Or, comme déjà vu ci-dessus, ce dernier choix et donc le choix du vaporiseur sont suggérés par le document D1. Il s'agit d'un choix purement économique. Jusqu'ici, un vaporiseur à petit écart de température n'a pas été utilisé pour la simple raison que des inconvénients bien connus sont liés à ce choix, à savoir une capacité de séparation plus médiocre de l'installation et un investissement en capital plus élevé. Le choix du brevet en cause est simplement un choix en faveur d'une réduction des coûts de fonctionnement (consommation d'électricité) au détriment des coûts d'installation (vaporiseur de prix supérieur). Par suite, aucune activité inventive ne peut être vue dans l'objet de la revendication 1.
Le deuxième mode de réalisation du brevet en cause fait l'objet des revendications indépendantes 4 et 7. Pour ce mode de réalisation, le document D3, figure 1, constitue l'art antérieur le plus proche. Selon les revendications 4 et 7 du brevet en cause, les mêmes différences que dans le mode de réalisation précédent se retrouvent. Cependant, le document D3-US apporte un éclairage complémentaire à l'enseignement de l'antériorité D3 : Il enseigne, en effet, que la deuxième colonne auxiliaire comporte douze plateaux réels supplémentaires. La condition des plateaux théoriques supplémentaires selon les revendications 4 et 7. du brevet en cause est donc remplie, douze plateaux réels correspondant à environ dix plateaux théoriques. Les mêmes arguments que pour le premier mode de réalisation peuvent alors s'appliquer à ce deuxième mode de réalisation, et l'antériorité D3 suffit à nier toute activité inventive pour l'objet des revendications 4 et 7. Il convient de noter en plus que la caractéristique concernant la pression est une caractéristique de procédé et, par conséquent, n'a aucun sens dans une revendication d'installation comme la revendication 7.
Le remboursement de la taxe de recours est réclamée en raison d'une violation de l'article 113(1) CBE et d'un non respect du devoir d'impartialité de la Division d'opposition. En effet, l'intimée a déposé de nouvelles revendications quelques jours seulement avant la tenue de la procédure orale devant la Division d'opposition et ces revendications réintroduisaient le premier mode de réalisation de l'invention, qui avait été abandonné. La requérante avait aussitôt, par fax, demandé que ces nouvelles revendications ne soient pas considérées, notamment en raison de leur admissibilité douteuse au regard de l'article 123 CBE. Dès le début de la procédure orale, ces revendications ont bien été critiquées sur cette base, mais du coup, de nouvelles caractéristiques, qui d'après la décision contestée justifieraient l'activité inventive impliquée, ont été introduites. Dans la description du brevet en cause, ces caractéristiques n'apparaissent que dans une seule phrase, apparemment secondaire, et elles ne se rapportent qu'au premier mode de réalisation de l'invention en cause. Ce passage de la description n'avait jamais été cité auparavant dans la procédure. Il s'est donc créé une succession de situations nouvelles et inattendues pour la requérante qui n'a pu bénéficier de conditions équitables pour préparer et adapter ses arguments. Les vingt minutes qui lui ont été accordées durant la procédure orale ne pouvaient qu'être insuffisantes pour élaborer des objections complètes vis-à-vis des dernières revendications remaniées. De plus, la caractéristique relative aux plateaux théoriques, qui a été ajoutée, n'avait pas fait l'objet d'une recherche d'antériorités. Par conséquent, la Division d'examen aurait du poursuivre la procédure par écrit afin de laisser à la requérante la possibilité d'effectuer une recherche additionnelle, laquelle d'ailleurs s'est révélée utile plus tard puisque le document D3-US a été trouvé. Une requête d'ajournement de la procédure orale en vue d'une poursuite provisoire de la procédure par écrit avait d'ailleurs été présentée par la requérante durant la procédure orale, mais la Division d'opposition l'avait rejetée sans même délibérer et sans la mentionner dans le procès-verbal. Enfin, la Division d'opposition a par deux fois durant la procédure orale proposé elle-même une modification des revendications. Les décisions T 293/92 (non publiée), point 2.1 ; T 861/94 (non publiée), point 4, 3ème paragraphe, et G 9/91 (JO OEB, 1993, 408), dernière phrase du point 2 des motifs, qui traitent de l'obligation pour l'OEB de rester neutre et de traiter les parties de façon égale, condamnent une telle attitude.
