T 0141/95 () of 30.9.1999

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1999:T014195.19990930
Date de la décision : 30 Septembre 1999
Numéro de l'affaire : T 0141/95
Numéro de la demande : 90402596.2
Classe de la CIB : F25J 3/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Procédé et installation de production d'oxygène gazeux à débit variable par distillation d'air
Nom du demandeur : L'AIR LIQUIDE, SOCIETE ANONYME/GEORGES CLAUDE
Nom de l'opposant : LINDE AKTIENGESELLSCHAFT
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 107
European Patent Convention 1973 Art 108
European Patent Convention 1973 R 64
Mot-clé : Recevabilité du recours (oui) - Questions à la Grande Chambre de recours (non)
Nouveauté (non, pour la requête principale)
Activité inventive (non reconnue pour les autres requêtes)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0007/81
T 0032/81
T 0001/88
T 0085/88
T 0194/90
T 0631/91
T 0632/91
T 0727/91
T 0273/92
T 0932/94
T 0308/97
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours formé par la requérante, titulaire du brevet européen EP-B1-0 422 974 est dirigé contre la décision datée du 11 janvier 1995 d'une division d'opposition de l'OEB, qui a révoqué ce brevet au motif que l'installation de production d'oxygène, objet de la revendication indépendante 4, telle que modifiée, n'était pas nouvelle au regard de l'installation connue du document D1 (DE-C-1 056 633) de l'art antérieur (articles 52 et 54 CBE). Le recours a été formé le 7. février 1995, l'acte de recours ne comportant pas de requête explicite. La taxe de recours a été acquittée à la même date. Le mémoire de recours a été reçu le 2. mai 1995 comportant alors des requêtes explicites.

II. L'intimée (opposante) a demandé par lettre reçue le 24. janvier 1996 que la Chambre déclare le recours irrecevable en application de la règle 64(b) CBE et, par la suite, en réponse à une observation provisoire négative de la Chambre sur ce point, elle a sollicité par lettre datée du 23 octobre 1996 la saisine de la Grande Chambre de recours sur les questions de droit suivantes :

1. "Doit-on considérer l'exigence de la règle 64, paragraphe b), comme satisfaite, lorsque l'acte de recours cite la décision attaquée, mais n'indique pas dans quelle mesure l'annulation de la décision attaquée est requise ? si la réponse est oui, alors sous quelles conditions ?"

2. "Peut-on considérer que des motifs de recours sont présentés, lorsque la requête selon la règle 64(b) est identique à celle refusée par la première instance, mais qu'à l'intérieur du délai fixé par l'article 108, troisième phrase, aucun motif de droit ou de fait n'est donné, à partir duquel il serait possible de déduire le caractère erroné de la décision de la première instance ?. Si la réponse est oui, sous quelles conditions ?"

Par notification du 12 novembre 1996, la Chambre a informé les parties qu'elle ne donnerait pas suite à ces requêtes en saisine de la Grande Chambre de recours.

Durant la suite de la procédure de recours, au cours de laquelle une procédure orale prévue pour le 11 décembre 1996 a été annulée et reportée sur la demande des parties, l'intimée, par lettre du 27 septembre 1999, a requis la saisine de la Grande Chambre de recours sur une troisième question de droit s'énonçant comme suit :

"L'énonciation de la décision G 9/92 selon laquelle les requêtes présentées hors délai et dépassant le cadre de la requête initiale (règle 64 b) CBE) ne sont pas recevables est-elle à appliquer sur une requête du requérant ?"

III. Le 30 septembre 1999, une procédure orale a eu lieu. Au cours de celle-ci, la requérante a présenté trois jeux de revendications, à titre de requêtes principale et auxiliaires, dont les revendications 1 s'énoncent comme suit :

Requête principale :

"Procédé de production d'oxygène gazeux à débit variable par distillation d'air, dans un appareil de distillation du type dans lequel une quantité variable d'oxygène provenant de l'appareil de distillation est stockée sous forme liquide dans un premier réservoir (10) d'où un débit variable d'oxygène est prélevé et vaporisé avec de façon correspondante, stockage d'air sous forme liquide dans un second réservoir (11), ledit air étant constitué par une fraction de l'air à traiter comprimé par un compresseur (1), et dans lequel on envoie un débit constant d'oxygène liquide dans ledit premier réservoir (10) et un débit constant d'air liquéfié dudit second réservoir (11) dans l'appareil de distillation (5), on soutire du premier réservoir (10), en fonction de la demande d'oxygène gazeux, un débit variable d'oxygène liquide que l'on vaporise par condensation d'un débit variable correspondant d'air à traiter, constitué par ladite fraction, qui est ensuite envoyée au second réservoir et, lors d'une variation de la demande d'oxygène, on maintient constants les débits de chaque fluide introduit dans l'appareil de distillation (5) et de chaque fluide soutiré de cet appareil, caractérisé en ce que, quel que soit le débit d'oxygène liquide à vaporiser, la fraction d'air à traiter se condense uniquement par échange de chaleur avec l'oxygène liquide et on fait varier au moyen dudit compresseur le débit total d'air à traiter de la même façon que le débit d'air condensé par vaporisation d'oxygène."

Première requête auxiliaire :

La revendication 1 précédente est reprise et prolongée par les termes : "... en réglant les aubages variables du compresseur principal."

