T 0560/97 () of 9.3.1999

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1999:T056097.19990309
Date de la décision : 09 Mars 1999
Numéro de l'affaire : T 0560/97
Numéro de la demande : 92400612.5
Classe de la CIB : F28F 9/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Echangeur de chaleur à boîtes à eau reliées pour véhicules automobiles
Nom du demandeur : VALEO THERMIQUE MOTEUR
Nom de l'opposant : LÄNGERER & REICH GmbH
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Usages antérieurs
Nouveauté (non, pour les objets des deux premières requêtes)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0482/89
T 0953/90
T 0969/90
T 0462/91
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours est dirigé contre la décision datée du 11. avril 1997 de la Division d'opposition, qui a rejeté l'opposition qui avait été formée contre le brevet européen EP-B1-0 504 034 (n° de dépôt : 92 400 612.5) pour absence de nouveauté et d'activité inventive. La Division d'opposition a notamment décidé que les deux usages antérieurs invoqués n'étaient pas prouvés. L'opposante (requérante) a formé recours et payé la taxe requise le 21 mai 1997.

II. La revendication 1 du brevet européen, tel que délivré, a le libellé suivant :

"Echangeur de chaleur comprenant un faisceau (10) de tubes (12) monté entre deux boîtes à eau (16,18), dont chacune est délimitée par une paroi (22,30) en matière plastique moulée présentant deux faces latérales opposées (54,56) sur lesquelles sont fixés deux montants (36) à section transversale en U reliant les deux boîtes à eau et encadrant le faisceau, chacun des montants (36) comprenant une âme (38) dont dépendent deux joues latérales (40),

caractérisé en ce que chacune des faces latérales opposées (54,56) des boîtes à eau (16,18) portent des alésages (62) à paroi lisse dont l'axe s'étend sensiblement perpendiculairement au plan desdites faces latérales opposées, en ce que lesdits alésages sont ménagés dans des bossages (64) formés dans la paroi (22,30) des boîtes à eau (16,18) et en ce que lesdits alésages sont aptes à recevoir une vis auto-taraudeuse qui traverse une ouverture (58,60) ménagée dans une joue (40) des montants (36) de manière à assurer la fixation de ladite joue sur la paroi latérale (54,56) de la boîte à eau (16,18)."

III. Dans son mémoire reçu le 11 juillet 1997, la requérante a insisté sur la prise en compte de son allégation d'usages antérieurs, formés par une vente de radiateurs, effectuée avant la date de priorité du brevet européen par elle-même - à savoir la société KÜHLERFABRIK LÄNGERER & REICH GmbH & CO.KG à deux sociétés clientes allemandes, à savoir la société K. KASSBÖHRER Fahrzeugwerke GmbH , maintenant devenue la société EvoBus GmbH, et la société MAN Nutzfahrzeuge AG. La requérante a renouvelé son offre d'une audition de MM. Tritt, Zürn et Becker, qu'elle avait déjà proposés comme témoins devant la première instance. Dans son mémoire de recours, la requérante a mentionné en plus un troisième usage antérieur, aussi constitué par une vente de radiateurs effectuée par elle à la société JOHN DEERE & Co, fabricant entre autres de tracteurs agricoles ;

IV. Parmi les moyens de preuve fournis pour justifier les trois usages antérieurs allégués, seuls les documents suivants relatifs au premier usage antérieur (vente à la société K. KASSBÖHRER Fahrzeugwerke GmbH) sont pertinents pour la décision :

2a : Dessin n° 1204767.11 du 23 mai 1990 d'un radiateur de la requérante, avec le nom et numéro de référence interne de la cliente K. KASSBÖHRER.

2b : Confirmation par la requérante d'une commande de 359 radiateurs, datée du 15 octobre 1990 (cliente K. KASSBÖHRER avec le même numéro de référence).

2c : Nomenclature de pièces de radiateur selon 2-a, n° K 1204767.11, datée du 31 août 1989, avec entre autres la mention de seize vis EJOT de 7x30 mm.

