T 0746/98 () of 22.7.1999

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1999:T074698.19990722
Date de la décision : 22 Juillet 1999
Numéro de l'affaire : T 0746/98
Numéro de la demande : 89401373.9
Classe de la CIB : A46D 1/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 26 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : Brosse notamment pour les cils
Nom du demandeur : SOCIETE GENERALE DE BROSSERIE S.G.B.
Nom de l'opposant : Georg Karl geka-brush GmbH
Chambre : 3.2.04
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Novelty (yes)
Inventive step (yes)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0002/83
T 0037/85
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante (titulaire du brevet) a formé un recours, reçu le 28 juillet 1998, contre la décision de la Division d'opposition, notifiée le 28 mai 1998, révoquant le brevet européen n 343 075.

La taxe de recours a été acquittée le même jour et le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 28. septembre 1998.

II. L'opposition avait été formée contre le brevet dans son ensemble et fondée sur les motifs de l'article 100(a) CBE. La Division d'opposition a motivé sa décision de révocation par un défaut d'activité inventive de l'objet du brevet principalement au vu des enseignements combinés des documents suivants :

D1 : EP-A~0 239 270 ;

D2 : EP-A-0 250 680 ;

D3 : US-A-2 408 718 (cité au titre de l'arrière-plan technologique),

et d'un usage antérieur décrit notamment dans les documents suivants :

A1 : déclaration formelle de M. Georg Karl ("Eidesstattliche Versicherung des Herrn Georg Karl") datée du 20 octobre 1996 ; A2 : copie d'une page d'un livre de spécifications techniques des brosses fabriquées par l'opposante et concernant l'article n 03.025 dénommé "roll on mascara", ladite copie accompagnant la déclaration de M. Georg Karl ;

A3 : déclaration formelle de M. Günter Schmidt ("Eidesstattliche Versicherung des Herrn Günter Schmidt") datée du 23 octobre 1996 ;

A4 : copie d'une fiche numérotée HN 312 des livraisons d'unités de mascara à la société COF par la société Schmidt & Niedermeier.

III. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a notamment fait valoir que les premières brosses à mascara ont bien été réalisées avec des poils naturels mais sous une forme de type "brosse à dents". Elle a rappelé que les poils d'une brosse à mascara devaient permettre à la fois de peigner les cils et de les enduire de mascara, ce que les poils de chèvre cylindriques, trop longs et trop flexibles ne permettraient pas de faire.

Se basant principalement sur D1 et sur l'usage antérieur confirmé par A1, A2, A3 et A4, l'intimée (opposante) a fait valoir qu'une combinaison des enseignements des divulgations précitées conduisait l'homme du métier à l'invention sans qu'il ait à faire oeuvre inventive.

Contre les affirmations contraires de la requérante, l'intimée a maintenu que des brosses à mascara fabriquée avec des poils de chèvre avait bien été commercialisée avant la date de priorité comme indiqué dans A1 et A3, et que les poils de chèvre n'étaient pas cylindriques mais effilés.

IV. Une procédure orale a eu lieu le 22 juillet 1999.

Après avoir fait un bref historique des méthodes de fabrication des brosses à mascara d'où il ressortait qu'après avoir fabriqué des brosses de type "brosses à dents" miniatures en poils naturels, la tendance depuis plus de vingt ans était à l'utilisation de fibres synthétiques avec des montures torsadées, la requérante a nié que des brosses de type torsadé aient pu être fabriquées avec des poils de chèvre qui seraient inutilisables pour cette application parce que cylindriques et plus flexibles que les cils à maquiller.

La requérante a également expliqué que l'utilisation de filaments synthétiques de diamètre constant conduisait, dans une brosse torsadée, à une distribution hélicoïdale régulière des poils ne permettant pas une application satisfaisante du mascara sur les cils.

Selon la requérante, l'invention résidait dans le fait de faire intervenir individuellement chaque poil dans l'application du mascara sur les cils contrairement à l'action d'un pinceau dont les poils interviennent en masse pour étaler la peinture.