VII. L'intimée a défendu son brevet comme suit :
Si P1 est la pression en cuve de la colonne BP, P2 celle en cuve de la deuxième colonne, P1 la perte de charge d'un plateau de la colonne BP, P2 celle d'un plateau de la deuxième colonne, n le nombre de plateaux tel que défini dans la revendication pour la colonne BP et n1 le nombre de plateaux supplémentaires de la deuxième colonne, la différence de pression entre les deux colonnes est définie par l'équation suivante :
P2 - P1 = - n P1 + (n+n1) P2 = n( P2- P1) + n P2
Selon les termes de la revendication 1, la pression doit être supérieure en cuve de la deuxième colonne auxiliaire du fait de la présence de plateaux supplémentaires. Il appartient à l'homme du métier de choisir un nombre de plateaux théoriques supplémentaires de façon à ce que P2 > P1 , qu'il y ait ou non des vannes dans le circuit. Il n'est pas nécessaire que le nombre de plateaux supplémentaires soit la seule cause de l'augmentation de pression. Cette interprétation serait trop restrictive et ne se justifie pas. L'antériorité D1 enseigne clairement que P2 = P1 et que le gaz de chauffage est de l'azote prélevé en tête de la colonne MP ou, éventuellement un autre gaz, qui n'est pas précisé . Par suite, la nouveauté du procédé selon la revendication 1 du brevet contesté ne peut pas être mise en doute.
Le but de la présente invention est de permettre la production d'oxygène au prix de modifications peu coûteuses et sans dépense additionnelle d'énergie. Dans la technique antérieure selon le document D1, la colonne BP et la deuxième colonne auxiliaire ont des pressions identiques en cuves et des températures égales de chauffage de leurs vaporiseurs. Si seule la pression en cuve de la deuxième colonne était augmentée par rapport à celle de la cuve de la colonne BP, l'oxygène en cuve de la deuxième colonne s'évaporerait à une température T2 plus élevée que celle T1 de la colonne BP. Ceci exigerait que l'azote de chauffage des condenseurs soit à une température supérieure à la température la plus haute des deux, donc supérieure à T2, ce qui obligerait à utiliser un condenseur avec un T plus grand. Ce condenseur ne pourrait donc fonctionner à l'écart minimal de température. La présente invention évite cet écueil en combinant l'utilisation d'un gaz de chauffage plus chaud avec une pression plus élevée. Grâce à cette solution, les deux condenseurs peuvent travailler avec le T minimum. Ce problème et la solution correspondante n'avaient jamais été envisagés dans l'art antérieur.
Dire que l'invention se réduit au choix du gaz de chauffage n'est pas correct. Si, partant de l'installation connue de l'antériorité D1, le gaz de chauffage était seulement choisi plus chaud, cela n'aurait aucun intérêt lorsque les deux cuves restent à la même pression. L'écart de température du condenseur de la deuxième colonne serait augmenté et le rendement de l'installation serait réduit.
En ce qui concerne le remboursement de la taxe de recours requis par la partie adverse, il est simplement signalé que les deux caractéristiques techniques ajoutées dans la revendication 1 durant la procédure orale avaient déjà été évoquées de façon substantielle dans la lettre datée du 30 juin 1995, donc bien avant la procédure orale et que, par suite, la requérante ne peut prétendre avoir été prise par surprise.
VIII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée, la révocation du brevet européen en question et le remboursement de la taxe de recours.
L'intimée demande le rejet du recours et le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 9, de la description adaptée et des figures 1 et 2, telles que présentées durant la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Admissibilité des revendications
2.1. Article 123 CBE :
Dans la revendication 1 qui concerne le procédé du premier mode de réalisation selon la figure 1 du brevet en cause, la notion de plateaux théoriques supplémentaires, qui avait été introduite durant la procédure d'opposition, a été davantage précisée. La modification apportée est bien supportée par la description d'origine, page 4, lignes 5 à 16 du brevet en litige et par sa figure 1, qui, en tenant compte des niveaux tels que définis dans la revendication 1, montre n plateaux dans la première colonne auxiliaire et n+n1 plateaux dans la deuxième. Selon la description originale, il faut tenir compte des plateaux qui participent à la vaporisation d'oxygène ultra pur. Les notions de "premier" et "deuxième niveaux" n'apparaissent pas dans la description d'origine, mais ces termes appliqués respectivement à des colonnes différentes constituent simplement des dénominations, qui ont été créées pour permettre d'expliciter de façon aisée la caractéristique concernant les plateaux supplémentaires. Ces termes ne doivent donc pas être confondus avec les emplacements des alimentations ou sorties correspondantes dessinées sur les figures du brevet et qui se trouvent être de façon purement artificielle au même niveau sur la page de dessin. L'objection de la requérante basée sur cette coïncidence ne peut donc être retenue.