9. : Dessin n°1226323.48, daté du 29 mars 1990, d'une boîte à eau de la requérante, avec le nom et numéro de référence de la cliente K. KASSBÖHRER, ainsi que la mention du matériau PA 66 GF 30 de la boîte.

10. : Dessin n° 1251719.46, daté du 20 septembre 1990, d'une vis EJOT de 7x30 mm.

23. : Déclaration de MM. Tritt et Zürn, certifiant l'utilisation de vis selon 10 pour la fixation des montants latéraux d'un radiateur selon 2b avec livraison à la société K. KASSBÖHRER vers septembre 1990, de telles vis ayant auparavant servi pour des radiateurs de même type, qui ont été livrés à la société MAN en fin 1988.

29. : Lettre signée par MM. Rosenkranz et Becker de la société EvoBus, confirmant que dix bus de la pré-série S 315 HD ont été fabriqués dès octobre 1990, équipés de radiateurs selon 2a munis de vis auto-taraudeuses pour la fixation des montants sur les boîtes à eau, ces premiers bus, précédant la série 300, ayant été mis en circulation sur la voie publique en février 1991.

Un prospectus "EJOT-Verbindungstechnik" de décembre 1990 avait aussi été fourni.

V. La Chambre de recours a rendu le 8 janvier 1999 une décision intermédiaire relative à des mesures d'instruction selon la règle 72 CBE, convoquant toutes les personnes citées par la requérante comme témoins afin de pouvoir les auditionner le jour fixé pour la procédure orale devant la Chambre.

Le 9 février 1999, l'intimée a déposé deux jeux de revendications à titre de première et seconde requêtes auxiliaires.

VI. Le 9 mars 1999, la procédure orale a eu lieu, durant laquelle la Chambre a procédé à l'audition de MM. Friedrich Tritt, Daniel Zürn et Winfried Becker comme témoins. Cette audition a essentiellement porté sur les faits relatifs au premier usage public antérieur allégué. Au cours de cette audition, un procès-verbal de la société K. KASSBÖHRER concernant un examen technique du véhicule n° 31530009 de type S 315 HD (six pages) a été présenté par le témoin M. W. Becker, et quatre dessins d'une vis auto-taraudeuse EJOT ont été remis par le témoin M. Tritt. Pour ce qui est du résultat de ces mesures d'instruction, il est renvoyé au procès-verbal de la procédure orale.

Durant la suite de la procédure orale, l'intimée a déposé de nouvelles revendications 1 et 2, destinées à remplacer les revendications de même ordre de la deuxième requête auxiliaire déposée un mois auparavant.

VII. La revendication 1 selon la première requête auxiliaire se lit comme suit :

"Echangeur de chaleur comprenant un faisceau (10) de tubes (12) monté entre deux boîtes à eau (16, 18), dont chacune est délimitée par une paroi (22, 30) en matière plastique moulée présentant deux faces latérales opposées (54, 56) sur lesquelles sont fixés deux montants (36) à section transversale vers U reliant les deux boîtes à eau et encadrant le faisceau, chacun des montants (36) comprenant une âme (38) dont dépendent deux joues latérales (40) dans lequel chacune des faces latérales opposées (54, 56) des boîtes à eau (16, 18) portent des alésages (62) à paroi lisse dont l'axe s'étend sensiblement perpendiculairement au plan desdites faces latérales opposées, lesdits alésages étant ménagés dans des bossages (64) formés dans la paroi (22, 30) des boîtes à eau (16, 18), et dans lequel lesdits alésages sont aptes à recevoir un organe de fixation (46) qui traverse une ouverture (58, 60) ménagée dans une joue (40) des montants (36) de manière à assurer la fixation de ladite joue sur la paroi latérale (54, 56) de la boîte à eau (16, 18) caractérisé en ce que l'organe de fixation (46) assure la fixation d'une seule joue (40) sur la boîte à eau (16, 18) concernée et consiste en une vis auto-taraudeuse (46) introduite par vissage en force dans son alésage (62) associé."