L'intimée a considéré que A1 décrivait l'état de la technique le plus proche. Elle a fait valoir qu'à la date de priorité du brevet l'homme du métier connaissait parfaitement les différences existant entre les poils naturels et les poils artificiels synthétiques et entre les brosses de type brosse à dents et les brosses torsadées. Par conséquent, à son avis, l'homme du métier n'aurait eu qu'un pas à faire pour passer de l'état de la technique connu de A1 à l'invention.

V. En fin de procédure orale la requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré.

L'intimée a requis le rejet du recours.

VI. La revendication 1 s'énonce comme suit :

"Brosse destinée au dépôt de cosmétique sur les cils d'une personne, du type comprenant des éléments filiformes (1) pris dans les spires serrées d'un support central rigide torsadé (10), caractérisée en ce que chaque élément filiforme (1) est en matériau antistatique et présente en combinaison un étroit canal longitudinal (7), une section transversale extérieure irrégulière, une surface extérieure possédant de nombreuses écailles (2) très petites et des extrémités libres (6) à coupe franche, l'une étant plus mince que l'autre, les éléments filiformes (1) étant non calibrés afin de présenter des différences de grosseur et placés de manière tête-bêche."

Motifs de la décision

1. Recevabilité

Le recours est recevable.

2. Interprétation de la revendication 1

L'expression ambiguë suivante : "section transversale extérieure" (cf. colonne 6 du fascicule, lignes 5 et 6), doit être interprétée comme désignant le contour périphérique de chaque section transversale dans un plan perpendiculaire à l'axe de l'élément filiforme.

Le membre de phrase suivante : "des extrémités libres (6), l'une étant plus mince que l'autre..." (cf. colonne 6, lignes 8 et 9), doit être interprétée comme signifiant qu'une des extrémités de l'élément filiforme est effilée comme représenté sur les figures 1 à 4 du brevet.

3. Etat de la technique

Les enseignements des documents D1 et D3 cités principalement au cours de la procédure de recours appartiennent à l'état de la technique.

La Chambre considère par ailleurs que l'objet de l'usage antérieur décrit dans le document A1 appartient également à l'état de la technique. En effet, la requérante n'ayant pas apporté la preuve du contraire, la Chambre n'a pas de raison, a priori, de douter de la commercialisation antérieure à la date de priorité de brosses à mascara torsadées réalisées avec des poils de chèvre (voir A1), car cette commercialisation est corroborée par le document A3 provenant d'une source différente.

4. Nouveauté (article 54 de la CBE)

L'objet de la revendication 1 diffère des brosses torsadées divulguées dans D1 par l'ensemble des caractéristiques décrites dans la partie caractérisante de la revendication.

Dans D2, il n'est pas précisé que les poils de brosse sont en matériau antistatique et qu'ils présentent l'aspect extérieur de poils naturels.

D3 concerne des poils pour la fabrication de pinceaux ou brosses utilisés pour appliquer des peintures, vernis ou autres produits du même genre sur des surfaces et n'appartient pas au domaine spécifique des brosses miniatures pour l'application de cosmétique sur les cils.

Enfin, le document A1 n'apporte pas sans équivoque une preuve certaine que chacun des poils des brosses mises à la disposition du public antérieurement à la date de priorité, une fois assemblé et après avoir été coupé pour égaliser la surface de la brosse, comportait encore deux extrémités de grosseurs différentes. En effet, l'affirmation dans A1 selon laquelle une extrémité libre des poils serait plus mince que l'autre n'est ni prouvée, ni confirmée par les autres documents cités. Par contre elle a été contredite par la requérante qui a soutenu que les poils de chèvre étaient cylindriques.

La Chambre considère que l'affirmation de l'intimée n'est pas suffisamment confirmée au point de pouvoir conclure avec certitude que les parties des poils de chèvre utilisées dans les brosses commercialisées avant la date de priorité du brevet opposé avaient bien des extrémités libres de différentes grosseurs comme revendiqué dans la revendication 1 du brevet.