Deuxième requête auxiliaire (sur l'initiative de la Chambre, les principaux ajouts sont soulignés en gras) :

"Procédé de production d'oxygène gazeux sous pression à débit variable par distillation d'air, dans un appareil de distillation du type dans lequel une quantité variable d'oxygène provenant de l'appareil de distillation est stockée sous forme liquide dans un premier réservoir (10) d'où un débit variable d'oxygène est prélevé et vaporisé avec de façon correspondante, stockage d'air sous forme liquide dans un second réservoir (11), ledit air étant constitué par une fraction de l'air à traiter comprimé par un compresseur principal (1) et dans lequel on envoie un débit constant d'oxygène liquide dans ledit premier réservoir (10) et un débit constant d'air liquéfié dudit second réservoir (11) dans l'appareil de distillation (5), on soutire du premier réservoir (10), en fonction de la demande d'oxygène gazeux, un débit variable d'oxygène liquide que l'on vaporise par condensation d'un débit variable correspondant d'air à traiter qui est ensuite envoyé au second réservoir et lors d'une variation de la demande d'oxygène, on maintient constants les débits de chaque fluide introduit dans l'appareil de distillation (5) et de chaque fluide soutiré de cet appareil et on amène par pompe (en 24), ledit débit variable d'oxygène liquide à la pression de production caractérisé en ce que, quel que soit le débit d'oxygène liquide à vaporiser, la fraction d'air à traiter se condense uniquement par échange de chaleur avec l'oxygène liquide, on comprime tout l'air à traiter dans le compresseur principal (1) et on fait varier le débit total d'air à traiter de la même façon que le débit d'air condensé par vaporisation d'oxygène en réglant les aubages variables du compresseur principal et on surpresse (en 25) le débit variable d'air à liquéfier correspondant au débit d'oxygène liquide pompé dans un surpresseur à aubages mobiles."

IV. Les documents de l'art antérieur considérés comme pertinents durant la procédure de recours sont les suivants :

D1 : DE-C-1 056 333

D2 : Hausen/Linde, Tieftemperaturtechnik, 2ème édition, 1985, p. 449-454.

D3 : Konferenzband "Luftzerlegungsanlagen" der 4. Arbeitstagung der Linde AG vom 15.-17. Oktober 1980 in München, Artikel H : "Möglichkeiten zur Energieeinsparung", H. Springmann, pages 1 à 16.

D6 : "The optimization of air separation plants for combined cycle MHD-power plant applications", H. Springmann, R. Greenberg, A. J. Juhasz, pages 1 à 7, Proceedings of the 7th Int. Conf. MHD Electr. Power Gener. 1980, volume 1, 403-409.

D7 : "La production d'oxygène sous pression", G. de Percin, Société Air Liquide, pages 27 à 37 du Supplément to the Bulletin of the International Institute of Refrigeration, 1955.

D12 : US-A-4 732 597,

les documents D3, D6, D7 et D12 ayant été introduits au courant de la procédure de recours en réaction à l'introduction de nouveaux jeux de revendications par la requérante.

La requérante ne s'est pas prononcé sur l'admissibilité de son recours mise en doute par l'intimée, mais a abordé les questions de fond et défendu son brevet en faisant valoir ce qui suit :

Le document D1 vise le même but que la présente invention, mais le procédé qu'il décrit diffère de celui revendiqué essentiellement par deux aspects : d'une part, c'est uniquement en cas de production maximale d'oxygène que la fraction d'air comprimé, qui s'ajoute à la ligne principale d'alimentation en air de la double colonne, est entièrement utilisée pour vaporiser l'oxygène liquide provenant de la réserve d'oxygène. D'autre part, le (ou les) compresseur(s) fournit(ssent) en permanence un débit constant d'air. Lorsque la demande d'oxygène est inférieure à la production maximale, la fraction d'air additionnelle se divise en deux courants, l'un correspondant au débit nécessaire pour vaporiser l'oxygène liquide et l'autre étant utilisé comme complément pour la réfrigération du système.

Par rapport à cet art antérieur connu, le procédé selon l'invention en cause, tel que revendiqué, offre plusieurs avantages : le ou les échangeurs de chaleur peuvent être moins volumineux, et les lignes d'air du système sont moins nombreuses, simplifiant la régulation de l'installation. Les dépenses d'énergie, notamment celles importantes du compresseur, sont plus réduites, et la turbine de détente de la fraction d'air destinée à la réfrigération n'est plus nécessaire. Bien que le document D1 ait été publié près de trente ans avant le dépôt du brevet ici en cause, la solution revendiquée n'a jamais été envisagée et implique donc une activité inventive vis-à-vis de D1.

Quant au document D6, il est tout d'abord douteux que l'homme du métier, cherchant à améliorer le procédé selon D1, aurait sélectionné cet art antérieur en raison du domaine très spécifique qui y est abordé. Par ailleurs, la page 4 de ce document énumère plusieurs procédés de production d'oxygène avec pour but commun la réduction des dépenses énergétiques basée sur une utilisation des périodes de faibles coûts de l'électricité en vue de produire de l'oxygène en excès et le stocker comme produit d'appoint durant les périodes de forte demande. Ces procédés sont présentés comme s'écartant de la méthode standard, qui consistait à faire varier la dépense d'énergie proportionnellement à la demande d'oxygène, ce qui conduit à penser qu'une telle variation de l'énergie dépensée n'est plus souhaitée ; or ce souhait va à l'encontre de la solution ici revendiquée. Dans l'avant-dernier paragraphe de la colonne de gauche, page 4 de D6, une méthode, dite troisième méthode, fait appel au stockage alterné d'oxygène liquide et d'air liquide, tout comme dans la présente invention. Ce paragraphe, toutefois, précise que, durant les périodes de demande réduite d'oxygène, l'oxygène produit en excès est liquéfié par évaporation d'air provenant du réservoir d'air liquide et qu'en cas de demande élevée, la différence entre la quantité élevée d'oxygène demandée et celle produite par la colonne est comblée en évaporisant de l'oxygène retirée du réservoir d'oxygène liquide, de l'air gazeux étant alors condensé par l'oxygène en cours d'évaporation et stocké dans le réservoir d'air liquide. Il doit en être conclu que, dans ce dernier cas, l'air gazeux à condenser est prélevé sur le débit d'air principal alimentant la colonne. Ce débit d'air n'est donc pas constant, si bien que la colonne de distillation ne fonctionne pas régulièrement et ne fournit pas un débit constant d'oxygène au réservoir d'oxygène liquide, contrairement à l'invention. En outre, l'indication selon laquelle l'oxygène produit en excès doit être liquéfié suppose que ce qui est soutiré de la double colonne, c'est de l'oxygène gazeux et non liquide. L'installation selon cette troisième méthode peut donc être interprétée selon le schéma fourni par la requérante durant la procédure orale.