La revendication 1 selon la deuxième requête auxiliaire s'énonce :

"Echangeur de chaleur comprenant un faisceau (10) de tubes (12) monté entre deux boîtes à eau (16, 18), dont chacune est délimitée par une paroi (22, 30) en matière plastique moulée présentant deux faces latérales opposées (54, 56) sur lesquelles sont fixés deux montants (36) à section transversale vers U reliant les deux boîtes à eau et encadrant le faisceau, chacun des montants (36) comprenant une âme (38) dont dépendent deux joues latérales (40) et une extrémité (44) munie d'ouvertures circulaires (60) pour une fixation rigide sur l'une (18) des deux boîtes à eau et une extrémité (42) munie d'ouvertures oblongues (58) pour une fixation coulissante sur l'autre (16) des deux boîtes à eau, dans lequel chacune des faces latérales opposées (54, 56) des boîtes à eau (16, 18) portent des alésages (62) à paroi lisse dont l'axe s'étend sensiblement perpendiculairement au plan desdites faces latérales opposées, lesdits alésages étant ménagés das des bossages (64) formés dans la paroi (22, 30) des boîtes à eau (16, 18) et dans lequel lesdits alésages sont aptes à recevoir un organe de fixation (46) qui traverse une ouverture (58, 60) ménagée dans une joue (40) des montants (36) de manière à assurer la fixation de ladite joue sur la paroi latérale (54, 56) de la boîte à eau (16, 18) caractérisé en ce que l'organe de fixation (46) assure la fixation d'une seule joue (40) sur la boîte à eau (16, 18) concernée et consiste en une vis auto-taraudeuse (46) introduite par vissage en force dans son alésage (62) associé et en ce que la vis auto-taraudeuse (46) est munie d'une bague cylindrique (68) ayant un diamètre extérieure (D) supérieur au diamètre (d) de chaque ouverture circulaire (60), mais inférieur à la plus petite dimension (1) de chaque ouverture oblongue (58) et en ce que la hauteur (h) de la bague (68) est supérieure à l'épaisseur de l'extrémité (42, 44) d'une joue (40)."

VIII. La requérante a présenté les arguments suivants :

Sur le dessin 9 relatif au premier usage antérieur, le matériau de la boîte à eau référencée PA 66 GF 30 est une matière plastique. Quant aux trous destinés à la fixation des montants du radiateur sur cette boîte à eau, l'un d'eux est dessiné en détail selon la coupe A-A du dessin principal ; or aucun filetage n'y est montré. Dans la nomenclature 2c des pièces d'un radiateur, un nombre de seize vis auto-taraudeuses apparaît : ce nombre correspond exactement au nombre de points de fixation des montants montrés sur les dessins. De plus, les dimensions des vis selon le dessin 10 coïncident avec les dimensions des trous dessinés. Il y a donc bien une concordance entière entre tous ces éléments. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 du brevet délivré, de même que celui identique de la revendication 1. selon la première requête auxiliaire, ne sont pas nouveaux.

Le dessin 10 montre que, sous la tête de la vis EJOT, il se trouve une rondelle, dont l'épaisseur est de 1,5 mm, s'il est tenu compte de la partie conique de la rondelle. Ceci correspond à l'épaisseur de la paroi des montants, telle qu'elle est signalée dans la nomenclature 2c. Quant au diamètre, il est inférieur à la largeur des trous oblongs. La seule présence de ces trous oblongs, qui ressort clairement du dessin 2a, montre qu'un coulissement éventuel des montants par rapport à une des boîtes à eau avait déjà été envisagé afin de pallier aux dilatations possibles. Ceci a d'ailleurs été confirmé par les témoignages. Par conséquent, aucune activité inventive ne peut être vue dans de tels détails de réalisation, qui comme vu ci-dessus sont en partie connues. Aussi, la requête auxiliaire II ne peut être retenue.