En ce qui concerne le deuxième mode de réalisation, une précision de même nature a été introduite dans les revendications indépendantes 4 (procédé) et 7. (installation). La relation de cause à effet entre des plateaux additionnels et une pression plus élevée en cuve de la deuxième colonne, telle qu'indiquée pour la première variante, n'est pas explicitement divulguée pour ce deuxième mode de réalisation dans la description du brevet en cause. Elle se justifie cependant pour les raisons suivantes : La description dans sa version originale indique que ce deuxième mode de réalisation est une variante de la première. De plus, un nombre supplémentaire de plateaux théoriques est effectivement divulgué dans le cadre de cette deuxième variante. En effet, tenant compte des plateaux qui participent à l'évaporation d'oxygène ultra pur, la figure 2 du brevet en cause, qui concerne cette deuxième réalisation, montre d'une part un nombre N de plateaux entre la cuve de la colonne BP et son point de piquage argon et d'autre part un nombre n de plateaux dans la première colonne auxiliaire entre sa cuve et le premier niveau, le total N+n étant bien inférieur au nombre N+n+n1 de plateaux montrés dans la deuxième colonne auxiliaire, qui est alimentée en tête. La description d'origine du brevet en cause indique en outre que la pureté de l'oxygène obtenue en cuve de la colonne BP est la même que celle obtenue dans la deuxième colonne auxiliaire en un point situé juste au dessus des n plateaux supplémentaires. La pression plus élevée en cuve de cette deuxième colonne est donc bien due aux n plateaux supplémentaires.
Dans la revendication 4, le terme "fluide" indiquant le produit d'alimentation de la deuxième colonne auxiliaire a été modifié en "liquide", qui est un terme plus restrictif et correspond au terme utilisé dans la description d'origine, page 6, avant-pénultième ligne.
L'utilisation d'un gaz de chauffage prélevé dans la partie inférieure de la colonne MP est une possibilité divulguée dans la description d'origine pour le premier mode de réalisation et qui, en raison du caractère de variante de la deuxième réalisation, s'applique aussi à cette dernière. Comme les revendications indépendantes incluent maintenant dans leurs objets ce gaz de chauffage, la description et les dessins ont été modifiés en conséquence. Toutes les références ou allusions à de l'air ou de l'azote comme moyens de chauffage ont été supprimées dans la description, dans les revendications dépendantes et dans les dessins. Enfin, dans la description, l'antériorité décrivant l'art antérieur le plus proche des objets des revendications 4 et 7 a été mentionnée.
Les exigences de l'article 123(2) CBE sont satisfaites. Comme, par ailleurs, les termes des revendications délivrées se retrouvent tous dans les nouvelles revendications indépendantes, dont les objets ont été de plus restreints dans leurs étendues par l'addition de caractéristiques supplémentaires, l'exigence de l'article 123(3) CBE est aussi remplie.
2.2. Article 84 CBE :
La Chambre ne saisit pas la raison qui obligerait à interpréter la relation de cause à effet entre les plateaux supplémentaires et la pression additionnelle obtenue en cuve de la deuxième colonne comme une relation de correspondance automatique entre le nombre de plateaux supplémentaires et la valeur de l'augmentation de pression obtenue. La caractéristique concernée des revendications indépendantes du brevet en cause exige seulement que, pour avoir une pression plus grande dans la deuxième colonne, des plateaux théoriques supplémentaires soient ajoutés. Il appartient à l'homme du métier, compte tenu des autres caractéristiques du système, notamment des types de plateaux réels employés dans les colonnes, des pertes de charge de vannes intermédiaires éventuelles, etc... de remplir cette condition, sans qu'il soit forcément tenu à une corrélation stricte entre le nombre de plateaux supplémentaires et l'élévation de pression acquise. Cette dernière condition serait une interprétation trop restrictive de la caractéristique concernée.
Il est évident aussi que, lorsque la revendication 1 indique que la pression dans la deuxième colonne auxiliaire est plus élevée que celle de la cuve de la colonne BP à cause de la présence de plateaux théoriques supplémentaires dans la deuxième colonne, ceci n'a de sens que si les autres caractéristiques ne changent pas.
Suite aussi à une objection de la requérante, il convient de préciser que dans la caractéristique concernant le nombre de plateaux théoriques, les termes "supplémentaires " et "supérieur" sont ici synonymes et visent le même nombre de plateaux.
2.3. Article 100 b) CBE :
Suite à l'introduction dans les revendications de la relation de cause à effet entre la pression plus élevée (en cuve de la deuxième colonne) et du nombre de plateaux supplémentaires, la requérante a objecté un défaut de divulgation de la description. Celle-ci n'enseignerait pas une condition nécessaire, à savoir que dans la deuxième colonne, au niveau du dernier plateau théorique précédant le groupe de plateaux supplémentaires, la pression soit égale à celle de la cuve de la colonne BP. Cette objection doit être reliée à l'objection de clarté précédente, qui visait l'interprétation restrictive d'un lien strict entre le nombre de plateaux et la pression supérieure obtenue. Or la requérante a elle-même montré qu'une augmentation de pression peut être obtenue par une partie seulement des plateaux supplémentaires et, dans un tel cas, la condition mise en avant par la requérante n'est plus réalisée. Cette condition, par conséquent, ne s'impose donc pas et, déjà sur le seul plan technique, l'objection de la requérante au titre de l'article 100 b) CBE n'est donc pas justifiée.