Le dernier paragraphe de la colonne de gauche de la page 4 de D6 est relatif au schéma de la figure 12 de ce document. Or, ce schéma ne montre aucun moyen de liquéfication d'oxygène gazeux par échange de chaleur avec de l'air liquide. La figure 12 ne correspond donc pas à la méthode décrite dans le paragraphe précédent. De plus, le texte correspondant à cette figure ne mentionne aucun moyen pour faire varier le débit d'air envoyé au vaporisateur d'air liquide. Il existe uniquement des moyens pour faire varier les débits d'air liquide envoyés à la colonne de distillation et au second réservoir. La solution revendiquée n'est pas non plus suggérée, car la colonne de droite de la même page en proposant de faire varier la production d'oxygène moyenne produite par la colonne de distillation va à l'encontre de la présente invention, qui recherche une production d'oxygène constante de cette colonne.

Le réglage du débit variable d'air au moyen des aubages du compresseur principal améliore le procédé, car une telle régulation est simple et peut s'effectuer instantanément. Cette caractéristique supplémentaire de la première requête auxiliaire n'est pas suggérée par l'art antérieur. Quant aux caractéristiques additionnelles de la deuxième requête auxiliaire, qui concernent une production d'oxygène gazeux sous pression, elles permettent d'éviter d'avoir à renforcer le réservoir d'oxygène liquide, qui peut rester à la pression basse de la colonne BP. Dans le procédé du document D6, figure 12, c'est l'oxygène produit qui est amené à une pression élevée et ce par un compresseur à la sortie de l'installation. Quant à l'air, il est uniquement comprimé par le compresseur principal. Il n'y a donc aucune suggestion des caractéristiques de la deuxième requête auxiliaire.

VI. L'intimée a présenté les arguments suivants :

a) Au soutien de sa requête tendant à faire déclarer le recours irrecevable :

Dans sa décision G 9/92, la Grande Chambre de recours a certes indiqué au point 7 des motifs que celle-ci ne se rapportait pas seulement à la question de la "reformatio in peius", mais également, de façon plus générale, aux effets contraignants qui découlent de la requête initiale du requérant pour la suite de la procédure. Cette requête pouvait avoir un effet limitatif sur la procédure relatif tant aux requêtes des parties qu'aux actions menées d'office par l'OEB. La Grande Chambre a en outre énoncé (point 10 de la décision) que les dispositions de la règle 65(1) CBE montrent clairement toute l'importance accordée au délai de 2 mois fixé pour la recevabilité d'un recours et qu'il s'ensuit que des requêtes formulées en dehors de ce délai et qui sortent du cadre de la requête initiale, c'est-à-dire de la requête présentée durant ce délai, ne sont pas recevables. La requête initiale ne doit donc pas être considérée comme une exigence purement formelle ou comme la seule phase initiale du recours (point 9 de la décision) ; bien au contraire, elle délimite le cadre du recours, car tenant compte de l'article 111(1) CBE, première phrase, c'est le "recours" lui-même, c'est-à-dire la requête selon l'acte de recours (règle 64(b) CBE), qui fixe l'objet du recours.

Dans la présente affaire, le brevet de la requérante a été révoqué pour défaut de nouveauté de l'installation, objet de la revendication 4 modifiée et, dans sa décision, la division d'opposition a en outre signalé que le procédé selon la revendication 1 modifiée impliquait une activité inventive. La requérante au terme du délai de 2 mois (article 108 CBE, première phrase) a bien formé recours, mais elle n'a pas indiqué le but qu'elle entendait poursuivre avec ce recours, ce qui enfreint la règle 64(b) CBE. C'est seulement plus tard, à savoir avec le dépôt de son mémoire de recours, qu'elle a indiqué qu'elle ne voulait pas se limiter à défendre la seule revendication d'installation, qui avait causé la révocation du brevet, mais qu'elle recherchait une protection à la fois du procédé et de l'installation, c'est-à-dire une protection plus large que celle requise devant la première instance. Ainsi, non seulement la requête au sens de la règle 64 b) CBE faisait initialement défaut, mais, en plus, il était impossible au seul vu de l'acte de recours de savoir quelle était la volonté de la requérante. De plus, celle-ci n'a pas restreint la requête présentée devant la première instance, mais au contraire l'a élargie. Tout ceci est contraire à la décision, point 10, de la Grande Chambre de recours.

Il ressort des observations préliminaires de la Chambre que celle-ci considère le recours recevable parce que :

A) en l'absence de toute requête précise, la simple indication qu'un recours est formé a pour conséquence, la présence implicite d'une requête qui vise au maintien du brevet tel que modifié devant la première instance, et que

B) de toute façon, la requérante peut à tout moment apporter des modifications à cette requête, dès lors que ces modifications restreignent la protection demandée.