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 apparaît comme nouveau au sens de l'article 54 de la CBE.

5. Etat de la technique le plus proche

Les brosses à mascara qui font l'objet de l'usage antérieur décrit dans A1 et qui présentent le plus de similitudes avec la brosse revendiquée dans la revendication 1 ont été considérées par l'intimée comme représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention.

Toutefois, tous les documents et témoignages s'accordant pour constater qu'à la date de priorité du brevet, dans le domaine technique des brosses à mascara, la tendance était à l'utilisation de poils artificiels synthétiques en remplacement des poils naturels employés précédemment auxquels un certain nombre d'inconvénients étaient reprochés, la Chambre considère comme peu vraisemblable que l'homme du métier cherchant à perfectionner une brosse à mascara ait choisi comme point de départ une brosse essentiellement constituée de poils naturels et, qui plus est, de poils de chèvre qu'il sait être assez souples.

Dans ces circonstances, la Chambre estime que l'homme du métier aurait de préférence choisi comme point de départ l'état de la technique décrit dans D2 qui est constitué de brosses torsadées ayant des poils comportant un canal longitudinal adapté pour prélever et retenir le cosmétique, l'existence de ce canal interne entraînant, comme selon l'invention, une orientation aléatoire des poils lors de leur pincement entre les fils torsadés de la monture et une répartition uniforme contrastant avec celle hélicoïdale des brosses usuelles (cf. D2, page 6, lignes 6 à 17).

L'objet de la revendication 1 diffère de cet état de la technique le plus proche par l'ensemble des caractéristiques de la partie caractérisante à l'exception de celle concernant la présence d'un canal longitudinal interne dans chaque poil.

6. Problème et solution

Partant de cet état de la technique décrit dans D2 et compte-tenu des différences existant entre l'objet de la revendication 1 et celui-ci, le problème à résoudre apparaît consister principalement dans l'amélioration de l'étalement par la brosse du produit cosmétique (cf. le fascicule de brevet, colonne 2, lignes 6 à 8).

La solution proposée consiste à utiliser des poils présentant les caractéristiques habituelles des poils naturels, à ne pas les trier, ni les calibrer, ni les manipuler et à les disposer tête-bêche à la fabrication de la brosse.

7. Activité inventive (article 56 de la CBE)

7.1. En vue d'apprécier l'activité inventive, il convient de vérifier conformément à la jurisprudence constante des Chambres de recours si, à la date de priorité, l'homme du métier disposait des moyens essentiels de l'invention et si, dans l'état de la technique, il existait des indications l'incitant à s'orienter dans la direction de l'invention en vue d'aboutir au résultat recherché (cf. les décisions T 2/83, JO OEB 1984, 265 et T 37/85, JO OEB 1988, 86).

7.2. Le document D2 concerne des brosses torsadées pour les cils comportant, conformément à la tendance existant à la date de priorité du brevet, des poils artificiels en matière plastique (nylon, polyamides, polyesters, polyoléfines etc...).

D2 enseigne à l'homme du métier que, pour prélever le cosmétique, le retenir, le transporter-et l'appliquer correctement sur les cils, la répartition radiale des extrémités des poils doit être uniforme (cf. D2 : page 2, lignes 6 à 17 ) et non pas hélicoïdale comme celle des poils des brosses conventionnelles qui conduit à une prise et à une application irrégulières du produit (cf. D2 : page 5, lignes 5 à 23). D2 enseigne également que, pour obtenir cette répartition uniforme, il convient d'utiliser des filaments cylindriques creux tubulaires ou à section non circulaire (par exemple cruciforme) dont les deux moitiés se déploient en V de manière aléatoire lorsque les filaments sont pincés en leur milieu par le fil torsadé du support, ce qui a pour effet de répartir uniformément leurs extrémités à la surface de la brosse.