IX. L'intimée a réfuté ces arguments comme suit :

La déposition des témoins montre que des contacts ont constamment eu lieu entre la requérante et l'entreprise cliente, si bien que la relation entre ces deux sociétés n'est pas simplement une relation de vendeur à client. Une phase d'essais des radiateurs installés sur des bus prototypes a été effectuée : Ceci implique une confidentialité, c'est-à-dire des relations secrètes entre les deux entreprises, car elles n'avaient pas intérêt à se voir concurrencer sur ce marché. Les moyens de preuve fournis, tenant compte des termes "prototype" et "coûts d'outillage" sur la facture, pourraient d'ailleurs être considérés comme révélant des relations de sous-traitance avec les sociétés clientes. Quant à la phase suivante - la fabrication en série - elle n'a débuté qu'en avril 1991, et aucune date précise n'a été donnée, si bien que rien ne permet d'affirmer que des radiateurs ont été installés sur des bus de série avant la date de priorité du brevet. Enfin, l'accessibilité au public n'est pas non plus prouvée, le personnel d'une entreprise ne pouvant être assimilé au public. En outre, la concordance entre les deux dessins 2a et 9 n'est pas établie, notamment en raison de la présence de détails divergents, tels que des dimensions qui ne concordent pas ou encore la présence de pions centraux sur un seul de ces dessins. Un usage antérieur de l'invention n'est donc pas prouvé.

En outre, rien ne permet d'affirmer que les vis auto-taraudeuses ont été placées dans des trous lisses, comme revendiqué. Le prospectus sur les vis EJOT indique que des vis auto-taraudeuses sont aussi utilisées dans des trous filetés. Le seul document, qui montre les vis de fixation, est le document 2a et il les montre en position installée, si bien qu'aucune information sur l'alésage lui-même ne peut en être déduite.

Le trou oblong apparaissant sur le document 2a à la partie inférieure des montants a une largeur identique au diamètre des trous de fixation sur la partie supérieure des montants, si bien que les vis auto-taraudeuses dans cet usage antérieur ont uniquement une fonction de centrage. Il n'est pas même possible de déduire des dessins 2a et 9, si les rondelles des vis EJOT auraient pu pénétrer ou non dans les ouvertures des montants. De plus, l'épaisseur de la rondelle des vis EJOT selon l'usage antérieur allégué n'est que de 0,7 mm, donc inférieure à celle de l'épaisseur de la paroi des montants, qui est de 1,5 mm, si bien que chaque tête de vis presserait le montant associé contre la paroi des boîtes à eau et ne permettrait donc pas au montant de coulisser librement vis-à-vis d'une des boîtes. Par suite, l'objet de la revendication 1 selon, à tout le moins, la deuxième requête auxiliaire implique une activité inventive.

X. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen EP-B1-0 504 034.

L'intimée demande le rejet du recours, et par voie auxiliaire :

- que le brevet soit maintenu sur la base des revendications 1 à 6 déposées le 9 février 1999 à titre de première requête auxiliaire,

- ou sur la base des revendications 1 et 2 déposées au cours de la procédure orale, suivies des revendications 3 à 5 de la deuxième requête auxiliaire déposée le 9 février 1999.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Bien-fondé du premier usage antérieur allégué et de son accessibilité au public.

2.1. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, une vente d'un dispositif suffit en général à le considérer comme rendu accessible au public, si aucun caractère confidentiel explicite ou implicite, déductible par exemple de l'existence de relations de sous-traitance ou de recherches en commun, n'accompagne cette vente et si la possession du dispositif permet de reconnaître et comprendre sans difficulté excessive les caractéristiques du dispositif (voir les décisions T 482/89, JO OEB 1992, 646 : T 953/90, T 969/90, T 462/91, ces trois dernières non publiées).

2.2. Dans le cas présent, il est allégué que la requérante aurait vendu à la société K. KASSBÖHRER, ci-après la cliente, des radiateurs correspondant aux dessins 2a et 9. avant la date de priorité du brevet contesté, c'est-à-dire avant le 12 mars 1991.

Les témoignages fournis n'ont pas permis de connaître de façon précise la date de livraison des 359 radiateurs mentionnés dans le document 2b.