Prétendre cela est en totale contradiction avec à la fois les textes de la Convention et la décision ci-dessus de la Grande Chambre :

L'affirmation (A) ci-dessus est basée sur une interprétation selon laquelle le terme "indiquant" ("statement" ; "Angabe") de la règle 64(b) ne s'appliquerait pas à un texte précis de l'acte de recours, mais signifierait n'importe quel contenu ou objet du recours, qui pourrait être déduit de l'acte de recours, ce qui dans le présent cas amène à déduire que le contenu du recours correspond à la dernière requête devant la première instance. Simultanément, il serait cependant admis suivant le motif (B) que ce contenu ou objet du recours peut être laissé au libre choix de la requérante, qui peut le modifier à tout moment. Autrement dit, alors que d'après (A) une signification substantielle est donnée à la règle 64(b) CBE, par contre d'après (B), cette signification soi-disant substantielle est montrée comme accessoire, seule la présence formelle compte. Ne serait-ce qu'en raison des contradictions qu'elle contient, cette interprétation des textes de la Convention ne peut être suivie.

De même, l'affirmation dans la deuxième partie selon (A) qu'en l'absence de toute requête concrète, la requête doit être considérée comme celle déposée en dernier lieu devant la première instance, revient à vider de tout sens la règle 64)(b) CBE, car, de toute façon, cette condition est remplie dès lors qu'il est possible de former un recours selon les termes de l'article 107 CBE.

Quant à la thèse - cf. (B) - selon laquelle rien n'interdit à la requérante, propriétaire du brevet, de modifier ses requêtes au moment du dépôt de son mémoire de recours du fait que l'article 108 CBE, troisième phrase, n'exigerait pas que ce soit la requête prévue à la règle 64(b) CBE qui soit motivée, mais le recours lui-même, cette thèse n'est pas soutenable. Le terme "recours" de la troisième phrase de l'article 108 CBE ne peut avoir un sens différent que le même terme utilisé dans la première phrase du même article. Cela aboutirait à considérer que le "recours", qui selon l'article 108 CBE, troisième phrase, doit être motivé dans le délai de 4 mois, pourrait avoir un contenu différent du recours qui doit être déposé avant, dans le délai de deux mois en vertu de l'article 108 CBE, première phrase. C'est contraire au but poursuivi par les textes de la Convention que de laisser ouvert ou en suspens l'objet du recours et le contenu du mémoire de recours. La troisième phrase de l'article 108 CBE ne peut être interprétée qu'en ce qu'un délai de deux mois est laissé à la requérante pour la préparation des motifs du recours, dont l'étendue a déjà été déterminée (règle 64(b) CBE). La thèse ci-dessus est en contradiction avec la décision déjà citée de la Grande Chambre, qui a considéré comme essentiel l'enchaînement des délais de l'article 108 CBE, lequel exige dans le délai de quatre mois un exposé des motifs du "recours", c'est-à-dire de ce qui a été requis dans le délai précédent de deux mois.

Les décisions T 7/81, T 32/81, T 1/88 et T 85/88 sont antérieures à la décision de la Grande Chambre et ne correspondent pas à la présente affaire, car l'acte de recours dans chacun des cas correspondant à ces décisions montrait clairement les intentions de la requérante. Il en est de même avec la décision T 932/94, celle-ci postérieure. Dans la décision T 194/90, en l'absence de requête précise, c'est la dernière requête devant la première instance qui a été considérée. Ceci ne correspond pas au cas présent, dans lequel rien ne permettait de déceler les vraies intentions de la requérante.

b) Sur le fond :

A la page 4, colonne de gauche, du document D6, la première phrase du dernier paragraphe, qui concerne la figure 12 de ce document, indique clairement que cette figure est un schéma de l'installation correspondant au procédé décrit dans le paragraphe précédent. Dès lors, il convient de comprendre le sens technique de l'ensemble de ces deux paragraphes en les comparant à la figure 12. Le but de cette installation est de pouvoir répondre aux demandes variables d'oxygène, cette demande étant forte durant les jours de travail et faible les nuits et week-ends. Il y a donc production variable d'oxygène à la sortie de l'installation et lorsque le paragraphe concernant la troisième méthode indique que l'installation de séparation d'air fournit un débit moyen constant d'oxygène, il s'agit évidemment de la production de la double colonne elle-même. Ceci est confirmé par le fait que la phrase qui suit spécifie qu'en cas de faibles demandes d'oxygène, l'oxygène produit en excès est stockée sous forme liquide. Il s'agit donc d'un procédé à bascule avec stockage d'oxygène et d'air sous forme liquide dans des réservoirs distincts. Comme la production d'oxygène de la double colonne, lui aussi, doit être constant, il en résulte que le débit d'air fourni à la double colonne doit être constant. Comme la requérante l'a souligné, la figure 2 ne montre aucun moyen de liquéfaction de l'oxygène en excès en vue de son stockage, mais, contrairement à son point de vue, la phrase de D6, qui indique que cette liquéfaction s'effectue par évaporation d'air soutiré du réservoir d'air liquide, n'est pas en désaccord avec le schéma de cette figure. Si de l'air est soutiré du réservoir d'air liquide pour permettre cette liquéfaction, cet air ne peut qu'alimenter la double colonne, où donc cette liquéfaction s'effectue. Lorsque les demandes d'oxygène sont élevées, l'excès d'oxygène requis est fourni en faisant appel à l'oxygène liquide stocké, mais ceci implique aussi plus d'air pour évaporer cet oxygène liquide. La seule possibilité est un approvisionnement supplémentaire en air, c'est-à-dire une quantité additionnelle d'air compressé. Le procédé revendiqué est donc antériorisé par ce document.

L'utilisation de plaques de guidage devant les aubes d'un compresseur en vue de varier le débit d'air est une méthode bien connue, cf. le document D2. Quant aux caractéristiques nouvelles de la deuxième requête auxiliaire, elles font partie des connaissances générales de l'homme du métier dans ce domaine. Celui-ci sait que l'utilisation d'un compresseur additionnel en sortie de l'installation de production d'oxygène est très dangereux à cause des risques d'explosion, et il cherchera donc à plutôt choisir la solution d'un compresseur interne à l'installation. L'antériorité D12 lui suggère, alors, la solution revendiquée.