Si, à la date de priorité, l'homme du métier était parti de cette brosse connue avec l'intention d'améliorer la prise, le transport et l'application du cosmétique sur les cils, il n'aurait pas été tenté de s'inspirer de la brosse décrite dans D1 dont les filaments cylindriques ne sont pas tubulaires et s'orientent selon une répartition hélicoïdale régulière lorsqu'ils sont pincés par le fil torsadé, ce que D2 préconise justement d'éviter. En outre, le document D1 préconise d'attribuer les fonctions d'application du produit et de peignage des cils à des fibres synthétiques différentes soit en diamètres, soit en matières (nylon et polyester), ce qui est contraire à l'enseignement de D2 qui, pour une même brosse, prévoit l'emploi de fibres toutes semblables.

Les enseignements de ces deux documents s'orientant dans des directions différentes voire opposées, leur combinaison assez peu vraisemblable n'aurait pas conduit à l'invention de toutes façons.

7.3. L'homme du métier n'aurait pas non plus été tenté de consulter D3 dans la mesure où ce document ne concerne pas des brosses torsadées à poils courts, suffisamment rigides pour pouvoir peigner des cils, mais des pinceaux ou brosses non torsadées à poils longs (cf. D3 : figure 1) dont la masse est destinée à s'imprégner de peinture en vue de l'appliquer sur une surface, en d'autres termes des instruments dont la grosseur et la structure sont différentes de celles des brosses à cils et qui sont conçus pour étaler un produit liquide sur des surfaces et non pas sur des supports filiformes tels que les cils et qui, par conséquent, doivent nécessairement posséder des caractéristiques et des propriétés différentes de celles des brosses à cils. Si, toutefois, l'homme du métier avait consulté D3, il y aurait appris que, pour améliorer le pouvoir de rétention des poils synthétiques, il convenait d'ajouter à la matière plastique servant à les fabriquer un additif poreux ou fibreux destiné à rendre rugueuse la surface des filaments, ce qui l'aurait orienté vers une solution complètement différente de celle préconisée par l'invention.

7.4. Quant à l'usage antérieur décrit dans A1, l'homme du métier n'avait, a priori, aucune raison de s'en inspirer du fait que, d'une part, il enseignait d'utiliser des poils naturels contrairement à la tendance à la date de priorité, et que, d'autre part, il proposait des poils de chèvre qui sont plus souples que des cils humains et ne permettent donc pas de les peigner. Et en supposant même que, sans y être incité d'aucune façon, l'homme du métier aurait néanmoins cherché à s'inspirer de cet usage antérieur et à donner aux poils synthétiques des brosses à mascara selon D2 les mêmes caractéristiques que les poils naturels, il n'aurait pas appris de cet usage antérieur que les poils, après assemblage et après avoir été coupés pour égaliser la surface de la brosse, devaient encore comporter chacun deux extrémités de grosseurs différentes et être orientés tête-bêche.

Par conséquent, même en combinant les enseignements tirés de D2 et de l'usage antérieur, l'homme du métier ne serait pas parvenu à l'invention dans son intégralité.

7.5. Et même si l'on considère que, au lieu de chercher à perfectionner une brosse selon D2, l'homme du métier aurait préféré partir d'une brosse à mascara selon A1, l'évolution de la technique dans ce domaine particulier l'aurait conduit à utiliser des filaments synthétiques présentant toutes les caractéristiques des poils de chèvre, y compris leur souplesse, et il n'aurait eu, a priori, aucune raison de faire la distinction entre leurs extrémités et à les disposer tête-bêche comme revendiqué dans la revendication 1 du brevet opposé.

7.6. En conséquence, la Chambre considère que l'objet de la revendication 1 ne découle donc pas manifestement et logiquement de l'état de la technique et qu'il implique de ce fait une activité inventive au sens de l'article 56 de la CBE.

8. Conclusions

L'objet de la revendication 1 est donc brevetable en application de l'article 52 CBE, au même titre que l'objet des revendications dépendantes lui sont rattachées. Le brevet européen n 0 343 075 peut donc être maintenu sans modification.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision entreprise est annulée.

2. Le brevet est maintenu sans modification.

Quick Navigation