Par contre, le témoin M. Becker a remis un procès-verbal d'examen technique d'un bus de type S 315 HD daté du 14. novembre 1990. L'examen a été effectué par le service de contrôle de qualité de la société cliente K. KASSBÖHRER. Ce bus numéroté 31530009 était équipé d'un radiateur n° 8.351 146 000, qui était le numéro d'identification (ou "de référence") propre à la cliente pour les radiateurs selon le dessin 2a de la requérante, ainsi que cela ressort du document 2a lui-même qui comporte ce numéro d'identification ainsi que le nom de la cliente. Les pages jointes à ce procès-verbal d'examen ci-dessus révèlent que les essais de ce bus ont débuté le 22 janvier 1991, soit près de deux mois avant la date de priorité du brevet en cause, et que le 18. mars 1991, soit 6 jours après cette date, ce bus circulait sur la voie publique avec près de six mille kilomètres à son compteur. Les premières dates concordent avec les dépositions de MM. Tritt (pages 3 et 5) et Zürn (page 9), qui ont situé vers fin 1990 - début 1991 les premières livraisons de radiateurs à la cliente.

2.3. Le fait que des contacts en soi aient eu lieu auparavant entre le requérante et la cliente n'impliquent pas nécessairement l'existence d'une obligation de confidentialité pour la société cliente. Normalement, des contacts commerciaux ont toujours lieu avant une commande, et dans le cas d'espèce, tenant compte du domaine concerné, les contacts étaient des contacts technico-commerciaux, car, outre les questions de prix, les radiateurs devaient être adaptés aux exigences de l'acheteur, ne serait-ce que pour des questions d'encombrement ou de détermination des points de fixation des radiateurs sur les véhicules de ce dernier. Les témoins ont confirmé l'absence de confidentialité, de même que l'absence d'un projet de développement ou de recherches en commun sur le nouveau radiateur. La Chambre n'a pas de raison de douter de ces témoignages, qui étaient exempts de contradictions et se complétaient d'une manière convaincante, d'autant que les faits suivants abondent en ce sens :

Le témoin M. Tritt, qui était à l'époque des faits chef de projets dans la société requérante, a indiqué que dès l'année 1985, soit six ans avant la date de priorité du brevet en cause, l'utilisation de vis de type auto-taraudeuses avait été envisagée dans l'entreprise, tout d'abord pour les ventilateurs en matière plastique, puis progressivement pour les boîtes à eau de radiateurs, elles aussi en matière plastique. Dès cette époque, des vis auto-taraudeuses de type EJOT ont été commandées. Puis, suite à un certain scepticisme à l'intérieur de l'entreprise quant à l'aptitude de ces vis à fixer solidement les pièces d'un radiateur, les recherches et tests ont traînés jusqu'au début de 1987, époque à laquelle des données positives provenant de la société fabricant les vis EJOT ont réanimé ce projet et amené à prévoir des radiateurs pour les sociétés clientes MAN et JOHN DEERE. Le développement du projet était entièrement conduit par la requérante, mais les clientes étaient régulièrement informées. Simultanément avec l'entreprise EJOT, des modèles divers de vis auto-taraudeuse ont été étudiés (cf. les quatre dessins fournis), aboutissant notamment à déterminer la longueur appropriée de ces vis et à introduire un anneau ou colleret sous la tête de la vis en raison de la tendance du plastique à fluer, ce qui réduisait la tension de précontrainte de la vis. Au cours de l'année 1988, la vente de radiateurs en aluminium ou en métal non ferreux, munis de boîtes à eau en plastique avec fixation des montants au moyen de vis auto-taraudeuses, a débuté. Ce n'est que plus tard que des contacts ont eu lieu à ce sujet avec la société K. KASSBÖHRER, qui envisageait le lancement d'une nouvelle série de bus.