VI. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base des revendications 1 à 5 présentées comme requête principale durant la procédure orale ou sur la base des revendications 1 à 5 ou 1 à 3 présentées aussi durant la procédure orale comme première et deuxième requêtes auxiliaires.

L'intimée demande le rejet du recours comme irrecevable, par voie auxiliaire la saisie en cours d'instance de la Grande Chambre de recours sur les deux questions formulées dans sa lettre du 23 octobre 1996 et par voie de deuxième requête auxiliaire le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Recevabilité du recours

1.1. La règle 65(1) CBE dispose que le recours doit être rejeté comme irrecevable s'il n'est pas conforme aux exigences des articles 106 à 108 et à celles de la règle 1(1) et 64(b) CBE. Dans la présente affaire, ce sont les exigences de la règle 64(b) CBE qui sont pertinentes. Cette règle stipule que l'acte de recours doit comporter une requête identifiant la décision attaquée et indiquant la mesure dans laquelle sa modification ou sa révocation est demandée.

1.2. En l'espèce, une requête formelle indiquant la mesure dans laquelle la requérante demande une modification de la décision attaquée fait défaut dans l'acte de recours. On pourrait en conclure que les conditions de la règle 65(1) CBE sont remplies et que, par suite, la requête principale de l'intimée, à savoir le rejet du recours pour cette raison, est bien-fondée.

1.3. Toutefois, les chambres de recours ont, dans une jurisprudence uniforme et constante, interprété les dispositions de la règle 65(1) CBE en ce qu'en l'absence d'une requête formulant explicitement l'étendue du recours, l'ensemble des actes de la procédure doit être analysé. Lorsque le recours est formé contre la décision même - ici la révocation du brevet -, il peut être supposé a priori que la requérante maintient en l'espèce la requête même sur laquelle la décision attaquée s'est fondée (T 32/81, JO OEB 1982, 225 ; T 7/81, JO OEB 1983, 98. ; T 1/88 ; T 85/88 ; T 194/90 ; T 632/91 ; T 631/91 ; T 727/91 ; T 273/92 ; T 932/93 ; T 308/97).

La Chambre ne peut que partager l'affirmation de l'intimée selon laquelle l'interprétation de la règle 64(b) CBE par les chambres de recours, référencée (A) par l'intimée dans ses arguments (voir le point VI (a) ci-dessus), a abouti au résultat que la simple indication qu'un recours est formé a pour conséquence, en l'absence de toute requête précise, la conclusion au maintien implicite de la requête qui était à la base de la décision attaquée, ce qui, dans le cas d'espèce, était la requête en maintien du brevet tel que modifié devant la première instance.

Cette jurisprudence des chambres de recours et la conclusion qu'en tire la Chambre répondent de ce fait à la première question que l'intimée désirait poser à la Grande Chambre de recours.

1.4. Pour ce qui est de la deuxième question ou requête en saisine de la Grande Chambre, la présente Chambre signale que les motifs de recours présentés par le requérant ne doivent pas nécessairement inclure une critique de la décision de la première instance, pour autant que des requêtes sont présentées avec de nouvelles revendications vis-à-vis desquelles le fondement juridique de la décision contestée n'est plus pertinent.

1.5. Quant à la deuxième affirmation référencée (B) par l'intimée dans le passage de ses arguments au point VI(a) déjà mentionné ci-dessus (cf. 1.3) et selon laquelle la requérante peut "à tout moment" apporter des modifications à cette requête, "dès lors que ces modifications restreignent la protection demandée", la Chambre se voit obligée d'y apporter quelques clarifications et corrections.

La situation visée par l'intimée est celle où le requérant est le titulaire du brevet. Il est correct qu'au cours de la procédure de recours, le requérant peut certes modifier sa requête, mais non pas à tout moment. L'attention de l'intimée est attirée sur la jurisprudence des chambres de recours concernant les requêtes tardives et l'abus de la procédure.

1.6. En ce qui concerne la substance de la modification, la jurisprudence prépondérante des chambres de recours, contrairement aux prétentions de l'intimée, autorise le breveté, au cours de la procédure de recours, à étendre les revendications par rapport à la version défendue en première instance, pour autant qu'une renonciation explicite à certaines parties de l'invention dans une phase antérieure de la procédure ne puisse pas être constatée. Les seules limites à cette extension sont celles définies par l'article 123(3) CBE selon lequel, au cours de la procédure d'opposition, les revendications ne peuvent être modifiées de façon à étendre la protection.

Une extension des revendications au cours de la procédure de recours, a priori recevable, doit cependant satisfaire les exigences du droit procédural et du droit matériel pour être admissible.

1.7. Nulle part dans la Convention, il n'a été affirmé que le breveté en tant que requérant ne peut pas étendre les revendications par rapport à la version présentée en première instance. Il est vrai que la procédure de recours ne constitue pas un prolongement de la procédure d'opposition et que la finalité de la procédure de recours inter partes est principalement d'offrir à la partie déboutée la possibilité de contester le bien-fondé de la décision de la division d'opposition (voir la décision G 9/91, point 18, JO OEB 1993, 408 (419)). Toutefois, on ne doit pas séparer cette constatation de son contexte puisque la phrase suivant le point ci-dessus de cette décision se réfère aux motifs d'opposition sur lesquels la décision de la division d'opposition ne s'est pas fondée. Il en découle qu'en principe, il ne peut être considéré comme recevable d'introduire, au niveau du recours, de nouveaux motifs d'opposition, à moins que le breveté ne l'accepte (point 18 de la décision citée). Par contre, dans cette décision on ne trouve aucune déclaration quant à la possibilité d'étendre des revendications.