En conséquence, les nouveaux documents du brevet en cause sont recevables.
3. Validité du droit de priorité du brevet en cause
Un examen de la demande de brevet française FR-8 900 670 (déposée le 20 janvier 1989), qui a été produite comme justificatif de la revendication de priorité selon l'article 88 CBE, révèle que cette demande antérieure ne divulgue pas les caractéristiques suivantes des objets des revendications indépendantes du brevet en cause :
a) La vaporisation de la cuve de la deuxième colonne auxiliaire à une pression supérieure à celle de la cuve de colonne BP, et
b) l'utilisation d'un gaz de chauffage soutiré au niveau de la partie inférieure ou intermédiaire de la colonne MP.
Les arguments exposés par l'intimée dans sa lettre du 8. novembre 1994 pour justifier cette revendication de priorité ne peuvent être approuvés, car l'intimée interprète de façon extensive des passages de la demande antérieure française. Prétendre par exemple que la caractéristique b) ci-dessus y est divulguée parce que des passages de la demande française décrivent un gaz de chauffage disponible sous la moyenne pression, constitue une interprétation extensive de ce passage, d'autant que la demande française précise que ce gaz de chauffage est l'azote en tête de la colonne MP. De même, le fait que la demande française divulgue des plateaux supplémentaires dans la deuxième colonne n'est pas une condition suffisante pour implicitement divulguer la caractéristique a), comme l'intimée elle-même l'a démontré à propos du document D1 (voir plus bas). L'objet des revendications du brevet en cause n'est donc pas le même que celui de la demande antérieure prioritaire. Par conséquent, il ne s'agit pas de la même invention, comme exigé par l'article 87 CBE, et le droit de priorité n'existe pas (cf. la décision G 3/93 de la Grande chambre de recours, JO OEB 1995, page 18). Par voie de conséquence, les antériorités D4 et D3-US, publiées entre la date de dépôt du document FR ci-dessus et la date de dépôt du brevet en cause, font partie de l'état de la technique en vertu des article 54(2) et 89. CBE.
La décison T 73/88, JO OEB 1992, p. 557, sur laquelle l'intimée s'est appuyé, n'est pas pertinente, car cette décision vise le cas où la caractéristique ajoutée par rapport au contenu de la priorité n'avait aucune fonction essentielle pour l'invention en cause, alors que dans le cas présent une interprétation extensive du document prioritaire est en cause. De plus, même si la Chambre avait tenu compte de cette décison, le résultat aurait été identique, car les deux caractéristiques a) et b) ci-dessus sont importantes pour l'invention ici en cause, comme exposé ci-après.
Revendication 1
4. Nouveauté
4.1. Il n'a pas été contesté que le document D1 représente l'art antérieur le plus proche de l'objet de la revendication 1 du brevet en cause. Cette antériorité décrit une installation de production d'oxygène ultra-pur. Les impuretés, qui se trouvent encore dans le liquide enrichi en oxygène du fond de la colonne BP de la double colonne de distillation, sont éliminées en aval de cette double colonne à l'aide de deux colonnes auxiliaires. La première colonne auxiliaire est une colonne d'absorption et débarrasse le liquide riche des impuretés à points d'ébullition supérieurs (méthane, notamment), tandis que dans la deuxième colonne auxiliaire, qui est une colonne de strippage, l'argon à point d'ébullition plus faible est éliminé et l'oxygène davantage purifié. Le procédé de cet art antérieur comprend toutes les étapes mentionnées dans la revendication 1, aux différences près suivantes :
i) Dans cet art antérieur, le vaporiseur de la deuxième colonne auxiliaire est de préférence alimenté par de l'azote issu de la tête de la colonne MP, la description suggérant néanmoins d'utiliser tout autre fluide approprié.
ii) Tenant compte des niveaux définis dans la revendication 1 du brevet en cause, la deuxième colonne auxiliaire de l'installation selon D1 comporte certes trois plateaux théoriques de plus que la première colonne auxiliaire, mais le tableau 1 de cette antériorité divulgue une pression identique en cuve de la colonne BP et en cuve de la deuxième colonne.
4.2. Selon la requérante, les deux différences prétendues de la revendication 1, à savoir le gaz de chauffage issu de la partie inférieure de la colonne MP et la pression supérieure en cuve de la deuxième colonne, sont implicitement divulguées par l'antériorité D1.