Il ressort de cette déposition que la cliente K. KASSBÖHRER n'était pas l'initiatrice du projet de développement d'un nouveau radiateur, mais que le projet avait été lancé par la requérante elle-même. La phase de développement de la requérante se terminait pratiquement, voire était finie au moment des contacts avec la cliente, si bien qu'une coopération de celle-ci au développement des radiateurs n'était plus possible. Quant aux essais des dix bus de présérie, ils ne constituent pas en soi des essais de radiateurs, mais des essais des bus eux-mêmes. Le témoin M. Becker a d'ailleurs aussi précisé que les bus de la présérie avaient été précédés de deux "prototypes". Qu'aucun accord de confidentialité n'existait, ressort aussi du fait que les radiateurs pour la présérie étaient achetés, comme l'a témoigné M. Becker. Quant au terme "frais d'outillage", qui apparaît sur le document 2b (la confirmation de commande) et sur lequel l'intimée s'est appuyée pour parler d'essais ou de projets en commun, ce terme concerne des outils destinés à la fabrication même des pièces de radiateur, comme par exemple les moules spéciaux d'injection plastique des boîtes à eau ou d'autres outils que la requérante doit spécialement prévoir en raison des desiderata particuliers du client et dont elle répercute donc le prix sur le ou les clients concernés à prorata des commandes de ces derniers. Ce ne sont donc pas des outils destinés à des essais.

Il n'y a pas d'indice qui puisse laisser croire que des relations de sous-traitance ou de recherche et développement existaient entre la requérante et la cliente. Dans ce cas, contrairement à l'opinion de l'intimée, le personnel de la cliente, qui n'était soumis à aucune obligation de confidentialité, est considéré comme faisant partie du public au sens de l'article 54(2) CBE, et la vente suivie de la livraison des radiateurs pour les bus de la présérie est à considérer comme une vente normale. Les contacts et entretiens techniques, que la requérante avait eu postérieurement ou en parallèle avec d'autres sociétés et qui concernaient le même type de radiateur, ne donnent pas non plus l'impression que la requérante ait cherché à tenir secret les caractéristiques du nouveau radiateur. Enfin, la mise en circulation du bus de présérie en janvier 1991 avec un kilométrage déjà élevé peu de jours après la date de priorité ne constitue pas non plus une manifestation de la préservation d'un secret (cf. le moyen de preuve 29, c'est-à-dire la déclaration écrite de MM. Resenkranz et Becker).

2.4. Concordance entre les documents :

Le témoin M. Tritt a expliqué qu'il était courant d'établir une liste préalable de pièces d'un dispositif en cours de développement avec attribution immédiate de numéros d'identification bien avant que les dessins ne soient exécutés. Ceci permet en effet d'avoir un document pour établir, voire discuter les prix à l'intérieur de l'entreprise ou avec les clients. M. Tritt a concédé que les dessins 2a et 9 ne concordaient pas tout-à-fait entre eux, mais il a expliqué que, d'une part, seul le dessin 2a, qui représente le radiateur dans ses caractéristiques et dimensions principales, est important pour le client, et que, d'autre part, certains détails qui apparaissent sur le dessin 9 ont été ajoutés en cours de projet, notamment le pion central sur les deux côtés latéraux de la boîte à eau qui était uniquement destiné à éviter une confusion entre les deux boîtes à eau, suite à une erreur de montage survenue antérieurement : Ce pion explique aussi les variations relatives aux dimensions longitudinales sur les deux dessins. Ces détails n'avaient pas d'importance pour le client. Quant à la différence de largeur du radiateur qui passe de 665,4 mm sur la page 1 du document 2c à 656 mm en page suivante, il s'agit d'une différence de dimension correspondant à un tube en plus ou en moins du corps de refroidissement. Le nombre de ces tubes peut en effet varier en cours de projet à cause de problèmes de protection latérale de l'ensemble du corps d'échange. Dans le cas présent, une modification a été faite et signalée en première page du document 2c, mais la correction correspondante a été omise dans sa deuxième page.