1.8. C'est aussi à tort que l'intimée s'appuie sur la décision G 9/92, JO OEB 1994, page 875 concernant l'interdiction d'aggraver le sort du requérant au regard des requêtes de la partie non requérante dépassant le cadre de l'acte de recours (interdiction de la reformatio in peius). En particulier, l'intimée en se référant à l'interprétation de la règle 65(1) CBE par la Grande Chambre au point 10 de l'exposé des motifs, selon laquelle "la seule interprétation qui puisse être donnée de cette règle est que les requêtes présentées hors délai et dépassant le cadre de la requête initiale (règle 64(b) CBE) ne sont pas recevables." allègue que cette interprétation s'applique au requérant. Que la Chambre ne puisse suivre cette allégation résulte clairement de la solution du problème posé à la Grande Chambre et du contexte de sa décision. Déjà la phrase suivant celle citée démontre que l'interprétation de la règle 65(1) par la Grande Chambre ne peut que se référer à l'intimée puisqu'elle énonce que la CBE ne prévoit pas la possibilité pour l'intimée de former un recours incident au sens d'un recours formé après l'expiration du délai de recours.

La même conclusion ressort de la version anglaise du passage particulier de la décision G 9/92 sur lequel l'intimée s'appuie, bien qu'il s'agisse là d'une traduction. Ce passage s'énonce comme suit :

"Thus requests by non-appealing parties to the appeal proceedings which are filed after this time limit expires, and which go beyond the appellant's original appeal request pursuant to Rule 64(b) EPC, are not admissible."

Dans la version anglaise les parties non requérantes sont ainsi expressément visées.

1.9. De même, la référence de l'intimée au point 7 de l'exposé des motifs de la décision ci-dessus de la Grande Chambre relatifs aux effets contraignants qui découlent de la requête initiale du requérant pour la suite de la procédure ne mène pas plus loin. Puisque la CBE, comme le relève la Grande Chambre au point 7 in fine de sa décision, ne contient aucune disposition impliquant que la décision rendue par une Chambre de recours ne peut aggraver le sort du requérant par rapport à la décision contestée, la Grande Chambre s'est dès lors efforcée de résoudre cette question de la reformatio in peius en raisonnant sur la base des effets contraignants qui découlent de la requête initiale du requérant. C'est sur cette base qu'il a été décidé que la requête du requérant délimite le cadre du recours, cadre qui ne doit pas être dépassé ni par la partie adverse, ni par l'Office.

Cette décision aboutit au même résultat que l'interdiction de la reformatio in peius, à savoir que le requérant ne peut jamais être mis dans une position pire que celle obtenue par la décision contestée par le recours.

1.10. Il faut comprendre de la même façon le point 1 des motifs de cette décision, selon lequel la requête introduisant la procédure de recours détermine l'étendue du recours, ce qui inclut implicitement que ce n'est pas l'intimée qui détermine cette étendue. Dans le contexte de la décision ceci ne peut pas non plus être interprété en ce sens qu'il est défendu au requérant de modifier sa requête initiale au cours de la procédure. Ceci découle aussi du principe suivant lequel le juge ne doit pas statuer au-delà d'une requête (ne ultra petita), comme l'a énoncé la Grande Chambre.

1.11. En conclusion, la Chambre considère que la saisine de la Grande Chambre pour l'interprétation de la décision G 9/92 n'est pas justifiée et que les conditions de recevabilité du recours sont remplies. Ceci répond à la troisième question de droit posée par l'intimée au cours de la procédure.

2. Revendication 1 selon la requête principale

2.1. Le document D6, bien que se référant à une application d'installations de combustion magnétohydrodynamiques est entièrement consacré à des méthodes pour optimiser au mieux des installations de séparation d'air destinées à produire de l'oxygène. Il s'adresse donc avant tout aux spécialistes de la distillation d'air, qui voient bien que l'enseignement de ce document va bien au-delà de l'application mentionnée et peut s'appliquer à tout procédé de séparation d'air, quelle que soit l'utilisation particulière qui est faite ensuite de l'oxygène produit (cf. D6, page 3, lignes 32-34 de la colonne de gauche).

2.2. Dans la dernière partie de ce document, en page 4, un chapitre, commençant à la colonne de gauche avec le titre "Peaking operation", expose diverses méthodes pour réduire la consommation d'énergie d'une installation de séparation d'air en période de consommation élevée d'électricité ("heures pleines"). Ces méthodes sont basées sur un écrêtement ("Peak shaving") de la consommation électrique durant les périodes de demande élevée d'oxygène, qui en général correspondent à des heures pleines, et, pour ce faire, elles utilisent durant ces périodes de l'oxygène d'appoint qui auparavant, durant les heures creuses, a été produit en excès et stocké sous forme liquide (1ère méthode) ou encore comprimé (seconde méthode).

Les deux parties impliquées dans le présent recours ont interprété de façon différente les quatrième et cinquième paragraphes de ce chapitre. Le quatrième paragraphe se réfère à une dite "troisième méthode" et au diagramme de consommation d'oxygène de la figure 11 de ce document, tandis que le cinquième paragraphe explique le schéma de l'installation de séparation d'air de la figure 12 du document. Selon le début du quatrième paragraphe, la troisième méthode est basée sur un stockage alterné d'oxygène et d'air sous forme liquide dans deux réservoirs distincts.

2.3. Selon la requérante, ces quatrième et cinquième paragraphes ne concordent pas entre eux et, donc, ne concernent pas la même méthode, essentiellement à cause d'une phrase du quatrième paragraphe qui indique que l'oxygène produit en excès durant les heures creuses est liquéfié par évaporation d'air liquide soutiré du réservoir correspondant. Or, d'après elle, le schéma de la figure 12 ne montrerait aucun moyen de liquéfaction correspondant, ce qui prouverait que ce schéma ne peut s'appliquer à ce qui est exposé dans le quatrième paragraphe.