L'argumentation de la requérante s'appuie sur une comparaison de la perte de charge totale d'un nombre minimum possible de plateaux avec des valeurs approchées possibles de la pression donnée de D1, pour en déduire que la pression dans la cuve de la deuxième colonne de l'installation selon D1 pourrait être supérieure à celle en cuve de la colonne BP. Une telle argumentation s'écarte de l'enseignement, même implicite, du document D1 et n'est pas acceptable lorsque l'examen de nouveauté est concerné. Le fait aussi que la deuxième colonne auxiliaire de l'installation selon l'antériorité D1 possède trois plateaux théoriques de plus que la première colonne auxiliaire n'entraîne pas automatiquement une pression plus élevée, en cuve de la deuxième colonne. Le document D1 prouve le contraire, cf. le point 4.1-ii ci-dessus. D'autres facteurs, comme les taux de rebouillage (ou "taux de reflux" L/V) respectifs des colonnes, sont aussi à prendre en considération.
De même, la suggestion du document D1 d'utiliser un autre fluide comme gaz de chauffage, sans autre précision, est très générale et ne constitue pas une anticipation de l'exemple particulier revendiqué dans le cas présent. Il n'est pas exact non plus d'affirmer que l'homme du métier, sur la base de cette seule information, est inéluctablement amené à la solution revendiquée. En plus de l'azote, d'autres possibilités pour le gaz de chauffage sont envisageables et même connues, comme par exemple l'utilisation d'une fraction de l'air comprimé d'alimentation. Ce cas de figure classique était d'ailleurs prévu par le brevet en cause. Le document D4, figure 3, montre encore une autre possibilité, à savoir l'utilisation d'azote gazeux soutiré en tête de la colonne BP et comprimé.
La caractéristique de pression et celle de gaz de chauffage, toutes deux appliquées à la deuxième colonne auxiliaire, sont donc bien nouvelles et, par suite, l'objet de la revendication 1 du brevet en cause satisfait à l'exigence de nouveauté de l'article 52 CBE.
5. Activité inventive
5.1. Problème objectif à résoudre
Selon la description du brevet en cause, l'invention vise à permettre la production d'oxygène ultra-pur au prix d'une modification peu coûteuse de l'appareil principal de distillation et surtout sans dépense additionnelle d'énergie. Or, les performances des vaporiseurs-condenseurs ont été sensiblement améliorées ces dernières années, et la société intimée a pu réaliser des vaporiseurs avec un écart de température T proche de 1°C. Lorsque l'azote moyenne pression se condense à une température T dans le vaporiseur-condenseur de la double colonne, l'oxygène liquide dans la cuve même de la colonne BP se vaporise à une température T- T. Or, plus le T du vaporiseur est réduit, plus la pression de condensation de l'azote qui le chauffe, autrement dit la pression de la colonne MP, peut être abaissée. La compression de l'air alimentant le système peut alors être moins élevée. La société titulaire du brevet en cause a indiqué qu'"une réduction de T de 1°C entraîne une réduction de pression de 0,44 bar dans la colonne moyenne pression, pour le vaporiseur principal d'une double colonne, ce qui permet de réduire les dépenses annuelles d'électricité d'environ 5 %". Il est donc intéressant du point de vue économique d'avoir le vaporiseur-condenseur d'une double colonne avec un T minimum.
Or, ceci n'est pas possible dans l'installation selon l'antériorité D1. En effet, le gaz de chauffage, qui est constitué par l'azote de tête de la colonne MP, est le même pour le vaporiseur-condenseur principal (c'est-à-dire de la double colonne) et pour le vaporiseur de la deuxième colonne auxiliaire. Dans la deuxième colonne auxiliaire, l'oxygène est plus pur, moins volatil et se vaporise à une température T2 plus élevée que la température T1 de vaporisation du liquide moins riche en oxygène du fond de la colonne BP. L'azote, gaz de chauffage, doit donc être à une température To supérieure à ces deux températures T1 et T2, et ceci impose de prévoir un vaporiseur-condenseur principal avec un T sur-dimensionné par rapport au T qui aurait suffit pour la seule vaporisation du liquide en fond de colonne BP. La pression de l'azote est aussi plus élevée, déterminée par la température To + T2 , et non par To + T1.
La présente invention vise à éviter cet inconvénient.