Toutes les explications ci-dessus sont convaincantes et ont été en partie confirmées par les deux autres témoins. L'intimée, d'ailleurs, n'a pas réussi à faire ressortir de contradictions sur tous ces points. Or, il convient de remarquer qu'à part les détails ci-dessus, les points importants suivants apparaissent en concordance dans les documents 2a, 2c et 9 :

- S'il n'est pas tenu compte du pion central mentionné ci-dessus, la longueur longitudinale de la boîte à eau sur le dessin 9, vue supérieure, est de 707 mm, ce qui augmenté de l'épaisseur de tôle des montants (1,5 mm selon 2c), donne la longueur de 710 mm, qui coïncide avec celle donnée sur le dessin 2a. De nombreuses autres dimensions, comme la largeur du radiateur au niveau des trous de fixation des montants (coupe A-A de 9) ou encore l'emplacement des raccords d'alimentation ou de sortie du fluide d'échange et leurs diamètres sont aussi identiques. La hauteur, la longueur et la largeur du corps d'échange du radiateur lisibles sur le dessin 2a coïncident avec les dimensions fournies par la liste 2c. Quant aux dimensions des vis EJOT mentionnées sur la liste 2c et sur le dessin 10, elles sont adaptées aux trous prévus pour ces vis sur la coupe A-A du dessin 9. Ces trous sont montrés sans filetage, donc lisses. Tous ces trois documents concernent donc un même type de radiateur, même si au cours de la phase de développement quelques détails secondaires ont pu être modifiés. Les quelques points de divergence soulignés par l'intimée et en partie expliqués par les témoins ne sont pas de nature à mettre en doute l'affirmation des trois témoins selon laquelle le radiateur qui équipait le bus de la présérie correspondait à ces documents.

2.5. Pour toutes ces raisons, la Chambre conclut que le radiateur selon l'usage antérieur, qui a été invoqué sur la base des documents 2a, 2c, 9 et 10, est compris dans l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE.

3. Nouveauté (articles 52 et 54 CBE)

Requête principale

Selon le dessin 9, les boîtes à eau sont moulées en un matériau PA 66 GF 30, qui est un polyamide. Le dessin 2a d'ensemble du radiateur montre que le corps d'échange, ou faisceau de tubes, relie les deux boîtes à eau et est latéralement encadré par des montants profilés en U. Selon le dessin 9, la boîte à eau est munie de bossages dans sa paroi, et ces bossages comportent des trous lisses de 32 mm de longueur et 7 mm de diamètre. Huit bossages de ce genre sont prévus sur chaque boîte, deux sur chaque côté et deux sur les faces longitudinales avant et arrière. Or, la liste 2c mentionne seize vis EJOT, qui sont des vis auto-taraudeuses spécialement prévues pour la fixation sur matière plastique et autres matériaux tendres. En raison de cette double concordance, d'une part entre le nombre de bossages et le nombre des vis, et d'autre part entre les dimensions des alésages et celles des vis selon le dessin 10 et selon la liste 2c, il doit être conclu que les vis montrées sur le dessin d'ensemble 2a sont des vis EJOT et que ce sont de telles vis qui chacune traversent l'ouverture ménagée dans une joue des montants afin d'assurer la fixation de ladite joue sur la paroi latérale (ou face longitudinale) d'une boîte à eau.

Par suite, toutes les caractéristiques de la revendication 1, dans sa version délivrée, sont divulguées par cet art antérieur et l'échangeur de chaleur selon cette revendication n'est donc pas nouveau. La requête principale de l'intimée doit par conséquent être rejetée.

Première requête auxiliaire

L'échangeur de chaleur selon la revendication 1 de cette requête est identique à celui selon la revendication 1 examinée ci-dessus, si bien que la même conclusion s'impose. La seule différence entre ces deux revendications concerne en effet leur forme en deux parties.

Deuxième requête auxiliaire

La revendication 1 selon cette requête comporte une caractéristique supplémentaire placée en fin de revendication et relative à une bague cylindrique de la vis auto-taraudeuse. Selon les caractéristiques, telles que revendiquées, de cette bague, un coulissement libre des montants sur l'une quelconque des boîtes à eau est obtenu, notamment parce qu'au niveau de la boîte choisie, les montants sont pourvus de trous oblongs de fixation.