Durant la procédure orale, elle a produit un croquis qui, à son avis, correspondrait à la troisième méthode décrite dans le seul quatrième paragraphe. Sur ce schéma, deux réservoirs d'oxygène et d'air liquide sont placés en dérivation avec le réservoir d'air liquide en dérivation de la ligne principale d'alimentation en air, tandis que le réservoir d'oxygène liquide est disposé en dérivation de la ligne de production d'oxygène gazeux ; à chaque réservoir est associé un échangeur thermique, qui est traversé par la ligne de dérivation de ce réservoir et par la ligne de soutirage en liquide de l'autre réservoir. En cas de faibles demandes d'oxygène, l'oxygène produit en excès par la double colonne passe dans la ligne dérivée d'oxygène, traverse l'échangeur thermique pour être liquéfié par vaporisation d'air liquide provenant de la réserve d'air liquide et finalement s'accumule dans le réservoir d'oxygène liquide. En cas de fortes demandes, les rôles sont inversés entre l'air et l'oxygène, l'oxygène liquide stocké servant d'appoint au débit d'oxygène produit par la double colonne. Durant les périodes de fortes demandes d'oxygène, de l'air doit donc être prélevé de la ligne principale d'alimentation en air de la double colonne pour assurer la vaporisation de l'oxygène liquide et le débit d'air fourni à la double colonne n'est, par conséquent, pas constant dans une installation correspondant au croquis présenté.

2.4. La Chambre ne peut suivre cette interprétation du document D6, faite par la requérante, pour les raisons suivantes :

a) La phrase introductive du cinquième paragraphe indique que la figure 12 montre le schéma de l'installation de séparation d'air en combinaison à la fois avec le réservoir d'oxygène, le réservoir d'air liquide et le condenseur-évaporateur pour l'oxygène. La présence de l'article défini appliqué à l'installation et la mention des deux réservoirs établissent par suite un lien avec le paragraphe précédent, qui ne peut être ignoré.

b) Dans le quatrième paragraphe, il est de plus enseigné que l'installation de séparation d'air fournit un débit constant d'oxygène qui correspond à la moyenne arithmétique de la demande d'oxygène sur une durée d'une semaine. Il est clair que ce débit ne peut être celui de l'oxygène à la sortie de l'installation complète, puisque tout le but de ce chapitre est d'adapter à la demande le débit d'oxygène produit. La seule interprétation possible est que c'est à la sortie de la double colonne que le débit d'oxygène est constant. Par suite, le débit d'air alimentant cette colonne doit lui aussi être constant, contrairement au procédé exposé par la requérante. La phrase de la colonne de droite de la même page de ce document à laquelle s'est référée la requérante, signifie simplement que la moyenne arithmétique ci-dessus peut être modifiée ; il s'agit donc simplement d'une possibilité, qui s'ajoute à l'enseignement précédent des quatrième et cinquième paragraphes de la colonne de gauche. En déduire que l'auteur du document désire un marche irrégulière de la double colonne semble excessif.

2.5. Dès lors, l'homme du métier, qui lit ces deux paragraphes en liaison l'un avec l'autre et cherche à les interpréter à la lumière du schéma de la figure 12, aboutit à un procédé entièrement différent de celui présenté par la requérante. A partir de la figure 12, il sait que la seule ligne de soutirage d'air liquide partant du réservoir d'air est une ligne qui aboutit à la double colonne. Si, en plus, comme signalé dans la phrase litigieuse de la quatrième colonne, l'oxygène produit en excès est liquéfié par évaporation d'air liquide provenant du stockage, la combinaison de ces deux informations ne peut qu'amener l'homme du métier, qui sait qu'une colonne de distillation n'est autre qu'une colonne de liquéfaction de l'oxygène, à en déduire que l'étape enseignée par la phrase litigieuse s'effectue dans la double colonne du schéma de la figure 12. Le procédé dans son ensemble se déduit ensuite selon une voie logique unique, et l'homme du métier aboutit au procédé tel que décrit par l'intimée (voir le point VI-b) et correspondant à celui de la revendication 1 du brevet en cause.

2.6. Le procédé selon la revendication 1 de la requête principale ne satisfait donc pas à l'exigence de nouveauté des articles 52 et 54 CBE.

Première requête auxiliaire

3. Le procédé de la revendication 1 selon cette requête est identique à celui de la requête principale mais il inclut en plus un mode particulier de réglage de la variation de débit total d'air à traiter. Selon les termes de la revendication, ce réglage s'effectuerait au moyen des aubages variables du compresseur, ce qui - selon l'intimée qui n'a pas été contredite par la requérante - signifierait plus exactement un réglage de vannes du stator situées devant lesdits aubages du rotor.

3.1. De tels moyens, bien que cités pour un autre but, à savoir pour réduire la consommation énergétique du compresseur, sont déjà connus en soi du document D6, page 2, cinquième paragraphe de la colonne de droite.

Par ailleurs, le document D2, qui est un manuel technique sur les procédés et installation crygéniques et représente donc les connaissances générales de l'homme du métier dans ce domaine technique, divulgue dans son chapitre 91, relatif aux compresseurs, l'utilisation - dans des installations de séparation d'air - de moyens réglables à l'entrée du compresseur pour modifier la quantité d'air totale compressée (paragraphe chevauchant les pages 453 et 454).

3.2. Quand de tels moyens permettent de régler le débit d'air recherché, tout en réduisant la consommation énergétique du compresseur, leur choix s'impose à l'évidence à l'homme du métier. La caractéristique additionnelle de la revendication 1 selon la première requête auxiliaire ne peut donc impliquer une activité inventive (articles 52 et 56 CBE).