5.2. Solution
Le problème est résolu par les deux caractéristiques distinctives déjà mentionnées de la revendication 1. Les deux vaporiseurs ne sont plus alimentés avec le même gaz de chauffage et les conditions de fonctionnement de la cuve de la deuxième colonne auxiliaire peuvent être réglées indépendamment. En élevant la pression en cuve de cette deuxième colonne et en alimentant son vaporiseur avec un gaz de chauffage plus riche en oxygène que l'azote, donc avec des températures d'ébullition plus élevées, l'oxygène en cuve de cette deuxième colonne peut être vaporisé à la température supérieure appropriée, ce qui permet de toujours avoir le vaporiseur de cette colonne avec un écart minimum de température. Mais surtout, le T du vaporisateur-condenseur principal de la double colonne en est indépendant et peut être choisi à sa valeur minimum, car il n'est plus nécessaire de fournir une pression plus élevée que nécessaire à l'azote, d'où une économie d'énergie sur la compression d'air.
Ces deux caractéristiques distinctives sont nécessaires : Dans la cuve de la deuxième colonne auxiliaire, une pression plus grande qu'en cuve de la colonne BP, n'a d'intérêt que si, en même temps, la température fournie au vaporisateur est rehaussée, afin de profiter du taux d'ébullition plus élevé dû à la pression. Inversement, il n'y aurait aucun intérêt à seulement utiliser un gaz de chauffage à températures d'ébullition plus hautes, tout en gardant la même pression qu'en cuve de la colonne BP, car, dans ce cas, le T du vaporiseur de la deuxième colonne serait augmenté (il ne serait plus à sa valeur minimum possible) et le rendement de la colonne serait diminué. Une combinaison de moyens existe donc entre les deux caractéristiques nouvelles de la revendication 1 du brevet en cause.
5.3. La requérante a critiquée cette présentation de l'invention, car tous ces résultats n'ont aucune contrepartie dans la description d'origine du brevet en cause, qui ne mentionne pas même l'écart de température des vaporiseurs. De plus, selon elle, la notion d'écart minimum de température n'existe pas, puisque, selon l'équation T = K/A, K étant une constante et A la surface d'échange du vaporiseur, la courbe correspondante est une hyperbole.
La Chambre observe que s'il est exact que la description d'origine du brevet en cause n'enseigne pas tous les avantages et conséquences exposés ci-dessus, elle divulgue néanmoins les moyens de l'invention qui permettent d'aboutir à ces résultats. La mention au cours de la procédure d'opposition d'un nouvel art antérieur pertinent à l'égard des objets des revendications antérieures a contraint l'intimée à restreindre l'objet de son brevet de façon substantielle. Les modes principaux de réalisation ont été abandonnés et l'objet du brevet a été limité à ce qui, à l'origine, n'était qu'un mode de réalisation très subsidiaire. Tout en restant dans le cadre du problème original, qui prévoyait les économies d'énergie, le problème objectif doit être déterminé sur de nouvelles bases, déterminées par les différences du procédé revendiqué vis-à-vis du procédé selon l'antériorité D1. Dans le cas présent, en comparant l'objet de la revendication 1 avec l'art antérieur selon le document D1, l'homme du métier, au vu des différences appliquées à la cuve de la deuxième colonne auxiliaire, est apte à en saisir les avantages et peut donc en déduire le problème objectif (cf. T 13/84, JO OEB 1986, 253).
Quant à l'écart minimum de température, c'est une notion pratique et non théorique. Comme l'intimée l'a souligné, la difficulté réside dans la fabrication de vaporiseurs à faible écart de température, et la notion d'écart minimum de température s'applique à la limite pratique jusqu'ici obtenue.
5.4. Il ressort de tout ce qui précède que l'argumentation de la requérante, qui consiste à nier le rôle de la caractéristique de pression pour se concentrer sur la seule caractéristique du gaz de chauffage, ne peut être suivie. L'intimée, pour sa part, a fourni des résultats, qui montrent qu'une économie d'énergie d'environ 0,2 %, donc chiffrable, est obtenue avec dix plateaux théoriques supplémentaires en forme de garnissages, qui ont les pertes de charge les plus faibles (0,3 mbar). La caractéristique de pression supérieure ne peut donc être négligée. La solution selon la revendication du brevet en cause repose donc bien sur une combinaison de moyens, et seule une divulgation ou une suggestion de cette combinaison issue de l'état de la technique antérieure pourrait rendre cette solution évidente.
Or, le document D2, cité par la requérante, ne pourrait que suggérer la caractéristique du gaz de chauffage, puisqu'effectivement, dans l'installation selon ce document D2, le vaporiseur de la deuxième colonne auxiliaire est chauffé par un gaz prélevé dans la partie inférieure de la colonne MP. Cette antériorité D2, par contre, n'apporte aucune information sur le nombre de plateaux théoriques ou sur la pression en cuve de la deuxième colonne. Il n'est pas non plus possible d'interpréter les traits, qui sont supposés représenter des plateaux dans les colonnes schématisées sur la figure de ce document, en l'absence de toute autre indication dans ce document.