Or, la vis EJOT selon le dessin 10 de l'usage antérieur précédent, reconnu public, comporte elle-aussi, directement en dessous de sa tête, une bague formée de deux parties, à savoir une partie cylindrique épaisse de 0,7 mm, suivie d'une partie conique d'épaisseur à peu près identique, si bien que l'épaisseur ou hauteur totale de la bague est de 1,5 mm. Or, ceci correspond à l'épaisseur de la tôle des montants de cet usage antérieur. Par ailleurs, le dessin 2a montre que, si les trous de fixation situés à la partie supérieure du radiateur sont circulaires, ceux à la partie inférieure sont oblongs. Il était par conséquent déjà connu dans cet art antérieur de prévoir des moyens très semblables à ceux de la présente invention pour permettre un coulissement des montants par rapport à une boîte à eau. Selon les témoignages fournis, le but était identique, à savoir autoriser les variations de dilatation qui résultent des variations de températures.

Les dessins de l'art antérieur ne permettent pas de voir la position exacte de la bague des vis EJOT par rapport à la tôle ou épaisseur des montants. Toutefois, la partie cylindrique de la bague de la vis EJOT de cet art antérieur a un diamètre de 7,3 mm, qui est à rapprocher du diamètre d'entrée de 7 mm des alésages des boîtes à eau. De plus, selon les dépositions de MM. Tritt et Zürn, la bague servait de moyen de guidage pour le déplacement des montants le long des trous oblongs, et un couple de serrage prédéterminé était appliqué aux vis afin qu'ils fixent de manière solide les montants, la vis s'appuyant sur les montants tout en laissant la possibilité aux montants de coulisser en tirant parti du fluage de la matière plastique. M. Tritt a précisé que la bague avait un diamètre inférieur à la plus petite largeur du trou oblong de chaque joue inférieure , mais il n'a donné aucun détail sur les diamètres relatifs de la bague et de celle des trous circulaires des autres joues, celles situées à la partie supérieure du radiateur sur le dessin 2a.

Ces déclarations sont logiques. La Chambre ne voit pas, en effet, quelle utilité aurait une bague de guidage ayant un diamètre supérieur à la plus petite largeur des trous oblongs.

Il suit de ce qui précède que la revendication 1 diffère de l'art antérieur ci-dessus en ce que la hauteur (ou épaisseur) de la bague est supérieure à l'épaisseur de l'extrémité d'une joue et en ce que la bague a un diamètre supérieur au diamètre de chaque ouverture circulaire de l'extrémité des montants opposée à celle ayant les trous oblongs. L'objet de la revendication 1 selon la deuxième requête auxiliaire est donc nouveau.

4. Activité inventive (articles 52 et 56 CBE)

Le fait que, selon l'invention, le diamètre de la bague soit supérieur à celui d'une ouverture circulaire des montants n'apporte pas d'effet particulier. Il revient en effet au même d'avoir soit la tête de la vis soit une bague intermédiaire pour effectuer l'appui de l'organe de fixation sur l'extrémité d'un montant et ainsi assurer le serrage de cette extrémité sur la face correspondante de la boîte à eau. Il s'agit là d'un simple choix de l'homme du métier, qui sait en fonction des caractéristiques de résistance de la tête, s'il doit ou non prévoir une bague. Il est d'usage courant, par exemple, d'utiliser une vis ou un boulon avec une rondelle ou bague intermédiaire entre la tête de vis et la surface à serrer, lorsque le but visé est uniquement une fixation solide. Dans le cas présent, cette caractéristique de la revendication 1, dont l'importance n'est pas soulignée dans la description du brevet en cause, semble surtout résulter d'un besoin d'homogénéité des vis utilisées, tenant compte du fait que, dans le cas présent, la bague est une partie intégrante de la vis.

Quant à la hauteur supérieure de la bague par rapport à l'épaisseur du montant, c'est un critère que chaque spécialiste en mécanique détermine en fonction du jeu qu'il veut attribuer au coulissement du montant. Par rapport à l'art antérieur ci-dessus, il s'agit d'une simple différence de degré appliquée à une fonction déjà connue, à savoir assurer le coulissement. Une telle caractéristique ne peut impliquer une activité inventive.

5. Par suite, l'objet de la revendication selon la deuxième requête auxiliaire n'est pas brevetable, et en conséquence le brevet ne peut être maintenu.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision contestée est annulée.

2. Le brevet européen n° 0 504 034 est révoqué.

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