Deuxième requête auxiliaire

4. La revendication 1 selon cette requête concerne le procédé selon la requête principale, toutefois dans le cadre d'une utilisation pour la production d'oxygène sous pression. Seul, le courant variable d'oxygène liquide provenant de la réserve d'oxygène est compressé, ce qui évite d'avoir à prévoir un réservoir d'oxygène résistant aux hautes pressions. Le débit variable d'air, destiné à vaporiser l'oxygène liquide surpressé, est lui aussi porté à une pression plus grande au moyen d'un compresseur particulier.

4.1. Dès lors que la partie variable d'oxygène est amenée à une pression supérieure, il est évident pour l'homme du métier qu'il est nécessaire de porter la partie variable d'air correspondante à une pression supérieure à la pression de vaporisation de l'oxygène afin de pouvoir effectuer la vaporisation de l'oxygène. La surpression de l'air telle que revendiquée est donc une conséquence logique de la mise à la pression désirée de production d'oxygène. Par suite, l'originalité du procédé selon la revendication 1 de cette requête réside essentiellement dans le choix du moyen de mise en pression de l'oxygène, à savoir par une compression à l'intérieur du procédé.

4.2. Le document D7, qui est un article exposant l'état en 1955 des connaissances de l'homme du métier sur la production d'oxygène sous pression, enseigne que les deux méthodes de production connues consistent soit à comprimer l'oxygène produite à la sortie de l'appareil de production, soit à le comprimer, sous sa forme liquide, à l'intérieur du cycle de production. La première méthode, qui s'applique à de l'oxygène gazeux, est dangereuse à cause des risques d'explosion, ce qui amène, dans certains cas, à préférer la méthode à compression intérieure (même si économiquement elle est connue comme moins avantageuse, cf. la conclusion du document D7).

La plus grande partie du document D7 a trait à la méthode à combustion intérieure et indique que, pour des raisons thermodynamiques (quantité supérieure de froid à récupérer par l'air entrant dans l'installation), une partie au moins de l'air entrant dans l'installation devra être comprimée à une pression supérieure à celle usuelle et qu'alors deux schémas possibles se présentent, soit comprimer l'air en deux étapes en fractionnant son débit, soit une compression en une seule étape, mais dans ce cas appliquée à la totalité de l'air introduit ; selon le choix effectué, un ou deux compresseurs d'air sont à prévoir (pages 32 et 33 de D7).

4.3. Si, donc, l'homme du métier veut transposer ces possibilités au schéma de procédé connu de la figure 12 de D6, dans lequel une seule ligne d'oxygène liquide est prévue, tout en décidant d'opter pour la compression intérieure qui est moins dangereuse, il est amené tout naturellement à comprimer l'air liquide à sa sortie du réservoir correspondant (un compresseur en amont du réservoir n'apporterait aucun avantage technique et obligerait à renforcer le réservoir) et, par suite, par simple considération logique (cf. 4.1 au-dessus) il est conduit à comprimer la partie variable correspondante d'air.

4.4. Un schéma sensiblement identique de compression d'oxygène était d'ailleurs déjà connu, comme montré par le document D12, dans lequel un procédé de séparation d'air pour la production d'oxygène est divulgué. Ce document confirme en colonne 2 le danger d'une compression "externe" - c'est-à-dire à la sortie de l'installation - de l'oxygène sous forme gazeuse, et il vise à obtenir un procédé plus sûr et plus efficace. L'air total à traiter est d'abord comprimé au moyen d'un compresseur principal, puis il est divisé en deux fractions, l'une alimentant la colonne MP de la double colonne et l'autre étant destinée à vaporiser l'oxygène liquide provenant de la double colonne. Le schéma général du circuit d'air selon la figure 12 de D6 - réservoirs exclus - se retrouve. Pour avoir de l'oxygène sous pression, l'oxygène liquide à sa sortie de la colonne BD est amenée à la pression désirée au moyen d'une pompe et traverse un condenseur - évaporateur, dans lequel il est vaporisé par la fraction d'air déjà mentionné, laquelle avait été préalablement surpressée au moyen d'un compresseur distinct du compresseur principal. Les caractéristiques particulières de la revendication 1 selon la deuxième requête auxiliaire se retrouvent donc dans cet art antérieur.

4.5. La requérante a tout d'abord contesté l'admissibilité de cet art antérieur D12 en raison de son introduction très tardive. Faisant usage de l'article 114(1) CBE, la Chambre a décidé néanmoins de l'introduire en raison de sa pertinence.

L'argument technique de la requérante, selon lequel dans D12 le compresseur auxiliaire d'air serait placé en amont de l'échangeur de chaleur et imposerait en conséquence une modification structurelle de l'échangeur de chaleur D6, n'est pas pertinent, car d'une part la position de ce compresseur auxiliaire n'est pas précisée dans la revendication 1 et, d'autre part, cette objection s'applique aussi à l'échangeur de chaleur correspondant à la figure 2 du présent brevet, qui représente le schéma du procédé pour la production d'oxygène sous pression.

4.6. Pour ces raisons, le procédé de la revendication 1 selon cette dernière requête auxiliaire n'implique pas d'activité inventive (articles 52 et 56 CBE).

5. Les revendications 1 de procédé de toutes les requêtes de la requérante n'étant pas admissibles, les autres revendications qui en dépendent suivent le même sort. Quant aux revendications d'installation, elles tombent d'elles-même en raison de l'article 113(2) CBE, qui dispose que l'OEB ne prend de décision sur le brevet européen que dans le texte proposé par le titulaire du brevet. Ces revendications, de plus, ne font que reprendre les caractéristiques des revendications de procédé, libellées toutefois sous une forme structurelle.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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