Par suite, la requérante n'a fourni aucune antériorité qui puisse suggérer la combinaison revendiquée et, par conséquent, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive.
Revendications 4 (procédé) et 7 (installation), deuxième variante
La variante, objet des revendications 4 et 7, se distingue de la précédente en ce que la première colonne auxiliaire, au lieu d'effectuer uniquement une séparation du méthane, effectue en plus une première séparation d'argon en tête de la colonne. La deuxième colonne auxiliaire est alors alimentée en tête.
6. Nouveauté
Du fait de cette différence dans l'utilisation des deux colonnes auxiliaires, l'antériorité D3 ou le document correspondant américain D3-US représente l'art antérieur le plus proche des objets des revendications 4 et 7. Dans l'installation selon la figure 1 de cette antériorité D3, qui vise la production d'oxygène ultra-pur (99,999 %), la double colonne de distillation est suivie d'une première colonne auxiliaire de séparation de méthane en cuve et d'argon en tête et d'une deuxième colonne auxiliaire pour la production d'oxygène ultra-pur. Du liquide est soutiré à un premier niveau de la première colonne auxiliaire et envoyé en tête de la deuxième colonne auxiliaire. L'oxygène ultra-pur est obtenu en cuve de cette dernière, dont le vaporiseur est chauffé par de l'azote provenant de la tête de la colonne MP.
Par rapport au document D3, le document D3-US précise le nombre de plateaux réels dans les colonnes et il indique notamment que la deuxième colonne auxiliaire comporte 50. plateaux réels, tandis que la somme des plateaux dans la colonne BP et dans la première colonne auxiliaire correspondant à la définition des revendications 4 et 7 serait de 35 à 37. Tout comme l'antériorité D1, les deux documents D3 et D3-US enseignent cependant une même pression en cuve de la colonne BP et en cuve de la deuxième colonne auxiliaire. Pour cette raison déjà. les objets des revendications 4 et 7 sont nouveaux.
Dans la revendication 7 d'installation, la caractéristique de pression est liée à la présence de plateaux théoriques supplémentaires. Or, la présence de plateaux théoriques supplémentaires entraîne des moyens structurels particuliers pour l'installation, qui sont connus en soi de l'homme du métier. De ce fait, cette caractéristique de pression est acceptable dans la revendication d'installation.
7. Activité inventive
Les objets des revendications 4 et 7 du brevet en cause se distinguent de cet art antérieur par les mêmes différences que dans le cas de la revendication 1, utilisant donc la même combinaison de moyens pour résoudre le même problème. La requérante s'appuie, là aussi, sur le nombre de plateaux supplémentaires de la deuxième colonne selon D3-US pour nier la nouveauté de la caractéristique de pression supérieure et restreindre l'invention à un changement de gaz de chauffage, connu en soi du document D2 ou faisant partie du travail de routine de l'homme du métier. La Chambre, pour les mêmes raisons qu'exposées ci-dessus pour la revendication 1, ne peut souscrire à ces arguments de la requérante et considère que les objets des revendications 4 et 7 impliquent une activité inventive, aucun des documents cités ne suggérant la combinaison de moyens qui ressort de ces revendications.
8. En conclusion, les objets des nouvelles revendications indépendantes 1, 4 et 7 sont brevetables. Les revendications dépendantes 2, 3, 5, 6, 8 et 9, qui concernent des détails de réalisation, sont de ce fait acceptables.
9. Requête en remboursement de la taxe de recours
Selon la règle 67 CBE, dans une procédure inter-partes, le remboursement de la taxe de recours ne peut être ordonné que si, en premier lieu, il est fait droit au recours. Dans le cas présent, la procédure de recours a abouti certes à une restriction de l'objet des revendications, mais le brevet est maintenu, alors que la requérante avait requis sa révocation. Décider que, dans un tel cas, il a été "fait droit au recours" est sujet à discussion. La jurisprudence des chambres de recours ne semble pas jusqu'ici avoir pris une position très nette sur ce point, voir entre autres les décisions contradictoires J 18/84 (JO OEB 1987, 215) et T 792/90 (non publiée). Dans le cas présent, cette condition juridique peut toutefois être laissée de côté, car la deuxième exigence de la règle 67 CBE n'est pas satisfaite.
La Chambre ne peut en effet suivre les allégations de la requérante, selon laquelle la Division d'opposition a commis un vice substantiel de procédure en violant l'article 113(1) CBE et en manquant à son devoir d'impartialité.
La Chambre constate tout d'abord qu'il existe de nombreuses divergences non seulement entre le contenu du procès-verbal de la procédure orale devant la Division d'opposition et les allégations de la requérante dans sa dernière lettre datée du 2 janvier 1997, mais aussi entre ces dernières allégations et celles apparaissant dans son mémoire de recours. Il s'agit notamment des points suivants :
C'est seulement dans sa lettre du 2 janvier 1997, plus exactement dans l'annexe à cette lettre, intitulée "Chronologie...", que la requérante prétend que durant la procédure orale, d'une part, la Division d'opposition avait, par deux fois et de sa propre initiative, proposé des modifications des revendications et que, d'autre part, elle-même en tant qu'opposante avait formulé une requête en poursuite de la procédure par écrit, laquelle aurait été rejetée sans délibération et n'aurait même pas été mentionnée dans le procès-verbal. Cette chronologie a été établie plus de trois ans après la procédure orale en question et elle est en contradiction avec le propre mémoire de recours de la requérante. Dans ce dernier, il est en effet admis - en accord avec le procès-verbal de la Division d'opposition - que les caractéristiques additionnelles des revendications avaient été proposées par la brevetée et non par la Division d'opposition. Certes, la requérante n'a pas nommé explicitement la brevetée dans le passage correspondant de son mémoire, mais ce fait ressort clairement du libellé suivant de ce passage :
"Die zusätzlichen Merkmale der unabhängigen Patentansprüche, auf die sich die Feststellung der erfinderischen Tätigkeit durch die Einspruchsabteilung wesentlich stützt, wurden erst während der Einspruchsverhandlung vorgebracht, nachdem die Einspruchsabteilung bereits entschieden hatte, daß die wenige Tage vor der Verhandlung eingereichten geänderten Patentansprüche aufgrund von Artikel 123(2) EPÜ nicht zulässig sind."
En plus, la requérante dans son mémoire de recours a fait référence aux vingt minutes d'interruption (en accord avec le procès-verbal), mais elle n'a pas mentionné une requête en poursuite de la procédure par écrit qu'elle aurait présentée, ni signalé que cette requête n'aurait pas été traitée selon les règles.
Enfin, le procès-verbal a été signifiée aux parties le 22. décembre 1993 et la requérante n'a pas alors protesté contre un compte-rendu incorrect ou incomplet.
Pour toutes ces raisons la Chambre ne peut prendre en compte les allégations présentées avec la lettre du 2. janvier 1997.
Selon le procès verbal sur la procédure orale devant la Division d'opposition, une discussion entre les parties a été initiée dans cette procédure par la requérante qui a soulevé la question du support dans la demande de brevet, telle que déposée, des modifications apportées aux revendications, notamment celles concernant la température et la pression de la deuxième colonne. L'intimée a répondu à cette objection en indiquant qu'il est clairement décrit dans la demande que la seconde colonne auxiliaire contient "n1 plateaux théoriques supplémentaires" et que, par suite, il s'y trouve une pression différente de celle en cuve de la colonne basse pression. A la suite de cet échange de points de vue, la Division d'opposition a délibéré et elle est parvenue à la conclusion que, pour faire face à l'objection de la requérante, il était nécessaire d'inclure dans la partie caractérisante des revendications concernées le nombre de plateaux théoriques supplémentaires de la colonne auxiliaire, qui avait été mis en avant par l'intimée. Cette procédure ne fait pas apparaître une attitude partielle en faveur de l'intimée.
Les trois décisions des chambres de recours, auxquelles la requérante s'est référée, ne sont pas pertinentes pour le cas présent, puisque dans le cas présent les modifications ne sont pas dues à une initiative de la Division d'opposition.
Pour ce qui est de l'allégation d'une violation de l'article 113(1) CBE, le procès verbal indique que la requérante avait accepté l'interruption de procédure proposée et qu'à l'issue de cette interruption elle n'a pas demandé une prolongation, ni même protesté.
Enfin, l'argument de la nécessité d'un laps de temps nécessaire pour effectuer une recherche additionnelle ne peut être valablement soulevé, dans la mesure où, dans les deux seules pages de sa lettre datée du 7. juillet 1993, donc plus de quatre mois avant la procédure orale, la brevetée avait uniquement mis en lumière l'importance des caractéristiques techniques correspondant aux modifications, et qu'en conséquence la requérante devait s'attendre à ce que ces caractéristiques soient prises en considération et pouvait alors effectuer une recherche. De plus. comme vu ci-dessus, le document additionnel trouvé par la requérante, à savoir D3-US, ne s'est pas révélé plus pertinent que son homologue D3.
DISPOSITIF
Pour ces motifs, il a été décidé :
1) La décision attaquée est annulée.
2) L'affaire est renvoyée à la première instance afin de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 9, de la description adaptée et des figures 1 et 2 modifiées, tous ces documents ayant été présentés au cours de la procédure orale.
3) La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.